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Décisions | Chambre civile

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C/17047/2021

ACJC/692/2022 du 10.05.2022 sur JTPI/1404/2022 ( SDF ) , JUGE

Normes : CC.285
En fait
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17047/2021 ACJC/692/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 10 mai 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______ Genève, appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 février 2022, comparant par Me Karin ETTER, avocate, ETTER & BUSER, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame C______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Vincent LATAPIE, avocat, YERSIN LORENZI LATAPIE ALDER, boulevard Helvétique 4, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/1404/2022 du 31 janvier 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux C______ et A______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), attribué à l'épouse la jouissance exclusive du logement familial (ch. 2), ordonné à l'époux d'évacuer ledit logement le 30 avril 2022 au plus tard (ch. 3), dit que l'époux devait prendre en charge les besoins financiers de la famille tant qu'il vivrait dans le logement familial (ch. 4), attribué à C______ la garde de l'enfant D______ (ch. 5), réservé au père un droit de visite sur l'enfant devant s'exercer, sauf accord contraire entre les parties, tous les dimanches pendant la journée, puis dès que A______ bénéficiera d'un logement approprié, à raison de toutes les semaines, du dimanche matin à la reprise de la crèche le lundi matin (ch. 6) et condamné A______ à verser à C______, par mois et d'avance, la somme de
680 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant, dès qu'il aura quitté le logement familial, mais à partir du mois de mai 2022 au plus tard (ch. 7). Le Tribunal a par ailleurs arrêté les frais judiciaires à 500 fr., les a mis à la charge des parties à raison de la moitié chacune et les a provisoirement dispensées du paiement de leur part, en raison du bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 8); il n'a pas été alloué de dépens (ch. 9).

B.            a. Le 14 février 2022, A______ a formé appel contre ce jugement, reçu le 4 février 2022, concluant à l'annulation du chiffre 7 de son dispositif et cela fait à sa condamnation à verser à C______, par mois et d'avance, la somme de 350 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______ et à ce qu'il soit dit que les allocations familiales seront perçues par C______, avec suite de frais judiciaires à la charge de celle-ci.

A titre préalable, A______ a sollicité l'octroi de l'effet suspensif, requête rejetée par arrêt du 28 février 2022.

b. Dans sa réponse du 4 mars 2022, C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais judiciaires à la charge de l'appelant.

c. Par avis du 4 avril 2022 du greffe de la Cour de justice, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure soumise à la Cour :

a. A______, né le ______ 1983 au Nigéria, ressortissant de ce pays et C______, née le ______ 1988 au Nigéria, originaire de E______ (Genève), ont contracté mariage le ______ 2015 au Danemark.

Le ______ 2019, le couple a donné naissance, à Genève, à une fille prénommée D______.

b. Le 6 septembre 2021, C______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant, sur la seule question litigieuse devant la Cour, à ce que son époux soit condamné à verser, par mois et d'avance, dès le dépôt de la requête, à titre de contribution à l'entretien de l'enfant, les sommes de 810 fr. jusqu'à l'âge de dix ans, 1'000 fr. de 10 à 15 ans et 1'100 fr. de 15 ans à
18 ans, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières. Elle a notamment fait valoir, pour l'enfant, des frais de garderie de
150 fr. par mois.

c. Le Tribunal a tenu une audience le 12 novembre 2021. C______ a persisté dans ses conclusions, sous réserve de la contribution à l'entretien de sa fille, qui devait être adaptée compte tenu de l'augmentation des frais de crèche, qui s'élèveraient dès le 1er décembre 2021, à 533 fr. par mois. Pour le surplus, les parties ont fourni des explications sur leur situation personnelle et financière.

A______ a indiqué être en mesure de contribuer à l'entretien de sa fille à hauteur de 200 fr. par mois. Il travaillait en tant que livreur pour deux sociétés et utilisait son propre véhicule pour effectuer les livraisons; ses frais ne lui étaient pas remboursés par ses employeurs. Il a toutefois admis pouvoir travailler à vélo pour l'une des sociétés, F______ SA (G______), mais avoir l'obligation d'utiliser une voiture s'agissant de l'autre, H______ Sàrl (I______), car il était souvent impossible d'utiliser un vélo. Il arrivait en effet qu'il doive transporter dix ou quinze cartons commandés auprès de J______ par exemple et la livraison de nourriture chaude durant l'hiver nécessitait également l'usage d'un véhicule, suivant les distances à parcourir. S'agissant de I______, il avait la possibilité d'utiliser un véhicule comportant le logo de la société, mais l'usage dudit véhicule impliquait une déduction salariale de l'ordre de 400 fr. par mois selon ce qu'un collègue lui avait indiqué.

