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Décisions | Chambre civile

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C/17917/2020

ACJC/755/2022 du 03.05.2022 sur JTPI/12394/2021 ( OO ) , MODIFIE

Normes : CPC.311.al1; CO.398.al2; CO.18.al1; CPC.95; RTFMC.17; RTFMC.84
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17917/2020 ACJC/755/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 3 mai 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, France, appelante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 octobre 2021, comparant par Me Cyrus SIASSI, avocat, SIASSI McCUNN BUSSARD, avenue de Champel 29, case postale 344, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SARL, sise ______ (GE), intimée, comparant par Me J______, avocat, ______, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12394/2021 du 4 octobre 2021, reçu par A______ le 5 octobre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ de sa demande déposée le 28 janvier 2021 contre B______ SARL (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 5'200 fr., compensés avec les avances effectuées par A______, et laissé ceux-ci à la charge de la précitée (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ SARL la somme de 4'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 3 novembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants et au déboutement de B______ SARL de toutes ses conclusions.

b. B______ SARL conclut, avec suite de frais, au rejet de l'appel, au déboutement de A______ de l'ensemble de ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis du 8 mars 2022 de ce que la cause avait été gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. A______, psychiatre de profession, est née le ______ 1958 et est domiciliée en France.

b. B______ SARL est une société inscrite au Registre du Canton de Genève et dont le but est "courtage en assurances, travaux de fiduciaire, de comptabilité et de crédit, ainsi que toutes opérations en relation avec son but".

C______ en est associé gérant avec pouvoir de signature individuelle.

c. D______ est une société inscrite au Registre du commerce de Bâle et dont le but est la prestation de services financiers de règlements viagers.

d. E______ LIMITED est une société enregistrée à l'île de Man.

e. F______ LIMITED est une société enregistrée à l'île de Man.

f. Le 9 décembre 2008, A______, E______ LTD et F______ LTD ont conclu un contrat intitulé "contrat d'ordre d'achat G______".

Par ce contrat, A______ a investi la somme totale de 40'000 dollars US dans la souscription de parts de polices d'assurance dans le marché secondaire américain.

Les sommes ont été investies comme suit :

-              10'000 dollars US dans la police d'assurance n° 1______;

-              20'000 dollars US dans la police d'assurance n° 2______;

-              10'000 dollars US dans la police d'assurance n° 3______.

L'investissement effectué impliquait le paiement de primes annuelles par A______.

g. Les parties ont échangé plusieurs courriels entre 2014 et 2019, dont il ressort principalement ce qui suit:

g.a Par courriel du 19 juin 2014, une collaboratrice de B______ SARL a répondu aux interrogations de A______ concernant le rachat des contrats en lieu et place du paiement des primes et lui a notamment indiqué "[s]i vous rachetez aujourd'hui, vous allez perdre de l'argent, alors qu'en payant encore es [sic!] primes, vous serez forcément gagnante. Nous vous conseillons de continuer à payer les primes [ ]".

g.b Par courriel du 18 mars 2017 adressé à B______ SARL, A______ a exposé que le paiement des primes devenait insoutenable, le placement effectué ne correspondant pas à ses exigences et lui a demandé conseil.

g.c Par courriel du 31 mars 2017, une collaboratrice de B______ SARL a répondu, sur indications de C______, à certaines questions de A______ concernant l'évolution des primes et les potentielles pertes en cas de non-paiement de celles-ci. Elle a conclu son courriel en précisant "[n]ous pensons qu'il reste plus judicieux pour madame A______ de continuer à verser les primes pour minimiser ses pertes [ ]".

g.d Dans un courriel du 12 mars 2019 adressé à A______, C______ a exposé "[ ] Ce que je sais c'est que la prime doit être payée au moins à 75% pour pouvoir la maintenir quelques mois de plus, sinon ils doivent la mettre en vente mais je ne pourrais pas t'en dire plus. Je laisse Madame H______ qui nous lit en copie te répondre sur ce que cela impliquerait si tu ne payais pas la prime totale, et sur le fait de savoir s'il y a un risque de défaut de paiement de la part d'autres investisseurs. J'ajoute que ce produit n'est plus du tout dans nos mains et que nous n'avons pas le droit d'interférer dans les décisions que les clients ou la fiduciaire prennent".

