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Décisions | Chambre civile

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C/14739/2023

ACJC/183/2024 du 13.02.2024 ( IUO ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14739/2023 ACJC/183/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 13 FEVRIER 2024

 

Entre

A______ EUROPE LIMITED, sise ______, Royaume-Uni, requérante, représentée par Me Benoît MERKT, avocat, LENZ & STAEHELIN, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (LU), cité.

 


EN FAIT

A. a. A______ EUROPE LIMITED (ci-après : A______ LTD) est une entreprise automobile dont le siège se trouve au Royaume-Uni.

Elle est contrôlée par la société-mère japonaise A______ CO. LTD, qui est titulaire de plusieurs marques internationales, également protégées en Suisse. Il s'agit de la marque figurative enregistrée sous la référence n° 1______ du système international des marques de Madrid et de celles "A______" enregistrées respectivement sous les références n° 2______, 3______ et 4______ dudit système (ci-après : les marques).

Les domaines de protection relatifs aux marques susmentionnées comprennent, notamment, les produits lubrifiants et graisses industrielles, les machines, machines-outils, ainsi que les moteurs et parties de moteurs, les véhicules à moteur, appareils de locomotion et divers accessoires pour véhicules à moteur et les services de réparation et d'entretien de ceux-ci.

Ces marques sont, en pratique, licenciées aux filiales du groupe, dont A______ LTD, qui gèrent leur utilisation et leur protection sur leur territoire respectif, en octroyant, cas échéant, des sous-licences à leurs partenaires contractuels.

A______ LTD dispose d'une succursale à Genève, inscrite au Registre du commerce sous la raison sociale A______ EUROPE LIMITED, C______, SUCCURSALE DE D______/GENÈVE, dont le but est d'importer et vendre, en Suisse et au Liechtenstein, tous les produits A______ LTD, commercialiser et distribuer ces produits, les pièces détachées et accessoires, ainsi que fournir des services connexes, y compris des services de garantie, gérer et développer son réseau de concessionnaires de vente, distribution et services sur les produits A______ LTD, pièces détachées et accessoires.

b. B______ exploite l'entreprise individuelle E______, B______, inscrite au Registre du commerce de Lucerne, qui est active dans la réparation de motos et de vélos.

c. A______ LTD a allégé que sa succursale genevoise avait conclu avec B______ un contrat de distributeur agréé autorisant celui-ci à vendre et réparer des motos de la marque A______.

A cet égard, elle a produit un contrat intitulé "Vertragshändler-Vertrag" (ci-après : le contrat), à teneur duquel B______ était autorisé à utiliser les marques dans toute sa correspondance, son matériel promotionnel et publicitaire, dans le but de mener à bien ses activités de distributeur agréé (art. 14.1).

En cas de résiliation du contrat, le distributeur devait cesser sans délai de vendre tous produits sous le nom de A______ et retirer de tous ses locaux (y compris son site internet) toute référence induisant qu'il était distributeur agréé A______ (art. 22.3 b et c). Ces obligations restaient en vigueur après la résiliation du contrat (art. 22.4).

Ce contrat était soumis au droit suisse et un for à Genève était prévu pour tous litiges survenant entre les parties au sujet ou en relation avec celui-ci (art. 31).

Ce contrat n'a pas été signé par les parties.

d. Par courrier du 21 décembre 2017, dont l'objet était "Kündigung A______ -Motorrad- und Roller-Vertretung", la succursale genevoise de A______ LTD a informé B______ de ce qu'elle résiliait le contrat pour le 31 mars 2018. Ainsi, à compter de cette date, le précité devait retirer tout le matériel publicitaire A______ LTD de son garage et s'abstenir d'utiliser les marques. Il pouvait encore acheter des pièces détachées durant une période de neuf mois après le 31 mars 2018.

e. Par courrier du 20 février 2023, la succursale genevoise de A______ LTD a indiqué à B______ avoir constaté qu'il utilisait encore les marques, alors qu'il n'était plus distributeur agréé. Elle l'a ainsi mis en demeure de cesser toute utilisation de celles-ci et de retirer l'enseigne A______ de la façade de son garage.

f. Par courrier du 2 mars 2023, B______ a répondu avoir installé ladite enseigne à ses frais, de sorte qu'il en était seul propriétaire.

g. Par courrier du 31 mars 2023, la succursale genevoise de A______ LTD a indiqué à B______ que l'installation d'une enseigne - dont les coûts étaient effectivement à sa charge conformément au contrat (art. 3.8) -, sur laquelle figuraient les marques, ne lui octroyait aucun droit d'utiliser celles-ci après la résiliation du contrat. Elle l'a ainsi, à nouveau, mis en demeure de respecter ses obligations découlant des art. 22.3 b et c du contrat.

h. Par courriel du même jour, B______ a répondu ne pas savoir à quel contrat les courriers de mise en demeure susvisés faisaient référence.

