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Décisions | Chambre civile

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C/18895/2020

ACJC/899/2022 du 28.06.2022 ( IUO ) , ADMIS

Recours TF déposé le 05.09.2022, rendu le 12.01.2023, CONFIRME, 4A_354/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18895/2020 ACJC/899/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mARDI 28 JUIN 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______, demanderesse comparant par Me Mathias Brosset, avocat, rue Beauregard 9, 1204 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, défendeur comparant par
Me Sébastien Lorentz, avocat, rue Général-Dufour 22, case postale 5539,
1211 Genève 11, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______ SÀRL est une société à responsabilité limitée sise à C______ (Genève), qui a pour but social de fournir des services dans le domaine de l'informatique, de commercialiser et diffuser du matériel et du logiciel informatique, de développer des logiciels, en particulier des logiciels de gestion, d'installer du matériel informatique, de fournir des conseils et dispenser des formations dans ce domaine.

D______ en est l'unique associé-gérant.

Cinq personnes travaillent pour la société, dont D______, en qualité de directeur, son épouse E______, en qualité de comptable et leur fils F______ en qualité de responsable de la gestion du système informatique de l'entreprise.

b. A______ SÀRL commercialise notamment des logiciels de gestion d'entreprise de la marque "G______".

Les produits de la marque "G______" sont des logiciels et des solutions de gestion d'entreprise.

A______ SÀRL ne bénéficie d'aucune clause d'exclusivité sur ces produits en Suisse. Les vendeurs de solutions de gestion "G______" sont environ 600 en Suisse et 2'000 en France.

c. Le 3 février 2014, A______ SÀRL a engagé B______ en qualité de chef de projet pour une durée indéterminée.

Selon le contrat de travail signé le 29 janvier 2014, B______ avait pour mission de prospecter de nouveaux clients, de préparer des journées portes ouvertes ou d'autres manifestations, d'établir un cahier des charges, de préparer et faire des démonstrations sur tous les logiciels vendus par la société, d'établir une offre, de paramétrer et installer les logiciels, de former les utilisateurs finaux, d'assurer la hotline et d'être prêt à assumer de nouvelles tâches liées à l'activité de la société. Il devait garder le secret le plus absolu sur toutes les questions dont il avait connaissance pendant son activité, même après la fin des rapports de travail. Il s'obligeait à ne pas faire concurrence directe à son employeur, ni en son nom propre, ni au nom d'un tiers, pendant cinq ans après la fin des rapports de travail sur l'ensemble du territoire suisse. A compter de la cinquième année de service, le délai de résiliation était de trois mois pour la fin d'un mois.

Lors de son engagement, A______ SÀRL a notamment remis à B______ un ordinateur portable et un téléphone portable professionnels.

Tous les outils pour travailler à distance étaient fournis par A______ SÀRL à B______. Ce dernier avait notamment accès aux bases de données de clients, aux requêtes SQL ("Structured Query Language", langage de requête structurée) et à d'autres informations confidentielles appartenant à A______ SÀRL. Lorsque son activité professionnelle le nécessitait, il pouvait se connecter avec le compte de A______ SÀRL sur le site https://store.G______.fr et consulter la liste des clients de la société en possession du logiciel "G______" ainsi que les informations qui les concernaient.

d. Lors d'un séminaire professionnel à I______ (Tunisie) en novembre 2018, D______ et B______ ont eu un différend.

A______ SÀRL allègue que B______ aurait à cette occasion indiqué qu'il pourrait "faire pire que son ancien associé", qui avait quitté la société avec les clients de cette dernière. B______ a contesté avoir tenu ces propos, précisant avoir affirmé qu'il pourrait quitter l'entreprise. Entendu en qualité de témoin, F______ a indiqué que ce dernier avait indiqué qu'il pourrait faire pire que l'ancien associé et qu'il avait déjà tenus de tels propos à d'autres occasions.

e. J______ était l'associé de D______ au sein de A______ SÀRL de 1999 à 2015. Il a quitté cette société parce qu'il n'était plus d'accord avec la gestion menée par D______. Un litige les a opposés, mais aucune procédure judiciaire n'a été engagée.

J______ exploite la société K______ SÀ, qui fournit la même activité que celle menée par A______ SÀRL, soit la vente de logiciels de gestion et notamment des produits "G______". Plusieurs clients de A______ SÀRL ont rejoint K______ SÀRL après le départ de J______.

f. B______ et L______ se connaissent depuis 2007. Ils entretiennent des relations professionnelles et personnelles.

L______ est le gérant de M______ SÀRL, anciennement N______ SÀRL, société à responsabilité limitée de droit français sise à O______ (France), active dans le domaine de la programmation informatique. Elle vend notamment la solution de gestion "G______". Elle est en concurrence directe avec A______ SÀRL.

B______ a présenté L______ à D______ et F______ lors d'un séminaire à O______ en 2014.

En septembre 2019, B______ a, à plusieurs reprises, eu des entretiens téléphoniques avec L______. Entendu en qualité de témoin, ce dernier a déclaré avoir eu, lors du quatrième trimestre de 2019, des contacts avec B______ en vue de créer une structure en Suisse.

g. M______ (SUISSE) SÀRL, anciennement N______ (SUISSE) SÀRL, a été inscrite au registre du commerce de Genève le ______ 2020.

P______ en est l'associé unique. J______ en est le gérant.

La société Française M______ SÀRL a pris contact avec J______ par le biais de B______ pour discuter des différentes opportunités permettant d'élargir les compétences respectives et d'augmenter les parts sur le marché suisse de K______ SÀRL et M______ (SUISSE) SÀRL.

A______ SÀRL, K______ SÀRL et M______ (SUISSE) SÀRL sont concurrentes sur le marché suisse.

h. Durant le mois de septembre 2019, B______ a sauvegardé à plusieurs reprises le contenu de son ordinateur professionnel sur des périphériques externes.

B______ allègue que D______ était au courant des sauvegardes qu'il effectuait depuis le début des relations de travail.

A______ SÀRL soutient que son employé n'avait aucune raison de sauvegarder le contenu de son ordinateur sur un périphérique externe puisqu'il devait utiliser le serveur de l'entreprise pour stocker ses données, qui étaient sauvegardées automatiquement.

i. Par courriel du 9 septembre 2019, B______ a indiqué à L______ qu'il se chargerait de la création d'une structure en Suisse, du dossier "G______/1______Cloud" ainsi que de l'ouverture d'un compte bancaire en Suisse.

