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Décisions | Chambre civile

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C/8053/2021

ACJC/622/2022 du 10.05.2022 sur OTPI/961/2021 ( SCC ) , CONFIRME

Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8053/2021 ACJC/622/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 10 mai 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Italie, recourant contre une ordonnance rendue par la 11ème chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2021, comparant par Me Nicola JEANDIN, avocat, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par Me Anath GUGGENHEIM, avocate, Guggenheim Morgado Avocats, route du Bout-du-Monde 1, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/961/2021 du 21 décembre 2021, reçue par A______ le 24 janvier 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné ce dernier à fournir, soit en espèces, soit sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse, des sûretés en garantie des dépens de B______ d'un montant de 65'000 fr. (ch. 1 du dispositif), lui a fixé un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision pour déposer lesdites sûretés (ch. 2), a dit que la demande serait déclarée irrecevable si les sûretés n'étaient pas fournies dans le délai supplémentaire que pourrait fixer le Tribunal (ch. 3), renvoyé la décision sur les frais à la décision finale (ch. 4) et réservé la suite de la procédure (ch. 5).

B. a. Le 3 février 2022, A______ a formé un recours contre cette ordonnance, concluant principalement à ce que la Cour l'annule et déboute B______ de sa requête de sûretés en garantie des dépens, avec suite de frais et dépens.

A______ a par ailleurs conclu à ce que la Cour fasse injonction au Tribunal de statuer sur sa requête de mesures provisionnelles tendant à l'annulation et à la suspension de la poursuite.

Il a produit une pièce nouvelle.

b. Le 17 février 2022, le Tribunal a indiqué à la Cour qu'il avait statué par ordonnance OTPI/82/2022 du 14 février 2022 sur la requête de mesures provisionnelles précitée.

c. Le 18 février 2022 B______ a conclu au rejet du recours.

d. Le 4 mars 2022, A______ a persisté dans ses conclusions en lien avec la fourniture des sûretés. Il a indiqué que ses conclusions pour retard injustifié étaient devenues sans objet puisque le Tribunal avait rendu sa décision sur mesures provisionnelles. Les frais et dépens y relatifs devaient cependant être mis à la charge de l'Etat de Genève.

e. Les parties ont été informées le 25 mars 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ et B______ s'opposent de longue date dans le cadre d'un litige de droit commercial français. Plusieurs décisions judiciaires ont été rendues entre les parties, tant en France qu'en Suisse.

b. Le 28 octobre 2014, B______ a requis du Tribunal de district de C______ [VS] qu'il déclare exécutoire en Suisse un arrêt du 19 mai 2009 de la Cour d'appel de D______ [France] (confirmant un jugement du Tribunal de commerce de D______ du 5 juin 2007) et qu'il ordonne le séquestre des biens de A______ à concurrence de 4'537'320 fr.

Le Tribunal de C______ a admis cette requête et a transmis le même jour une ordonnance de séquestre n° 3______ à l'Office des poursuites de C______ et une autre, n° 1______, à l'Office des poursuites de Genève.

A l'issue de différentes procédures judiciaires, les séquestres précités ont par la suite été convertis en saisie définitive.

c. A______ a été condamné par les juridictions suisses à verser les montants suivants à B______ à titre de dépens:

- 3'000 fr. par décision du Tribunal de C______ du 24 juin 2016;

- 1'200 fr. par jugement du Tribunal cantonal valaisan du 9 mars 2017;

- 3'300 fr. par jugement du Tribunal de C______ du 2 mai 2019;

- 2'500 fr. par jugement du Tribunal cantonal valaisan du 12 mars 2020;

- 25'000 fr. par arrêt du Tribunal fédéral du 19 août 2020.

d. A______ a été condamné par les juridictions françaises à verser les montants suivants à B______ à titre de dépens:

- 5'000 euros par arrêt de la Cour d'appel de D______ du 19 janvier 2017;

