Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/9058/2020

ACJC/1344/2022 du 11.10.2022 sur JTPI/11047/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : LP.83.al2; CO.120.al1; CO.120.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9058/2020 ACJC/1344/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 OCTOBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 septembre 2021, comparant par Me Alexandre J. SCHWAB, avocat, Schwab Flaherty & Ass., rue De-Candolle 7, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______[JU], intimée, comparant par Me Olivier VALLAT, avocat, rue Gustave-Amweg 27, 2900 Porrentruy, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/11047/2021 du 3 septembre 2021, notifié à A______ le 14 septembre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevable l'action en libération de dette de A______ (ch. 1 du dispositif), débouté celui-ci des fins de son action (ch. 2), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2019 (ch. 3), mis les frais judiciaires – arrêtés à 20'900 fr. – à la charge de celui-ci, les compensant avec les avances effectuées par A______ et B______ SA et ordonnant aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 9'400 fr. au premier et 600 fr. à la seconde (ch. 4), condamné A______ à verser à B______ SA un montant de
20'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié le 14 octobre 2021 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ appelle de ce jugement dont il sollicite l'annulation avec suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, il conclut, principalement, à ce que la Cour constate qu'il a payé la somme de 600'000 fr. à B______ SA et dise qu'il est en droit de compenser la somme précitée avec la dette qu'il entretient à l'encontre de B______ SA en paiement de son acquisition de l'immeuble sis à C______[FR] (RF n° 2______). En tout état, il sollicite que la Cour constate qu'il ne doit pas la somme de 600'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1er mars 2019.

b. Dans sa réponse, B______ SA a conclu à la confirmation du jugement entrepris avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par pli du greffe du 24 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ est architecte et promoteur immobilier, inscrit au Registre du commerce du canton de Genève en raison individuelle ainsi que comme gérant de D______ SARL et administrateur de E______ SA.

b. B______ SA est une société jurassienne active dans la promotion immobilière. F______ en est l'administrateur avec pouvoir de signature individuelle.

c. En mars et avril 2018, des négociations sont intervenues entre les parties en vue de la vente d'une parcelle sise à C______[FR] (RF n° 2______), propriété de B______ SA.

d. Le 29 mars 2018, A______ a formulé une offre de 750 fr. le m2 pour 18'568 m2, soit 13'926'000 fr., et s'est déclaré prêt à payer un montant de 600'000 fr. pour les frais d'architectes et de consultants déjà engagés par B______ SA. Il n'a pas fait mention de remise de documents spécifiques dans cette offre.

e. Le 18 avril 2018, B______ SA a accepté l'offre d'achat de A______, prenant acte que celle-ci s'entendait "terrain en l'état et autorisation de construire entrée en force".

f. Par acte authentique du 11 juin 2018, instrumenté par Me G______, la parcelle susmentionnée a été vendue par B______ SA (ci-après également : la venderesse) à A______ (ci-après également : l'acheteur) pour le prix de 13'500'000 fr., payable en sept versements échelonnés entre le 21 juin 2018 (2'500'000 fr.) et le 30 novembre 2022 (1'750'000 fr.), un second acompte de 1'850'000 fr. étant payable pour le 28 février 2019.

Cet acte comprenait, outre les dispositions usuelles, un article 4 stipulant les conditions de la vente, énumérées sous onze chiffres différents, ainsi qu'un article 5 intitulé "Conditions spéciales". Il y est prévu que l'acheteur reconnait avoir pris connaissance de certains documents spéciaux en lien avec la parcelle (al. 1 et 2), et, à l'alinéa 3, que la venderesse s'engage à remettre à l'acheteur, gratuitement et dans un délai de 30 jours dès la signature de l'acte de vente, les documents suivants :

-          "l'ensemble des études effectuées par: H______ SA, J______ SA, K______ SA, L______, M______ SA, N______ SARL, O______ SARL et P______ SA";

-          "l'ensemble des plans d'architectes et d'ingénieurs, ";

-          "la demande de permis de construire, l'autorisation de construire ainsi que tous les documents s'y référant";

-          "toute la documentation en lien avec l'écoquartier et la certification du site 2000 watts".

g. Avant la signature de l'acte, A______ a annoncé à Me G______ son intention d'acquérir la parcelle et de modifier le projet, celui existant étant trop compliqué. Il lui a également expliqué qu'il demanderait une nouvelle autorisation de construire et qu'il souhaitait avoir l'ensemble des documents afin de lui faciliter ses futures démarches.