Les bulletins de salaire de A______ établis par H______ Sàrl mentionnent une indemnité pour frais de vélo et téléphone comprise entre 20 et
40 fr. par mois environ. Les bulletins délivrés par F______ Sàrl mentionnent également un défraiement pour l'utilisation d'un vélo et d'un téléphone, à hauteur de montants totaux compris entre 40 fr. et 100 fr. environ par mois. Le salaire perçu par A______ comprend par ailleurs une part de treizième salaire, les vacances et l'indemnité pour les jours fériés. A______ a par ailleurs produit des reçus pour des frais d'essence à hauteur de 346 fr. pour la période du 1er octobre au 1er novembre 2021.

d. La situation des parties, telle que retenue par le Tribunal dans le jugement attaqué, se présente comme suit :

d.a A______ est employé comme livreur sur appel par F______ SA (G______) et H______ Sàrl (I______). Il a perçu un salaire mensuel net moyen de 2'020 fr. de F______ SA entre janvier et octobre 2021 et de 2'396 fr. de H______ Sàrl entre mars et octobre 2021. Le Tribunal a écarté les frais de véhicule allégués par A______ au motif que, s'agissant de l'une des sociétés, il pouvait utiliser un vélo et pour l'autre, un véhicule de la société, moyennant une déduction salariale de 400 fr. par mois. Le Tribunal a retenu qu'une fois la séparation intervenue, A______ continuerait de gagner, au mieux, 4'000 fr. environ par mois, en prenant notamment des vacances et le temps nécessaire à l'exercice de son droit de visite. Les charges suivantes ont été retenues : 1'200 fr. de minimum vital, 1'900 fr. de loyer pour un logement lui permettant de recevoir sa fille, 152 fr. de prime d'assurance-maladie (subside déduit), 70 fr. de frais de transport, soit un total de 3'322 fr., ce qui lui laisserait un solde disponible d'environ 680 fr.

d.b C______ n'exerce aucune activité lucrative. Elle a entrepris une formation d'infirmière, qui se terminera dans trois ans, impliquant de suivre des cours cinq jours par semaine de 8h00 à 17h00. Les charges la concernant s'élèvent à environ 2'750 fr. par mois, soit : 1'350 fr. de minimum vital, 992 fr. de loyer, 100 fr. de parking lié à l'appartement, 190 fr. de prime d'assurance-maladie (subside déduit), 47 fr. de frais médicaux non remboursés et 70 fr. de frais de transport.

d.c Les charges de la mineure ont été retenues à hauteur de 950 fr. environ par mois depuis le 1er décembre 2021, après déduction des allocations familiales,
soit : 400 fr. de minimum vital, 248 fr. de loyer, 533 fr. de crèche, 46 fr. de prime d'assurance-maladie (subside déduit) et 24 fr. de frais médicaux non remboursés.

Le Tribunal a considéré que l'entier du solde disponible de A______ devait être alloué à l'entretien de sa fille.

D.           Dans son appel, ce dernier fait grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ses frais de véhicule. Il a exposé devoir se rendre souvent à K______ par exemple, trajet qu'il n'était pas envisageable d'effectuer à vélo, surtout s'il devait livrer de la nourriture chaude. La livraison de plusieurs cartons ne pouvait pas non plus se faire à vélo, même en ville de Genève. Ses frais d'essence s'élevaient à 350 fr. par mois environ. Il a admis percevoir un salaire mensuel net de 4'000 fr. par mois, de sorte que, déduction faite de toutes les charges retenues par le Tribunal et de
350 fr. pour ses frais de véhicule, son solde disponible était en réalité inférieur à 400 fr. par mois. Il a par ailleurs fait grief au Tribunal de ne pas avoir précisé, dans le dispositif du jugement attaqué, si les allocations familiales étaient comprises ou pas dans la contribution d'entretien fixée à 680 fr. Dès lors et compte tenu de ses revenus et de ses charges, une contribution à l'entretien de sa fille de 350 fr. par mois, à laquelle s'ajoutaient les allocations familiales, était raisonnable.

Pour le surplus, l'appelant a allégué avoir quitté le domicile conjugal, sans préciser à quelle date et loger provisoirement dans une chambre.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige portait, en première instance, tant sur les questions de garde et de relations personnelles des parties avec leur enfant que sur les contributions d'entretien. En appel, il porte sur les seules contributions d'entretien dues en faveur de la mineure, lesquelles, capitalisées conformément à l'art. 92 al. 2 CPC, représentent une valeur supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est, dès lors et quoiqu'il en soit, ouverte.

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de 10 jours (art. 314
al. 1 CPC).

L'appel ayant été formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi
(art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), il est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne l'enfant mineure des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC).