Le 11 septembre 2019, B______ a informé à L______ qu'il allait consulter un avocat pour faire le point sur son contrat de travail, rédiger sa lettre de démission et examiner les modalités quant à la création d'une société en Suisse.

j.a Le 13 septembre 2019, B______ s'est connecté avec le compte de A______ SÀRL sur le site https://store.G______.fr, a téléchargé sur son ordinateur professionnel le fichier "export_keys_export_13.09_2019.xls". Il a ensuite sauvegardé sur un disque dur externe privé une copie de ce fichier, qu'il a renommé "Clés Clients 130919.xls". Il a également procédé à une modification mineure du fichier, qu'il a renommé "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et enregistré sur son disque dur externe privé.

En examinant cet ordinateur professionnel, D______ et F______ ont constaté que plusieurs branchements de périphériques externes de large capacité avaient eu lieu en date des 8 mars 2019 et à 14 reprises entre le 3 et le 26 septembre 2019, notamment de manière ininterrompue durant la nuit.

Ils ont également constaté que les fichiers "Clés Clients 130919.xls", "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et "Analyse ABO.xlsx", crées par B______, avaient été récemment consultés par ce dernier sur un disque dur externe de très large capacité.

j.b Le fichier "Clés Clients 130919.xls" contient la liste des clients, la liste des produits proposés à ces clients, les clés d'installation des logiciels et les dates d'échéance des abonnements qu'ils ont contractés. A______ SÀRL allègue qu'il s'agit du résultat de tout son travail auprès de ses clients, résultat qu'elle communique à G______ France pour obtenir les droits d'utilisation annuels de ses produits. Ces données peuvent être consultées sur le site de "G______" par le biais d'un code d'accès dont dispose A______ SÀRL.

Le fichier "Clés Clients 130919-MODIF.xls" contient en outre des onglets "Clients 2019", "Clients 2020" et "Clients 2021" qui répertorient les clients de A______ SÀRL dont les contrats se terminent en 2019, 2020 et 2021 avec indication de la date de fin de contrat. Il comprend des remarques notées par B______ s'agissant de clients potentiellement insatisfaits par les services de A______ SÀRL.

Ces fichiers contiennent également un onglet "ne pas appeler" qui liste un certain nombre de clients de A______ SÀRL qui sont proches de D______.

Selon A______ SÀRL, le fichier "Analyse ABO.xlsx", au regard de son nom et de son emplacement, contient une analyse détaillée du prix des abonnements qu'elle pratique auprès de ses clients; les données relatives aux abonnements ne pouvaient provenir que d'une extraction du progiciel de gestion des solutions de la société.

j.c B______ allègue avoir créé ces fichiers dans le cadre de son emploi pour le compte de A______ SÀRL, à la demande de son employeur.

A______ SÀRL le conteste, exposant qu'ils ont été créés à son insu pour les transmettre à une société concurrente. Elle relève que son employé n'avait aucun besoin de créer et stocker ces fichiers sur son ordinateur professionnel ou sur un disque externe privé, dans la mesure où il pouvait en tout temps consulter l'ensemble des données contenues dans ces fichiers en se connectant au site G______ avec le compte de l'entreprise lorsque son activité professionnelle le nécessitait.

B______ soutient que les éléments contenus dans ces fichiers n'appartiennent pas à A______ SÀRL, mais à G______, et sont disponibles sur le site de cette dernière en introduisant le numéro de service du client.

A______ SÀRL estime que ces fichiers lui appartiennent et qu'ils contiennent la liste des clients de la société, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation du logiciel "G______" et les dates d'échéance des contrats. La connexion à la boutique "G______" n'est possible qu'avec les codes de A______ SÀRL.

k. Le 13 septembre 2019, un courriel, ayant pour objet "Potentiel clients" (sic), a été adressé depuis la boîte mail de B______ B______@2______.ch à L______, contenant le document "Clés Clients 130919-MODIF.xls".

A______ SÀRL allègue que B______ a transféré ces documents à L______, gérant de la société française M______ SÀRL. B______ conteste avoir envoyé ce message.

L______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir reçu en septembre 2019 un mail de B______ contenant un fichier qui concernait probablement A______ SÀRL.

l. Le 17 septembre 2019, B______ a acquis le nom de domaine www.N______.ch. Ce site renvoie sur le site www.M______.ch, enregistré le 16 septembre 2020, qui renvoie sur le site www.M______.eu. En consultant ce dernier site, l'internaute atterrit sur la page de la société française M______ SÀRL.

Les données de contacts mises en évidence renvoient aux sociétés M______ SÀRL pour la France et M______ (SUISSE) SÀRL pour la Suisse.

m. A______ SÀRL allègue que B______ a transféré des données confidentielles sur de ses clients sur son adresse e-mail privée les 17 et 23 septembre 2019.

Elle produit un document attestant de l'envoi de messages de la boîte de messagerie professionnelle de B______ sur sa messagerie privée.

Ce dernier conteste la valeur probante du document, qu'il estime être un montage.

n. Par courrier du 24 septembre 2019, B______ a, par l'entremise de son avocat, résilié le contrat de travail pour le 31 décembre 2019.

o. Le 26 septembre 2019, B______ a effectué une sauvegarde de son ordinateur professionnel sur un disque dur à son domicile.

Le répertoire de cette sauvegarde contient les dossiers suivants : Clients, Propales, Interne, G______, Autres Editeurs et Partenaires, Prospects.

A______ SÀRL a été informée de cette sauvegarde par le biais d'un logiciel de surveillance et d'alerte en permanence des ordinateurs.

p. Par courriel du 26 septembre 2019, B______ a interpellé son employeur pour s'étonner de ce que tous ses accès professionnels avaient été interrompus.

Lors d'une entrevue tenue le 27 septembre 2019, B______ a, à la demande de son employeur, restitué l'ordinateur portable professionnel.