h. Le jour de la signature, B______ SA a remis à A______ un lot de documents sans qu'une liste ne soit établie ni un reçu signé. Ces documents avaient été déposés à l'étude du notaire par Q______ SA, société courtière dans le cadre de la vente de la parcelle.

i. Par convention parallèle sous seing privé du 11 juin 2018, signée avant l'acte de vente susmentionné, B______ SA a accepté de vendre à A______ la parcelle susmentionnée au prix de 13'500'000 fr. et aux conditions prévues dans le projet d'acte de vente envoyé aux parties, "pour autant que A______ s'engage à assumer une partie des frais d'architectes, d'ingénieurs, d'études, ceux liés à l'obtention du permis de construire, représentant pour la participation de A______ un montant de 600'000 fr." (art. 1). A______ reconnaissait devoir à B______ SA le montant de 600'000 fr. et s'engageait à le verser sur le compte bancaire de la venderesse avant le 15 juin 2018.

j. A______ s'est acquitté du paiement de 600'000 fr. dans le délai requis, sur le compte du notaire.

k. Le 20 juin 2018, A______ a avisé Me G______ de ce qu'il n'avait pas reçu les documents qui devaient lui être remis par la venderesse. Il a affirmé n'avoir reçu que les plans d'architectes mais aucun des documents des ingénieurs listés dans l'acte de vente. Il lui a demandé de bloquer le montant de 600'000 fr. versé à cette fin.

l. Le lendemain, Me G______ lui a répondu de prendre contact directement avec B______ SA afin d'obtenir les informations manquantes. Il lui a indiqué avoir transféré le montant de 600'000 fr. à la venderesse dans le mesure où cette somme devait lui être versée directement conformément à la convention sous seing privé mais également, car tout semblait en ordre.

m. Par note manuscrite sur ce courriel, A______ a mentionné que B______ SA n'avait pas remis les études effectuées par les divers ingénieurs et que les fonds devaient être bloqués jusqu'à la remise des documents en question.

n. Le 22 juin 2018, B______ SA, d'une part, et le bureau d'architectes H______ SA et J______ SA, d'autre part, ont signé une convention réglant les modalités de la fin de leur relation.

Ils ont convenu de la remise de l'ensemble des documents établis et reçus dans le cadre du projet immobilier contre le versement d'un montant de 720'427 fr. 60 à titre de rémunération des prestations fournies. Les documents listés dans la convention étaient constitués des plans ou documents de l'architecte et du géomètre, ou, exceptionnellement les plans des mandataires spécialisés quand ces derniers étaient constitutifs du dossier d'enquête, soit plus particulièrement les documents relatifs à l'étude et au développement du projet ("documents permis général", "documents permis général révisé", "documents permis ordinaire" et "études compléments"), les documents relatifs à l'enquête entrée en force, soit le dossier complet des plans de l'enquête ordinaire comprenant une copie des exemplaires signés, une liste des plans et le bulletin de livraison du dossier ("plans non signés" et "plans signés"), le dossier complet des plans de l'enquête ordinaire révisée ("demande permis révisé modifications", "plans révisés non signés", "plans révisés signés", "préavis et autorisations"), le plan modifié de l'enquête ordinaire révisée (aménagements extérieurs), la délivrance du permis de construire du 30 janvier 2018 y compris les préavis des services concernés, les documents relatifs aux demandes de modifications de la Caisse S______, soit le dossier des plans modifiés des immeubles 3_____ et 4______, les documents relatifs à la commercialisation du projet, soit la vidéo de présentation du quartier T______, les deux images extérieures de synthèse du quartier T______ et les deux documents généraux de présentation du quartier T______. Les documents étaient remis sous le format PDF et JPEG sur des clés USB et pouvaient être téléchargés par le biais de liens transmis par courriel à B______ SA.

o. Par courriel du même jour, B______ SA a demandé au bureau d'architectes H______ SA et J______ SA de remettre l'ensemble de ces documents à A______.

p. Le 25 juin 2018, R______, employé par Q______ SA, a transmis à A______ l'intégralité des documents envoyés par le bureau d'architectes H______ SA avec un lien lui permettant de télécharger les documents gravés sur les clés USB. Il lui indiquait que la totalité des documents physiques se trouvaient à sa disposition dans les bureaux des architectes à J______[VD].

