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Décisions | Assistance juridique

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AC/508/2024

DAAJ/63/2024 du 18.06.2024 sur AJC/1423/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/508/2024 DAAJ/63/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 18 JUIN 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

représentée par Me Cyril-Marc AMBERGER, avocat, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

 

contre la décision du 12 mars 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), née le ______ 1972 en Tunisie, de nationalité italienne, a épousé B______ le ______ 2021.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Le couple s'est séparé le 22 mai 2023, selon la recourante.

b. Le 20 février 2024, la recourante, agissant par l'intermédiaire de son conseil, a requis l'assistance juridique pour une "procédure de divorce et de mesures protectrices de l'union conjugale".

Sur la formule-type de l'assistance juridique, elle a déclaré exercer une profession à titre d'indépendante et être à la recherche d'un local pour une activité dans la restauration.

La recourante perçoit des subsides de l'Hospice général. En juillet 2022, selon les avis de taxation, les revenus annuels nets du couple, précisément du conjoint, ont été fixés entre 4'021 fr. (pour l'ICC) et 11'820 fr. (pour l'IFD). En octobre 2023, la taxation des époux au titre de l'ICC indiquait un déficit de 1'975 fr. dans l'exploitation par l'époux de "C______ SNC".

Selon la recourante, l'époux est opposé au principe du divorce.

c. La consultation du Registre du commerce de Genève révèle l'inscription de la recourante, depuis le ______ 2022, comme titulaire de l'entreprise individuelle D______, laquelle a pour but d'offrir des "prestations d'un service traiteur et repas pour mariages, anniversaires, banquets, réceptions, dîners de gala, repas d'entreprises; vente à l'emporter et livraison; transport".

B. Par décision du 12 mars 2024, notifiée le 14 mars 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée.

En substance, elle a considéré que la désignation d'un(e) avocat(e) pour les procédures de mesures protectrices de l'union conjugale ou de divorce sur requête commune n'était pas nécessaire, parce que la situation familiale de la recourante ne présentait aucune difficulté particulière, s'agissant d'un mariage sans enfant et de courte durée. La recourante s'exprimait en français, pouvait rédiger un courrier au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), seule ou avec l'aide d'un organisme à vocation sociale, afin d'expliquer sa situation matrimoniale et financière, sa volonté de se séparer de son conjoint, en demandant, le cas échéant, une pension alimentaire à fixer par le Tribunal, selon ses besoins et la capacité contributive de son époux.

Il en allait de même pour la procédure de divorce sur requête commune, en l'absence de "liquidation de régime particulier".

Au surplus, des formulaires-types en matière de séparation et de divorce sur requête commune étaient à disposition de la recourante sur le site internet du Pouvoir judiciaire.

C.  a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 25 mars 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut à l'annulation de la décision de la décision de la vice-présidente du Tribunal civil AC/508/2024 du 12 mars 2024 et à l'octroi de l'assistance juridique.

Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'Autorité de première instance pour décision dans le sens des considérants.

Elle produit une pièce nouvelle, soit une lettre du 21 mars 2024, et un courrier de son conseil du 13 octobre 2023.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et ses deux pièces nouvelles ne seront pas pris en considération. En tout état de cause, elles ne sont pas susceptibles de modifier l'issue du litige.

3.             La recourante invoque une constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC) en tant que l'Autorité de première instance a retenu son aptitude à entreprendre seule une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale.

Elle soutient ne pas disposer des capacités financières et juridiques pour "résoudre des questions de fait ou de droit d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale". Originaire du Maghreb, elle peinait à répondre aux demandes administratives les plus simples et ne disposait d'aucune infrastructure (ordinateur, imprimante) à cette fin. Elle ignorait pouvoir solliciter le divorce en Suisse et ce n'était qu'à la suite d'une consultation qu'elle en avait appris la possibilité. Lui refuser l'assistance juridique la priverait d'accéder à la justice. Par ailleurs, elle devait solliciter la protection de sa personnalité en raison des violences infligées par son époux. Un accord sur mesures protectrices de l'union conjugale n'était pas envisageable, en raison de la relation conflictuelle entre les époux.

