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Décisions | Chambre civile

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C/18373/2017

ACJC/848/2022 du 21.06.2022 sur JTPI/14866/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 22.08.2022, rendu le 03.08.2023, IRRECEVABLE, 4A_336/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18373/2017 ACJC/848/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du Mardi 21 JUIN 2022

Entre

A______ LTD, sise ______, Ile Maurice, recourante contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 novembre 2021, comparant par Me Vincent JEANNERET et Me Christian GIROD, avocats, Schellenberg Wittmer Sa, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile,

et

1)   Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

2)   C______ SA, sise ______ [GE],

intimés, comparant tous deux par Me Vincent SOLARI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8-10, case postale, 1211 Genève 4, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

3)   Monsieur D______, domicilié ______ [GE], autre intimé, comparant par
Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14866/2021 du 22 novembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire sur l'admissibilité de l'appel en cause, a admis la demande d'appel en cause de A______ LTD formée par B______ et C______ SA (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires sur appel en cause à 2'000 fr., compensés avec l'avance fournie par ces derniers, mis pour moitié à charge de B______ et C______ SA, solidairement entre eux, et pour moitié à charge de A______ LTD et condamné celle-ci à payer un montant de 1'000 fr. à B______ et C______ SA, solidairement entre eux (ch. 2), ainsi que 800 fr. à titre de dépens (ch. 3), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4) et réservé la suite de la procédure (ch. 5).

Le jugement porte l'indication qu'il peut être attaqué par la voie du recours dans un délai de trente jours.

B.            a. Par acte expédié le 6 décembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ LTD a formé recours contre ce jugement reçu le 26 novembre 2021, dont elle a sollicité l'annulation, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Cela fait, elle a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande d'appel en cause formée à son encontre par B______ et C______ SA et subsidiairement à son rejet, avec suite de frais judiciaires et dépens de première instance et de recours. Plus subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision.

A titre préalable, A______ LTD a requis la suspension du caractère exécutoire de la décision attaquée, en faisant valoir qu'elle s'exposerait, à défaut d'effet suspensif, à devoir effectuer certains actes de procédure – par exemple rédiger un mémoire de réponse si le Tribunal décidait d'ordonner une instruction écrite sur le fond des prétentions formées à son endroit par B______ et C______ SA – qui s'avèreraient inutiles en cas d'admission de son recours. A l'inverse, la position des intimés ne se trouverait guère affectée par la suspension de la procédure au fond jusqu'à droit connu sur le bien-fondé de son recours, les faits litigieux remontant pour certains à plus de sept ans.

Elle a produit des pièces relevant de la procédure de première instance.

b. Par courrier du 21 décembre 2021, B______ et C______ SA s'en sont rapportés à justice sur la requête d'effet suspensif.

c. Par pli du 23 décembre 2021, D______ a renoncé à se déterminer sur ce point.

d. Dans leur réponse du 23 décembre 2021, B______ et C______ SA ont conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la mise à la charge de A______ LTD des frais judiciaires et dépens de recours.

e. Par arrêt ACJC/1730/2021 du 30 décembre 2021, la Cour a admis la requête de A______ LTD tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement entrepris et dit qu'il serait statué sur les frais de ladite décision dans l'arrêt à rendre au fond. Il était vraisemblable que les intimés ne subiraient aucun préjudice difficilement réparable en cas d'octroi de l'effet suspensif, auquel ils ne s'étaient pas opposés.

f. Par courrier du 6 janvier 2022, D______ s'en est rapporté à justice s'agissant du recours formé par A______ LTD.

g. Par réplique spontanée du 20 janvier 2022, A______ LTD a persisté dans ses conclusions.