q. Le 29 juin 2018, Me G______ a demandé à A______ si, compte tenu des documents qu'il venait de recevoir de la part de R______, il était en possession de toutes les informations et documents qu'il souhaitait. Il sollicitait une confirmation écrite.

r. Par note manuscrite du même jour, A______ lui a répondu qu'il allait procéder au contrôle des documents et qu'il le tiendrait informé.

s. Le transfert de propriété immobilière a été régulièrement enregistré au Registre foncier le 6 juillet 2018.

t. Le 29 février 2019, le second acompte de 1'850'000 fr. était dû par A______ à B______ SA.

u. Le 5 mars 2019, B______ SA a rappelé à A______ que le second acompte n'avait pas été versé et lui a accordé un délai à la fin de la semaine pour s'acquitter du montant dû.

v. Par note manuscrite figurant sur ce courriel, A______ a informé B______ SA qu'il n'avait pas reçu de courrier du notaire lui demandant de procéder au versement de l'acompte. Sans une pièce comptable, il était dans l'impossibilité de procéder au paiement. C'est pourquoi, il le priait de réclamer au notaire qu'il lui fasse parvenir cette demande d'acompte pour qu'il puisse procéder au paiement.

w. Par courriel du 11 mars 2019 à 11h59, A______ a informé B______ SA et Me G______ qu'il n'avait, à ce jour, reçu qu'une partie des documents d'architectes, aucun document d'ingénieurs (civil, thermique, géotechnique, feu, etc.) et aucun document d'études, alors qu'il s'était acquitté dans le délai convenu du montant de 600'000 fr. Il a indiqué que cette situation ne pouvait plus durer et qu'il était contraint de retenir un montant équivalent sur le prix de vente de la parcelle.

x. B______ SA lui a répondu à 12h49, exprimant son étonnement s'agissant du contenu de son message alors qu'il avait reçu l'ensemble des documents originaux dès la signature de la vente de même que, à sa demande, les dossiers d'architectes sous une autre forme que PDF.

y. Par courrier du 13 mars 2019, B______ SA a indiqué à A______ que son message du 11 mars 2019 faisait suite au refus de la venderesse de le mandater pour un autre chantier alors que tous les documents stipulés dans l'acte de vente lui avaient été remis en mains propres par le notaire à la signature et par lui-même ultérieurement. H______ SA lui avait remis une clé USB et tenait à sa disposition les supports papiers de ces documents. Aucune demande n'avait été formulée au sujet des prétendus documents manquants. A______ était par conséquent mis en demeure de s'acquitter de l'intégralité de la somme due.

z. Le 18 mars 2019, A______ a répondu à B______ SA qu'en l'absence de remise de l'intégralité des documents convenus, il allait déduire une somme de 600'000 fr. pour garantir ses intérêts. Il était intervenu à maintes reprises pour réclamer ces documents qui ne lui avaient pas été transmis en temps utile.

aa. Le même jour, B______ SA a contesté le contenu de la réponse de A______.

bb. Le 21 mars 2019, A______ a payé un montant de 1'250'000 fr. sur le compte du notaire.

cc. Le 9 avril 2019, B______ SA a fait notifier un commandement de payer, poursuite n° 1______, d'un montant de 600'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2019 à A______, auquel ce dernier a fait opposition.

dd. Par jugement JTPI/4723/2020 du 23 avril 2020, communiqué pour notification aux parties par le greffe le 24 avril 2020 et reçu le 27 avril 2020, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition.

D.           a. Par acte du 18 mai 2020, A______ a formé une action en libération de dette concluant à la constatation de ce qu'il ne devait pas la somme de 600'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2019, somme faisant l'objet du prononcé de mainlevée provisoire du 23 avril 2020.

En substance, il a allégué que le contrat liant les parties était un contrat bilatéral selon lequel il devait payer le montant de 600'000 fr. et la venderesse devait lui remettre les documents correspondants. Il n'avait reçu aucun des documents stipulés à l'article 5.3 de l'acte de vente. Dans la mesure où il avait versé le montant de 600'000 fr. alors que la venderesse ne s'était pas exécutée, il disposait d'une créance en remboursement de ce montant envers elle. L'acte de compensation avait été effectué suite à de nombreuses mises en demeure. C'était donc à bon droit qu'il avait procédé, le 21 mars 2019, à la compensation avec le versement de l'acompte pour la vente de la parcelle.

b. Dans sa réponse, B______ SA a conclu au rejet des conclusions de A______.