Elle se prévaut également de la violation des art. 29 al. 2 et 3 Cst., 6 § 3 let. c CEDH et 14 al. 3 let. d du Pacte II de l'ONU, 117, 118 al. 1 let. c CPC et 3 al. 2 et 3 al. 3 RAJ, aux motifs que l'assistance juridique doit lui être accordée car elle en remplit les conditions, à savoir l'indigence, les chances de succès et la nécessité d'être assistée par un avocat, en particulier en raison de la rupture de la communication entre les époux, de son état de santé qui ne lui permettrait pas d'affronter les futures confrontations et de son incapacité à introduire valablement une procédure avec des conclusions en fixation d'une contribution d'entretien, attribution du logement et du mobilier ou partage des avoirs.

3.1.
3.1.1.
Selon l'art. 29 al. 3 Cst, toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l’assistance gratuite d’un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

En vertu de l'art. 117 CPC - qui concrétise les principes que le Tribunal fédéral a dégagés de l'art. 29 al. 3 Cst. (ATF 138 III 217 consid. 2.2.3) -, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b). Il s'agit de conditions cumulatives. L'art. 6 par. 1 CEDH n'accorde pas de droit plus étendu à l'assistance judiciaire dans un procès civil que n'en octroie la Constitution fédérale, en particulier l'art. 29 al. 3 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 5A_432/2023 du 5 octobre 2023 consid. 3.1.1 et la référence citée).

Selon la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque la situation juridique de celui-ci est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'indigent, il faut en outre que l'affaire présente des difficultés en fait et en droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 144 IV 299 consid. 2.1; 130 I 180 consid. 2.2; 128 I 225 consid. 2.5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_331/2021 du 7 septembre 2021 consid. 4.1, 4A_301/2020 4A_301/2020 du 6 août 2020 consid. 3.1 et les références citées).

L'assistance juridique ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes peuvent se charger à moindre frais (art. 4 al. 4 RAJ).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1, 133 III 614 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_27/2020 du 11 mai 2020 consid. 4.1).

3.1.2. La procédure qui régit les mesures protectrices de l'union conjugale est simple et peu formaliste : une lettre mentionnant les parties, l'objet du litige et les conclusions de la partie requérante est suffisante; il n'est pas nécessaire de présenter des allégués par numéros d'ordre, avec l'indication des moyens de preuve, ni même d'exposer une motivation juridique (sur les caractéristiques de cette procédure : Bohnet, in : Droit matrimonial, 2016, nos 2 ss ad art. 273 CPC). La maxime inquisitoire sociale prévue à l'art. 272 CPC doit permettre aux parties de procéder sans l'assistance d'un avocat et d'éviter les frais relatifs à l'intervention d'un homme de loi (Bohnet, op. cit., n° 6 ad art. 272 CPC); du reste, un formulaire spécifique est disponible sur le site du Département fédéral de justice et police (DFJP) - élaboré par l'Office fédéral de la justice (cf. art. 400 al. 2 CPC) -, ainsi que sur celui de divers cantons, dont celui de Genève (www.tribunauxcivils.ch; arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2).

Certes, le Tribunal fédéral considère que, même dans les litiges régis par la maxime précitée, le recours à un avocat d'office peut se révéler nécessaire, mais il faut alors que la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances tenant à la personne du requérant ou l'importance des intérêts en jeu l'exigent (ATF 122 III 392 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2 et les références citées).

3.1.3. La procédure ordinaire s'applique au divorce, lequel peut être requis par les époux (art. 112 CC) ou par l'un d'entre eux en cas d'opposition de l'autre conjoint, après une séparation de deux ans (art. 114 CC). Avant l'expiration de cette durée, un époux peut demander le divorce lorsque des motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC).

Selon l'art. 277, la maxime des débats s'applique à la procédure concernant le régime matrimonial et les contributions d'entretien après le divorce (al. 1). Dans le reste de la procédure, le tribunal établit les faits d'office (al. 3).