Elle a notamment relevé que B______ et C______ SA ne se prévalaient pas de la commission d'un acte illicite de sa part, tant à l'égard de D______ qu'à leur égard, de sorte que l'art. 129 LDIP ne s'appliquait pas.

h. Par avis de la Cour du 10 février 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. Le 12 janvier 2018, D______, qui était au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée le 16 octobre 2017 par l'autorité de conciliation, a saisi le Tribunal d'une demande, dirigée contre C______ SA et B______, en reddition de compte et en paiement de 669'102,80 EUR et 9'546 fr. avec suite d'intérêts moratoires, de frais judiciaires et de dépens.

Il a notamment allégué que, dans le cadre de la gestion de ses affaires personnelles, il était généralement conseillé par E______, qu'en mars 2014, alors qu'il recherchait un gestionnaire pour des avoirs dont il venait d'hériter, il était entré en relation avec B______, président du conseil d'administration de C______ SA (active dans la gestion de fortune), que ce dernier lui avait soumis pour signature divers documents dont un jeu de contrats avec A______ LTD (société de gestion de patrimoine indépendante, dont le siège est à l'Ile Maurice), que ses avoirs (de 3'564'307 fr. 68) avaient été transférés d'une banque genevoise auprès de la banque F______ (BAHAMAS) LTD (ci-après: "F______"), que ses fonds étaient dès lors gérés par B______, que la documentation bancaire restait auprès de C______ SA, et que des informations sur la gestion de ses avoirs lui parvenaient par E______ lequel se renseignait auprès de B______.

Au sujet de ses prétentions pécuniaires, qu'il a fondées sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, il a soutenu que son dommage (669'102,80 EUR) correspondait au résultat de son portefeuille administré en violation du mandat, confronté à un résultat d'un portefeuille de même ampleur géré pendant la même période conformément aux instructions contenues dans le contrat. Il a chiffré ce dommage sur la base d'une expertise privée (qui lui a coûté 9'546 fr.), laquelle avait, pour procéder à la comparaison précitée, soustrait de l'investissement initial opéré les retraits nets effectués sur le compte.

D______ a notamment produit un contrat de mandat de gestion conclu le 19 mars 2014 entre lui-même et A______ LTD (à l'en-tête de celle-ci) et portant sur son compte bancaire auprès de la banque F______. Il prévoit que "[t]out litige en relation avec le présent mandat sera soumis au droit Mauricien, les parties déclarant faire élection de for auprès des tribunaux Mauriciens". A la suite dudit contrat se trouve une "autorisation de gestion et d'information en faveur de tierce personne" signée le même jour sur papier à l'en-tête de A______ LTD par cette dernière, D______ et B______; elle désigne B______ comme "fondé de pouvoir" et l'autorise à "accomplir des actes de gestion au nom et aux risques du client", soit D______.

b. Dans leur réponse du 19 novembre 2018, B______ et C______ SA ont conclu à l'irrecevabilité de la demande – notamment pour incompétence ratione loci en raison de la prorogation de for prévue dans le contrat susvisé –, alternativement au déboutement de D______ de ses conclusions.

A titre préalable, ils ont notamment conclu à ce que soit ordonné l'appel en cause de A______ LTD et de E______, et à ce que la première soit condamnée à les relever à concurrence du paiement de 350'000 EUR, avec frais judiciaires et dépens, et le second à les relever à concurrence de 197'360 EUR, avec frais judiciaires et dépens.

En ce qui concerne A______ LTD, ils ont allégué que cette entité, à laquelle D______ avait conféré une autorisation de gestion sur son compte ouvert auprès de la banque F______ aux Bahamas, donnait les ordres de gestion à ladite banque dépositaire, B______ ne contestant pas avoir participé aux choix opérés dans la gestion du compte. Ils n'ont pas explicité la quotité des prétentions dirigées contre A______ LTD.