A la question de son employeur qui lui avait demandé s'il avait copié des fichiers appartenant à la société, B______ a répondu par la négative.

q . A______ SÀRL a licencié B______ avec effet immédiat par courrier du 3 octobre 2019.

r. Le 14 novembre 2019, un courriel publicitaire a été adressé depuis l'adresse contact@N______.ch à plusieurs sociétés, dont R______ SA, S______ SA, T______ SA, U______ SA et V______. R______ SA, T______ SA et U______ SA sont clientes de A______ SÀRL.

Interrogé lors de l'audience du 10 juin 2021, B______ a déclaré qu'il était possible qu'il ait envoyé ces mails publicitaires. Entendu en qualité de témoin, L______ a indiqué que ces messages ont probablement été envoyés par B______.

s. Le 26 novembre 2019, A______ SÀRL a été informée par le fournisseur du logiciel "G______" que N______ SÀRL France souhaitait créer une succursale en Suisse.

t. Suite au courriel publicitaire qui lui avait été adressé en novembre 2019, U______ SA a été contactée par B______, ce qui lui a permis de réaliser que les propositions qui lui avaient été transmises étaient en lien avec ce dernier.

En décembre 2019, U______ SA a adressé un formulaire de demande à M______ SARL. Elle ne recherchait pas activement un autre prestataire, mais était ouverte aux autres possibilités que lui offrait le marché s'agissant du produit "G______/1______".

Le 26 juin 2020, U______ SA a informé A______ SÀRL avoir été sollicitée par B______.

U______ SA est toujours cliente de A______ SÀRL.

u. R______ SA, qui fournit des prestations pour les petites et moyennes entreprises, s'est dirigée vers un marché plus large situé en France et recherchait des supports plus adaptés à une clientèle française. C'est dans ce contexte qu'elle a résilié les contrats conclus avec A______ SÀRL le 25 mai 2020 pour la prochaine échéance contractuelle. Elle a par la suite mandaté la société W______, qui lui fournit la licence pour le logiciel. La formation est assurée par K______ SÀRL. R______ SA n'a pas eu de contacts avec B______. C'est l'un de ses représentants qui l'a dirigée vers K______ SÀRL.

Les montants facturés par A______ SÀRL dans le cadre de ces contrats s'élèvent à 42'200 fr. sur une année.

v. T______ SA a été cliente de A______ SÀRL pendant quelques années jusqu'à fin 2020. Elle n'était plus satisfaite de ses prestations, notamment en matière de gestion information et de gestion des salaires, a décidé d'arrêter sa collaboration avec A______ SÀRL et souhaitait changer totalement de solution informatique. Elle a eu des contacts avec B______ lorsque ce dernier travaillait pour A______ SÀRL En août 2020, elle a contacté B______ afin qu'il la conseille dans ce changement. Celui-ci lui a recommandé de continuer avec les produits "G______", lui a proposé de l'accompagner pour développer le système actuel et lui a recommandé la société M______ (SUISSE) SÀRL.

T______ SA a résilié l'ensemble des contrats qui la liaient à A______ SÀRL le 27 août 2020, pour leur prochaine échéance à fin novembre 2020. Elle est actuellement cliente de M______ (SUISSE) SÀRL. Son interlocuteur au sein de cette société est B______. Elle lui a confié la gestion comptable, et a décidé de mandater un autre prestataire pour la gestion des ressources humaines.

Les montants facturés par A______ SÀRL dans le cadre de ces contrats s'élevaient à 41'423 fr. sur une année.

Le 12 janvier 2021, A______ SÀRL a reçu un courriel que son ancienne cliente T______ SA lui a adressé par erreur, pensant s'adresser à B______. Il en ressort que B______ dispose d'une adresse email B______@M______.ch et qu'il est intervient en qualité de chef de projet pour M______ (SUISSE) SÀRL.

w. En novembre 2020, les sociétés X______ SA et Y______ SA ont résilié les contrats qui les liant à A______ SÀRL.

Les contrats liant cette dernière à X______ SA ont pris fin le 22 février 2021; ceux la liant à Y______ SA le 28 janvier 2022.

Les courriers de résiliation adressées par ces deux sociétés à A______ SÀRL présentent le même contenu, ainsi qu'une forme, police de caractère et interligne identiques.

Y______ SA a décidé de mettre fin au contrat la liant à A______ SÀRL en 2020, parce qu'elle n'était plus satisfaite des prestations fournies par cette dernière. B______ lui avait indiqué qu'il avait quitté A______ SÀRL et les prestations avaient diminué à ce moment-là. En septembre 2021, elle était toujours liée à A______ SÀRL et n'avait pas encore contracté auprès d'un autre prestataire. Elle allait rechercher un autre fournisseur pour les produits "G______" en faisant des recherches sur internet.

Y______ SA n'a pas rédigé elle-même le courrier de résiliation adressé à A______ SÀRL en novembre 2020. Lorsqu'elle a demandé conseil à B______, qui était son interlocuteur pour les produits "G______", ce dernier lui a remis un courrier-type.

X______ SA a décidé de quitter A______ SÀRL en raison du prix des prestations. Avant février 2021, B______ lui avait indiqué qu'il quittait A______ SÀRL et qu'il allait ouvrir une autre entreprise qui proposait également des produits "G______". Il lui a fait une offre bien moins chère de sorte qu'elle a quitté A______ SÀRL et obtient depuis ces prestations auprès de l'entreprise que B______ a ouverte, soit M______ (SUISSE) SÀRL. Lorsqu'elle a demandé conseil auprès de ce dernier pour la résiliation du contrat la liant à A______ SÀRL, B______ lui a communiqué un courrier-type.

Pour A______ SÀRL, les contrats passés avec Y______ SA et X______ SA représentent un revenu annuel de respectivement 3'707 fr. 03 et 3'268 fr. 70.

x. A______ SÀRL a produit ses comptes d'exploitation pour 2019 partiellement caviardés, ainsi qu'un tableau récapitulatif de son chiffre d'affaires pour 2019. Il résulte de ces deux documents que le produit net des ventes de prestations de services s'élevait à 887'000 fr., que le bénéfice en lien avec les produits "G______" était de 355'605 fr. et que le prix d'acquisition des produits "G______" était de 128'458 fr..