- 10'000 euros par arrêt de la Cour d'appel de D______ du 26 septembre 2019;

- 2'000 euros par jugement du Tribunal de grande instance de D______ du 16 novembre 2015;

- 5'000 euros par jugement du Tribunal de grande instance de D______ du 10 septembre 2018;

- 30'000 euros par arrêt de la Cour d'appel de D______ du 24 septembre 2019.

e.a Le 29 avril 2021, A______ a déposé par devant le Tribunal de première instance de Genève une action en annulation et en suspension de la poursuite, concluant sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles à ce que le Tribunal prononce la suspension provisoire de la poursuite n° 2______ en validation du séquestre n° 1______. Sur le fond, il a conclu, à titre principal, à ce que le Tribunal constate que la créance objet de la poursuite et du séquestre précités n'existe pas, annule la poursuite et ordonne la levée du séquestre. La valeur litigieuse sur laquelle porte cette procédure est de 4'539'845 fr.

e.b La requête de mesures superprovisionnelles de A______ a été rejetée par ordonnance du Tribunal du 14 juin 2021.

e.c Le 15 juin 2021, B______ a conclu à ce que A______ soit astreint à fournir des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 67'412 fr. 30

Sur le fond, il a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions

e.d A______ a conclu au rejet de la requête de sûretés, faisant valoir en particulier que la créance au fond de sa partie adverse, y compris s'agissant des dépens, faisait l'objet de procédures pendantes puisque des actions en annulation de la poursuite avaient été déposées en Valais et à Genève.

e.e La cause a été gardée à juger par le Tribunal sur mesures provisoires et sur la question des sûretés à l'issue de l'audience du 28 septembre 2021, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du Tribunal du 21 décembre 2021 fixant des sûretés, le recours a été déposé dans le délai légal, de sorte qu'il est recevable sous cet angle, sous réserve de ce qui sera exposé ci-après (art. 103 et 321 al. 2 CPC).

Le recours pour retard injustifié du Tribunal est également recevable (art. 321 al. 4 CPC). Il est par contre devenu sans objet suite au prononcé de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 14 février 2022, ce que le recourant ne conteste pas.

1.2 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

La pièce nouvelle déposée par le recourant est dès lors irrecevable, de même que les allégués de faits y relatifs.

2. Le Tribunal a considéré que le recourant avait admis n'avoir pas réglé les dépens auxquels il avait été condamné dans les procédures ayant précédemment opposé les parties. Son argument selon lequel ces procédures n'étaient pas achevées ne convainquait pas car les décisions en question étaient définitives et n'étaient plus susceptibles de recours ordinaire. Au vu de la valeur litigieuse de 4'539'845 fr., les dépens prévisibles dans la présente procédure étaient d'environ 65'000 fr. de sorte que les sûretés devaient être fixées à ce montant.

Le recourant fait valoir que c'est à tort que le Tribunal a statué sur la question des sûretés avant de statuer sur sa requête de mesures provisionnelles. Concernant l'exigibilité des frais des procédures antérieures, il renvoyait à son argumentation de première instance, ajoutant que la créance de sa partie adverse était contestée et que "s'agissant de la procédure de mainlevée ( ) ces frais seront pris en compte au moment de l'éventuelle réalisation des gages et automatiquement prélevés sur les actifs réalisés". Ses avoirs situés à Genève et en Valais étaient suffisants pour couvrir les éventuels dépens de sa partie adverse. Cette dernière n'avait pas rendu vraisemblable qu'il présentait, "de manière générale, des difficultés financières ou était insolvable".

2.1.1 Selon l'art. 99 al. 1 CPC, le demandeur doit, sur requête du défendeur, fournir, dans les cas suivants, des sûretés en garantie du paiement des dépens: a) il n’a pas de domicile ou de siège en Suisse; b) il paraît insolvable, notamment en raison d’une mise en faillite, d’une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d’actes de défaut de biens; c) il est débiteur de frais d’une procédure antérieure; d) d’autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés.