Elle a affirmé avoir remis à A______ tous les documents cités à l'article 5.3 de l'acte de vente en mains propres. Le bureau H______ SA les lui avait remis en outre sur une clé USB. A______ n'avait formulé aucune demande en vue d'obtenir des documents éventuellement manquants avant le mois de mars 2019. Par ailleurs, la remise desdits documents n'était subordonnée au versement d'aucun montant. Au contraire, cette remise était prévue à titre gratuit, et le paiement des 600'000 fr. n'était pas conditionné à la remise ou non des documents.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions. A______ a, en outre, reconnu avoir reçu les plans d'architecte des immeubles se trouvant sur la parcelle vendue. Il a affirmé avoir toutefois réclamé à plusieurs reprises à B______ SA et au notaire les documents manquants entre le 11 juin 2018 et le mois de mars 2019, notamment les documents d'ingénieurs et d'études.

d. Lors de l'audience du 4 mai 2021, le Tribunal a entendu les parties.

A______ a, tout d'abord, à nouveau indiqué n'avoir jamais reçu les documents manquants qu'il avait réclamés par courriel du 20 juin 2018, ni aucune clé USB ni aucun carton de documents remis par F______ ni même le courriel de R______ du 25 juin 2018. Il a, ensuite, reconnu avoir reçu des documents le jour de la signature de l'acte de vente, précisant que ceux-ci n'étaient pas suffisants. Il avait ensuite reçu un lot de documents quelques jours plus tard, identiques à ceux déjà reçus. Les documents n'étant pas signés, étaient sans aucune valeur. A______ avait été contraint de reprendre l'intégralité du projet. Il n'avait pas fait de réclamation écrite concernant les documents manquants entre le 29 juin 2018 et le 11 mars 2019 en raison du fait que les parties étaient en affaires sur deux autres projets et qu'il avait demandé oralement ces documents à B______ SA.

B______ SA a précisé que c'était en raison des modifications apportées par A______ au projet qu'une nouvelle autorisation avait dû être sollicitée. Elle a contesté avoir été interpellée oralement entre le 29 juin 2018 et le 11 mars 2019 concernant des documents manquants.

e. Les parties ont ensuite expédié leurs mémoires de plaidoiries finales le 15 juin 2021, à teneur desquels elles ont persisté dans leurs conclusions.

f. Elles ont encore fait parvenir au Tribunal des déterminations par courriers des 15, 28 et 30 juin 2021.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé que ni l'acte de vente ni la convention sous seing privé ne soumettait le paiement du montant de 600'000 fr. par A______ à la condition réciproque de la remise par B______ SA des documents énumérés à l'art. 5.3 de l'acte de vente. En outre, B______ SA avait démontré avoir remis une partie des documents convenus le 20 juin 2018 puis une autre partie le 29 juin 2018. A______ ne détenait ainsi pas de créance en remboursement des 600'000 fr. dont il s'était acquitté sur la base de la convention sous seing privé. Il n'avait établi ni l'inexistence ni l'inexigibilité de la dette de 600'000 fr. envers B______ SA, de sorte qu'il ne pouvait pas procéder par compensation pour le paiement de l'acompte de 1'850'000 fr. dû, selon l'acte de vente, le 29 février 2019.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à 600'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir mal interprété la volonté des parties au moment de la conclusion des deux contrats. Il soutient que les parties avaient la réelle et commune intention de lier le paiement des 600'000 fr. prévus dans la convention sous seing privé à la remise des documents listés dans l'acte de vente. En outre, il fait grief au Tribunal d'avoir retenu que les documents listés dans l'acte de vente lui avaient été transmis alors que tel n'était pas le cas. Il était ainsi titulaire d'une créance en remboursement du montant payé qu'il pouvait compenser avec l'acompte dû au 29 février 2019.

2.1 L'action en libération de dette prévue par l'art. 83 al. 2 LP est une action négatoire de droit matériel qui tend à la constatation de l'inexistence ou de l'inexigibilité de la créance invoquée par le poursuivant (ATF 131 III 268 consid. 3.1 in SJ 2005 I 401; 128 III 44 consid. 4a in SJ 2002 174; arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.3.1.2; Schmidt, Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, Commentaire romand, 2005, n. 10 ad art. 83 LP).