S'agissant de E______, ils ont allégué que celui-ci était un conseiller financier et expert fiscal, actif au sein d'une entité française G______, dont D______ était client. B______ avait proposé qu'un compte soit ouvert auprès de la banque F______ aux Bahamas, ce que E______ savait. La gestion dudit compte était ratifiée par D______, assisté notamment de E______, qui participait au suivi et au contrôle de la gestion du compte, avait accès à la documentation bancaire, et était rémunéré pour ce faire, notamment par des versements de D______ intervenus le 2 février 2015 (142'260,01 EUR) et le 26 octobre 2015 (55'100 EUR) par le débit de son compte auprès de la banque F______ susmentionnée.

c. Par déterminations du 31 octobre 2019, A______ LTD a déclaré s'opposer "à la recevabilité/admissibilité" de la demande d'appel en cause. Elle a notamment relevé qu'elle n'avait pas reçu copie de la demande principale formée par D______, ni en annexe au mémoire-réponse de B______ et C______ SA qui lui avait été transmis, ni ultérieurement après qu'elle l'avait requise. Elle a fait valoir que, compte tenu de son siège à l'Ile Maurice, elle ne pouvait être attraite à Genève, en application de la LDIP. Subsidiairement, elle a relevé que la demande principale ne présentait aucun lien de connexité avec les prétentions élevées contre elle dans le cadre de l'appel en cause. Elle s'était limitée à offrir ses services à la société de domiciliation des Iles Vierges Britanniques de B______, H______ LTD, afin que ce dernier puisse, au travers de A______ LTD, gérer les actifs de D______ déposés auprès de la banque F______.

D______ s'en est rapporté à justice sur la recevabilité de l'appel en cause de A______ LTD.

B______ et C______ SA ont persisté dans leurs conclusions sur appel en cause. Complétant leurs précédentes déterminations sur appel en cause, ils ont fait valoir, s'agissant de A______ LTD, que la compétence territoriale de l'appel en cause était fondée sur les articles 8b et 129 LDIP. Dans l'hypothèse où ils devraient être condamnés à indemniser D______, c'est à Genève, lieu de leur domicile et de leur siège, qu'ils subiraient une diminution de leur patrimoine, soit que l'acte illicite produirait un résultat au sens de l'art. 129 al. 1 LDIP. Ils n'ont pas consacré de développements à l'application de l'élection de for convenue dans le mandat de gestion du 19 mars 2014 liant D______ à A______ LTD à leur appel en cause dirigé contre A______ LTD.

Il ne résulte pas du dossier que les parties auraient été informées de ce que le Tribunal gardait alors la cause à juger sur les requêtes d'appels en cause.

d. Par jugement JTPI/4679/2020 du 31 mars 2020, le Tribunal a rejeté la demande d'appel en cause de E______ formée par B______ et C______ SA et admis la demande d'appel en cause de A______ LTD formée par les précités, sous suite de frais judiciaires et dépens, et réservé la suite de la procédure.

Il a en substance retenu que D______ acceptait, par anticipation, que toute perte dont B______ et C______ SA démontreraient qu'elle aurait un lien de causalité naturel et adéquat avec un acte ou une omission de E______ lui serait imputable et par conséquent qu'elle serait libératrice à l'égard de B______ et C______ SA. Dans ce contexte, ces derniers n'avaient aucun intérêt digne de protection à appeler E______ en cause, ce qui rendait cet appel en cause irrecevable au sens de l'art. 59 al. 2 let. a CPC. Il a considéré, s'agissant de A______ LTD, que celle-ci avait, aux termes des allégués de B______ et C______ SA, joué un rôle dans la gestion des avoirs déposés sur le compte de D______ dans l'établissement bancaire des Bahamas, de sorte que toute responsabilité à charge des auteurs de l'appel en cause serait aussi imputable à A______ LTD. A priori, la compétence ratione loci du Tribunal genevois était donnée, en application de l'art. 8b LDIP, ce qui découlait notamment de ce que D______ fondait ses prétentions, entre autres, sur un chef de responsabilité délictuelle. Aucun développement n'a été consacré à la non communication à A______ LTD de la demande formée par D______.