Selon un tableau établi par A______ SÀRL, intitulé : "Répartition du CA 2019", la marge réalisée sur les abonnements des logiciels "G______" est de 355'605 fr. et celle portant sur l'ensemble des prestations fournies est de 688'122 fr. Les frais d'obtention des codes d'activation des logiciels "G______" sont de 128'458 fr.

B. a. Le 1er octobre 2019, D______ a déposé plainte pénale contre B______ pour vol de données informatiques.

Dans un document établi pour la police, D______ a indiqué, différentes captures d'écran à l'appui, que le disque dur sur lequel B______ avait effectué la sauvegarde de son ordinateur professionnel contenait quatre répertoires, dont ladite sauvegarde de son ordinateur professionnel (BU_ASUS_B______) ainsi qu'un répertoire "N______". La sauvegarde de l'ordinateur professionnel effectuée devait contenir les dossiers Clients, Propales, Interne, G______, Autres éditeurs et partenaires, Prospects. L'ordinateur professionnel de B______ comportait notamment des fichiers "Clés Clients" créés le 13 septembre 2019 et "Analyse ABO". Les fichiers "Clés Clients" contenaient la liste des clients de A______ SÀRL, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation du logiciel "G______" et les dates d'échéance des contrats; le fichier "Analyse ABO" contenait une analyse du prix des abonnements que A______ SÀRL pratiquait auprès de ses clients.

b. Le 6 novembre 2019, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre B______ pour soustraction de données et infraction à la loi contre la concurrence déloyale. Il a ordonné une perquisition au domicile de celui-ci le 7 novembre 2019, l'a interrogé le 12 décembre 2019 et notamment saisi deux ordinateurs portables ainsi que des disques durs. Il a chargé la brigade de la criminalité informatique d'analyser les données informatiques contenues dans les supports et d'établir un rapport.

c. Un rapport a été établi le 3 mars 2020 par la brigade de la criminalité informatique. Il en ressort notamment que des données concernant A______ SÀRL se trouvaient sur l'ordinateur personnel de B______, notamment le fichier "Codes-V4.xlsx", contenant la liste des clients de la société, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation du logiciel "G______" et les dates d'échéance des contrats.

d. Lors de son audition par la police judiciaire le 12 décembre 2019, B______ a déclaré avoir contacté trois ou quatre clients de A______ SÀRL pour les informer de sa démission et de son projet de créer sa propre structure.

Lors de son audition par le Ministère public le 8 septembre 2020, il a déclaré qu'une société concurrente de A______ SÀRL lui avait offert un emploi et que, s'il était engagé, il pourrait être amené à contacter d'anciens clients de cette dernière. Il a en outre indiqué avoir été en contact avec un client de A______ SÀRL pour la vente d'un logiciel de gestion des salaires.

e. Le 18 novembre 2020, le Ministère public a classé les plaintes pénales déposées par A______ SÀRL et D______. Sur recours de ces derniers, la Chambre pénale de recours a, pour l'essentiel, annulé cette ordonnance et renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il complète l'instruction.

C. Les parties se sont également opposées devant la juridiction des prud'hommes.

Par jugement du 25 juin 2021, le Tribunal des prud'hommes a notamment confirmé le caractère justifié du licenciement immédiat et condamné B______ à verser l'équivalent d'un mois de salaire en raison de la violation de la clause de non-concurrence.

D. Sur requête de A______ SÀRL fondée sur la loi contre la concurrence déloyale, la Cour de justice a, par arrêt rendu sur mesures provisionnelles le 20 août 2020, fait interdiction à B______, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, de divulguer toutes données relatives aux clients de A______ SÀRL, soit le nom des clients, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation de ceux-ci, les dates de fin de contrats conclus avec les clients et le prix des abonnements pratiqués auprès des clients, de transmettre les fichiers "Clés Clients 130919.xls", "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et "Analyse ABO.xslx" et de communiquer toutes données contenues dans ces trois fichiers à des tiers, dont N______ SÀRL sise à O______ (France), en impartissant à A______ SÀRL un délai de 30 jours pour valider les mesures provisionnelles par le dépôt d'une action au fond.

E. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 28 septembre 2020, A______ SÀRL agit l'encontre de B______ en validation des mesures provisionnelles prononcées, en interdiction et en réparation du dommage.

Elle conclut à la condamnation de B______ à lui payer la somme de 83'623 fr. 40, avec intérêts à 5% l'an dès le 25 mai 2020 à titre de dommages intérêts. Elle demande par ailleurs à la Cour d'interdire à B______ de 1) divulguer à des tiers, dont Z______ SA et N______ SÀRL (France) toutes données relatives à ses clients, soit le nom des clients, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation de ceux-ci, les dates de fin de contrats conclus avec les clients et le prix des abonnements pratiqués auprès des clients, de 2) transmettre à des tiers, dont Z______ SA et N______ SÀRL (France), leurs organes, leurs représentants et auxiliaires, les fichiers "export_keys_export_13.09_2019.xls", Clés Clients 130919.xls", "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et "Analyse ABO.xslx" et "Codes-V4.xlsx", de 3) communiquer à des tiers, dont Z______ SA, ses organes, ses représentants et ses auxiliaires, toutes données contenues dans ces fichiers, de 4) transmettre à des tiers, dont Z______ SA et N______ SÀRL (France), leurs organes, leurs représentants et leurs auxiliaires, toute autre information appartenant à A______ SÀRL, de 5) conclure pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers, dont Z______ SA et N______ SÀRL (France), leurs organes, leurs représentants et leurs auxiliaires, de contrats avec la clientèle de A______ SÀRL, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP et sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de la demande de A______ SÀRL, sous suite de frais et dépens. Il sollicite en outre la condamnation de cette dernière au versement des frais et dépens de la procédure de mesures provisionnelles.

c. Dans sa réplique, A______ SÀRL a persisté dans les conclusions de sa demande, amplifiant ses conclusions en paiement d'un montant de 3'268 fr. 70 avec intérêts à 5% l'an dès le 20 janvier 2021.

d. B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions en rejet de la demande.

e. Le 30 juillet 2021, A______ SÀRL a fait valoir des faits nouveaux et formulé une conclusion additionnelle en paiement de 3'707 fr. 03.

B______ a fait valoir des faits nouveaux par écriture expédiée le 19 août 2021.

A______ SÀRL s'est prévalue d'autres faits nouveaux le 6 septembre 2021.

