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Décisions | Chambre civile

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C/1278/2021

ACJC/1426/2022 du 01.11.2022 sur JTPI/983/2022 ( OS ) , JUGE

Recours TF déposé le 02.12.2022, rendu le 18.08.2023, CONFIRME, 4D_62/2022
Normes : CPC.222.al2; CPC.247.al1; CC.8; CPC.128.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1278/2021 ACJC/1426/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 1ER NOVEMBRE 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______[VD], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 janvier 2022, intimée sur appel joint, comparant par Me Henri-Philippe SAMBUC, avocat, avenue du Lac 6, 1814 La Tour-de-Peilz (VD), en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SARL, sise ______[GE], intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Damien BLANC, avocat, place de l'Octroi 15, case postale 1007, 1227 Carouge (GE), en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/983/2022 du 25 janvier 2022, notifié à A______ SA le 31 janvier 2022 et à B______ SARL le lendemain, statuant par voie de procédure simplifiée, le Tribunal de première instance a débouté A______ SA de toutes ses prétentions à l'encontre de B______ SARL (ch. 1 du dispositif), laissé les frais judiciaires – arrêtés à 2'100 fr. – à la charge de A______ SA, compensé ces frais avec l'avance de frais de même montant fournie par cette dernière (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 1er mars 2022, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement elle conclut à la condamnation de B______ SARL à lui payer la somme de 13'913 fr. 15 plus intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 5 novembre 2019, à la condamnation de B______ SARL à une amende pour "procédé de mauvaise foi" et à la condamnation de B______ SARL en tous les frais judiciaires et dépens de première et de seconde instance.

b. Dans sa réponse, B______ SARL conclut au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Simultanément, elle forme un appel joint tendant à l'annulation du ch. 3 du dispositif du jugement entrepris et à ce que A______ SA soit condamnée à lui payer des dépens de première instance, avec suite de frais.

c. A______ SA a conclu au déboutement de B______ SARL de toutes ses conclusions sur appel joint.

Elle a simultanément répliqué, persistant dans les conclusions de son appel.

d. B______ SARL n'a pas répliqué sur appel joint, ni dupliqué sur appel principal.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 29 juin 2022.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA (ci-après : A______ ou l'appelante) est une société à C______ (VD), active dans la fabrication de gaines et d'accessoires de ventilation.

b. B______ SARL (ci-après : B______ ou l'intimée) est une société sise à E______ (GE), active dans l'installation et le nettoyage de tout système d'aération, de canalisation et d'extracteurs.

c. B______ et A______ ont entretenu des relations contractuelles dans le cadre de divers chantiers, donnant lieu à l'établissement par la seconde de plusieurs factures à l'intention de la première.

d. Par courrier du 1er septembre 2020, A______ a mis B______ en demeure de s'acquitter d'une somme totale de 13'913 fr. 15 avant le 11 septembre 2020. Elle a joint à son courrier une liste de vingt-deux factures datées du 12 avril 2019 au 27 février 2020, qui demeuraient selon elle impayées.

e. En réponse, B______ a adressé à A______ un courrier daté du 3 septembre 2020 lui réclamant le paiement d'une facture du 28 février 2018 d'un montant de 23'370 fr. 90 au titre d'un « mandat restaurant D______ SA ».

f. Par courrier de son conseil du 1er novembre 2020, A______ a contesté devoir quelconques sommes à B______, précisant qu'elle ne l'avait jamais mandatée à quelque fin que ce soit. Elle a réitéré sa mise en demeure de lui payer la somme de 13'913 fr. 15, avec intérêts.

B______ n'a pas répondu à ce courrier.

g. Par demande du 21 janvier 2021, déclarée non conciliée le 15 mars 2021 et portée devant le Tribunal le 29 mars 2021, A______ a sollicité la condamnation de B______ à lui payer la somme de 13'913 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 5 novembre 2019, avec suite de dépens.