Il ressort de ce courriel que la signature électronique de son entreprise contient les marques.

i. Par courrier du 19 avril 2023, la succursale genevoise de A______ LTD a, à nouveau, expliqué à B______ le comportement qui lui était reproché, soit l'utilisation sans droit des marques sur la façade de son garage, son site internet et dans sa signature électronique, ainsi que les fondements juridiques et contractuels des droits qu'elle invoquait.

j. Par courriel du 20 avril 2023, B______ a répondu qu'il ignorait quel contrat avait été résilié.

B. a. Par requête expédiée le 11 juillet 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ LTD a conclu à ce qu'il soit ordonné à B______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de retirer, à ses frais, les marques de ses locaux, de son site internet et de sa correspondance, de cesser d'utiliser celles-ci, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement à des fins publicitaire, y compris sur une enseigne extérieure et un site internet, et d'apposer les marques sur des papiers d'affaires, notamment dans sa correspondance, y compris électronique, ou d'en faire usage de quelle qu'autre manière dans les affaires, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a fait valoir que B______ refusait d'honorer ses obligations post-contractuelles en continuant à utiliser les marques comme s'il était encore distributeur agréé, ce qu'il n'était plus depuis la résiliation du contrat. Il persistait à faire figurer les marques sur la façade extérieure de ses locaux, dans sa correspondance, ainsi que sur son site internet. Son comportement était déloyal au sens de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (ci-après : LCD; RS 241), contraire à la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance du 28 août 1992 (ci-après : LPM; RS 232.11) et contrevenait à ses engagements contractuels (art. 22.3 b et c du contrat).

A______ LTD a notamment produit des photos de la façade extérieure du garage de B______, ainsi que des captures d'écran du site internet de ce dernier.

b. Dans sa réponse, B______, comparant en personne, n'a pas formulé de conclusions.

Il n'a pas contesté les allégués de la demande selon lesquels l'enseigne A______ était encore installée sur la façade de son garage, ni que les marques figuraient sur son site internet et dans sa correspondance. Il a uniquement fait valoir que ladite enseigne avait été installée à ses frais, sur demande de A______ LTD, et qu'il n'avait jamais eu de contrat écrit avec celle-ci. Il a relevé ce qui suit : "une juridiction serait-elle vraiment à Genève?". Il a également allégué que les parties avaient eu une relation commerciale, sans aucun accord, et que la succursale genevoise de A______ LTD lui avait livré des pièces détachées jusqu'en 2020. En mai 2020, la précitée avait bloqué son accès à la plateforme informatique de commande.

A l'appui de ses allégués, il a notamment produit une facture de la succursale genevoise de A______ LTD pour la livraison de pièces en avril 2020 (pièce n° 2a), un courrier de celle-ci du 28 avril 2018 l'informant de ses résultats mensuels au concours des concessionnaires A______ ("Händlers-Contests") (n° 2c), ainsi qu'un courrier du ladite succursale du 17 mai 2017 lui indiquant ses objectifs de ventes du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 (n° 2d).

c. Dans sa réplique, A______ LTD a persisté dans ses conclusions et s'en est rapportée à justice quant à la recevabilité de la réponse susvisée, B______ ayant failli à son devoir d'allégation et de contestation.

