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Décisions | Chambre civile

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C/13694/2019

ACJC/1322/2022 du 29.09.2022 sur JTPI/13735/2021 ( OS ) , JUGE

Normes : CC.679.al1; CO.41; CO.58
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13694/2019 ACJC/1322/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 29 septembre 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2021, et intimée sur appel joint, comparant par Me Jacques EMERY, avocat, ER&A, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Christian de PREUX, avocat, DE PREUX AVOCATS, rue de la Fontaine 5, case postale 3398, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 

 


 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/13735/2021 du 1er novembre 2021, notifié aux parties le
2 novembre 2021, le Tribunal de première instance a condamné A______ à payer à B______ la somme de 7'052 fr. 74 (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 2'120 fr. – à la charge de B______ à raison de 20% et de A______ à raison de 80%, compensé ces frais avec l'avance fournie par B______, condamné A______ à rembourser la somme de 1'696 fr. à B______ (ch. 2), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer un solde de 400 fr. à B______ (ch. 3), condamné A______ à payer à B______ la somme de 1'696 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 2 décembre 2021, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut au déboutement de B______ de toutes ses prétentions à son encontre, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Préalablement, elle conclut à l'audition de C______ en qualité de témoin à propos des allégués 50 à 52 de la réponse qu'elle a soumise au Tribunal.

b. Dans sa réponse à l'appel, B______ conclut au rejet de celui-ci et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Simultanément, B______ forme un appel joint, dans lequel il conclut principalement à l'annulation du jugement entrepris, à la condamnation de A______ à lui payer les sommes de 8'802 fr. 32 plus intérêts à 5% l'an dès le 23 novembre 2018 et de 9'600 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2019, sous déduction d'un montant de 7'749 fr. 58 reçu dans la liquidation de la succession répudiée de D______, ainsi qu'au déboutement de A______ de toutes autres conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans sa réponse à l'appel joint, A______ conclut au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont successivement répliqué et dupliqué sur appel et sur appel joint, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 9 juin 2022.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ est propriétaire d'un appartement de 1,5 pièces situé au 5ème étage de l'immeuble sis 1______, à Genève.

B______ considère cet appartement comme un bien de rendement. Il l'a notamment donné en location à un tiers du 15 août 2016 au
30 novembre 2018, pour un loyer de 1'500 fr. par mois, charges comprises.

b. A______ est propriétaire d'un appartement identique de 1,5 pièces, situé au 6ème étage du même immeuble, lequel se trouve directement au-dessus de celui de B______.

En 2018, l'appartement de A______ était loué à D______. Le loyer s'élevait à 1'080 fr. par mois, charges comprises.

c. Le 23 novembre 2018, l'appartement de B______ a subi une inondation ayant entraîné des dégâts aux parquets, peintures et boiseries.

d. A la demande de la compagnie d'assurance bâtiment de l'immeuble, la régie a fait appel à des entreprises spécialisées pour déterminer la cause du sinistre.

Elle a notamment chargé C______, plombier, ainsi qu'une entreprise chauffagiste de rechercher une éventuelle fuite des tuyaux de chauffage. Après examen des lieux, ceux-ci lui ont rapporté que les dégâts d'eau ne provenaient pas du système de chauffage. C______ a précisé qu'il devait y avoir une infiltration d'eau autour d'une fenêtre de l'appartement de A______, ou que le locataire dudit appartement devait avoir oublié ladite fenêtre en position ouverte.

e. Par courrier du 28 janvier 2019, la compagnie d'assurance bâtiment a indiqué à la régie qu'elle refusait de couvrir le sinistre, dès lors que la seule cause vraisemblable des dégâts était que de l'eau avait pénétré dans l'appartement supérieur par une fenêtre laissée ouverte ou, ce qui était moins probable, par une infiltration autour de la fenêtre. Or, dans les deux cas, les infiltrations d'eau par la façade étaient exclues de la police d'assurance bâtiment de l'immeuble.