h. Le relevé des investissements établi le 30 avril 2020 par une société dénommée "I______ LTD" sise au Royaume-Uni a mis en exergue que A______ s'était acquittée de primes à hauteur de 19'733 dollars US depuis la conclusion du contrat.

i. Par courrier du 29 avril 2020 adressé à I______ LTD, soit pour elle H______, A______ a résilié les polices d'assurance n° 1______, n° 2______ et n° 3______ et a demandé que le montant de la quote-part de liquidation qu'elle allait percevoir lui soit communiqué.

D. a. Par demande déposée en conciliation le 29 octobre 2020 et portée devant le Tribunal le 28 janvier 2021, A______ a conclu à la condamnation de B______ SARL à lui payer la somme de 59'733 dollars US avec intérêts à 5% l'an dès le 9 décembre 2008, avec suite de frais et dépens.

Elle a exposé, en substance, qu'elle avait voulu effectuer un placement à faible risque à court terme et qu'elle avait, pour ce faire, sollicité conseil auprès de B______ SARL. Elle reprochait à cette dernière de lui avoir proposé un produit à risque destiné à des investisseurs qualifiés, au sujet duquel elle n'avait pas été informée de façon détaillée et qui n'était pas adapté à ses besoins. A la suite de la conclusion du contrat d'ordre d'achat, elle avait été contrainte de payer des primes qui augmentaient chaque année et dont elle peinait à s'acquitter. Elle avait ainsi sollicité de B______ SARL un suivi de son investissement, des informations au sujet des primes et des projections. B______ SARL l'avait notamment renseignée, bien que de façon sommaire, sur les potentielles projections financières et lui avait indiqué qu'il était dans son intérêt de continuer à payer les primes annuelles afin de ne pas perdre son investissement initial. Elle avait toutefois jugé les réponses lacunaires et, ne parvenant plus à s'acquitter des primes, avait résilié le contrat le 29 avril 2020 sans perspective de récupérer les sommes investies.

S'agissant des rapports juridiques, elle a exposé avoir été liée à B______ SARL par un contrat de courtage et lui a reproché de ne pas l'avoir suffisamment informée des véritables risques liés au placement litigieux et de s'être abstenue de tout conseil et suivi par la suite, contrevenant à ses devoirs de diligence et de fidélité. Elle a également invoqué la violation du devoir d'information prévu à l'article 45 de la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurance (ci-après: "LSA"). B______ SARL devait dès lors être considérée comme responsable du dommage encouru, lequel allait vraisemblablement s'élever à 59'733 dollars US, montant englobant l'investissement initial ainsi que toutes les primes versées jusqu'à la résiliation (soit 54'434 fr. 68 au cours du 2 septembre 2020).

b. B______ SARL a soulevé l'exception de prescription et sollicité la limitation du procès à cette question en application de l'art. 125 let. a CPC.

c. A______ ne s'est pas opposée à ce que la question de la prescription soit traitée en premier lieu.

d. Par ordonnance ORTPI/689/2021 du 22 juin 2021, le Tribunal a imparti un délai au 16 août 2021 aux parties pour produire leurs déterminations à cet égard.

e. Par déterminations du 16 août 2021, A______ a exposé n'avoir conclu aucun contrat écrit avec B______ SARL. Dans la mesure où aucune rémunération n'avait été prévue, ses rapports juridiques avec cette société relevaient dès lors du mandat. Elle a précisé que B______ SARL ne s'était pas limitée à lui indiquer l'occasion de conclure les polices d'assurance litigieuses, mais lui avait également fourni des informations relatives à l'évolution de ses primes et l'avait conseillée sommairement après la conclusion du contrat, ce en raison de son intérêt à percevoir ultérieurement des commissions. Elle a considéré que son omission d'opérer un suivi des investissements et de la conseiller convenablement déclenchaient le dies a quo de la prescription décennale le lendemain de la dernière omission, soit au plus tôt le 10 mars 2019 (jour de la dernière demande de conseil) et au plus tard le jour de la résiliation du contrat, le 29 avril 2020. Partant, l'action n'était pas prescrite.