A l'appui de sa demande, A______ exposait notamment avoir réclamé à B______ le paiement de plusieurs factures demeurées en souffrance. Elle renvoyait à ce propos à son courrier du 1er septembre 2020 et à la liste annexée à celui-ci, qui étaient produits en annexe. Elle alléguait également que "fabriquer du matériel livré à un tiers qui l'a[vait] commandé [était] un contrat d'entreprise" et que B______ n'avait jamais critiqué la qualité des produits qu'elle lui avait livrés, ni contesté les factures qu'elle lui avait présentées.

h. Devant le Tribunal, A______ a persisté dans ses conclusions. Son représentant a déclaré qu'il réclamait le paiement de ses interventions sur plusieurs chantiers.

Représentée par F______, associé gérant, B______, a déclaré qu'elle refusait de payer les sommes qui lui étaient réclamées, car la facture qu'elle avait elle-même envoyée à A______ SA en date du 28 février 2018 n'avait jamais été payée. Il s'agissait de l'installation d'un monobloc double flux chez un client de A______ SA. Elle avait facturé cette installation 23'370 fr. 90. Le monobloc avait été fourni par A______ SA, mais celle-ci ne disposait pas d'un installateur et avait donc fait appel à B______. Au surplus, F______ a déclaré qu'il ne savait pas sur quoi pouvaient porter les factures de A______, car B______ avait arrêté de travailler avec cette société.

i. Le Tribunal a imparti à A______ un délai pour motiver sa demande et produire toutes les pièces dont elle entendait se prévaloir.

j. Dans le délai imparti, A______ a notamment produit sous pièce 5 les vingt-deux factures dont la liste était annexée à sa mise en demeure du 1er septembre 2020, ainsi que les bons de commande correspondants.

Dans l'écriture accompagnant ces pièces, A______ a notamment allégué ce qui suit :

"9. Les factures listées sous pièce 5 du bordereau de la demanderesse sont produites avec leurs bons de commande liés.

10.    Le formulaire-type des bons de commande de la demanderesse est rempli de la main des employés ou du responsable de la défenderesse: F______ (prénom du gérant de la défenderesse M. F______, 15 fois), G______ (10 fois), H______ (3 fois) I______ (7 fois), J______ (2 fois), K______
(1 fois), s.e.o.o.

11.  Leur nom est indiqué soit sous la rubrique "L______", soit sous la rubrique "M______". La date de commande ainsi que celle de la demande de livraison sont indiquées par la défenderesse.

12.  Les factures correspondantes reprennent le nom du donneur d'ordre et du chantier."

A______ a persisté dans ses conclusions et sollicité à titre préalable qu'il soit ordonné à B______ de fournir les noms complets et adresses des personnes dont le prénom figurait ci-dessus.

k. Dans sa réponse écrite, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. A propos des allégués susvisés de A______, elle a indiqué qu'elle ne connaissait pas les bons de commande en question, que ceux-ci n'avaient pas été remplis par ses soins et qu'elle ignorait tout de ces documents. Au fond, elle a contesté qu'il soit prouvé qu'elle ait effectivement commandé le matériel facturé. En tout état, elle a déclaré compenser les prétentions de A______ avec sa propre créance de 23'370 fr. 90 contre celle-ci, créance au sujet de laquelle elle a produit diverses pièces.

l. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions. Elle a produit plusieurs factures et bons de commandes semblables aux factures litigieuses, établis au nom de B______ en 2019, ainsi que des relevés bancaires indiquant que B______ s'était acquittée des factures en question.

m. Lors de l'audience des débats d'instruction du 22 novembre 2021, B______ a indiqué qu'elle persistait à soulever l'exception de compensation et a sollicité l'audition d'un témoin à ce sujet. A______ a quant à elle renoncé à l'audition de témoins.

n. Par ordonnance du même jour, le Tribunal a ordonné l'audition des parties et celle du témoin cité par B______, auquel celle-ci a toutefois renoncé par courrier de son conseil du 13 janvier 2022.