B______ s'est déterminé par écriture du 23 septembre 2021.

f. Lors des audiences tenues les 10 juin, 23, 30 septembre et 1er novembre 2021, la Cour a procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition des témoins J______, F______, AA______, AB______, AC______, AD______, AE______ et L______.

g. La requête en suspension de la procédure requise par B______ le 1er novembre 2021 a été rejetée par arrêt du 8 novembre 2021.

h. Lors de l'audience de plaidoiries finales tenue le 14 décembre 2021, les parties ont plaidé.

A______ SÀRL a persisté dans ses conclusions en interdiction de faire et en paiement formulées dans ses précédentes écritures. Elle a déposé une note de frais de 24'400 fr., qu'elle réclame au titre de dépens, correspondant à 32 heures, dont 11 heures 18 d'audience, d'activité d'avocat associé au tarif horaire de 600 fr., et 26 heures d'activité d'avocat au tarif de 200 fr.

B______ a persisté dans ses conclusions en déboutement de sa partie adverse.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle ou relevant de la loi contre la concurrence déloyale lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 5 al. 1 let. a et d CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ).

1.2 La requérante fonde ses prétentions sur la loi contre la concurrence déloyale et fait notamment valoir des prétentions en réparation du préjudice chiffrées à 90'599 fr. en capital, de sorte que la Cour est compétente à raison de la matière pour connaître du présent litige en instance unique.

2. La demanderesse se plaint d'une atteinte à sa clientèle en raison d'actes de concurrence déloyale du défendeur et demande à la Cour d'interdire à celui-ci de divulguer et transmettre à des tiers les données concernant sa clientèle et toute autre information lui appartenant, ainsi que de conclure des contrats avec sa clientèle.

2.1.1 Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge de l'interdire, si elle est imminente, de la faire cesser, si elle dure encore, d'en constater le caractère illicite, si le trouble qu'elle a créé subsiste (art. 9 al. 1 LCD).

2.1.2 La loi fédérale sur la concurrence déloyale vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée (art. 1 LCD). Cette loi ne concerne donc que le domaine de la concurrence, compris comme une compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent leurs prestations. Pour que les normes réprimant la concurrence déloyale s'appliquent, il ne suffit pas que le comportement incriminé apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples reproduits aux art. 3 à 8 LCD, mais il faut encore, comme le montre la clause générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, l'acte doit influencer le jeu de la concurrence, le fonctionnement du marché. S'il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent, ni qu'il ait la volonté d'influencer l'activité économique, l'acte doit cependant être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître, respectivement diminuer, ses parts de marché. La LCD ne protège pas la bonne foi de manière générale, mais tend seulement à garantir une concurrence loyale (ATF 136 III 23, consid.9.1; 133 III 431 consid.4.1, JdT 2007 I 194; 131 III 364 consid.3, JdT 2005 I 434).

2.1.3 Est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients (art. 2 LCD).

L'acte doit être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa)

La clause générale de l'art. 2 LCD est concrétisée par la liste d'exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD. Il n'est pas nécessaire de faire appel à cette clause si le comportement reproché tombe sous le coup de l'une des dispositions spéciales (art. 3 à 8 LCD), raison pour laquelle il convient de commencer par examiner l'applicabilité de ces dernières (ATF 132 III 414 consid.3). Les situations envisagées dans ces cas particuliers ne sont pas exhaustives : un comportement peut ainsi être considéré comme déloyal même s'il ne remplit aucun constitutif des art. 3 à 8 LCD (ATF 133 III 431 consid. 4.1).

Ainsi, celui qui acquiert la connaissance d'un secret de manière licite dans un rapport de travail et l'exploite ou le divulgue en violation de garder le secret ou en violation d'une clause de non–concurrence après la fin des rapports de travail peut tomber sous le coup de l'art. 2 LCD (CR LCD-Fischer/Richa, n. 28 ad art. 6; CR LCD-Pichonnaz, n. 123 ad art. 2).

2.1.4 Agit en particulier de façon déloyale celui qui reprend grâce à des procédés techniques de reproduction et sans sacrifice correspondant le résultat de travail d'un tiers prêt à être mis sur le marché et l'exploite comme tel (art. 5 let. c LCD),

Le produit prêt à être mis sur le marché au sens de cette disposition est tout produit qui peut sans plus être exploité de manière industrielle ou commerciale, mais il n'est pas nécessaire qu'il puisse l'être tout seul (ATF 131 III 384 consid. 4.2). Il n'est pas requis qu'il puisse être immédiatement mis en vente ou commercialisable tel quel : peuvent également constituer des produits prêts à être mis sur le marché des modes d'emploi, des produits intermédiaires ou même des produits qui ne sont pas destinés aux consommateurs, mais à l'usage propre du reprenant, comme des bases de données ou encore des programmes informatiques; ce qui est déterminant n'est pas tant le degré d'avancement du travail, mais l'existence d'un marché sur lequel des rapports de concurrence peuvent potentiellement naître (CR LCD-Nussbaumer, n. 102 ss ad art. 5).

Des listes de clients ou des bases de données peuvent constituer le résultat d'un travail, pour autant qu'elles soient exploitables (Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, 2002, n. 9.07). Une liste de clients mauvais payeurs peut faire partie d'une collection de données de clients et constituer comme celle-ci le résultat d'un travail (arrêt du Tribunal fédéral 6B_298/2013 du 16 janvier 2014 consid. 3.2.2).

La reproduction doit être immédiate, en ce sens qu'elle doit reprendre tel quel le produit copié. Il n'est en revanche pas possible de se soustraire à cette disposition en procédure à des modifications mineures du travail reproduit (ATF 131 III 384 consid. 4.3).

Pour juger du caractère approprié des sacrifices consentis par le reprenant, il convient de procéder à une double comparaison : il faut d'abord comparer l'investissement du reprenant avec l'investissement du premier concurrent et, dans un second temps, l'investissement réel du reprenant avec l'investissement auquel il aurait dû consentir s'il n'avait pas repris le travail du premier concurrent (CR LCD-Nussbaumer, n. 84 ss ad art. 5). Les frais engagés dans l'acquisition de licence doivent être pris en compte dans le calcul de l'investissement du premier concurrent; les dépenses en appareils de reproduction et en sauvegarde ne doivent pas être pris en compte (CR LCD-Nussbaumer, n. 86 ss ad art. 5).