e. Suite aux recours formés le 11 mai 2020 contre le jugement précité par B______ et C______ SA, d'une part, et A______ LTD, d'autre part, la Cour a, par arrêt ACJC/1870/2020 du 15 décembre 2020, confirmé le refus de l'appel en cause de E______ et considéré que le droit d'être entendu de A______ LTD avait été violé. Le Tribunal avait admis sa compétence ratione loci afin de connaître de l'appel en cause de la précitée sans lui avoir donné l'occasion de prendre position sur la demande principale de D______ qu'elle n'avait pas reçue. La Cour a renvoyé la cause au premier juge pour nouvelle décision après respect du droit d'être entendue de A______ LTD. Elle a précisé que les frais judiciaires de l'appel en cause dirigé contre A______ LTD ne seraient pas arrêtés ni répartis à ce stade de la procédure.

f. Par ordonnance du 16 août 2021, le Tribunal a transmis à A______ LTD copie de la demande en paiement de D______, sans les pièces, et lui a imparti un délai au 20 septembre 2021 pour compléter ses observations.

g. Le 20 septembre 2021, A______ LTD a transmis ses observations au Tribunal et persisté dans ses conclusions.

Complétant ses précédentes déterminations, elle a fait valoir que B______ et C______ SA n'avaient pas allégué de façon suffisante – même sous l'angle de la vraisemblance – les éléments de fond de l'action qu'ils formaient à son encontre, soit la désignation ou même la simple existence d'un acte illicite qu'elle aurait commis. Dès lors, aucun article de la LDIP, notamment l'art. 129 traitant de l'acte illicite, ne permettait de l'attraire devant les juridictions suisses par application de l'art. 8b LDIP. Enfin, B______ et C______ SA n'avaient donné aucune explication ni offert de moyen de preuve quant au montant estimé de leur prétention à l'encontre de A______ LTD à 350'000 EUR.

Après réception desdites observations, les autres parties à la procédure n'ont pas réagi.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a en substance relevé qu'il ne semblait pas résulter de la jurisprudence que la compétence territoriale devait être examinée au stade de l'admissibilité de l'appel en cause. Toutefois, l'exception d'incompétence territoriale ayant été soulevée, le principe d'économie de procédure appelait à examiner cette question à ce stade.

Il a admis l'appel en cause de A______ LTD. Selon l'exposé succinct des motifs de B______ et C______ SA, A______ LTD avait géré, avec le premier, le compte de D______ aux Bahamas. Dès lors, si une responsabilité était reconnue en ce qui les concernait, elle serait également imputable à A______ LTD en sa qualité de gérante principale du compte. Tous les ordres de gestion avaient été donnés par A______ LTD à la banque dépositaire.

L'examen de la justification matérielle des prétentions de B______ et C______ SA devait s'effectuer sur la seule base de leurs allégués. Dès lors que D______ fondait son action en responsabilité sur des faits de mauvaise gestion et que B______ et C______ SA allèguent que A______ LTD aurait joué un rôle dans la gestion desdits avoirs, il fallait considérer que les prétentions sur appel en cause étaient connexes aux prétentions principales.

La question de la compétence ratione loci du Tribunal ne justifiait pas l'irrecevabilité de l'appel en cause, l'incompétence à raison du lieu du Tribunal n'apparaissant pas, à ce stade, comme évidente. Contrairement à ce que soutenaient B______ et C______ SA, l'art. 129 al. 1 LDIP ne fondait pas directement une compétence territoriale du Tribunal, nonobstant leur domiciliation à Genève, vu qu'ils ne fondaient pas l'appel en cause sur un acte illicite commis par A______ LTD à leur encontre. Toutefois, l'art. 129 al. 1 LDIP fondait a priori indirectement la compétence des tribunaux genevois, par le biais de l'application de l'art. 8b LDIP. D______, domicilié à Genève, fondait ses prétentions en paiement à l'encontre de B______ et C______ SA sur un chef de responsabilité délictuelle, de sorte qu'il paraissait être en mesure de se prévaloir de l'art. 129 al. 1 LDIP. Selon l'exposé succinct des motifs à l'appui de l'appel en cause de B______ et C______ SA, ceux-ci considéraient que A______ LTD aurait pu être attraite à Genève par D______ sur la base de cette même disposition en raison d'une responsabilité délictuelle. Ainsi, celui-ci aurait pu actionner solidairement B______, C______ SA et A______ LTD. Si tel avait été le cas, les défendeurs auraient pu inviter le juge à déterminer l'étendue des recours au sens de l'art. 50 al. 2 CO, applicable par renvoi de l'art. 51 al. 1 CO (cum art. 133 al. 2 LDIP).