o. A l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle A______ n'a comparu que par son conseil, les parties ont renoncé à leur audition. Le Tribunal a ordonné des plaidoiries finales et les parties ont persisté dans leurs conclusions. B______ a en outre déclaré retirer son exception de compensation.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'à aucun moment, A______ n'avait allégué qu'il y avait eu un contrat, soit un accord sur le prix, les commandes et les livraisons. Elle avait déposé une demande, une motivation et des factures avec bons de commande sans allégués correspondants, indiquant seulement qu'elle avait produit les factures ouvertes avec les bons de commande concernés. De son côté, B______ avait contesté les allégués de A______, sans plus de précisions. Ainsi, malgré trois occasions de présenter ses allégués, A______ avait échoué dans son fardeau de l'allégation. Les parties avaient de plus renoncé à toute administration de preuves par témoin, ainsi qu'à l'audition des parties ordonnée par le Tribunal. Il n'était donc pas possible de clarifier les faits, ni de combler les lacunes de l'allégation. On ne pouvait que constater que la demande était mal fondée, car même s'ils étaient admis, les seuls faits allégués par la demanderesse ne permettaient pas de conclure à l'existence d'un contrat de vente, ni à l'exécution d'un tel contrat par celle-ci.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et  311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance qui statue sur des prétentions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 91ss et 308
al. 2 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de l'appel joint, formé dans la réponse à l'appel (art. 313
al. 1 CPC) et admissible même pour la seule question des dépens (Message du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse, FF 2006 p. 6981).

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimée.

1.2 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique le droit d'office (art. 57 CPC).

1.3 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr., la procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 1 CPC).

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle avait failli dans son fardeau de l'allégation. Elle soutient que le premier juge n'a pas tenu compte non seulement de ses propres allégués, mais également de l'absence de contestation de l'intimée, voire de l'aveu de celle-ci, concernant les factures litigieuses, pour nier à tort l'existence de contrats passés entre les parties.

2.1 Selon la maxime des débats, applicable en procédure simplifiée (à l'exception des hypothèses prévues à l'art. 247 al. 2 CPC, qui n'entrent pas en considération in casu), les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produire les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC).

2.1.1 Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés pour que, d'une part, le défendeur puisse dire clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que, d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (cf. art. 150 al. 1 CPC) et ensuite appliquer la règle de droit matériel déterminante (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; 144 III 67 consid. 2.1).

2.1.1.1 Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure : dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la règle de droit matériel au cas particulier (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; 127 III 365 consid. 2b).

Ainsi, en ce qui concerne par exemple l'allégation d'une facture, il arrive que le demandeur allègue dans sa demande (voire dans sa réplique) le montant total de celle-ci et qu'il renvoie pour le détail à la pièce qu'il produit. Dans un tel cas, il faut examiner si la partie adverse et le tribunal obtiennent ainsi les informations qui leur sont nécessaires, au point que l'exigence de la reprise du détail de la facture dans l'allégué n'aurait pas de sens, ou si le renvoi est insuffisant parce que les informations figurant dans la pièce produite ne sont pas claires et complètes ou que ces informations doivent encore y être recherchées. Il ne suffit en effet pas que la pièce produite contienne, sous une forme ou sous une autre, lesdites informations. Leur accès doit être aisé et aucune marge d'interprétation ne doit subsister. Le renvoi figurant dans l'allégué doit désigner spécifiquement la pièce qui est visée et permettre de comprendre clairement quelle partie de celle-ci est considérée comme alléguée. L'accès aisé n'est assuré que lorsque la pièce en question est explicite (selbsterklärend) et qu'elle contient les informations nécessaires. Si tel n'est pas le cas, le renvoi ne peut être considéré comme suffisant que si la pièce produite est concrétisée et commentée dans l'allégué lui-même, de telle manière que les informations deviennent compréhensibles sans difficulté, sans avoir à être interprétées ou recherchées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_415/2021 du 18 mars 2022 consid. 5.4).

2.1.1.2 Les contestations doivent être suffisamment concrètes pour permettre de déterminer quelles sont les affirmations individuelles du demandeur qui sont contestées. La contestation doit être suffisamment concrète pour que la partie adverse sache quelle allégation de fait elle doit prouver (cf. art. 222 al. 2 CPC). Le degré de précision d'une allégation influe donc sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d'une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas. Il est nécessaire d'exprimer clairement que la véracité d'une affirmation précise et concrète de la partie adverse est remise en question (ATF 147 III 440 consid. 5.3; 144 III 519 consid. 5.2.2.3; 141 III 433 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_415/2021 précité consid. 5.3).

