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Décisions | Chambre civile

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C/7267/2023

ACJC/1116/2025 du 22.08.2025 sur JTPI/7829/2025 ( SDF )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7267/2023 ACJC/1116/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 22 AOÛT 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2025, représentée par Me Magda KULIK, avocate, Kulik Hottelier, rue du Rhône 116, 1204 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Raphaël QUINODOZ, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3.

 


Attendu, EN FAIT, que, par jugement JTPI/7829/2025 du 24 juin 2025, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné A______ à verser en mains de son époux B______, par mois et d'avance, un montant de 18'000 fr. à compter du 1er octobre 2023 à titre de contribution à son entretien (ch. 19 du dispositif);

Que le couple a quatre enfants, C______, né le ______ 2005 (majeur et étudiant), D______, née le ______ 2008, E______, né le ______ 2011, et F______, née le ______ 2015; que la garde des mineurs a été octroyé à la mère, celle-ci s'engageant à prendre en charge l'entretien des quatre enfants, sauf lorsqu'ils se trouvent auprès de leur père;

Que A______ et B______, installés à Genève depuis octobre 2006, ont été mis au bénéfice de l'imposition d'après la dépense, dès l'année 2011;

Que A______ est propriétaire d'une importante fortune mobilière et immobilière; que le Tribunal a retenu qu'elle se trouvait à la tête d'une fortune s'élevant à plusieurs dizaines de millions de francs suisses, provenant notamment des héritages de son oncle et de son père; Qu'elle avait hérité en 2018, au décès de son oncle, d'un avoir successoral net de 50'488'171 fr., partiellement "illiquide" et dont une partie ne serait toujours pas partagée; qu'en 2020, elle avait déclaré à l'administration fiscale qu'elle détenait une fortune mobilière de 23'932'715 fr. et immobilière de 8'973'000 fr.; qu'en 2021, elle avait hérité de son père un montant de 76'078'618 fr., partiellement "illiquide", et dont une partie ne serait toujours pas partagée, qu'elle était propriétaire de nombreux biens immobiliers à travers le monde, équivalant à plusieurs millions de francs; qu'elle louait certains de ces biens immobilier et en percevait des revenus mais n'avait pas produit les pièces y relatives; qu'avant les héritages, elle possédait déjà une immense fortune, son compte bancaire auprès de [la banque] G______ faisant état d'un solde de 6'854'581 fr. au 31 décembre 2017;

Que le Tribunal a retenu que les époux s'étaient accordés, durant le mariage, pour que l'époux - lequel exerçait une activité de conseiller pour le family officer de la famille [de] A______ - cesse de travailler à la fin de l'année 2010, afin de leur permettre de bénéficier d'une imposition selon la dépense (forfait fiscal) et que, compte tenu de l'âge de l'époux (55 ans), et du fait qu'il ne semblait disposer d'aucune formation particulière, il n'était pas aisé pour lui de retrouver un emploi, de sorte que l'épouse ne pouvait exiger, à tout le moins sur mesures protectrices, qu'il exerce une activité lucrative; que le Tribunal n'a ainsi pas fixé de revenu hypothétique à B______;

Qu'il a appliqué la méthode du train de vie et a retenu que celui-ci, avant que l'épouse n'hérite de son oncle en 2018, puis de son père en 2021, s'élevait, sur la base des pièces produites, à 950'512 fr. par an pour le couple et leurs quatre enfants, de sorte que cette somme divisée entre chaque membre de la famille, à raison de deux parts par adulte et d'une part par enfant mineur, permettait d'estimer le train de vie respectif des époux à 19'800 fr. par mois;

Que, compte tenu de l'importante fortune de l'épouse et de la disproportion entre les fortunes respectives des époux (l'époux ayant déclaré en 2023 une fortune brute mobilière de 2'257'489 fr.), le Tribunal a considéré qu'il se justifiait d'exiger de l'épouse qu'elle entame sa fortune (ce qui était déjà le cas durant la vie commune) dans une plus large mesure que celle de l'époux (celui-ci devant également entamé la sienne dans une moindre mesure), pendant la durée des mesures protectrices, afin d'assurer le maintien du train de vie de l'époux, et a ainsi fixé la contribution mensuelle de l'entretien de ce dernier à 18'000 fr.;

Que, dans son appel formé le 28 juillet 2025, l'appelante a conclu à ce que la Cour ordonne la suspension du caractère exécutoire du chiffre 9 du dispositif du jugement précité;