Dès lors que l'appel en cause avait précisément pour but de permettre à un défendeur d'attraire celui contre lequel il estimait avoir un droit de recours, il serait incompatible avec le but de l'institution que l'art. 8b LDIP ne permette pas l'appel en cause d'un tiers qui aurait pu être directement attrait en Suisse par le demandeur à l'action principale.


 

EN DROIT

1.             1.1 En vertu de l'art. 82 al. 4 CPC, la décision d'admission de l'appel en cause peut faire l'objet d'un recours.

La loi prévoit que le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 321 al. 1 CPC). Le délai est de 10 jours pour les décisions prises en procédure sommaire et les ordonnances d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (al. 2).

On déduit du principe général de la bonne foi que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit (ATF
117 Ia 297 consid. 2). Seul peut toutefois bénéficier de la protection de la bonne foi celui qui ne pouvait pas constater l'inexactitude de la voie de droit indiquée, même avec la diligence qu'on pouvait attendre de lui (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_878/2014 du 17 juin 2015 consid. 3.2 et 4A_35/2014 du 28 mai 2014 consid. 3.2).

1.2 En l'espèce, la recourante a déposé son recours dans un délai de 10 jours suivant la notification du jugement entrepris, bien que la décision attaquée comporte l'indication d'un délai de 30 jours.

La question de savoir si la décision querellée doit être considérée comme une ordonnance d'instruction soumise à un délai de recours de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), ou plutôt comme une "autre décision" au sens de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC, soumise au délai de 30 jours, peut donc demeurer indécise.

Interjeté en tout état en temps utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 142 al. 1 et 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.3 Par souci de simplification, A______ LTD sera désignée ci-après comme "la recourante", B______ et C______ SA, conjointement, comme "les intimés" et D______ comme "l'autre intimé" ou "le demandeur à l'action principale".

2.             La recourante a produit des pièces à l'appui de son recours et y a exposé un "résumé des faits procéduraux pertinents". Les intimés ont également présenté une partie en fait.

2.1 A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans une procédure de recours.

2.2 Les pièces produites par la recourante ainsi que les faits allégués par celle-ci et les intimés devant la Cour, qui ne figuraient pas déjà au dossier ou n'auraient été déjà allégués voire établis en première instance, sont dès lors irrecevables.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir violé le droit sur la base d'une constatation inexacte des faits.

3.1 En présence d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

La Cour doit ainsi conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par le premier juge et ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2), c’est-à-dire de manière arbitraire (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 5 ad art. 320 CPC). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Le recourant a en outre la charge de démontrer que la correction du vice dont il se prévaut est susceptible d'influer sur le sort de la cause (Jeandin, op. cit., n. 4 ss ad art. 320 CPC).

3.2 En l'espèce, la recourante débute son recours par un chapitre "résumé des faits procéduraux pertinents" et, dans le cadre de ses griefs, "conteste certains faits retenus par le Tribunal", soit en substance ceux selon lesquels elle aurait participé à la gestion des avoirs du demandeur à l'action principale. Se contentant ainsi de contester les faits retenus par le premier juge et d'alléguer à nouveau les siens propres, elle ne procède pas à une critique détaillée de l'état de fait du jugement entrepris, ni n'explique pour quelles raisons celui-ci serait manifestement inexact, notion correspondant à l'arbitraire.