Ainsi, lorsque le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû en produisant une facture ou un compte détaillés, qui contient les informations nécessaires de manière explicite, on peut exiger du défendeur qu'il indique précisément les positions de la facture ou les articles du compte qu'il conteste, à défaut de quoi la facture ou le compte est censé admis et n'aura donc pas à être prouvé (cf. art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.3; 117 II 113 consid. 2).

2.1.2 Lorsque la procédure simplifiée est applicable, l'art. 247 al. 1 CPC atténue la portée de la maxime des débats en imposant au juge un devoir d'interpellation accru : il doit amener les parties, par des questions appropriées, à compléter les allégations insuffisantes et à désigner les moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2).

La procédure simplifiée ne dispense cependant pas les parties du devoir d'alléguer les faits, oralement ou par écrit, cas échéant avec l'aide du juge, du moins dans l'hypothèse générale de l'art. 247 al. 1 CPC. Le devoir d'interpellation du juge dépend des circonstances concrètes, notamment de la difficulté de la cause, du niveau de formation des parties et de leur représentation éventuelle par un mandataire professionnel. Ce devoir concerne avant tout les personnes non assistées et dépourvues de connaissances juridiques, tandis qu'il a une portée restreinte vis-à-vis des parties représentées par un avocat. Dans ce dernier cas, le juge doit faire preuve de retenue. Le devoir d'interpellation du juge ne doit pas servir à réparer des négligences procédurales (arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2013 précité consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, dans sa demande initiale, l'appelante a d'abord allégué avoir réclamé en vain à l'intimée le paiement de plusieurs factures, en se référant à sa mise en demeure du 1er septembre 2020 et au décompte annexé à celle-ci, documents qu'elle a spontanément produits. Un tel procédé était admissible à ce stade : compte tenu de la nature simplifiée de la procédure, on ne pouvait notamment exiger de l'appelante qu'elle détaille dans sa demande le contenu des vingt-deux factures dont elle sollicitait le paiement. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'appelante a par ailleurs d'emblée allégué que les parties s'étaient liées par un contrat, qu'elle a qualifié de contrat d'entreprise et dont découlaient selon elle les factures litigieuses. Ces allégations permettaient au Tribunal de connaître le fondement de la demande et à l'intimée de se déterminer en conséquence. En l'occurrence, devant le Tribunal, le représentant de l'intimée a excipé de compensation et indiqué qu'il ignorait au surplus sur quoi portaient les factures litigieuses. Compte tenu du caractère succinct des allégués de l'appelante, une telle contestation "en bloc" était également suffisante à ce stade et le Tribunal a correctement invité l'appelante, qui était représentée par un conseil, à motiver sa demande.

Avec son écriture subséquente, l'appelante a produit l'ensemble des factures litigieuses et des bons de commandes qui avaient donné lieu à celles-ci. Elle a allégué que ces bons de commande avaient été remplis par les employés ou par le responsable de l'intimée et a donné la liste des différents prénoms qui y figuraient, en observant que le prénom du responsable de l'intimée y était mentionné à quinze reprises. Elle a conclu préalablement à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de fournir les noms complets et adresses des personnes concernées. Dans sa réponse, l'intimée a pour sa part persisté à soutenir qu'elle ignorait tout des factures et bons de commandes susvisés, en contestant que ceux-ci aient été remplis par ses soins. Elle n'a cependant pas contesté que le prénom de son responsable apparaisse à quinze reprises sur les bons en question, ni soutenu que ceux-ci auraient été établis pour les besoins de la procédure par l'appelante. Elle n'a pas non plus contesté que l'appelante lui ait effectivement adressé les factures litigieuses, ni soutenu que celles-ci ne permettaient pas de comprendre le détail des prétentions invoquées, se contentant d'indiquer qu'en tout état, elle excipait de compensation. Dans ces conditions, compte tenu du caractère péremptoire et laconique des dénégations de l'intimée, le Tribunal ne pouvait pas retenir sans autre que l'appelante n'avait pas suffisamment allégué les faits à l'appui de ses prétentions. On ne voit notamment pas comment l'appelante aurait pu apporter davantage d'éléments à propos des commandes litigieuses, seul élément dont l'existence était concrètement contestée par l'intimée, sachant notamment que cette dernière s'opposait à donner de quelconques informations sur les noms et coordonnées de ses employés susceptibles de confirmer ou d'infirmer les allégués de l'appelante, si celle-ci les citait comme témoins. Au demeurant, dans sa réplique, l'appelante a encore allégué que l'intimée s'était acquittée de factures analogues en 2019, basées sur des commandes analogues, en produisant plusieurs pièces à ce sujet, faits que l'intimée a également contestés sans plus de précisions, et que le Tribunal a ignorés.