2.1.5 Agit par ailleurs de manière déloyale celui qui exploite de façon indue le résultat d'un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans (art. 5 let. a LCD).

Sont confiés à une personne tant les résultats d'un travail rendus accessibles à un travailleur avec l'accord de son employeur que ceux qui ont été accomplis par le travailleur dans le cadre du contrat de travail (arrêts du Tribunal fédéral 6B_298/2013 du 16 janvier 2014, consid. 3.2.2; 4A_584/2017 du 9 janvier 2019, consid. 4).

Le terme "exploité" s'interprète de manière large. Ce qui importe, c'est que le comportement de celui qui s'est vu confier le résultat du travail soit enclin à influencer la concurrence. L'exploitation peut se traduire par l'utilisation pure et simple du travail confié, mais une simple copie est également considérée comme une exploitation au sens de cette disposition (CR LCD-Nussbaumer, n. 53 ad art. 5). L'exploitation est indue lorsque celui qui s'est vu confier la prestation agit malgré l'existence d'une interdiction, qui peut découler d'un contrat ou des circonstances (CR LCD-Nussbaumer, n. 55 ad art. 5).

Il faut, d'une part, que le résultat d'un travail ait été confié à l'auteur et, d'autre part, que celui-ci l'utilise contrairement aux accords passés, qu'il le détourne de la destination convenue. Le caractère déloyal de l'acte réside dans la trahison de la confiance donnée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_672/2012 du 19 mars 2013, consid. 1.1; 6S_684/2001 du 18 janvier 2002 consid. 1.b). 

2.1.6 Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

2.2.1 En l'espèce, le défendeur a travaillé pour la demanderesse comme chef de projet chargé de la prospection de nouveaux clients de 2014 à octobre 2019. Le 13 septembre 2019, il s'est connecté, par le biais du compte de la demanderesse, sur le site https://store.G______.fr et a téléchargé sur son ordinateur professionnel le fichier "export_keys_export_13.09_2019.xls", dont il a ensuite sauvegardé une copie sur un disque dur externe privé, qu'il a renommé "Clés Clients 130919.xls". Il a procédé à une modification mineure du fichier, qu'il a renommé "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et enregistré sur son disque dur externe privé. Le 26 septembre 2019, après avoir dénoncé les rapports de travail le 24 septembre 2019, il a effectué une sauvegarde du contenu de son ordinateur professionnel sur un disque dur à son domicile, en enregistrant notamment des fichiers contenant la liste des clients, la liste des produits proposés à ces clients, les clés d'installation des logiciels et les dates d'échéance des abonnements qu'ils ont contractés. Il a modifié certains documents en répertoriant les clients en fonction des dates d'échéance de leurs contrats et fait des annotations s'agissant de clients potentiellement insatisfaits des services de la demanderesse. En septembre 2019, le défendeur a en outre eu de nombreux contacts téléphoniques avec L______, directeur de la société française N______ SÀRL, devenue M______ SÀRL, entreprise concurrence active dans le même domaine, qui envisageait alors d'étendre son activité en Suisse. Toujours en septembre 2019, le défendeur a acquis le nom de domaine "www.N______.ch", puis a, en date du 14 novembre 2019, adressé un courriel publicitaire à plusieurs sociétés clientes de la demanderesse depuis la boîte de messagerie contact@N______.ch.

Il est par ailleurs établi qu'un courriel, ayant pour objet "Potentiel clients" (sic) et contenant le document "Clés Clients 130919-MODIF.xls" a été adressé le 13 septembre 2109 à L______ depuis la boîte mail de B______ B______@2______.ch. Le défendeur conteste avoir envoyé ce message, exposant que sa boîte de messagerie avait pu être utilisée par autrui. L'ensemble des actes effectués par le défendeur relevés ci-avant, soit l'enregistrement des fichiers de la demanderesse sur des périphériques privés, l'acquisition du nom de domaine, les fréquents contacts du défendeur avec l'animateur de N______ en septembre 2019 en vue d'implanter cette société en Suisse et les messages publicitaires envoyés en novembre 2019 par une boite de messagerie de cette société à plusieurs clients de la demanderesse conduisent toutefois la Cour à retenir que ce message a bien été envoyé par le défendeur, ce d'autant que les documents transmis s'inscrivent dans cette même optique de lancer une entreprise concurrente sur le marché suisse.

Les données sauvegardées par le défendeur contiennent notamment la liste des clients de la demanderesse, la liste des produits en possession des clients, les codes d'activation des produits du logiciel de gestion "G______", la date d'échéance des contrats ainsi que les prix des abonnements qu'elle pratiquait auprès de ses clients. Ces données constituent le résultat d'un travail de la demanderesse, qui ont, entre autres, nécessité l'acquisition des codes d'activation moyennant des frais de plus de 128'000 fr. A cet égard, le défendeur ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que ces données n'appartiennent pas à la demanderesse: il est vrai que certaines de ces données sont consultables sur le site "G______", mais il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas librement accessibles, puisque leur consultation requiert des codes d'accès que la demanderesse obtient en souscrivant des produits pour le compte de ses clients. Il s'agit dès lors biens de données confidentielles appartenant à la demanderesse, que le défendeur a sauvegardées sur ses périphériques externes et qui sont directement exploitables par un concurrent puisqu'elles lui permettent de s'adresser aux clients de la demanderesse de manière ciblée et en temps opportun en disposant des renseignements recueillis par cette dernière sans devoir fournir aucun sacrifice correspondant. Le défendeur a ainsi agi de manière déloyale au sens de l'art. 5 let. c LCD.

En outre, en enregistrant des bases de données appartenant à la demanderesse alors qu'il y avait encore accès en sa qualité d'employé de celle-ci, en les transmettant à l'animateur d'une société concurrente française en voie de s'implanter sur le marché suisse, puis en adressant des messages publicitaires à des clients de la demanderesse, le défendeur a exploité les données confidentielles appartenant à cette dernière dans un but contraire à ce que les parties avaient convenu dans le cadre de leurs rapports de travail. Le défendeur a ainsi exploité de manière indue le résultat d'un travail qui lui avait été confié, contrevenant également à l'art. 5 let. a LCD.