Partant, le grief n'est pas recevable.

4.             La recourante reproche au Tribunal de s'être reconnu compétent à raison du lieu à son égard et d'avoir admis l'appel en cause dirigé contre elle.

Elle conteste avoir pris la moindre décision de gestion concernant les avoirs du demandeur à l'action principale; elle soutient au contraire qu'elle n'était qu'un "messager" transmettant les instructions de gestion à la banque aux Bahamas. Les intimés n'auraient au surplus pas allégué de façon suffisante la commission d'un acte illicite par elle-même à leur encontre. Le lien de connexité entre les prétentions récursoires des intimés et les conclusions de l'action principale serait ainsi inexistant, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

4.1 Il n'est à juste titre pas contesté qu'en raison du siège à l'Ile Maurice de la recourante, la cause revêt un caractère international, étant précisé que les autres parties ont leur domicile, respectivement siège, à Genève. En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291), sous réserve des traités internationaux (art. 1 LDIP).

4.1.1 Chaque partie au procès principal peut appeler en cause un tiers contre lequel elle a des prétentions pour le cas où elle succomberait sur la demande principale (art. 81 al. 1 CPC).

Il résulte du texte même de cet article que la prétention revendiquée dans l'appel en cause doit présenter un lien de connexité matérielle avec la demande principale. Ainsi, seules les prétentions qui dépendent de l'existence de la demande principale peuvent être exercées dans l'appel en cause. Il s'agit notamment des prétentions en garantie contre un tiers, des prétentions récursoires ou en dommages-intérêts, ainsi que des droits de recours contractuels ou légaux (ATF 147 III 166 consid. 3.1; 142 III 102 consid. 3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3).

En d'autres termes, pour qu'il y ait connexité matérielle, il suffit que, selon l'exposé du dénonçant, la prétention dépende de l'issue de la procédure portant sur l'action principale et qu'ainsi, un potentiel intérêt récursoire soit démontré. Il faut en distinguer les prétentions connexes, qui sont certes en connexité matérielle avec le procès principal, mais dont l'existence ne dépend pas de l'issue de celui-ci, et qui constituent des prétentions indépendantes contre le tiers ne justifiant pas l'appel en cause (arrêt du Tribunal fédéral 4A_341/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.3; Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 6 ad art. 81 CPC; Demierre, Petit commentaire CPC, 2020, n. 11 ad art. 81 CPC).

4.1.2 L'auteur de l'appel en cause doit énoncer les conclusions – chiffrées (ATF 147 III 166 consid. 3.3.2) – qu'il entend prendre contre l'appelé en cause et les motiver succinctement (art. 82 al. 1 phr. 2 CPC). Il doit résulter de cette motivation que la prétention invoquée dépend de l'existence de la prétention principale. La procédure d'admission n'a pas la nature d'un examen préliminaire, raison pour laquelle il n'est pas nécessaire à ce stade de fournir des explications circonstanciées. Il n'est pas nécessaire de rendre vraisemblable la réalisation de conditions propres à l'admission de la prétention invoquée dans l'appel en cause et il n'y a pas lieu non plus d'examiner si, dans l'hypothèse où l'auteur de l'appel en cause devait succomber au principal, ses prétentions envers le tiers seraient matériellement fondées. Pour admettre une connexité matérielle, il suffit que la motivation présentée par l'auteur de l'appel en cause fasse apparaître que sa propre prétention dépend de l'issue de la procédure principale et qu'il démontre ainsi son potentiel intérêt à l'appel en cause (ATF 147 III 166 consid. 3.3.3 et les références citées). Ce sont les conclusions et le complexe de faits à l'appui de celles-ci qui permettent au juge de fixer l'objet du litige (ATF 147 III 166 consid. 3.3.3;
142 III 210 consid. 2.1; 139 III 126 consid. 3.2.3).