Ainsi, au vu du caractère limité des contestations de l'intimée, il faut admettre que les faits allégués par l'appelante, qui se référaient tant à l'existence d'une relation contractuelle qu'aux factures et bons de commande produits par celle-ci, étaient suffisamment motivés. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, qui permettent notamment de considérer une facture ou un décompte détaillé comme probants si la partie défenderesse n'en conteste pas précisément la teneur (cf. supra consid. 2.1.1.2 in fine), ces faits permettaient a priori de faire droit à la demande, à supposer qu'ils soient démontrés ou admis. C'est donc à tort que le Tribunal a retenu que l'appelante échouait dans le fardeau de l'allégation et il reste à examiner si les prétentions de celle-ci sont effectivement fondées, au vu des éléments du cas d'espèce.

3.             3.1 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

En l'absence d'une disposition spéciale instituant une présomption, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et détermine sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a).

La partie demanderesse doit ainsi prouver les faits qui fondent sa prétention, tandis que sa partie adverse doit prouver les faits qui entraînent l'extinction ou la perte du droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1). La partie qui se prévaut de la conclusion d'un contrat doit donc prouver au minimum que les parties se sont entendues sur les points objectivement essentiels du contrat (Morin, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 7 ad art. 2 CO).

L'obligation de payer le prix constitue un élément essentiel du contrat de vente (Venturi/Zen-Ruffinen, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 1 ad 211 CO) comme du contrat d'entreprise (Chaix, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 3 ad 363 CO).

3.2 En l'espèce, il est établi que les parties ont entretenu des relations contractuelles dans le cadre de divers chantiers, l'intimée ayant notamment reconnu avoir "travaillé" avec l'appelante par le passé. Il importe peu de déterminer si les relations des parties relevaient du contrat d'entreprise, comme le soutient l'appelante, ou du contrat de vente, comme l'a considéré le Tribunal, dès lors que les deux types de contrats sont nécessairement conclus à titre onéreux.

En l'occurrence, les prestations de l'appelante ont fait l'objet de plusieurs factures, au paiement desquelles l'intimée s'oppose au motif qu'elle n'aurait pas commandé les ouvrages ou les objets vendus concernés. L'intimée, qui ne conteste pas que lesdites factures lui ont été adressées, n'a cependant pas réagi à réception de celles-ci, ni n'a soulevé une telle objection lorsque l'appelante l'a mise en demeure de s'en acquitter. Elle a alors uniquement opposé en compensation une facture qu'elle avait précédemment adressée à l'intimée, en relation avec d'autres travaux. Dans ces conditions, il faut admettre avec l'appelante que les factures litigieuses et leur absence de contestation spécifique par l'intimée suffisent à établir que les montants facturés sont effectivement dus, conformément aux principes rappelés ci-dessus. Si l'intimée a certes déclaré devant le Tribunal qu'elle ignorait de quoi il s'agissait, elle ne l'a fait qu'après avoir exposé qu'elle refusait de s'acquitter des factures litigieuses parce que sa propre facture adressée à l'appelante demeurait impayée. Elle n'a par ailleurs pas contesté que le prénom de son responsable figure sur une quinzaine de bons de commande produits par l'appelante. A aucun moment, elle n'a soutenu que les objets concernés par les factures ne lui auraient pas été livrés, ni contesté la quotité des montants facturés. Les factures analogues et autres documents produits par l'appelante indiquent également qu'il était conforme à l'usage convenu entre les parties que l'intimée remplisse un bon de commande pour toute prestation de l'appelante, et qu'elle s'est encore acquittée de factures correspondantes en 2019, ce qui contredit ses affirmations selon lesquelles elle aurait cessé de se fournir auprès de l'appelante après le refus de celle-ci de régler sa propre facture du 28 février 2018.

