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Décisions | Chambre civile

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C/1481/2022

ACJC/838/2022 du 15.06.2022 ( IUS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1481/2022 ACJC/838/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 15 JUIN 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (______/France), requérante selon requête en restitution de délai déposée au greffe de la Cour de céans le 21 janvier 2022, comparant par Me Marc JOORY, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

et

B______, sise ______ (______/Etats-Unis), citée, comparant par Me Louis BURRUS, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après A______) est la veuve de C______ (ci-après : C______), auteur de bandes dessinées connu sous le nom de D______ et décédé le ______ 2012.

b. De son vivant, C______ avait conclu divers contrats d'édition et/ou de cession des droits d'adaptation audiovisuelle de ses œuvres, dont un contrat pourtant sur un ouvrage intitulé "E______".

Au terme de diverses cessions de contrats, reprises de patrimoine social et fusion d'entreprises, ces contrats ont été cédés à la société de droit ______ [USA] B______ (ci-après : B______).

c. Après le décès de C______, les relations entre B______ et A______ se sont progressivement dégradées, la seconde reprochant notamment à la première d'exploiter des œuvres qui ne lui appartenaient plus, ce que celle-ci a contesté.

d. Au mois de février 2020, A______ a notamment posté un message sur le site internet de l'Agence française du jeu vidéo, indiquant que B______ s'apprêtait à développer sans droit un jeu vidéo tiré de l'ouvrage "E______".

e. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice civile le 14 juillet 2021, B______ a formé contre A______ une requête de mesures provisionnelles tendant principalement à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci de troubler par tout moyen l'exploitation des droits afférents à l'œuvre de feu C______ qui lui avaient été valablement cédés (cause C/1______/2021).

Subsidiairement, B______ a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à A______ de troubler par tout moyen l'adaptation en jeu vidéo de l'ouvrage "E______".

A l'appui de sa requête, qui comptait une trentaine de pages, B______ a produit un classeur de quatre-vingt pièces.

f. Par courrier du 28 juillet 2021, retiré le 9 août 2021, la Cour a transmis à A______ la requête et les pièces l'accompagnant. Elle lui a imparti un délai de dix jours pour se déterminer sur la requête.

g. A______ n'a pas répondu dans le délai imparti.

h. Par plis du greffe du 25 août 2021, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

i. Par arrêt ACJC/1130/2021 du 7 septembre 2021, notifié à B______ le 14 septembre 2021 et à A______ le 5 octobre 2021, statuant en instance cantonale unique et sur mesures provisionnelles dans la cause C/1______/2021, la Cour a fait interdiction à A______ de troubler par tout moyen l'adaptation en jeu vidéo de l'ouvrage "E______", prononcé cette interdiction sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP et imparti à B______ un délai de trente jours pour valider les mesures provisionnelles ainsi prononcées par le dépôt d'une action au fond.

A l'appui de sa décision, la Cour a notamment considéré que A______, à qui la requête avait été dûment notifiée, était défaillante au sens de l'art. 147 al. 1 CPC. La cause étant en état d'être jugée sur la base des faits allégués par B______ et des pièces produites par celle-ci, il convenait dès lors de se fonder sur ces seuls allégués et pièces pour statuer.

j. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 14 octobre 2021, B______ a formé contre A______ une action en exécution et en constatation dans laquelle elle a conclu principalement à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci de troubler par tout moyen les droits dont elle est titulaire sur l'ouvrage intitulé "E______", soit en particulier le droit exclusif de décider si cet ouvrage pouvait être utilisé pour la création d'une œuvre dérivée sous quelque forme que ce soit (cause C/2______/2021).

A l'appui de sa demande, qui comptait une trentaine de pages, B______ a produit deux classeurs contenant au total quatre-vingt-cinq pièces.

k. Par courrier du 8 novembre 2021, le greffe de la Cour a transmis la demande et les pièces produites par B______ à A______, en lui indiquant qu'elle disposait d'un délai de trente jours dès réception dudit courrier pour répondre à la demande auprès de la Cour de céans.

Ce courrier a été distribué au domicile de A______ le 16 novembre 2021.

l. A______ n'a pas répondu à la demande dans le délai imparti, ni ultérieurement.

m. Les parties ont été informées de ce que la cause C/2______/2021 était gardée à juger par plis du greffe du 23 décembre 2021.