La compagnie d'assurance susvisée a adressé un courrier similaire à B______ en date du 27 février 2019.

f. Le 8 mars 2019, une entreprise d'assainissement et d'assèchement mandatée par la régie a indiqué à celle-ci que l'appartement de B______ était parfaitement sec.

g. Par courrier de son conseil du 6 mai 2019, B______ a indiqué à A______ que le coût de réparation des dégâts subis dans son appartement s'élevait à 8'802 fr. 32, selon un devis joint en annexe.

Il a également joint à son courrier une déclaration écrite d'une dénommée E______, datée du 15 février 2019, dans laquelle celle-ci indiquait qu'elle devait signer un contrat de bail pour louer l'appartement de B______ dès le 1er décembre 2018, mais que la signature dudit contrat et son entrée dans les locaux avaient été reportées ensuite de l'inondation.

Invoquant une perte de loyer de 9'600 fr. à fin mai 2019, B______ a prié A______ de l'indemniser de l'ensemble du préjudice subi.

h. Par courrier de son conseil du 22 mai 2019, A______ a contesté que sa responsabilité soit engagée envers B______ en relation avec les dégâts d'eau invoqués.

Elle exposait notamment ne pouvoir être tenue pour responsable des actes de son locataire, qui avait selon elle sous-loué son appartement sans son autorisation.

i. Par courriel de son conseil du 27 mai 2019, B______ a exposé ses prétentions au locataire D______ et lui a demandé de se déterminer à ce propos.

Par courriel de son conseil du 28 mai 2019, D______ lui a répondu qu'il considérait A______ et l'époux de celle-ci comme responsables d'une inondation volontaire, ajoutant qu'il avait déposé une plainte pénale contre les précités.

j. B______ a fait procéder aux travaux de remise en état de son appartement, qui lui ont été facturés à hauteur de 8'802 fr. 32 en date du 22 juillet 2019.

k. Par acte déposé en vue de conciliation le 12 juin 2019, B______ a assigné A______ et D______, pris conjointement et solidairement, en paiement de 8'802 fr. 32 plus intérêts à 5% l'an dès le
23 novembre 2018 et de 9'600 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2019.

A l'appui de ses conclusions, B______ alléguait notamment avoir convenu de louer son appartement à E______ pour un loyer
de 1'600 fr. par mois dès le 1er décembre 2018, mais avoir dû y renoncer en raison de l'inondation subie.

l. D______ est décédé le ______ 2019. Ses héritiers ont répudié sa succession, entraînant la liquidation de celle-ci par voie de faillite.

Dans le cadre de cette liquidation, B______ a perçu une somme de 7'749 fr. 58 en couverture partielle de ses prétentions à l'encontre du défunt.

m. La présente cause ayant été déclarée non conciliée à l'audience du
17 mars 2021, B______ a introduit son action contre A______ le 15 avril 2021.

Il a conclu principalement au paiement des sommes de 8'802 fr. 32 plus intérêts à 5% l'an dès le 23 novembre 2018 et de 9'600 fr. plus intérêts à 5% l'an dès
le 1er juin 2019, sous déduction du montant de 7'749 fr. 58 reçu de la succession de D______.

n. Dans sa réponse du 31 mai 2021, A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Contestant être responsable du sinistre, elle a réitéré que son appartement avait été sous-loué illicitement. Elle a notamment allégué que le plombier C______ était intervenu une première fois dans son appartement le
12 décembre 2018 pour rechercher une fuite d'eau et qu'il avait alors constaté la présence d'une jeune personne de nationalité argentine. Lors d'une seconde intervention, une autre personne lui avait ouvert la porte (allégués 50 à 52).

n. Par ordonnance du 20 septembre 2021, le Tribunal a ordonné l'audition de E______ comme témoin. Il n'a pas donné suite à l'offre de preuve de A______ d'entendre d'autres témoins, dont C______.

o. Entendue le 20 octobre 2021, E______ a déclaré qu'elle avait effectivement eu l'intention de louer l'appartement de B______ à compter du 1er décembre 2018. Elle n'avait cependant rien signé à cette époque, parce que le loyer demandé, soit 1'600 fr. par mois, charges comprises, était trop élevé et que le propriétaire n'acceptait pas qu'elle emménage avec son chien. De plus, l'appartement était en rénovation à la suite d'une inondation et n'était pas prêt.