Elle a allégué qu'après la résiliation du contrat, le droit de commander des pièces détachées directement auprès d'elle était prévu pour une période de neuf mois. Après cette période, l'accès à sa plateforme informatique, les commandes de pièces détachées et leur livraison, étaient des services à bien plaire de sa part. Ces commandes ultérieures constituaient des contrats séparés, sans "renaissance" du contrat, ni remise en cause de sa résiliation. En tous les cas, la livraison de pièces détachées n'était assortie d'aucun droit d'utiliser les marques.

d. Dans sa duplique, B______ a persisté à faire valoir que le contrat produit par sa partie adverse n'existait pas. Le blocage de son accès à la plateforme informatique de celle-ci ne valait pas résiliation. Il n'était plus concessionnaire agréé de A______ depuis 2007. Quelques années plus tard, il avait, à nouveau, été approvisionné par celle-ci. Il a également formulé des questions relatives au démontage de l'enseigne litigieuse (répartition des frais de démontage ou encore des éventuels dégâts sur le bâtiment).

A l'appui de ses allégués, il a notamment produit un courrier de la succursale genevoise de A______ LTD du 1er mars 2006, dont il ressort qu'il ne pouvait plus la représenter dès le 20 juin 2006 et qu'il devait ainsi retirer tout le matériel publicitaire contenant les marques de son garage (pièce n° 4).

e. Dans ses déterminations du 13 décembre 2023, A______ LTD s'en est également rapportée à justice quant à la recevabilité de cette duplique, au motif que B______ ne se prononçait pas sur l'objet du litige, à savoir son utilisation illicite des marques.

f. B______ et A______ LTD se sont déterminés respectivement les 27 et 28 décembre 2023. Le précité a notamment allégué, concernant l'enseigne litigieuse, qu'il s'agissait d'un "projet autonome commun", sans lien avec un contrat de distribution.

g. Par avis du greffe de la Cour du 16 janvier 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

h. B______ s'est encore déterminé le 29 janvier 2024.


 

EN DROIT

1. La Cour examine d'office sa compétence à raison du lieu et de la matière (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC).

1.1.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 CPC, la Chambre civile de la Cour (art. 120 al. 1 let. a LOJ) connaît en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle (let. a) ou relevant de la LCD lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (let. d).

La Cour est également compétente pour connaître des prétentions fondées sur un contrat, si le litige porte sur une seule prétention ayant plusieurs fondements, dont l'un au moins relève de l'instance cantonale unique, cette dernière peut être saisie pour l'intégralité de la prétention (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 5 ad art. 5 CPC; Stoudmann, Petit commentaire CPC, 2020, n° 25 ad art. 5 CPC).

1.1.2 En l'occurrence, la requérante fonde ses prétentions tant sur la LPM et la LCD que sur le contrat. A ce stade, il n'y a pas lieu de trancher la question de savoir si la valeur litigieuse de 30'000 fr. est atteinte en matière de concurrence déloyale, puisque l'économie de procédure commande, en raison du
cumul objectif d'actions présentant un lien étroit, d'admettre une compétence matérielle unique (
ACJC/694/2018 du 27 avril 2018 consid. 1.1; ACJC/731/2017 du 15 juin 2017 consid. 1.1; Berger, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n° 32 ad art. 5 CPC).

La compétence ratione materiae de la Cour est ainsi donnée.

1.2 La requérante ayant son siège à l'étranger, le présent litige est de nature internationale.

1.2.1 La compétence à raison du lieu au niveau international s'examine à la lumière de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après : CL), à laquelle la Suisse et le Royaume-Uni sont parties (art. 1 al. 2 LDIP).

L'art. 2 al. 1 CL prévoit que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat lié par la présente Convention sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat.

Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat lié par la Convention, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat lié par la Convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est notamment conclue par écrit (art. 23 al. 1 CL).

Lorsque des prétentions présentant un lien de connexité entre elles peuvent être élevées en Suisse contre un même défendeur, chaque tribunal suisse compétent pour connaître de l'une d'elles l'est pour l'ensemble (art. 8a al. 2 LDIP).

Aux termes de l'art. 18 CPC, sauf disposition contraire de la loi, le tribunal saisi est compétent lorsque le défendeur procède sans faire de réserve sur la compétence.