Enfin, même à supposer que ces bases de données ne soient pas considérées comme un résultat de travail au sens de ces dispositions, une atteinte en raison d'un acte de concurrence déloyale serait alors admise sur la base de la clause générale de l'art. 2 LCD. En effet, en divulguant et en exploitant au profit d'une entreprise concurrente étendant son activité en Suisse des renseignements confidentiels de la demanderesse alors qu'il est contractuellement tenu au secret envers cette dernière, le défendeur agit de manière contraire aux règles de la bonne foi, ses agissements avantageant des concurrents au détriment de la demanderesse et biaisant ainsi les rapports de saine concurrence.

Il résulte ainsi de ce qui précède que le défendeur a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la demanderesse.

2.2.2 Cette dernière a démontré avoir subi une atteinte dans sa clientèle en raison des actes déloyaux du défendeur. Les sociétés R______ SA et T______ SA qui étaient ses clientes ont résilié leurs contrats après avoir reçu un mail publicitaire que le défendeur leur a adressé le 14 novembre 2019. Il résulte par ailleurs des courriers de résiliation adressés à la demanderesse par les sociétés X______ SA et Y______ SA et de l'audition de leur représentant que leurs lettres de résiliation, qui présentent des contenu, forme et police de caractère identiques, ont été établis sur la base d'un document-type que leur avait remis le défendeur.

Les conditions posées par l'article 9 al. 1 LCD sont ainsi réalisées, de sorte qu'il y a lieu de faire interdiction au défendeur de divulguer ou transmettre à des tiers toutes données concernant les clients de la demanderesse, soit le nom des clients, la liste des produits en possession des clients avec les codes d'activation de ceux-ci, les prix des abonnements pratiqués auprès de ses clients et toute autre information appartenant à la demanderesse, de transmettre à des tiers les fichiers "export_keys_export_13.09_2019.xls", Clés Clients 130919.xls", "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et "Analyse ABO.xslx" et "Codes-V4.xlsx" et de communiquer à des tiers toutes données contenues dans ces fichiers. Cette interdiction sera assortie de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP afin d'en favoriser l'exécution (art. 343 al. 1 let. a CPC).

Il ne sera en revanche pas fait interdiction au défendeur de conclure des contrats avec des clients de la demanderesse, cette mesure excédant le cadre nécessaire à la protection de la demanderesse contre les actes de concurrence déloyale retenus.

3. La demanderesse prétend au versement des sommes de 83'623 fr. 40, 3'707 fr. 03 et 3'268 fr. 70 au titre de réparation du préjudice qu'elle expose avoir subi en raison des actes de concurrence déloyale commis par le défendeur.

3.1 Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général peut, conformément au code des obligations, intenter des actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi qu'exiger la remise du gain selon les dispositions sur la gestion d'affaires (art. 9 al. 1 et 3 LCD).

Les conditions permettant l'octroi de dommages-intérêts sont identiques dans le droit de la propriété intellectuelle à celles qui prévalent dans la responsabilité délictuelle au sens de l'art. 41 CO. Constituent ainsi des conditions pour réparer le préjudice résultant d'un acte de concurrence déloyale le dommage, l'illicéité, la faute et le rapport de causalité adéquate entre la conduite illicite et le préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 4A_741/2011 du 11 avril 2012, consid. 4.1).

Le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il peut consister dans une réduction de l'actif, dans une augmentation du passif ou dans un gain manqué; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (arrêt du Tribunal fédéral 4C_166/2000 du 8 décembre 2000, consid. 6b). L'indemnisation du préjudice en capital porte intérêts compensatoires, qui courent à compter de l'événement dommageable et sont dus sans interpellation ni demeure (ATF 131 III 12 consid. 9.1).

Conformément à l'art. 2 LCD, la condition de l'illicéité est remplie dès lors que le comportement reproché au défendeur est déloyal au sens des art. 2 à 8 LCD, puisque ces normes visent notamment à protéger l'intérêt des particuliers à une concurrence non faussée (CR LCD-Fornage, n. 40 ad art. 9).

Le rapport de causalité naturelle suppose que la survenance du dommage soit la condition sine qua non du comportement déloyal. Le comportement de l'auteur doit en outre être propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à provoquer un préjudice du type de celui subi par le lésé (CR LCD-Fornage, n. 39 ad art. 9).

3.2 En l'espèce, le défendeur a commis des actes de concurrence déloyale en violation des art. 5 a et c LCD en enregistrant et en transmettant à une entreprise concurrente la liste des clients de la demanderesse, la liste des produits les concernant, les codes d'activation des logiciels de gestion "G______", les tarifs pratiqués par la demanderesse et les dates d'échéance des abonnements contractés. Ces données ont été transmises à L______, gérant de M______ Sàrl, puis exploitées par M______ (SUISSE) SÀRL au regard du courriel publicitaire adressé par cette dernière aux clients de la demanderesse en novembre 2019. Le défendeur a ainsi agi de manière illicite. Il a également agi de manière fautive puisqu'il a commis les actes qui lui sont reprochés de manière intentionnelle.

Les sociétés R______ SA, T______ SA, X______ SA et Y______ SA étaient clientes de la demanderesse et ont résilié les contrats les liant à la demanderesse. Il ressort des pièces produites par la demanderesse que cette dernière a facturé à ces sociétés les sommes de 42'200 fr., 41'423 fr., 3'268 fr. 70 et 3'707 fr. 03 dans le cadre des derniers abonnements annuels contractés.

Les pièces produites par la demanderesse et les témoignages des représentants des sociétés T______ SA, X______ SA et Y______ SA conduisent à retenir que ce sont les actes déloyaux du défendeur qui ont conduit ces trois sociétés à rompre le contrat les liant à la demanderesse pour obtenir des prestations similaires auprès de M______ (SUISSE) SÀRL. Il est vrai que les représentants de X______ SA et Y______ SA ont déclaré qu'ils n'étaient plus satisfaits des prestations de la demanderesse ou des prix pratiqués par celle-ci. Cela étant, X______ SA a dénoncé son contrat la liant à cette dernière parce que le défendeur lui avait fait une offre moins chère par le biais de M______ (SUISSE) SÀRL. En outre, les courriers de résiliation adressés par X______ SA et Y______ SA à la demanderesse ont été rédigés au moyen d'un courrier-type remis par le défendeur. Il existe ainsi un lien de causalité entre le préjudice subi par la demanderesse du fait de la perte de ces clients et l'acte déloyal reproché au défendeur.