f. Par déterminations du 16 août 2021, B______ SARL a exposé que A______ connaissait depuis quelques temps C______ et qu'elle l'avait contacté afin de lui demander s'il pouvait lui indiquer un placement financier qu'il connaissait. C'était dans ce contexte que C______ avait rendu service à cette dernière et le rapport juridique liant les parties devait être qualifié de contrat de courtage. En effet, l'activité de B______ SARL s'était limitée à l'indication du placement litigieux. Ainsi, les rapports juridiques avaient pris fin le jour de la conclusion du contrat. Il en découlait que la seule violation contractuelle potentiellement imputable à B______ SARL aurait pu avoir lieu au plus tard le 9 décembre 2008, lors de la conclusion du contrat. Par conséquent, la prescription décennale devait être considérée comme acquise le 10 décembre 2018. Partant, l'action était prescrite et A______ devait être déboutée de toutes ses conclusions.

g. Par déterminations du 26 août 2021, B______ SARL a persisté dans ses conclusions.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger le 15 septembre 2021.

E. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré, s'agissant des points litigieux au stade de l'appel, que A______ avait souhaité obtenir une assistance d'ordre professionnel en vue d'effectuer un investissement. Les parties n'ayant ni signé de contrat ni abordé la question d'une éventuelle rémunération et la procédure n'ayant pas établi que B______ SARL aurait perçu des commissions, leur relation ne pouvait être qualifiée de contrat de courtage, vu l'absence d'accord sur l'élément essentiel de la rémunération. Leur relation devait dès lors être qualifiée de mandat à titre gratuit au sens des art. 394 ss CO. Les prétentions en dommages-intérêts de A______ étaient par conséquent soumises à la prescription décennale de l'art. 127 CO, laquelle courait dès la violation du contrat et ce même si le dommage n'apparaissait que plus tard. Il convenait dès lors de déterminer à quel moment B______ SARL avait violé ses obligations contractuelles.

Le Tribunal a considéré à cet égard que "l'éventuelle violation du devoir de diligence et de fidélité" de B______ SARL était survenue le jour de la conclusion du contrat, soit le 9 décembre 2008, lorsque celle-ci avait dirigé A______ vers un produit ne correspondant pas à ses attentes et ne l'avait pas suffisamment informée sur celui-ci. La prescription des prétentions découlant de cette potentielle violation contractuelle avait dès lors été acquise le 10 décembre 2018, indépendamment du fait que le dommage (soit la perte de l'investissement initial et des primes acquittées) ne soit survenu que lors de la résiliation du contrat, le 29 avril 2020.

A______ avait également reproché à B______ SARL de ne pas lui avoir fourni, suite à la conclusion du contrat, d'informations relatives à son investissement et de ne pas avoir effectué le suivi de celui-ci. Ces omissions constituaient une violation du devoir de diligence et de fidélité.

Le Tribunal a retenu à cet égard que B______ SARL avait renseigné et conseillé A______ à bien plaire, de façon ponctuelle et sommaire, par exemple s'agissant de l'évolution des primes. Elle ne disposait toutefois pas de toutes les informations nécessaires pour ce faire et avait renvoyé A______ vers une tierce personne, à savoir H______. Il était douteux que cette activité relève d'un contrat de mandat. La nature juridique de ces renseignements et conseils pouvait toutefois demeurer ouverte. En résiliant le contrat d'ordre d'achat le 29 avril 2020, A______ n'avait en effet pas suivi les conseils dispensés par B______ SARL à quelque titre que ce soit. Elle n'était pas non plus parvenue à déterminer en quoi ces renseignements et conseils auraient été constitutifs d'une violation des obligations contractuelles de B______ SARL, ni n'avait allégué que ceux-ci auraient causé ou accru son dommage. Il en découlait que si A______ avait effectivement subi un dommage – ce qui n'avait pas été établi à ce stade –, celui-ci ne serait pas imputable à B______ SARL, mais à sa propre décision de résilier le contrat en sachant qu'elle allait probablement perdre la totalité de son investissement initial.