Ainsi, il faut retenir que les sommes réclamées par l'appelantes sont dues et que le refus de l'intimée de s'en acquitter n'était motivé que par la volonté de celle-ci d'en compenser le montant avec la créance qu'elle estimait posséder à l'encontre de l'appelante. L'intimée ayant en dernier lieu renoncé à invoquer cette compensation, il convient de faire droit aux conclusions en paiement de l'appelante.

3.3 Le jugement entrepris sera en conséquence annulé et réformé en ce sens que l'intimée sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 13'913 fr. 15 plus intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 5 novembre 2019.

4.             L'appelante sollicite que l'intimée soit en outre condamnée au paiement d'une amende pour procédé téméraire. Elle lui reproche de s'être abusivement prévalue de compensation, pour finalement renoncer à cette exception en fin de procès.

4.1 Selon l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

Agit notamment de façon téméraire celui qui bloque une procédure en multipliant des recours abusifs (ATF 111 Ia 148, consid. 4, JT 1985 I 584) ou celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (ATF 120 III 107
consid. 4b; Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 128 CPC).

La pratique fait preuve d'une grande retenue dans l'admission de la témérité. Le caractère téméraire ne doit être admis qu'à titre tout à fait exceptionnel (TC/FR du 11.1.1993, RFJ 1993, 59).

4.2 En l'espèce, la question de savoir si l'intimée était effectivement titulaire d'une créance susceptible d'être opposée en compensation aux prétentions de l'appelante n'a pas été élucidée et n'a pas lieu de l'être, compte tenu de l'issue du litige.

Les raisons pour lesquelles l'intimée a renoncé à se prévaloir de cette exception ne sont pas clairement établies et les explications de celles-ci selon lesquelles cette renonciation faisait suite à la renonciation de l'appelante à solliciter l'audition de témoins, de sorte que l'intimée pensait obtenir gain de cause sans devoir recourir à la compensation, sont plausibles et ne trahissent pas nécessairement un procédé abusif, au sens des principes rappelés ci-dessus.

L'appelante sera dès lors déboutée de ses conclusions tendant à ce que l'intimée soit condamnée au paiement d'une amende disciplinaire.

5.             5.1 Lorsque l’instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, les frais judiciaires de première instance, dont le montant de 2'100 fr. n'est pas contesté, seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC), et l'intimée sera condamnée à rembourser à celle-ci le montant de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimée sera également condamnée à payer à l'appelante la somme de 2'815 fr. à titre de dépens de première instance (art. 84 et 85 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC). Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CC), ce qui règle le sort de son appel joint.

5.2 Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 2'600 fr. au total (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec les avances de frais de même montant total fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat Genève (art. 111 al. 1 CPC), et l'intimée sera condamnée à restituer à l'appelante le montant de son avance, soit la somme de 1'800 fr. (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimée sera également condamnée à payer à l'appelante la somme de 1'875 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er mars 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/983/2022 rendu le 25 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1278/2021.

Déclare recevable l'appel joint formé par B______ SARL contre ce même jugement

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait, statuant à nouveau :

Condamne B______ SARL à payer à A______ SA la somme de 13'913 fr. 15 plus intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 5 novembre 2019.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 2'100 fr., les met à la charge de B______ SARL et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par A______ SA, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SARL à payer à A______ SA la somme de 2'100 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ SARL à payer à A______ SA la somme de 2'815 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 2'600 fr., les met à la charge de B______ SARL et les compense avec les avances de frais fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SARL à payer à A______ SA la somme de 1'800 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ SARL à payer à A______ SA la somme de 1'875 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.