Selon la jurisprudence, l'acceptation tacite est la renonciation à un for légal opérée par actes concluants dans un procès déjà pendant; elle apparaît ainsi comme une forme particulière de prorogation de for. L'acceptation tacite a lieu par la manifestation sans ambiguïté de la volonté du défendeur de procéder sur le fond devant le tribunal saisi (ATF 87 I 131, in JdT 1961 I 581). Le défendeur accepte tacitement le for lorsque devant le juge incompétent saisi de la demande, il se comporte de telle manière qu'eu égard aux règles de la bonne foi l'invocation ultérieure de l'exception d'incompétence ne pourrait être approuvée (ATF
67 I 108). Seule importe la volonté du défendeur de procéder au fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_87/2011 consid. 3.1.1). Procède au fond celui qui a discuté au fond devant le juge saisi du litige sans soulever préalablement ou à tout le moins en même temps l'exception d'incompétence (ATF 104 Ia 144 consid. 3c).

1.2.2 En l'espèce, le cité ayant son domicile en Suisse, la compétence internationale des autorités suisses est donnée.

L'art. 31 du contrat produit par la requérante prévoit un for à Genève pour tout litige avec le cité en lien avec ce contrat. Comme relevé infra (cf. consid. 2.2.1), bien que ce contrat ne soit pas signé par les parties, il est suffisamment établi qu'il liait celles-ci. Dans la mesure où les prétentions de la requérante reposent sur un seul et même complexe de faits, le for contractuel à Genève s'étend également aux prétentions fondées sur la violation de la LPM et la LCD.

En tous les cas, même à admettre que le contrat ne liait pas les parties, le cité a accepté tacitement l'existence d'un for à Genève, dès lors qu'il a procédé au fond sans émettre de réserve. En effet, en se limitant à indiquer dans sa réponse, "une juridiction serait-elle vraiment à Genève?", le cité n'a pas valablement contesté la compétence des juridictions genevoises pour connaître de la présente procédure. Par ailleurs, dans ses écritures ultérieures, il ne s'est aucunement prononcé sur ladite compétence et a continué à procéder au fond.

La Cour est ainsi également compétente ratione loci.

1.3.1 Pour le surplus, la requête respecte les exigences de forme prévues aux art. 130 ss et 221 ss CPC, de sorte qu'elle est recevable.

1.4 La requérante fait valoir que la réponse et la duplique du cité ne respectent pas les exigences de forme prévues par le droit procédural.

1.4.1 La procédure ordinaire (art. 219 et ss CPC) est applicable en l'espèce (art. 243 al. 3 CPC a contrario). La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

La maxime des débats impose aux parties d'alléguer les faits et d'offrir les moyens de preuve propres à les établir, le juge ne pouvant pas suppléer ni suggérer des faits qu'une partie n'aurait pas allégués spontanément (arrêt du Tribunal fédéral 4A_312/2019 du 12 mai 2020 consid. 3.3).

En vertu de l'art. 221 al. 1 let. d CPC, respectivement de l'art. 222 al. 2 CPC, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur. Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2020 du 29 juillet 2020 consid. 5.3.1).

Lorsque la maxime des débats s'applique, le tribunal est lié par les faits allégués, comme par les faits non contestés par le défendeur (art. 150 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_146/2015 du 19 août 2015 consid. 4.3).

Savoir si et dans quelle mesure un fait est contesté relève de la constatation des faits, respectivement de l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 4.2.1). Les faits allégués peuvent être reconnus expressément ou tacitement. Concernant la charge de la contestation, chaque partie peut se borner à contester les faits allégués par l'autre, mais elle doit le faire de manière assez précise pour que cette dernière sache quels allégués sont contestés en particulier et qu'elle puisse en administrer la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2014 du 18 mai 2015 conisd. 2.2; Schweizer, Commentaire romand, CPC, 2019, n° 12 ad art. 150 CPC).

1.4.2 En l'occurrence, la réponse et la duplique du cité sont des courriers qui ne sont pas strictement conformes aux exigences de forme. Cela étant, ce dernier comparaît en personne, de sorte que ces exigences procédurales ne doivent pas être appliquées de manière stricte.

A la lecture desdites écritures, il est d'ailleurs aisé de comprendre quel fait allégué par la requérante est ou non contesté par le cité. En particulier, ce dernier a expressément contesté l'existence d'un contrat de distribution liant les parties jusqu'au 31 mars 2018. Par ailleurs, son argumentation soulevée à l'encontre de la requête est suffisamment compréhensible.

Dans ces circonstances, la réponse et la duplique du cité sont recevables. Les faits allégués par la requérante, qui sont précis et détaillés, qui n'ont toutefois pas été contestés, ni même discutés ou évoqués par le cité dans lesdites écritures, seront considérés comme admis et donc comme établis.