Il s'en suivait que le seul comportement de B______ SARL susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle avait eu lieu au plus tard le 9 décembre 2008. L'action intentée par A______ était par conséquent prescrite.


 

EN DROIT

1. Interjeté contre une décision finale dès lors qu'elle met fin au litige (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est recevable.

Sont également recevables la réponse de l'intimée ainsi que les réplique et duplique des parties, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

2. La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation résultant de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2). L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 précité, ibidem).

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que son action était prescrite.

3.1.1 L'art. 398 al. 2 CO prévoit que le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle obligation du mandat. Cette disposition impose au mandataire une obligation de diligence et de fidélité.

L'obligation principale du mandataire consiste à mettre en œuvre une diligence raisonnable pour atteindre le but voulu par les parties et à livrer le résultat obtenu. (Werro, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, art. 398 CO, n. 12 et ss). C'est au créancier qu'il incombe de prouver quelles mesures s'imposaient au débiteur dans les circonstances de l'espèce et le fait que celui-ci ait omis de les prendre (Werro, Le mandat et ses effets, p. 305, n. 908; dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.1.2 Les actions fondées sur des obligations contractuelles se prescrivent, sauf disposition spéciale, par dix ans (art. 127 CO), dès que la créance est devenue exigible (art. 130 al. 1 CO). La prétention en dommages-intérêts découlant de la violation positive du contrat naît et devient exigible au moment de la violation du devoir contractuel, et non pas seulement lorsque le lésé peut reconnaître et constater les conséquences de cette violation. En d'autres termes, elle commence à se prescrire avec la violation du contrat, indépendamment de la survenance du dommage (ATF 143 III 348 consid. 5.3; 137 III 16 consid. 2.3, 2.4.1 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_558/2017 du 29 mai 2018 consid. 5.3.1; pour une critique de cette jurisprudence, cf. Pichonnaz, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, art. 130 CO, n. 5j). En cas d'omission continue d'exécuter une obligation pendant la période contractuelle, la prescription décennale de l'art. 127 CO commence en principe à courir au plus tard depuis la fin du contrat (ATF 106 II 134 consid. 2d; arrêt du Tribunal fédéral 4A_558/2017 précité, ibidem).

L’existence d’un état contraire au droit reporte lui aussi le début du délai de prescription de la créance en réparation. En cas de violation d’un devoir d’information par exemple, tant qu’il n’y a pas d’information, il y a un état contraire au droit, une violation durable de l’obligation d’information; partant, le délai de prescription ne débute alors qu’au moment où l’information est donnée (Pichonnaz, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, art. 130 CO, n. 4b et les arrêts cités).

3.1.3 Lorsqu'un client demande un conseil à une banque pour effectuer une transaction et que la banque donne le conseil demandé en reconnaissant l'importance de celui-ci pour la décision que le client va prendre, les parties sont liées par un contrat dit de conseil en placement (Lombardini, Droit et pratique de la gestion de fortune, 3ème éd. 2008, p. 146, n. 6; cf. également parmi d'autres arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.3). A chaque nouveau conseil donné par la banque, un nouveau contrat de conseil est conclu. Les effets du contrat s'épuisent de façon instantanée : soit le conseil est suivi, soit il ne l'est pas. La banque n'est pas tenue d'examiner si le client va suivre le conseil donné, si ce dernier reste valable avec l'écoulement du temps ou si, la situation s'étant modifiée, le client doit entreprendre d'autres transactions. Le client qui désire ce genre de services de la part de sa banque doit lui délivrer un mandat de gestion (Lombardini, op. cit., p. 147, n. 7).