Un tel rapport de causalité ne peut en revanche être retenu s'agissant de la société R______ SA. Il est vrai qu'un email publicitaire a été adressé à cette société en novembre 2019 depuis l'adresse contact@N______.ch, et que celle-ci a par la suite rompu les contrats la liant à la demanderesse en mai 2020 pour la prochaine échéance contractuelle. Son représentant, entendu en qualité de témoin, a cependant déclaré n'avoir pas eu de contact avec B______, avoir résilié le contrat la liant à A______ SÀRL parce qu'elle se dirigeait vers un marché plus large situé en France et recherchait ainsi des supports plus adaptés à une clientèle française, avoir par la suite mandaté une société W______ qui lui fournissait la licence pour le logiciel, la formation étant assurée par K______ SÀRL qui lui avait été proposée par l'un de ses représentants. Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de retenir que le gain manqué subi par la demanderesse par la perte de ce client soit consécutif aux actes déloyaux reprochés au défendeur.

Il résulte de ce qui précède que le défendeur a commis des actes déloyaux causant à la demanderesse un préjudice à hauteur de 41'423 fr., 3'268 fr. 70 et 3'707 fr. 03, correspondant au gain manqué en raison de la résiliation des abonnements par les sociétés T______ SA, X______ SA, Y______ SA. Le défendeur sera en conséquence condamné à verser ces montants à titre de réparation, les deux premiers montants portant intérêts compensatoires dès l'échéance des contrats non renouvelés, soit à compter du 1er décembre 2020 pour la somme de 41'423 fr. 70 concernant T______ SA et du 22 février 2021 sur la somme de 3'268 fr. 70 relative à X______ SA.

4. 4.1 Le tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale (art. 104 CPC).

Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC). Les frais judiciaires comprennent notamment l'émolument forfaitaire de décision (art. 95 al. 2 let. b CPC), qui est fixé entre 2'000 fr. et 8'000 fr. pour une valeur litigieuse se situant entre 30'000 fr. et 100'000 fr. (art. 17 RTFMC).

Les dépens comprennent notamment les débours nécessaires et le défraiement d'un représentant professionnel (art. 95 al. 3 CPC). Ils sont fixés selon le tarif fixé par les cantons; les parties peuvent produire une note de frais (art. 95 et 105 al. 2 CPC). Dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 LaCC; art. 84 RTFMC). Le défraiement prend pour base le tarif prévu par l'art. 85 RTFMC et peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir des comptes éléments rappelés par l'art. 84 RTFMC. Pour une valeur litigieuse se situant entre 80'000 et 160'000 fr., le défraiement est fixé à 9'700 fr. plus 6% de la valeur dépassant 80'000 fr. (art. 85 RTFMC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 ab initio CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties. La personne à qui incombe la charge des frais restitue à l'autre partie les avances que celle-ci a fournies et lui verse les dépens qui lui ont été alloués (art. 111 al. 1 et 2 CPC).

4.2 En l'espèce, les frais judiciaires seront arrêtés à 10'000 fr. (art. 17 et 18 RTFMC) et compensés avec l'avance de frais fournie par la demanderesse, qui reste acquise à due concurrence à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer 8'000 fr. à la demanderesse.

S'agissant des dépens, la demanderesse a produit une note de frais faisant état d'honoraires de son conseil à hauteur de 24'400 fr. hors taxes pour 58 heures d'activité déployées par le conseil de la demanderesse et son collaborateur du 31 août 2020 au 14 décembre 2021. Les dépens du défendeur seront retenus à hauteur de 10'000 fr. en fonction du tarif prévu par l'art. 85 RTFMC. Débours et TVA compris, les dépens se montent ainsi à 27'000 fr. pour la demanderesse et 11'000 fr. pour le défendeur.

Dans la mesure où la demanderesse obtient gain de cause pour l'essentiel - ses prétentions en interdiction de faire et en réparation du préjudice sont admises sur le principe, ses prétentions en paiement sont en revanche partiellement rejetées -, il se justifie de répartir ces frais judiciaires et dépens entre les parties à raison des ¾ à charge du défendeur et du quart restant à charge de la demanderesse.

Le défendeur sera en conséquence condamné à rembourser à la demanderesse 7'500 fr. (10'000 fr. x ¾) à titre de frais judiciaires et 17'500 fr. à titre de dépens, débours et TVA inclus [(27'000 fr. x ¾) - (11'000 fr. x ¼)].

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant en instance unique, par voie de procédure ordinaire
:

Interdit à B______ de divulguer à des tiers toutes données relatives aux clients de A______ SÀRL, soit le nom des clients, la liste des produits en possession des clients, les codes d'activation de ceux-ci, les dates de fin de contrats conclus avec les clients et le prix des abonnements pratiqués auprès des clients.

Interdit à B______ de transmettre à des tiers les fichiers "export_keys_export_13.09.2019.xls", "Clés Clients 130919.xls", "Clés Clients 130919-MODIF.xls" et "Analyse ABO.xslx" et "Codes-V4.xlsx" et de communiquer à des tiers toutes données contenues dans ces fichiers.

Interdit à B______ de transmettre à des tiers toute autre information appartenant à A______ SÀRL.

Dit que cette injonction est prononcée sous menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, qui dispose que celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée sous la menace de la peine prévue au présent article par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende.

Condamne B______ à payer à A______ SÀRL les sommes de 41'423 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2020, de 3'268 fr. 70 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 février 2021 et de 3'707 fr. 03.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure à 10'000 fr., les répartit entre les parties à raison des trois quarts à charge de B______ et du quart restant à charge de A______ SÀRL, les compense avec l'avance de frais fournie par cette dernière, qui demeure acquise à due concurrence à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 8'000 fr. à A______ SÀRL.

Condamne B______ à payer à A______ SÀRL la somme de 7'500 fr. à titre de frais judiciaires.

Condamne B______ à payer à A______ SÀRL la somme de 17'500 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Ivo BUETTI et Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.