Si la requête ne satisfait pas à ces exigences, le juge doit déclarer la requête d'appel en cause irrecevable (ATF 147 III 166 consid. 3.3.3).

4.1.3 Selon l'art. 8b LDIP, le tribunal suisse compétent pour connaître de l’action principale connaît aussi de l’appel en cause pour autant qu’un tribunal soit compétent en Suisse pour l’appelé en cause en vertu de la LDIP. En d'autres termes, il faut que l’appelé en cause puisse être attrait devant un tribunal suisse indépendamment de l’art. 8b LDIP (Bucher, Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n. 1 ad art. 8b LDIP).

Faute de toute indication en sens contraire, le for de l’art. 8b LDIP est un for alternatif comme tout for ordinaire. Il ne peut être saisi si l’appel en cause met en jeu un contrat qui contient une clause d’élection de for désignant un autre for, suisse ou étranger (cf. art. 5 LDIP; Bucher, op. cit., n. 2 ad art. 8b LDIP).

4.1.4 Selon l'art. 129 al. 1 LDIP, les tribunaux suisses du domicile ou, à défaut de domicile, ceux de la résidence habituelle du défendeur sont compétents pour connaître des actions fondées sur un acte illicite. Sont également compétents les tribunaux suisses du lieu de l'acte ou du résultat et, pour connaître des actions relatives à l'activité de l'établissement en Suisse, les tribunaux du lieu de l'établissement.

Sont visées par l'art. 129 al. 1 LDIP toutes les actions civiles destinées à faire valoir une prétention personnelle issue d'une responsabilité extracontractuelle, y compris les actions en constatation (Dutoit, Droit international privé suisse - Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4ème éd., 2005, n. 1 ad art. 129 LDIP; Bonomi, Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n. 5 ad art. 129 LDIP; Kren Kostkiewicz, Grundriss des schweizerischen Internationalen Privatrechts, 2012, n. 2427, p. 586), cela même si le demandeur reproche au défendeur, en sus de la commission d'un acte illicite, la violation d'engagements contractuels (ATF
117 II 204 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.477/1993 du 13 juin 1994 consid. 3b in SJ 1995 p. 57).

La notion d'acte illicite doit être définie selon la lex fori (ATF 131 III 153; Bonomi, op. cit., n. 21 ad art. 112-149 LDIP). En droit suisse, un acte est illicite au sens de l'art. 41 CO s'il porte atteinte à un droit absolu du lésé, par exemple son droit à la vie et à l'intégrité corporelle, à l'honneur, à ses droits réels et à ses droits de propriété intellectuelle (ATF 133 III 323 consid. 5.1; 132 III 122 consid. 4). S'il n'y a qu'un préjudice purement économique, on n'admettra l'existence d'un acte illicite que si l'auteur a violé une norme de comportement qui a pour finalité de protéger le lésé dans les droits qui ont été atteints. De telles normes peuvent résulter de l'ensemble de l'ordre juridique suisse, qu'il s'agisse du droit privé, administratif ou pénal; peu importe qu'elles soient écrites on non écrites, de droit fédéral ou de droit cantonal (ATF 133 III 323 consid. 5.1 et l'arrêt cité).

4.2.1 En l'espèce, la compétence des tribunaux genevois pour recevoir tant la demande principale que l'appel en cause a été discutée en première instance, en raison de la clause d'élection de for en faveur des tribunaux mauriciens contenue dans le contrat de mandat de gestion du 19 mars 2014 liant le demandeur à l'action principale aux intimés. La thèse selon laquelle cette clause s'appliquerait aussi à la demande d'appel en cause n'a toutefois pas été particulièrement motivée en première instance par les intimés. Ceux-ci n'ont en effet consacré de développements à la clause de l'élection de for que dans leurs arguments relatifs à la compétence pour l'action principale; ils n'ont pas exposé comment s'articulerait l'application de cette clause à l'appel en cause de la recourante. Au demeurant, le premier juge n'a pas directement traité de cette question dans le jugement entrepris, ni d'ailleurs dans le jugement JTPI/4679/2020 du 31 mars 2020, sans que cela ne soit critiqué par la recourante.