2.             L'appelant conteste le montant de la contribution à l'entretien de sa fille mise à sa charge par le premier juge.

2.1.1 L'art. 285 CC prévoit que la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (al. 1).

La loi ne prescrit pas de méthode de calcul relative à la fixation des aliments destinés aux enfants. Le Tribunal fédéral a toutefois décidé d'une méthode uniforme, devant s'appliquer dans toute la Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020 consid. 6.1). Il s'agit de la méthode concrète en deux étapes avec répartition de l'excédent, dans laquelle les ressources financières et les besoins des personnes concernées sont déterminés puis répartis entre les membres de la famille de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital prévu par la loi sur les poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital prévu par le droit de la famille, le surplus éventuel étant ensuite réparti en fonction de la situation spécifique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 6.6 et 7).

Les frais de véhicule peuvent être pris en compte s'ils sont nécessaires à l'exercice d'une profession (ATF 110 III 17 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_65/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.1.2 et 5A_837/2010 du
11 février 2011 consid. 3.2).

Les revenus de l'enfant comprennent les allocations familiales et de formation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 7.1).

L'obligation d'entretien trouve sa limite dans la capacité contributive du débirentier, en ce sens que le minimum vital de celui-ci doit être préservé
(ATF 135 III 66 consid. 2, 123 III 1 consid. 3b/bb et consid. 5 in fine, arrêt du Tribunal fédéral 5A_120/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.1).

Si l'enfant est sous la garde exclusive de l'un des parents, vivant dans son foyer et ne voyant l'autre parent que dans le cadre du droit de visite et des vacances, le parent ayant la garde apporte sa contribution à l'entretien en nature en s'occupant de l'enfant et en l'élevant. Dans ce cas, dans le contexte de l'équivalence des aliments pécuniaires et en nature, les aliments pécuniaires incombent, en principe, entièrement à l'autre parent (arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 5.5 et 8.1 et les références citées; 5A_450/2020 du 4 janvier 2021
consid. 5.3).

2.1.2 Chaque partie devant, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

2.2 L'appelant ne conteste pas réaliser un revenu mensuel net moyen de l'ordre de 4'000 fr. Il ne remet pas davantage en cause les montants retenus par le Tribunal s'agissant de ses charges, mais lui fait grief de ne pas avoir tenu compte de ses frais de véhicule, qu'il allègue utiliser pour effectuer ses livraisons.

Il résulte toutefois des bulletins de salaire produits par l'appelant que les deux sociétés qui l'emploient lui versent des indemnités pour les frais liés à l'utilisation d'un vélo et d'un téléphone, ce qui implique, a priori, que les livraisons dont il est chargé doivent pouvoir être effectuées à vélo. Il appartenait dès lors à l'appelant, conformément à l'art. 8 CC, de démontrer le bien-fondé de ses allégations, selon lesquelles une voiture est en réalité nécessaire à l'exercice de son activité professionnelle. Il lui aurait été aisé de produire une attestation de ses deux employeurs confirmant ses déplacements jusqu'à K______ et le volume de certaines livraisons et précisant également, pour l'une des sociétés, le fait que l'utilisation de la voiture qu'elle met à la disposition de ses employés implique une déduction sur leur salaire de 400 fr. par mois. Or, l'appelant s'est contenté d'allégations et de la production de tickets correspondant à des achats d'essence, sans toutefois établir par le moindre élément probant la nécessité d'utiliser un véhicule pour ses livraisons. C'est dès lors à juste titre que le premier juge n'a pas tenu compte des frais d'essence allégués par l'appelant.

Les charges, de l'ordre de 3'322 fr. par mois, seront ainsi confirmées, ce qui lui laisse un solde disponible d'environ 678 fr., montant légèrement inférieur à celui de la contribution d'entretien due à l'enfant telle que fixée par le Tribunal. Afin de ne pas placer l'appelant dans une situation financière difficile, étant rappelé que ses revenus sont irréguliers, la contribution à l'entretien de l'enfant, allocations familiales en sus, sera fixée au montant, en chiffres ronds, de 600 fr. par mois, dès le départ du débirentier du logement familial, ce dies a quo n'ayant pas été contesté.

Le chiffre 7 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors annulé et il sera statué conformément à ce qui précède.

3.             Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 600 fr. et mis à la charge de l'appelant, qui succombe pour l'essentiel (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront toutefois provisoirement supportés par l'Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l'assistance judiciaire.

Il ne sera pas alloué de dépens vu la nature familiale du litige (art. 107 al. 1
let. c CPC).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/1404/2022 rendu le 31 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17047/2021.

Au fond :

Annule le chiffre 7 du dispositif du jugement attaqué et cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser à C______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès son départ du domicile conjugal, la somme de 600 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d'appel à 600 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.