Les déterminations du cité déposées le 29 janvier 2024, soit après que la cause ait été gardée à juger par la Cour, ne sont en revanche pas recevables (ATF
142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 4.2.2), étant précisé que celles-ci ne sont pas déterminantes pour l'issue du litige.

2. La requérante reproche au cité d'utiliser sans droit les marques et ce, en violation de ses obligations post-contractuelles découlant des art. 22.3 b et c et 22.4 du contrat, de la LPM et de la LCD.

2.1.1 Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté (ATF 131 III 606 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3).

Il doit dans un premier temps s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (art. 18 al. 1 CO; interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 132 III 268 consid. 2.3.2). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 118 II 365 consid. 1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1) - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2).

2.1.2 A teneur de l'art. 13 al. 1 LPM, le droit à la marque confère au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer.

Le titulaire peut interdire à des tiers l'usage des signes dont la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM. Il peut interdire en particulier à des tiers d'apposer le signe concerné sur des produits ou des emballages (art. 13 al. 2 let. a LPM), de l'utiliser pour offrir des produits, les mettre dans le commerce ou les détenir à cette fin (let. b), pour offrir ou fournir des services (let. c) ou encore de l'apposer sur des papiers d'affaires, de l'utiliser à des fins publicitaires ou d'en faire usage de quelle qu'autre manière dans les affaires (let. e).

La notion d'offre ne concerne pas seulement les offres au sens juridique du terme, mais également les appels d'offres (prospectus, annonces, mise en vitrine, etc.). La simple volonté de satisfaire une demande sur le marché suffit donc, sans qu'une transaction commerciale effective ne doive nécessairement avoir lieu (Gilliéron, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n° 22 ad art. 13 LPM).

La marque sert à individualiser les produits d'une entreprise et à les distinguer des produits de la concurrence. D'autres fonctions économiques éventuelles ne jouissent pas d'une protection en soi : c'est le cas de la fonction publicitaire, de l'image de marque ou de la communication de certains faits au marché. Ces titulaires de marques ne peuvent donc prescrire aux détaillants ou à ceux qui offrent des prestations en rapport avec leurs produits la façon par laquelle ils doivent employer la marque ou quels types de publicité ils peuvent adopter. Le titulaire conserve néanmoins le droit exclusif à l'emploi de la marque dans la publicité qui sert à entretenir l'estime du public et la réputation de la marque, sans référence à un assortiment particulier de marchandises ou à des prestations concrètes. En outre, la publicité incluant la marque d'un tiers cessera si elle éveille l'impression erronée d'une relation spéciale entre celui qui fait la publicité et le titulaire de la marque. Cette tromperie est illicite, qu'on l'interprète comme l'affirmation inexacte d'avoir un droit sur la marque, violant ainsi la LPM, ou comme un comportement déloyal contraire à la LCD (ATF 128 III 146 consid. 2b, in Jdt 2002 I 495).

La personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque peut demander au juge civil de l'interdire si elle est imminente ou de la faire cesser si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. a et b LPM).

2.1.3 Selon l'art. 3 al. 1 let. d LCD, est déloyal le comportement de celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui. Est ainsi visé tout comportement au terme duquel le public est induit en erreur par la création d'un danger de confusion (ATF 127 III 33 consid. 2.b, in JdT 2001 I 340; arrêts du Tribunal fédéral 4A_168/2010 du 19 juillet 2010 consid. 5.1 et 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 5.2).

Sont notamment protégés les signes distinctifs au sens propre, dont la fonction s'épuise dans l'individualisation, comme les marques, raisons sociales, noms, noms de domaine, enseignes, acronymes, logos ou slogans (Kuonen, Commentaire romand, LCD, 2017, n° 15 ad art. 3 al. 1 let. d LCD).

Un risque de confusion relative à l'existence d'une relation entre les entreprises est reconnu, soit lorsque le public est amené à supposer qu'il existe entre des sociétés utilisant un signe un lien en réalité inexistant. Le lien faussement suggéré par le signe litigieux peut non seulement être économique, mais également juridique ou organisationnel. Tel est par exemple le cas si l'emploi d'un signe distinctif pour des produits ou des services suscite l'impression que l'entreprise qui les propose est au bénéfice d'une licence octroyée par le titulaire du signe distinctif ou appartient au même groupe de sociétés que celui-ci (Alberini, L'exploitation de la renommée de la marque d'autrui, 2015, p. 80 et ss).

Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général peut demander au juge de la faire cesser (art. 9 al. 1 let. b LCD).

2.1.4 Lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (art. 343 al. 1 let. a CPC)

Cette mesure relève de la contrainte indirecte, dont la finalité vise à briser la résistance du débiteur récalcitrant et à obtenir qu'il s'exécute. Elle n'a pas un caractère pénal, mais vise à faire pression sur la partie succombante (Jeandin, Commentaire romand, CPC, 2019, n° 11 ad art. 343 CPC).

2.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté que la requérante est titulaire des marques concernées, par le biais de licences octroyées par sa maison-mère. Il n'est pas non plus contesté que ces marques figurent actuellement sur la façade du garage du cité, sur son site internet, ainsi que dans sa signature électronique, ce qui ressort d'ailleurs des pièces produites.

En revanche, le cité a contesté l'existence du contrat de distribution produit par la requérante et, par conséquent, les obligations découlant des art. 22.3 b et c de celui-ci, à savoir, en cas de résiliation, la cessation d'utiliser les marques et le retrait du matériel publicitaire de la requérante de son garage.

Bien que ce contrat ne soit pas signé par les parties, il est suffisamment établi que celui-ci les liait jusqu'au 31 mars 2018. En effet, à teneur de la pièce n° 2d produite par le cité, celui-ci devait atteindre des objectifs de vente des produits de la requérante durant la période d'avril 2017 à mars 2018. Comme soutenu par la précitée, il est peu probable que le cité ait été soumis à un tel objectif, sans relation contractuelle entre les parties. En outre, la pièce n° 2c produite par le cité démontre qu'il était bien un distributeur agréé de la requérante (concessionnaire) jusqu'en mars 2018. En effet, comme soutenu par celle-ci, cette pièce étant datée du 28 avril 2018, elle concernait certainement les résultats de mars 2018 et non, de manière anticipée, ceux d'avril 2018.

A cela s'ajoute que la requérante n'aurait pas autorisé l'installation d'une enseigne ni fourni du matériel publicitaire au cité contenant les marques, si celui-ci n'était pas un de ses distributeurs agréés. En tous les cas, le cité a admis avoir été un distributeur agréé de la requérante jusqu'en 2007.

Or, il ressort des courriers de la requérante des 21 décembre 2017 et 1er mars 2006 (pièce n° 4) que le cité devait, en cas de résiliation d'un contrat de distribution, cesser d'utiliser les marques et retirer tout le matériel publicitaire de celle-ci de son garage. Le cité connaissait donc ses obligations à cet égard. Il n'a d'ailleurs pas contesté devoir retirer l'enseigne de ses locaux, ainsi que les marques figurant sur son site internet et dans sa signature électronique, à réception desdits courriers. Il savait donc que l'utilisation des marques était une prérogative réservée aux distributeurs agréés de la requérante, ce qu'il n'est plus.

Le fait que le cité a commandé des pièces détachées auprès de la requérante jusqu'en avril 2020 (pièce n° 2a) n'est pas déterminant. En effet, la précitée a allégué, sans être contredite, qu'après la résiliation d'un contrat de distribution, elle pouvait octroyer, à bien plaire, un accès prolongé à sa plateforme informatique et continuer de proposer certains services à un ancien distributeur, notamment l'approvisionnement de pièces détachées, sans que cela "redonne naissance" à l'ancien contrat les liant. La livraison de pièces détachées par la requérante jusqu'en avril 2020 n'a donc pas eu pour conséquence de conférer au cité un droit d'utiliser les marques, ni de prolonger sa qualité de distributeur agréé, ainsi que les prérogatives y afférentes, jusqu'à ce jour.

Il s'ensuit que le cité a continué à utiliser les marques de la requérante, sans fondement contractuel, que ce soit en violation du contrat produit par celle-ci ou d'un contrat de distribution antérieur.

La requérante est donc fondée à solliciter la cessation de l'usage des marques par le cité.

2.2.2 En tous les cas, même à admettre que les parties n'étaient pas liées par le contrat produit par la requérante, le comportement du cité contrevient à la LPM et à la LCD.