L'action en libération de dette se caractérise par la transposition du rôle des parties. Le créancier est défendeur au lieu d'être demandeur. La répartition du fardeau de la preuve (et de l'allégation) demeure en revanche inchangée. Il incombe donc au défendeur, créancier, d'établir que la créance litigieuse a pris naissance, par exemple en produisant une reconnaissance de dette. Quant au demandeur, débiteur, il devra établir la non-existence ou le défaut d'exigibilité de la dette constatée par le titre (ATF 131 III 268 consid. 3.1 in SJ 2005 I 401; arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.3.1.2).

Le débiteur peut se prévaloir de toutes les objections et exceptions (exécution, remise de dette, exception de l'inexécution, prescription, compensation, etc.) qui sont dirigées contre la dette reconnue (ATF 131 III cité consid. 3.1; 124 III 207 consid. 3b in JdT 1999 II p. 55; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2018 du 12 février 2019 consid. 5.1; Schmidt, op. cit., n. 12 ad art. 83 LP).

2.1.1 Lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles (art. 120 al. 1 CO)

Le débiteur peut opposer la compensation même si sa créance est contestée (art. 120 al. 2 CO). Le compensé conserve toutefois la possibilité de remettre en cause la compensation, ce qu'il fera en contestant l'existence ou la quotité de la créance compensante, voire la réalisation de telle ou telle autre condition nécessaire. L'effet compensatoire n'intervient alors que dans la mesure où l'incertitude est ultérieurement levée par le juge, devant lequel le compensant a la charge d'apporter la preuve de son droit de compenser. Tel est en particulier le cas lorsque le juge saisi est compétent à raison de la matière et du lieu pour statuer sur la créance invoquée en compensation (Jeandin/Hulliger, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 19 ad art. 120 CO et n. 6 ad art. 124 CO).

2.1.2 Confronté à un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 140 III 86 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 précité, ibidem).

2.1.3 Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile, loi dans laquelle ce principe est désormais codifié à l'art. 52 CPC. Lorsqu'une partie adopte une certaine position en procédure, elle ne peut notamment pas soutenir ensuite la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit et qui n'est, partant, pas protégé par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 5A_570/2017 du 27 août 2018 consid. 6.1; 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1 résumé in CPC Online, ad art. 52 CPC).

2.2 En l'espèce, afin de répondre à la question de savoir si la créance de l'intimée à l'encontre de l'appelant découlant de l'acte de vente du 11 juin 2018 est inexistante ou inexigible, il y a lieu de déterminer si l'appelant est titulaire d'une créance en remboursement des 600'000 fr. versés en application de la convention sous seing privé du 11 juin 2018, susceptible d'être compensée avec le solde de sa dette envers l'intimée dû en vertu de l'acte de vente du 11 juin 2018.

2.2.1 Pour y répondre, il convient de déterminer, comme le prétend l'appelant, s'il existait entre les parties une réelle et commune intention de lier dans un rapport synallagmatique le paiement par l'appelant à l'intimée de la participation aux honoraires d'architectes et de consultants déjà engagés à la remise à l'appelant par l'intimée des documents listés dans l'acte de vente. Ce n'est que dans cette hypothèse, et à la condition que l'intimée ne se soit pas exécutée, que l'appelant serait titulaire d'une créance en remboursement de sa prestation.

2.2.1.1 Lors des négociations entre les parties, préalables à la vente, à aucun moment il n'a été question d'une remise de documents spécifiques. Alors même que l'offre d'achat formulée s'entendait "terrain en l'état et autorisation de construire entrée en force", l'appelant n'a pas mentionné un souhait d'obtenir des documents spécifiques de la part de l'intimée et, encore moins, en échange des 600'000 fr. qu'il était prêt à débourser pour participer auxdits honoraires.

La remise des documents litigieux n'est ainsi apparue que lors de la rédaction du projet d'acte de vente lors de laquelle il a été prévu que dite remise aurait lieu à titre gratuit.