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 21 janvier 2022, A______ a formé contre B______ une requête en restitution de délai tendant principalement à l'annulation de l'arrêt ACJC/1130/2021 rendu le 7 septembre 2021 dans la cause C/1______/2021, à ce qu'un délai lui soit octroyé un délai pour se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles formée par B______ le 14 juillet 2021 et, subsidiairement, à ce qu'une audience de débats principaux soit convoquée sur mesures provisionnelles.

Simultanément, elle sollicite l'octroi d'un délai pour se déterminer sur la demande au fond formée par B______ le 14 octobre 2021 (C/2______/2021).

A l'appui de cette requête, qui fait l'objet de la présente cause C/1481/2022, A______ allègue notamment qu'elle ignorait à partir de quand courait le délai qui lui a été imparti pour se déterminer sur mesures provisionnelles et que ce délai était en tous les cas trop court pour qu'elle puisse prendre position de manière adéquate. Le courrier lui transmettant la demande au fond et lui impartissant un délai pour y répondre avait quant à lui été remis à sa voisine, ce qui l'avait empêchée d'en prendre connaissance à temps.

b. B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions en restitution de délai.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informés de ce que la présente cause C/1481/2022 était gardée à juger par plis du greffe du 21 avril 2022.

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 147 CPC, une partie est défaillante lorsqu'elle omet d'accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître (al. 1). La procédure suit son cours sans qu'il soit tenu compte du défaut, à moins que la loi n'en dispose autrement (al. 2).

Aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère. La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 1). Si une décision a été communiquée, la restitution ne peut être requise que dans les six mois qui suivent l'entrée en force de la décision (al. 3).

La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_927/2015 du 22 décembre 2015 consid. 5.1; 4A_163/2015 du 12 octobre 2015 consid. 4.1).

Il suffit que les conditions (matérielles) d'application de l'art. 148 CPC soient rendues vraisemblables par le requérant, qui supporte le fardeau de la preuve. La requête de restitution doit ainsi être motivée, c'est-à-dire indiquer l'empêchement, et accompagnée des moyens de preuve disponibles. Le tribunal appelé à se prononcer sur la requête de restitution dispose d'une marge d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_927/2015 précité consid. 5.1, avec réf.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_163/2015 précité consid. 4.1).

1.2 En l'espèce, la requérante sollicite tout d'abord la restitution du délai qui lui a été imparti pour se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles formée par B______ le 14 juillet 2021. Ce faisant, la requérante ne conteste pas avoir effectivement reçu le courrier du 28 juillet 2021 par lequel la Cour de céans lui a transmis ladite requête et lui a imparti un délai de dix jours pour se déterminer sur celle-ci. On ne voit dès lors pas pour quelle raison la requérante, qui s'exprime en français dans ses courriers à la citée, n'a pas été en mesure de donner suite au courrier susvisé. Si, comme elle l'expose, la requérante éprouvait des doutes quant au point de départ du délai imparti, ou si elle ne s'estimait pas en mesure de répondre à la requête dans ledit délai, compte tenu de la taille de celle-ci et du nombre de pièces produites, il lui incombait de contacter la Cour de céans sans attendre, étant rappelé que les délais fixés judiciairement peuvent être prolongés pour des motifs suffisants, lorsque la demande en est faite avant leur expiration (art. 144 al. 2 CPC).

En ne donnant simplement aucune suite au courrier susvisé, et en ne réagissant pas davantage à la notification de l'arrêt ACJC/1130/2021 du 7 septembre 2021, qu'elle ne conteste pas non plus avoir reçu, la requérante a commis une faute qui ne peut pas être qualifiée de légère, au sens des dispositions et principes rappelés ci-dessus. Un tel comportement ne correspond en effet pas à celui d'une personne raisonnable placée dans la même situation. Les allégations de la requérante selon lesquelles elle n'aurait réalisé la nécessité de se déterminer qu'à réception du courrier de la Cour de céans du 23 décembre 2021 l'informant que l'action en exécution et constatation formée par la citée (et non la requête de mesures provisionnelles) était gardée à juger, ainsi qu'après avoir consulté son conseil genevois, ne peuvent notamment être suivies. Une telle réaction de sa part pouvait en effet être attendue dès que le dépôt de la requête provisionnelles avait été porté à sa connaissance, soit dès le 9 août 2021 (étant observé que la suspension des délais fixés judiciairement prévue à l'art. 145 al. 1 CPC ne s'applique pas à la procédure sommaire en vertu de l'art. 145 al. 2 let. b CPC).