Qu'elle a fait valoir à l'appui de cette conclusion que son époux disposait d'une fortune mobilière de 2'257'489 fr. (état au 31 décembre 2023), suffisante pour couvrir ses besoins, tandis que sa propre fortune, était en grande partie "illiquide", respectivement non encore partagée en raison de problèmes dans le cadre des successions dont elle était bénéficiaire; qu'il ne lui était pas possible de débloquer les montants fixés dans le jugement, sauf à devoir vendre ses biens immobiliers, ce qui était irréversible et lui causerait un préjudice difficilement réparable; qu'elle ne parvenait pas à obtenir de crédits pour obtenir suffisamment de liquidités pour payer ses factures les plus élémentaires, ni pour régler l'écolage des enfants qui s'élevait à 328'258 fr. au mois d'août 2025, et dont l'entretien était prioritaire à celui de l'époux; qu'au surplus son appel n'était pas dénué de chance de succès; qu'elle craignait, de surcroît, de ne pouvoir récupérer son argent en raison des agissements passés de son époux et du fait qu'il avait manifesté l'intention de s'établir au Brésil, ce qui rendrait plus compliqué de l'y rechercher pour récupérer l'indu; qu'elle venait de recevoir un courrier de son époux lui réclamant la somme de 397'500 fr. sous dix jours, étape préalable d'une mise aux poursuites qui serait susceptible de lui causer un préjudice non-négligeable et difficilement réparable; qu'à titre subsidiaire, elle sollicitait à tout le moins la suspension du caractère exécutoire concernant les arriérés de la contribution fixée;

Que B______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif; qu'il soutient que la part de son épouse dans la succession de son oncle a été chiffrée à 89'977'583 fr. et que l'inventaire établi suite au décès du père de cette dernière laisse apparaître un actif net successoral de 162'355'273 fr. 07, à partager entre elle et son frère; que son épouse détient des comptes bancaires en Suisse et dans le monde, tous crédités de plusieurs millions, de même que des comptes par l'intermédiaire de sociétés dont elle est actionnaire, lui procurant un rendement important; qu'elle est également propriétaire de très nombreux biens immobiliers en Suisse et à l'étranger, en son nom propre ou par l'intermédiaire de sociétés, lesquels lui procurent un rendement conséquent; qu'elle a assumé l'intégralité du train de vie de la famille durant la vie commune; que les dépenses annuelles des époux ressortant du compte-joint étaient de 3'048'025 fr. en 2020, de 4'199'978 fr. en 2021 et de 2'765'551 fr. en 2022, ce qui démontrait les ressources financières extrêmement importantes de l'intéressée, ses dépenses personnelles, par cartes de crédit et débits directs, s'élevant à plus de 85'000 fr. par mois, sans compter les dépenses opérés en cash, ce qui prouvait qu'elle disposait de liquidités;

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC), telles les mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 134 III 667 consid. 1.1);

Que toutefois, l'exécution des mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC);

Que saisie d'une demande d'effet suspensif au sens de l'art. 315 al. 5 CPC, l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);

Que l'autorité cantonale doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5);

Que, concernant le paiement d'une somme d'argent, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il appartient à la partie recourante de démontrer qu'à défaut d'effet suspensif, elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1);

Qu'en l'espèce, il ne ressort pas du dossier que le paiement des contributions fixées par le Tribunal exposerait l'appelante, qui est propriétaire d'une fortune mobilière et immobilière extrêmement importante, à d'importantes difficultés financières;

Qu'en particulier, elle ne démontre pas, comme elle le soutient, qu'elle serait contrainte de vendre des immeubles pour régler la contribution fixée; qu'aucun élément probant du dossier ne permet de le retenir; que le refus de l'obtention de prêts pour payer ses charges courantes n'est pas prouvé, étant précisé que la pièce D nouvelle, sans préjuger de sa recevabilité, établie par le family Officer de l'appelante, n'est, quoi qu'il en soit, pas suffisamment probante à cet égard;

Que l'appelante relève d'ailleurs, elle-même, au chiffre 8 de son appel qu'elle disposerait de la somme de 1'434'436 fr. 02 de liquidités pour payer ses factures courantes; que cette somme, à elle seule, paraît ainsi prima facie suffisante afin de régler la contribution fixée par le premier juge, même après paiement des frais allégués liés aux enfants, listés par l'appelante au chiffre 10 de son appel;

Que, par ailleurs, aucun élément concret du dossier ne permet de retenir que l'appelante ne pourrait pas obtenir le remboursement des sommes versées en trop à son époux, dans l'hypothèse où elle obtiendrait gain de cause à l'issue de la procédure d'appel; que même si celui-ci devait quitter la Suisse, ce qui n'est pas rendu vraisemblable, les difficultés liées à l'allongement d'une procédure à l'étranger et à son coût ne sont pas suffisantes pour retenir un préjudice difficilement réparable, ce d'autant plus qu'elle ne soutient pas que son époux serait indigent, au contraire;

Que, par ailleurs, la procédure devant la Cour devrait être d'une durée limitée;

Qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée;

Qu’il sera statué sur la question des frais relatifs à la présente décision dans l’arrêt au fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris :

Rejette la requête formée par A______ tendant à la suspension de l’effet exécutoire attaché au chiffre 9 du dispositif du jugement JTPI/7829/2025 rendu le 24 juin 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7267/2023.

Dit qu’il sera statué sur les frais dans l’arrêt au fond.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Madame
Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente ad interim :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.