En particulier, le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC). La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leur propre thèse; il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1). 

3.2. En l'espèce, la recourante reproche à tort à l'Autorité de première instance une constatation manifestement inexacte des faits, car elle remet en cause uniquement l'appréciation de ceux-ci par la première instance.

Le grief tiré de la violation de l'art. 320 let. b CPC est, dès lors, infondé.

Ensuite, la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale que la recourante envisage d'introduire par-devant le Tribunal peut être menée sans le concours d'un avocat, ainsi que la vice-présidence du Tribunal l'a retenu avec raison, parce que la vie commune menée par les époux a été brève (mariage le ______ 2021 et séparation le 22 mai 2023), qu'aucun enfant n'est issu de cette union et que la situation financière des époux est très modeste, de sorte que la situation ne présente aucune difficulté, ni en fait, ni en droit.

Ensuite, la recourante s'exprime en français et ses aptitudes limitées (difficultés à répondre aux demandes administratives les plus simples et absence d'infrastructure bureautique) s'inscrivent en faux au regard de sa requête d'assistance juridique, dans laquelle elle a déclaré vouloir exercer une activité à titre indépendant dans la restauration, laquelle nécessite des qualifications, de l'organisation, de la gestion et de multiples démarches administratives et contractuelles à cette fin. Cela est d'autant plus vrai qu'elle exerce effectivement à titre indépendant dans ce domaine depuis le ______ 2022 et offre de nombreuses prestations (service traiteur, repas pour mariages, anniversaires, banquets, réceptions, dîners de gala, repas d'entreprises; vente à l'emporter et livraison; transport), ce qui suppose des capacités de gestion.

De plus, la recourante peut s'aider de formulaires spécifiques, disponibles sur le site internet du pouvoir judiciaire, relatifs à la séparation des époux (mesures protectrices, divorce), qu'il lui suffira de compléter et d'envoyer au Tribunal et de bénéficier ainsi d'un accès facilité à la justice.

Enfin, elle a également la possibilité de solliciter l'aide d'un organisme à vocation sociale pour être accompagnée dans sa démarche judiciaire.

C'est le lieu de rappeler que la procédure de mesures protectrices envisagée est simple, peu formaliste et soumise à la maxime inquisitoire sociale, en sorte à permettre à la recourante de s'adresser au Tribunal sans le concours d'un avocat. Elle sera en mesure d'expliquer seule, à une audience du Tribunal, les raisons pour lesquelles elle demande la séparation, l'attribution du domicile conjugal et du mobilier, une éventuelle contribution d'entretien, voire justifier des violences subies.

En l'état, une procédure de divorce est peu probable en raison de l'opposition de l'époux et de leur période de séparation inférieure à deux ans. Une liquidation du régime matrimonial paraît théorique, en raison de la situation financière modeste des parties et de la courte durée du mariage. Quant à un éventuel partage des prestations de sorties accumulées durant le mariage, le juge établira d'office les faits y relatifs, étant précisé que la recourante devra lui remettre tous les documents y relatifs.

Pour le surplus, la nomination d'un(e) avocat(e) n'a pas pour but de pallier à une structure bureautique dont le justiciable ne disposerait pas, car celui-ci peut aisément faire appel, outre l'organisme à vocation sociale sus indiqué, à des proches, des amis, des voisins ou des espaces de travail de "co-working" temporaires disponibles à cette fin.

Il résulte de ce qui précède que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas violé la loi en refusant d'octroyer l'assistance juridique à la recourante.

Pour le surplus, les violations des art. 14 al. 3 let. d du Pacte II de l’ONU et 6 al. 3 let. a CEDH ne sont pas établies, ce d'autant plus que ces dispositions ne sont pas applicables à une procédure civile.

Infondé, le recours, sera, dès lors, rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 25 mars 2024 par A______ contre la décision rendue le 12 mars 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/508/2024.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Cyril-Marc AMBERGER (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.