En effet, le cité a été autorisé à utiliser les marques de la requérante pour vendre des motos et offrir ses services d'entretien et de réparation des produits de celle-ci, soit des produits et services couverts par les marques. Or, il est admis que cette autorisation a pris fin, le cité ayant allégué n'entretenir actuellement aucune relation commerciale avec la requérante et ne plus être un distributeur agréé de celle-ci.

Le cité n'a d'ailleurs pas établi être actuellement au bénéfice d'un quelconque droit ou d'une licence lui permettant d'utiliser les marques à des fins publicitaires. En particulier, il n'a pas démontré qu'il existerait entre les parties un accord écrit ou verbal portant sur l'enseigne installée sur la façade de son garage. Il n'est d'ailleurs pas déterminant que cette enseigne ait été installée aux frais du cité. En effet, cela ne lui confère pas un droit de continuer à la faire figurer sur son garage, alors qu'il n'existe plus de relations commerciales/contractuelles entre les parties.

Malgré l'absence de telles relations, le cité persiste à utiliser les marques de la requérante, en les faisant figurer sur la façade de son garage, sur son site internet, ainsi que dans sa signature électronique. De cette manière, il continue à créer auprès du public l'impression fausse qu'il serait encore un distributeur, revendeur ou réparateur, agréé de la requérante ou qu'il existerait un lien spécifique entre les parties, ce qui n'est plus le cas à ce jour.

La requérante est ainsi fondée, également sur la base de la LPM et de la LCD, à requérir la cessation de l'usage des marques par le cité.

2.2.3 Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il sera fait droit aux conclusions de la requérante.

Il sera ainsi ordonné au cité de retirer, à ses frais, les marques enregistrées sous les références n° 1______, 2______, 3______ et 4______ du système international des marques de Madrid, de ses locaux, ainsi que sur son site internet et dans sa correspondance, de cesser d'utiliser celles-ci, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à des fins publicitaires, y compris sur une enseigne extérieure et un site internet, et de les apposer sur des papiers d'affaires, notamment dans sa correspondance, y compris électronique, ou d'en faire usage de quelle qu'autre manière dans les affaires.

Ces injonctions seront assorties de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, lequel prescrit que celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue à cet article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni d'une amende, afin d'en favoriser l'exécution. En effet, malgré les mises en demeure de la requérante, le cité ne s'est pas exécuté, alors qu'il ne pouvait pas ignorer qu'il utilisait lesdites marques sans fondement contractuel ou légal.

La Cour n'a pas à se prononcer sur les modalités relatives au démontage, à la récupération ou non de l'enseigne litigeuse par la requérante ou encore sur les éventuelles réparations de la façade du garage.

3. Les frais judiciaires seront arrêtés à 4'000 fr. (art. 17 RTFMC) et mis à la charge du cité, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par la requérante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Le cité sera ainsi condamné à verser 4'000 fr. à la requérante à titre de remboursement de l'avance de frais.

Le cité sera également condamné à verser à la requérante 4'500 fr. à titre de dépens, débours compris (art. 25 LaCC), sans TVA, le siège de la précitée étant à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016), compte tenu de la faible difficulté de la cause (art. 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 84 et 85 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

statuant en instance cantonale unique

A la forme :

Déclare recevable la requête déposée le 11 juillet 2023 par A______ EUROPE LIMITED contre B______.

Au fond :

Ordonne à B______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, lequel dispose que celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue à cet article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni d'une amende, de retirer, à ses frais, les marques enregistrées sous les références n° 1______, 2______, 3______ et 4______ du système international des marques de Madrid, de ses locaux, ainsi que de son site internet et dans sa correspondance.

Ordonne à B______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, lequel dispose que celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue à cet article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni d'une amende, de cesser d'utiliser les marques susvisées, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à des fins publicitaires, y compris sur une enseigne extérieure et un site internet, et de les apposer sur des papiers d'affaires, notamment dans sa correspondance, y compris électronique, ou d'en faire usage de quelle qu'autre manière dans les affaires.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 4'000 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance de frais de même montant effectuée par A______ EUROPE LIMITED, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 4'000 fr. à A______ EUROPE LIMITED à titre de remboursement des frais judiciaires.

Condamne B______ à verser 4'500 fr. à A______ EUROPE LIMITED à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.