3.1.4 Confronté à un litige sur l'interprétation de dispositions contractuelles, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1 et les références).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 précité, ibidem et les références).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré que les parties avaient été liées par un contrat de mandat et que l'éventuelle violation de celui-ci était survenue le 9 décembre 2008, jour de sa conclusion, lorsque l'intimée avait dirigé l'appelante vers un produit ne correspondant pas à ses attentes et ne l'avait pas suffisamment informée sur celui-ci. Les prétentions découlant de cette potentielle violation contractuelle étaient dès lors prescrites depuis le 10 décembre 2018, indépendamment du fait que le dommage ne soit survenu que postérieurement à cette date. L'intimée avait certes également renseigné l'appelante de façon ponctuelle et sommaire par la suite. Il était toutefois douteux que cette activité s'inscrive dans le cadre d'un mandat. Quoi qu'il en soit, l'appelante n'avait pas suivi les conseils dispensés par l'intimée. Elle n'était pas non plus parvenue à déterminer en quoi ceux-ci auraient constitué une violation du contrat ou lui auraient causé un dommage. Il s'en suivait que le seul comportement de l'intimée susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle avait eu lieu au plus tard le 9 décembre 2008. L'action intentée par l'appelante était par conséquent prescrite.

3.3 Pour contester avec succès ce jugement, l'appelante, qui supportait le fardeau de la preuve sur ce point, devait démontrer que la volonté – réelle ou hypothétique – des parties avait été de conclure un contrat de mandat de durée, n'ayant pas pris fin une fois la décision de placement prise en 2008, mais ayant perduré au-delà. Il lui incombait en outre d'établir que l'intimée avait, dans ce cadre, manqué totalement à ses devoirs d'informations et de conseil, de sorte que l'on se trouvait dans un cas de violation continue du contrat par omission, dans lequel le délai de prescription peut commencer à courir à compter du moment où l'information est dispensée, voire à partir de la résiliation des rapports contractuels, de sorte que la prescription décennale n'avait pas commencé à courir en 2008. Dans l'hypothèse où une telle démonstration ne pouvait être faite, l'appelante devait expliquer en quoi le Tribunal avait violé le droit en retenant que les échanges qu'elle avait eus avec l'intimée en 2014, 2017 et 2019 étaient intervenus en dehors de toute relation contractuelle; elle devait également démontrer, que contrairement à ce qu'avait retenu le premier juge, elle avait bel et bien déterminé en première instance les raisons pour lesquels les renseignements et conseils donnés dans ce cadre constituaient une violation du contrat conclu avec l'intimée et lui avaient causé un dommage.

Or, l'appelante se limite à faire valoir, devant la Cour, que les parties avaient été liées par un contrat de mandat et que l'intimée ne s'était pas cantonnée à la conseiller au moment de la conclusion du contrat d'ordre d'achat G______ le 9 décembre 2008 mais était intervenue jusqu'au 12 mars 2019, de sorte que le dies a quo ne pouvait pas se situer au 9 décembre 2008 comme retenu par le premier juge, mais devait être fixé à la date précitée, si bien que son action n'était pas prescrite. A titre subsidiaire, il convenait de s'en tenir au 19 juin 2014 ou au 31 mars 2017, dates de ses précédents contacts avec l'intimée, de sorte que la prescription décennale n'était en toute hypothèse pas atteinte. Retenir une autre solution, comme l'avait fait le Tribunal, revenait à limiter le rôle de l'intimée à celui d'un simple courtier, dont la responsabilité n'aurait pas pu être engagée au-delà de la date de conclusion du contrat.

Ce faisant, l'appelante se cantonne à des affirmations superficielles sur la question du point de départ du délai de prescription. Bien que représentée par un avocat et dès lors consciente des exigences de motivation applicables au stade de l'appel, elle ne s'efforce en rien de reprendre, selon la systématique exposée ci-dessus, le raisonnement du premier juge et d'expliquer en quoi celui-ci aurait, aux diverses étapes précitées, appliqué de manière erronée les principes juridiques pertinents pour la résolution du litige. Son appel est dès lors irrecevable.