Les allégations de la requérante selon lesquelles elle n'aurait pu consulter son conseil pour la première fois que le 13 janvier 2022 ne sont par ailleurs étayées par aucune pièce, ni par aucun élément concret. Dans ces conditions, il faut admettre que la requérante échoue également à établir qu'elle a sollicité la restitution du premier délai litigieux dans les dix jours suivant celui où la cause de sa défaillance avait disparu, et ce même si sa requête intervient dans les six mois suivant l'entrée en force de l'arrêt ACJC/1130/2021 du 7 septembre 2021.

Par conséquent, la requérante sera déboutée de ses conclusions tendant à la restitution du délai imparti pour répondre à la requête de mesures provisionnelles litigieuse, ainsi que de ses conclusions en annulation de l'arrêt ACJC/1130/2021 rendu le 7 septembre 2021 sur lesdites mesures provisionnelles, pour l'ensemble des motifs qui précèdent.

1.3 Le raisonnement ci-dessus peut également être appliqué, mutatis mutandis, à la restitution du délai imparti à la requérante pour se déterminer sur l'action en exécution et en constatation formée à son encontre par la citée (cause C/2______/2021).

On ne voit notamment pas en quoi ce délai, fixé à trente jours par courrier de la Cour de céans du 8 novembre 2021, lequel a été distribué au domicile de la requérante le 16 novembre suivant, ne permettait pas à celle-ci de donner une réponse adéquate à la demande. Les allégations de la requérante selon lesquelles ce courrier aurait été remis à sa voisine, qui l'aurait éventuellement conservé par devers elle, ne sont étayées par aucun élément probant et ne sont pas vraisemblables, en tout cas sur ce dernier point. En tout état, le comportement des auxiliaires d'une partie doit être imputé à la partie elle-même et celle-ci doit se laisser imputer une éventuelles faute de son représentant (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_927/2015 précité consid. 5.1).

En l'occurrence, le second délai litigieux est arrivé à échéance le 17 décembre 2021 (cf. art. 142 al. 1 CPC), soit avant la suspension des délais prévue à l'art. 145 al. 1 let. c CPC), et la requérante a commis une faute qui n'est pas légère en attendant le 21 janvier 2022 pour solliciter la restitution de ce délai, plutôt que requérir sa prolongation avant son expiration, ce alors notamment qu'une décision sur mesures provisionnelles lui avait été déjà notifiée précédemment. Comme indiqué ci-dessus, les allégations de la requérante selon lesquelles elle n'aurait consulté son conseil genevois que le 13 janvier 2022 ne sont par ailleurs nullement rendues vraisemblables. Même si tel était le cas, la solution demeurerait inchangée, dès lors que la requérante n'expose pas les raisons pour lesquelles elle n'aurait pu consulter son conseil qu'à une date aussi tardive. La restitution du second délai litigieux doit donc être refusée tant pour absence de faute légère que pour avoir été requise plus de dix jours suivant la disparition de la cause de la défaillance alléguée.

La requête sera dès lors entièrement rejetée.

2.             Les frais judiciaires de la procédure en restitution de délai seront arrêtés à 500 fr. (art. 25 RTFMC) et mis à la charge de la requérante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La requérante sera également condamnée à payer à la citée la somme de 500 fr. à titre de dépens (art. 96 et 105 al. 2 CPC, art. 84, 86 et 87 RTFMC), débours compris (art. 25 LaCC), sans TVA compte tenu du domicile de celle-ci à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
statuant sur requête de restitution de délai

Rejette la requête formée le 21 janvier 2022 par A______ visant à obtenir la restitution du délai pour répondre à la requête de mesures provisionnelles formée le 14 juillet 2021 par B______, ainsi que la restitution du délai pour répondre à l'action en exécution et en constatation formée le 14 octobre 2021 par B______.

Arrête les frais judiciaires de la procédure à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______, la somme de 500 fr. à titre de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.