La lecture des deux contrats litigieux ne permet aucunement de déduire, comme le soutient l'appelant, qu'en cas de non remise des documents listés dans l'acte de vente – au demeurant de manière non exhaustive –, l'appelant serait libéré de son obligation de participer auxdits honoraires. La convention sous seing privé porte, en effet, sur une condition différente, soit la conclusion de la vente conforme au projet d'acte de vente, pour autant que l'appelant s'engage à assumer une partie des frais d'architectes et de consultants à hauteur de 600'000 fr. Elle ne fait aucune mention de la remise de documents. L'argument de l'appelant selon lequel le paiement de 600'000 fr. à l'intimée pour la participation auxdits honoraires n'aurait de sens que s'il pouvait obtenir en contrepartie les documents listés dans l'acte de vente, n'est pas le seul envisageable. En effet, la motivation de l'appelant à assumer une partie des honoraires précités peut notamment résulter du fait que l'intimée ait accepté de lui vendre la parcelle plutôt qu'à un tiers au motif qu'il le dédommageait d'une partie des frais d'ores et déjà engagés. L'intimée ne pouvait ainsi raisonnablement pas déduire de la rédaction des contrats litigieux – et par conséquent vouloir – qu'en cas de non remise des documents, les 600'000 fr. ne seraient pas payés.

Par ailleurs, force est de constater, avec le Tribunal et l'intimée, que l'appelant a, dans un premier temps, rapidement réagi après la conclusion du contrat de vente et la remise d'un lot de documents, lorsqu'il a constaté qu'une partie ne lui avait pas été transmise, attitude qu'il n'a pas adoptée après la remise du second lot, puisqu'il a laissé s'écouler près d'un an avant de vérifier les documents qu'il avait reçus et de réclamer ceux qui demeuraient prétendument manquants, étant précisé que l'appelant n'a pas non plus établi, contrairement à ce qu'il prétend, qu'il aurait interpellé oralement l'intimée durant cette période.

Compte tenu de ce qui précède, les parties n'avaient pas la réelle et commune intention de lier dans un rapport synallagmatique l'obligation de l'intimée de remettre des documents à l'appelant au paiement par ce dernier d'une participation aux honoraires d'architectes et de consultants déjà engagés par l'intimée.

La première condition n'étant pas réalisée, l'appelant n'est pas titulaire d'une créance à l'encontre de l'intimée en remboursement du montant de 600'000 fr. Il n'est dès lors pas nécessaire de procéder à une interprétation des contrats litigieux selon le principe de la confiance. Une telle interprétation n'aboutirait, en tout état, pas à un résultat différent. Chacune des parties pouvait et devait raisonnablement se fier au texte clair des deux contrats, la convention sous seing privé ne portant que sur la prise en charge d'une partie des frais d'architectes et de consultants engagés, condition nécessaire à la conclusion du contrat de vente du 11 juin 2018 prévoyant la remise à titre gratuit des documents visés dans l'acte.

2.2.1.2 Il n'est également pas nécessaire d'examiner si l'intimée a livré à l'appelant ou non les documents convenus dans l'acte de vente. A titre superfétatoire toutefois, il apparaît que la réponse à cette question serait, quoi qu'il en soit, positive. En effet, contrairement à ce que prétend l'appelant, l'intimée a démontré que les documents litigieux avaient bel et bien été remis à l'appelant par R______, qui les avait lui-même reçus de l'intimée. L'appelant n'est pas parvenu à apporter d'éléments susceptibles d'affaiblir la conviction acquise par la Cour sur cette question, étant souligné que l'appelant n'a pas même été en mesure de spécifier quels documents demeuraient encore manquants après la seconde remise de documents, se limitant à affirmer devant le Tribunal tout d'abord qu'il n'avait obtenu aucun des documents demandés, avant d'admettre avoir reçu certains documents au moment de la signature de l'acte de vente puis, quelques jours plus tard, un deuxième lot de documents identique au premier, fait qu'il n'a toutefois pas démontré. Affirmer une nouvelle fois, en appel, qu'il n'a jamais reçu les documents listés dans l'acte de vente frise la témérité.

2.2.2 Au vu de ce qui précède, faute de titularité d'une créance à l'encontre de l'intimée, l'appelant ne pouvait pas éteindre la totalité de sa dette de 1'850'000 fr. exigible au 1er mars 2019 par l'intimée – laquelle était au bénéfice d'une reconnaissance de dette valable – en ne versant qu'un montant de 1'250'000 fr. le 21 mars 2019 et en déclarant procéder, pour le surplus, par compensation.

Ainsi, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'appelant restait devoir à l'intimée un montant de 600'000 fr. et devait être débouté de ses conclusions.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 20'000 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance versée par le précité, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera en outre condamné à verser à l'intimée des dépens d'appel de 17'000 fr. (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23
al. 1 LaCC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 octobre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/11047/2021 rendu le 3 septembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9058/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 20'000 fr. et les compense avec l'avance effectuée par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser la somme de 17'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.