Partant, il sera retenu que les tribunaux genevois sont a priori compétents pour connaître de l'appel en cause de la recourante.

4.2.2 En l'occurrence, les intimés ont formulé des conclusions à l'encontre de la recourante (portant sur 350'000 EUR), au motif que, comme développé dans leur écriture de réponse à la demande principale comprenant leurs conclusions d'appel en cause, la recourante avait géré avec l'intimé B______ le compte bancaire du demandeur à l'action principale aux Bahamas. Dès lors, selon eux, leur éventuelle responsabilité dans le dommage allégué par le demandeur à l'action principale serait également imputable à la recourante, en sa qualité de "gérante principale" du compte précité. Leur droit de recours porterait ainsi sur l'excédent qu'ils seraient conduits à verser, vu les parts internes respectives incombant à l'autre coresponsable, la recourante, et à eux-mêmes. Ce cas de figure réalise la condition de connexité matérielle, dans le cadre rappelé ci-dessus.

Pour le surplus, les intimés ont justifié l'appel en cause de la recourante au motif que le demandeur à l'action principale avait intenté son action en paiement contre eux-mêmes tant sur la base d'une responsabilité contractuelle que délictuelle.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le demandeur à l'action principale ayant invoqué une responsabilité délictuelle des intimés sur la base d'une gestion illicite de ses comptes, il n'appartenait pas aux intimés, au stade de l'examen de l'admissibilité de l'appel en cause, de préciser davantage quelle norme de comportement la recourante aurait violée dans le cadre de la gestion du compte du demandeur à l'action principale. La seule référence des intimés aux prétentions délictuelles soulevées par le demandeur à l'action principale était suffisante pour établir un lien de connexité matérielle entre la prétention revendiquée dans l'appel en cause et la demande principale, sans que cela ne préjuge du bien-fondé de l'appel en cause.

Par ailleurs, le Tribunal a retenu que les intimés n'avaient pas fondé leur appel en cause sur un acte illicite commis par la recourante à leur encontre, de sorte qu'une application directe de l'art. 129 al. 1 LDIP n'était pas possible. Au vu du mécanisme de l'appel en cause, l'acte illicite invoqué ne devait pas nécessairement avoir été commis à l'encontre des intimés, mais pouvait l'être à l'encontre du demandeur à l'action principale, ce qui a été, comme vu ci-dessus, suffisamment allégué par les intimés dans le cadre de l'examen de l'admissibilité de l'appel en cause.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

5.             Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'400 fr. (art. 95 al. 1 et 2, 96, 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; 35 RTFMC [cf. ATF 134 III 379 consid. 1.1]). Ils seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant versée par elle-même, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Enfin, les frais judiciaires relatifs à l'arrêt ACJC/1870/2020 du 15 décembre 2020 seront laissés à la charge de l'Etat de Genève en raison de la violation du droit d'être entendu de la recourante.

La recourante sera condamnée à verser aux intimés, solidairement entre eux, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 85 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 LaCC), étant relevé que le conseil de ceux-ci n'a déposé, dans le cadre de la procédure de recours, qu'une seule écriture de dix pages. S'en étant rapporté à justice quant à l'appel en cause de la recourante, aucun dépens ne sera alloué à l'autre intimé.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2021 par A______ LTD contre le jugement JTPI/14866/2021 rendu le 22 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18373/2017.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'400 fr., les met à la charge de A______ LTD et les compense entièrement avec l'avance de frais fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ LTD à verser à B______ et C______ SA, solidairement entre eux, 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Dit que D______ supporte ses propres dépens de recours.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.