A supposer qu'il convienne d'entrer en matière sur les arguments de l'appelante, le sort de la cause n'en serait pas modifié. L'intimée s'étant – à teneur des faits constatés par le premier juge et non critiqués devant la Cour – limitée à indiquer à l'appelante, en décembre 2008, quel contrat conclure aux fins d'investissement et les parties n'ayant ensuite plus entretenu de contact jusqu'en 2014, leur relation peut être assimilée à un contrat de conseil en placement, lequel revêt en principe un caractère instantané et ne déploie pas d'effets dans la durée. Aucun élément du dossier ne permet de retenir, à l'inverse, que les protagonistes seraient convenus – ne serait-ce que par actes concluants – de se lier contractuellement dans la durée. L'appelante ne soutient d'ailleurs rien de tel devant la Cour et se limite à faire valoir que l'intimée l'aurait conseillée sommairement après la conclusion du contrat. Elle ne prétend à aucun moment que ces conseils traduisaient une intention commune d'entretenir des liens contractuels dans la durée, ni n'affirme qu'elle pouvait présumer l'existence de tels liens en vertu du principe de confiance. Partant, le raisonnement du Tribunal consistant à dire que l'éventuelle violation du contrat était survenue le 9 décembre 2008, jour de sa conclusion, ne peut qu'être confirmé.

S'agissant des échanges intervenus en 2014, 2017 et 2019, l'appelante se borne à mentionner, dans son appel, que "le bien-fondé des conseils de l'intimée et l'impact sur le dommage allégué relevaient précisément de l'objet de l'action [ ] qui devait être tranchée au terme de la procédure et non pas à titre préjudiciel". En tentant ainsi de repousser à un stade ultérieur de la procédure la question de l'existence d'autres violations contractuelles, l'appelante perd de vue que l'existence de telles violations dans le cadre des échanges susmentionnés, ainsi que leur impact sur le dommage allégué, étaient déterminantes pour admettre que la prescription avait commencé à courir, non pas au mois de décembre 2008, mais à une date ultérieure, de sorte que la prescription décennale n'était pas acquise au moment de l'introduction de l'action. Or, comme déjà exposé ci-dessus, l'appelante ne tente à aucun moment d'expliquer en quoi le premier juge aurait erré en considérant qu'elle n'avait pas réussi à déterminer dans quelle mesure ces échanges recelaient une violation du contrat et avaient causé ou accru son dommage.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en tant qu'il fixe le point de départ du délai de prescription de dix ans au 9 décembre 2008, date à laquelle l'intimé a conseillé à l'appelante la conclusion du contrat d'ordre d'achat G______, et refuse de reporter celui-là à une date ultérieure.

L'appelante sera dès lors, en toute hypothèse, déboutée de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir fixé les frais et dépens de manière disproportionnée dès lors que la procédure s'était limitée à l'examen à titre préjudiciel de l'exception de prescription.

4.1 Conformément à l'art. 95 CPC, les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (al. 1). Les frais judiciaires comprennent notamment l'émolument forfaitaire de conciliation et l'émolument forfaitaire de décision (al. 2). Les dépens comprennent notamment le défraiement d’un représentant professionnel. Les cantons fixent le tarif des frais (art. 96 CPC). Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Selon l'art. 17 RTFMC, pour une valeur litigieuse comprise entre 30'001 fr. et 100'000 fr., l'émolument forfaitaire de décision est fixé entre 2'000 fr. et 8'000 fr. L'art. 5 RTFMC dispose en outre que lorsque le présent règlement fixe un barème-cadre, les émoluments et les dépens sont arrêtés compte tenu, notamment, des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure ou de l'importance du travail qu'elle a impliqué.