Elle avait ensuite pris à bail l'appartement à compter du 1er septembre 2019, parce que B______ avait accepté de réduire le loyer à 1'500 fr. par mois, charges comprises. Elle avait toutefois emménagé sans son chien et avait quitté les lieux le 31 mai 2020, car elle n'arrivait plus à payer le loyer.

p. Lors des plaidoiries finales du 20 octobre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions. A l'issue desdites plaidoiries, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal, en se fondant sur l’art. 679 CC, a considéré qu'en tant que propriétaire, A______ était responsable des excès commis par son locataire, y compris en cas de sous-location non autorisée, sous-location dont l'existence n'était d'ailleurs pas démontrée in casu. La prénommée était donc tenue d'indemniser B______ pour les dégâts matériels subis, dont le solde non couvert par l'hoirie du locataire s'élevait à 1'052 fr. 74, ainsi que pour la perte effective de loyer.

A ce propos, il n'était pas démontré que E______ n'avait pas pu louer l'appartement du précité dès le 1er décembre 2018 en raison de l'inondation. Elle y avait renoncé parce que le loyer de 1'600 fr. par mois était trop élevé et qu'elle ne pouvait pas emménager avec son chien. Dès lors qu'elle avait ensuite loué l'appartement dès le 1er septembre 2019 pour un loyer de 1'500 fr. par mois, il fallait néanmoins admettre, en équité, que l'appartement aurait pu être loué à un tiers pour le même prix à partir du 1er février 2019, si l'inondation n'était pas survenue. B______ pouvait ainsi prétendre au paiement de quatre mois de loyer à ce titre, soit 6'000 fr., ce qui portait à 7'052 fr. 74 le total de la réparation qui lui était due.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait en dernier lieu à 10'652 fr. ([8'802 fr. + 9'600 fr.]
– 7'749 fr.; cf. art. 91 al. 1 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ) l'appel est recevable.

Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 CPC) et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable.

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimé.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique le droit d'office (art. 57 CPC).

2.             L'appelante invoque en premier lieu une violation de son droit d'être entendue en relation avec la décision du Tribunal de ne pas procéder à l’audition du témoin C______. Elle sollicite préalablement qu'il soit procédé à cette audition.

2.1.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend pour l'intéressé celui de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 139 II 489 consid. 3.3;
136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1).

Le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1). Il sert à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.3). Ce droit – dont le respect doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 140 III 1 consid. 3.1.1) – est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1).

2.1.2 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découle de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst, dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut en particulier refuser une mesure probatoire lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne pourrait en aucun cas prévaloir sur les autres moyens de preuve déjà administrés par le Tribunal de première instance, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_228/2012 consid. 2.3 et 5A_906/2012 du
18 avril 2013 consid. 5.1.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a clairement indiqué dans le jugement entrepris qu'il tenait l'appelante pour responsable des actes de son locataire, même s'il devait s'avérer que celui-ci avait sous-loué son logement de manière non autorisée. Ce faisant, le Tribunal a clairement signifié à l'appelante qu'il considérait l'éventuelle sous-location illicite de son logement comme étant dépourvue d'influence sur l'issue du litige; il n'a donc pas violé le droit d'être entendue de l'appelante, ni son droit à la preuve en refusant d'entendre un témoin à propos de la sous-location alléguée, et ce quel que soit le bien-fondé juridique du point de vue ainsi exprimé.

Il n'y a dès lors pas lieu d'annuler le jugement entrepris pour ce motif. Compte tenu des motifs qui seront développés ci-dessous, il n'est par ailleurs pas nécessaire que la Cour de céans procède elle-même à l'audition du témoin requis, pour des raisons de droit. L'appelante sera donc déboutée de ses conclusions préalables en ce sens.

3.             Sur le fond, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis qu'elle était tenue d'indemniser l'intimé des suites de l'inondation ayant endommagé son appartement. Elle maintient que son propre appartement était sous-loué sans son autorisation et conteste que sa responsabilité de propriétaire puisse être engagée.

3.1 Selon l'art. 679 al. 1 CC, celui qui est atteint ou menacé d'un dommage parce qu'un propriétaire excède son droit, peut actionner ce propriétaire pour qu'il remette les choses en l'état ou prenne des mesures en vue d'écarter le danger, sans préjudice de tous dommages-intérêts.

3.1.1 Cette disposition confère au voisin lésé deux actions défensives et une action réparatrice, à savoir une action en cessation du trouble et une action en prévention du trouble, d'une part, et une action en dommages-intérêts, d'autre part (Bovey in Code civil II, Commentaire romand, 2016, n. 2 ad art. 679 CC).

L'action en dommages-intérêts tend à réparer le dommage causé au demandeur par des immissions excessives. Cette action est de nature subsidiaire : des dommages-intérêts ne peuvent être alloués à la personne lésée que si les actions en cessation ou en prévention du trouble ne lui donnent pas satisfaction. Il n'est ainsi pas possible d'intenter une action en dommages-intérêts en lieu et place de l'une ou l'autre de ces actions. Elle peut en revanche être cumulée à ces actions, pour autant que les immissions excessives aient déjà causé un dommage (Bovey, op. cit., n. 43 ad art. 679 CC).

3.1.2 L'admission des actions prévues par l'art. 679 CC suppose la réalisation de trois conditions matérielles, soit un excès du droit de propriété, un dommage, et un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'excès du droit de propriété et le dommage (Bovey op. cit., n. 4 ad art. 679 CC).

L'excès du droit de propriété doit consister en un acte d'utilisation ou d'exploitation d'un fonds, qui dépasse les limites fixées par le droit de
voisinage (CC 684ss), lequel impose aux propriétaires fonciers de s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire aux fonds voisins (Bovey op. cit., n. 5 ad art. 679 CC).

L'excès doit se trouver dans un rapport de connexité avec l'utilisation ou l'exploitation du fonds. Ce rapport doit être durable; l'acte d'utilisation ou d'exploitation fortuit, n'existant plus ou ne risquant vraisemblablement pas de se reproduire au moment de l'ouverture de l'action, n'est pas digne de protection. De tels actes, qui ne sont pas la conséquence nécessaire de l'utilisation ou de l'exploitation du fonds, se jugent notamment sous l'angle des art. 41ss CO (Bovey, op. cit., n. 10 ad art. 679 CC).

3.2 En l’espèce, l'atteinte portée au bien de l'intimé, résultant d’une inondation, était de nature ponctuelle et a désormais pris fin, ce qui n'est pas contesté. Il n'est pas allégué qu'une telle atteinte serait destinée à se reproduire, ce qui ne peut être admis sans autre. Le seul fait que l'appelante mette son appartement en location ne signifie notamment pas que tout locataire devrait nécessairement et régulièrement provoquer une inondation entraînant des dégâts dans l'appartement de l'intimé, par exemple en laissant indûment une fenêtre ouverte. Il n'y a dès lors pas de rapport de connexité durable, au sens des principes rappelés ci-dessus, entre l'excès par hypothèse imputable à l'appelante (soit une inondation de son propre appartement ayant entraîné des dégâts d'eau dans l'appartement de l'intimé) et l'utilisation ou l'exploitation régulière de son bien, soit l'habitation de son appartement par un locataire ou par elle-même.

Dès lors, l’action en cessation ou en prévention du trouble de l’art. 679 CC n’était pas ouverte. Or, des prétentions indépendantes en dommages-intérêts, telles que formulées par l’intimé, ne peuvent se fonder sur l’art. 679 CC, lequel suppose l’existence d’un trouble actuel ou futur, en plus d’un excès passé. C’est donc à tort que le Tribunal a admis le bien-fondé de l’action de l’intimé sur la base de cette disposition.

Pour l'ensemble de ces motifs, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, la question de savoir si la responsabilité de l'appelante est engagée envers l'intimé en relation avec l'inondation de son appartement ne doit pas être examinée au regard de l'art. 679 CC, mais à l'aune d'autres dispositions, soit plus particulièrement des art. 41ss CO.