Conformément à l'art. 84 RTFMC, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. Selon l'art. 85 RTFMC, pour une valeur litigieuse comprise entre 40'000 fr. et 80'000 fr., le défraiement s'élève à 6'100 fr. plus 9% de la valeur litigieuse dépassant 40'000 fr. Il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC. Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut en outre fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 LACC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). Les dépens sont fixés d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

Dans le cadre d'un appel contre une décision finale, l'émolument forfaitaire de décision est calculé selon les dispositions applicables aux procédures de première instance (art. 35 RTFMC). Le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'art. 85 dans les procédures d'appel et de recours (art. 90 RTFMC)

4.2 En l'espèce, le Tribunal a, compte tenu de la valeur litigieuse et du caractère "incident" de la décision, fixé l'émolument de décision à 5'000 fr., auxquels s'ajoutait l'émolument de conciliation en 200 fr. Il a mis ces frais à la charge de l'appelante qui succombait et les a compensés avec les avances du même montant versées par celle-ci.

Eu égard à la valeur litigieuse de l'ordre de 54'434 fr. 68 (59'733 dollars US convertis au cours du 2 septembre 2020), il a chiffré le défraiement de l'avocat, selon le tarif de base, à 8'190 fr. TTC. Le jugement ayant rejeté la demande sans examiner le bienfondé de la prétention, il a réduit ce montant à 4'000 fr. TTC et l'a mis à charge de l'appelante.

4.3 En l'occurrence, la procédure de première instance s'est limitée au dépôt d'un mémoire de demande, à la rédaction d'une ordonnance de simplification du procès et à un bref échange d'écritures sur la question de la prescription. Aucune audience n'a été appointée et la cause ne présentait guère de complexité. Le litige a enfin pu être liquidé sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner la totalité des questions juridiques soulevées. Dans de telles circonstances, la fixation de l'émolument de décision à 5'000 fr., correspondant à la totalité de l'avance de frais effectuée par l'appelante, ne se justifiait pas. Cet émolument sera par conséquent réduit à 3'000 fr.

Après ajout de l'émolument de conciliation en 200 fr., les frais judiciaires de première instance à la charge de l'appelante s'élèvent dès lors à 3'200 fr. Le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera dès lors corrigé sur ce point.

S'agissant des dépens de première instance, l'activité du conseil de l'intimée s'est limitée à prendre connaissance de la demande et des déterminations sur la prescription de l'appelante, et à déposer deux brèves écritures à ce sujet. Bien que généreux, le défraiement de 4'000 fr. accordé par le Tribunal, équivalant à 9 heures d'activité d'avocat au tarif-horaire de 400 fr., débours et TVA compris, n'est pas hors de proportion. Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera dès lors confirmé.

4.4 Dès lors qu'elle succombe sur le fond et n'obtient gain de cause que sur le montant des frais judiciaires de première instance, l'appelante sera condamnée à l'intégralité des frais judiciaires de l'appel. La présente cause s'étant limitée à l'examen de la question de la prescription, lesdits frais seront arrêtés à 3'000 fr. et compensés avec l'avance versée par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève. Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront par conséquent invités à restituer à la précitée le solde de son avance en 1'500 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

Par identité de motifs, l'appelante sera condamnée à verser à l'intimée des dépens d'appel réduits de 2'200 fr. (art. 111 al. 2 CPC), débours et TVA compris.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme et au fond :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, l'appel interjeté le 3 novembre 2021 par A______ contre les chiffres 1 et 4 du dispositif du jugement JTPI/12394/2021 rendu le 4 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17917/2020-22.

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 novembre 2021 par A______ contre les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement susmentionné.

Annule le chiffre 2 dudit dispositif et, cela fait, statuant à nouveau :

Arrête les frais judiciaires de première instance à 3'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec les avances effectuées par celle-ci, acquises à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de ses avances de frais judiciaires de première instance à hauteur de 2'000 fr.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée par la précitée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de frais judiciaires d'appel à hauteur de 1'500 fr.


 

 

Condamne A______ à verser 2'200 fr. à B______ SARL à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.