4.             Il convient dès lors d'examiner si les prétentions de l'intimé sont fondées au regard des règles générales de la responsabilité civile.

4.1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (art. 41 al. 1 CO).

4.1.1 La responsabilité délictuelle instituée par l'art. 41 CO suppose que soient réalisées cumulativement les quatre conditions suivantes : un acte illicite, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité, naturelle et adéquate, entre l'acte fautif et le dommage (ATF 137 III 539 consid. 5.2; 132 III 122
consid. 4.1).

Le demandeur supporte le fardeau de la preuve de chacun de ces faits pertinents, ce qui signifie que si le juge ne parvient pas à une conviction, n'est pas à même de déterminer si chacun de ces faits s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au détriment du lésé (cf. art. 8 CC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_614 du
25 avril 2016 consid. 3.3).

4.1.2 Aux termes de l'art. 58 al. 1 CO, le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.

Cette disposition institue une responsabilité objective simple, laquelle ne repose pas, contrairement à d'autres normes de ce type, sur la violation objective du devoir de diligence du propriétaire, mais sur le seul état défectueux de l'ouvrage; le propriétaire répond indépendamment de la question de savoir si lui ou un de ses auxiliaires a commis une violation de son devoir de diligence, donc également pour cas fortuit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_38/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1 et les références citées).

La responsabilité du propriétaire d'ouvrage suppose la réunion des conditions générales de la responsabilité : il faut donc un ouvrage, un défaut de l'ouvrage, un dommage et un lien de causalité naturelle et adéquate entre le défaut de l'ouvrage et le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_38/2018 du 25 février 2019 consid. 3.1; Werro/Perritaz, in Commentaire romand, CO I, 3ème éd., 2021,
n. 4 ad art. 58 CO).

Il faut cependant exclure le rôle causal du défaut d’entretien lorsqu’on peut établir que l’entretien correct de l’ouvrage n’aurait pas empêché la survenance du dommage. De même, lorsque le défaut ne repose pas sur une action ou une omission du propriétaire de l’ouvrage, mais sur une catastrophe naturelle ou sur le comportement délibéré d’un tiers, la responsabilité du propriétaire tombe, car le lien de causalité adéquate est interrompu (Werro/Perritaz, op. cit., n. 22
ad art. 58 CO).

4.2 En l'espèce, il n'est pas établi que l'inondation litigieuse serait consécutive à un vice de construction ou à un défaut d'entretien de l'ouvrage appartenant à l'appelante. Deux entreprises spécialisées ont notamment exclu que l'eau qui s'est infiltrée dans l'appartement de l'intimé ait pu provenir du système de chauffage du logement de celle-ci. Si la possibilité d'une infiltration au niveau d'une des fenêtres dudit logement a été évoquée, une telle hypothèse a été considérée comme moins probable par la compagnie d'assurance ayant examiné le cas. Devant la Cour, l'intimé ne conteste d'ailleurs pas que l'inondation de son bien soit imputable à une fenêtre laissée ouverte dans l'appartement de l'appelante, ce qui ne constitue pas un vice de construction ni un défaut d'entretien au sens des principes rappelés ci-dessus, mais est le fait d'un tiers. Il s'ensuit que la responsabilité de l'appelante ne saurait être engagée sur la base de l’art. 58 CO, qui constitue un cas particulier de la responsabilité délictuelle réglée plus généralement à l'art. 41 CO.

S'agissant de l'application de cette dernière disposition, il n'est pas établi que l'inondation litigieuse trouve son origine dans un acte illicite imputable à l'appelante. Les accusations du locataire D______ selon lesquelles l'appelante et son époux auraient délibérément provoqué l'inondation du logement qu'il occupait n'ont pas été confirmées par la procédure pénale initiée contre ceux-ci, ni par aucun élément de preuve. Ces accusations doivent par ailleurs être appréciées avec réserve, compte tenu de l'implication du locataire susvisé dans les faits litigieux. Dans le cadre de la présente procédure, l'intimé n'a d'ailleurs pas allégué l'existence d'un tel acte illicite, ni offert d'en démontrer l'existence. Pour cette raison déjà, l'appelante ne saurait répondre envers l'intimé des conséquences de l'inondation litigieuse sur la base de l'art. 41 CO.

A supposer que le simple fait de laisser une fenêtre ouverte en temps inopportun puisse constituer un acte illicite au sens de cette disposition, il n'est par ailleurs pas contesté que ce fait n’est pas imputable à l'appelante, qui n'occupait pas personnellement l'appartement concerné au moment de l'inondation, mais bien au locataire de celle-ci, voire à une tierce personne non autorisée. Or, contrairement à l'art. 58 CO, qui engage la responsabilité du propriétaire indépendamment de la question de savoir si l'état défectueux de l'ouvrage est personnellement imputable audit propriétaire ou à l'un de ses auxiliaires, les art. 41ss CO ne prévoient généralement pas de responsabilité pour un acte illicite commis par un auxiliaire. Seul l'art. 55 CO instaure une telle responsabilité à la charge de l'employeur, qualité que l'appelante ne revêt pas en l'espèce. L'art. 101 CO, qui prévoit une disposition similaire, ne s'applique quant à lui qu'en cas de violation d'une obligation contractuelle, circonstance également non réalisée en l'espèce.

Il s'ensuit que l'intimé n'est pas fondé à obtenir réparation de l'appelante pour les dégâts causés à son appartement par le locataire ou le sous-locataire de celle-ci, seul ces derniers pouvant le cas échéant être recherchés par l'intimé sur la base des règles générales de la responsabilité civile. En l'occurrence, l'intimé a d'ailleurs agi contre le locataire en question et obtenu une réparation partielle
(soit 7'749 fr. 58), qu'il n'incombe pas à l'appelante de compléter conjointement ou solidairement avec le précité, sa responsabilité n’étant, pour les raisons explicitées ci-dessus, pas engagée.

4.3 Au vu des motifs qui précèdent, qui excluent tout chef de responsabilité de l'appelante, le jugement entrepris sera annulé et l'intimé sera débouté de l'intégralité de ses conclusions en paiement. Ce faisant, l'intimé sera également débouté de ses conclusions sur appel joint tendant à la réparation d'un dommage supplémentaire, ainsi qu'au paiement d'intérêts sur les sommes réclamées.

5.             5.1 Lorsqu'elle statue à nouveau, l'instance d'appel se prononce sur les frais de première instance, y compris les dépens (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, les frais judiciaires de première instance, dont le montant de 2'120 fr. n'est pas contesté, seront mis intégralement à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ces frais seront compensés avec les avances de frais versées par l’intimé (2'520 fr. au total), qui demeurent acquises à l'Etat à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Il sera ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 400 fr. à l'intimé, à titre de solde d’avance de frais.

L'intimé sera également condamné à payer à l'appelante la somme de 2'120 fr. à titre de dépens de première instance (art. 105 al. 2 CPC, art. 84 et 85 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 2'400 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 105 al. 1 et art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec les avances de frais fournies par les parties (900 fr. pour l’appelante et 1'500 fr. pour l’intimé), qui demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et l'intimé sera condamné à rembourser à l'appelante le montant de son avance, soit la somme de 900 fr. (art. 111
al. 2 CPC).

L'intimé sera également condamné à payer à l'appelante la somme de 1'850 fr. à titre de dépens d'appel et d'appel joint (art. 105 al. 2 CPC, débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 décembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/13735/2021 rendu le 1er novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13694/2019.

Déclare recevable l'appel joint formé par B______ contre ce même jugement.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Déboute B______ de toutes ses conclusions à l'encontre de A______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 2'120 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec les avances de frais fournies par ce dernier, qui restent, dans cette mesure, acquises à l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à B______ la somme de 400 fr.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 2'120 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 2'400 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec les avances de frais fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de de Genève.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 900 fr. à titre de remboursement de son avance.

 

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 1’850 fr. à titre de dépens d'appel et d'appel joint.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.