Au contraire de l’art.62 LTF, qui n’institue qu’une Kann-Vorschrift, laissant une certaine latitude au Tribunal fédéral, l’art.99 impose en principe d’exiger des sûretés si le défendeur en fait la demande et que les conditions en sont réunies. Même par exemple une société étrangère à la solidité financière indiscutable devrait donc, aux conditions de l’art.99 al.1 let.a CPC, être astreinte à fournir des sûretés, sous la seule réserve d’une demande relevant de l’abus de droit. Le fait que le demandeur rendrait vraisemblable par exemple que le défendeur lui doit des sommes éventuellement compensables avec les futurs dépens éventuels n’a pas non plus été jugé susceptible de permettre une dispense sortant du cadre légal (Tappy, Commentaire romand, n. 52 art.99 CPC).

2.1.2 Il incombe au recourant de motiver son recours, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (art. 321 al. 1 CPC). Les exigences posées par le CPC à ce titre sont identiques en procédure d'appel et de recours (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2), de sorte que, pour y satisfaire, il ne suffit pas au recourant de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3 ; 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_65/2014 du 9 septembre 2014 consid. 5.4.1).

2.2 En l'espèce, le recourant ne fournit aucune motivation à l'appui de ses allégations selon lesquelles les frais et dépens alloués à l'intimé dans le cadre de procédures antérieures ne seraient pas exigibles, se limitant à renvoyer à son argumentation de première instance. Cette motivation ne correspond pas aux exigences légales, de sorte que ce grief est irrecevable.

Le recourant n'explique pas non plus en quoi le fait que les frais de poursuite engagés dans "la procédure de mainlevée" doivent être "automatiquement prélevés sur les actifs réalisés" serait pertinent dans le cadre du présent litige, de sorte que ce grief est irrecevable.

Le fait que le recourant dispose de biens situés à Genève et en Valais n'est quant à lui pas décisif car cette circonstance ne permet pas de faire obstacle à la fixation de sûretés fondée sur l'art. 99 al. 1 let. c CPC. En tout état de cause, il n'est pas rendu vraisemblable que ces avoirs sont suffisants pour garantir toutes les créances de l'intimé, étant précisé que les biens immobiliers du recourant sont grevés de gages.

Enfin, aucune disposition légale n'imposait au Tribunal de statuer sur les mesures provisionnelles requises par le recourant avant de statuer sur les sûretés. En tout état de cause, ce grief a perdu son objet puisque la décision sur mesures provisionnelles a été rendue le 14 février 2022.

L'ordonnance du Tribunal du 21 décembre 2021 sera par conséquent confirmée.

3. Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'500 fr. (art. 26, 40 et 42 RTFMC), seront mis à la charge du recourant à hauteur de 1'000 fr. et compensés à due concurrence avec l'avance versée par celui-ci, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

Le solde des frais judiciaires, en 500 fr., sera laissé à la charge de l'Etat de Genève, puisque la décision sur mesures provisionnelles n'a été rendue par le Tribunal qu'après le dépôt du recours pour retard injustifié (art. 107 al. 2 CPC).

Le solde de l'avance versée en 500 fr. sera restituée au recourant.

Une indemnité de 2'500 fr. sera allouée à l'intimé à titre de dépens de recours, débours inclus (art. 84, 85, 87, 88, 90 RTFMC; 23, 25 et 26 LaCC).

L'art. 107 al. 2 CPC ne s'appliquant pas en matière de dépens, le recourant conservera à sa charge ses dépens de recours en lien avec le retard injustifié du Tribunal (ATF 140 III 385 consid. 4.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ le 3 février 2022 contre l'ordonnance OTPI/961/2021 rendue par le Tribunal de première instance le 21 décembre 2021 dans la cause C/8053/2021.

Déclare recevable le recours interjeté par A______ le 3 février 2022 pour retard injustifié du Tribunal.

Au fond :

Confirme l'ordonnance précitée.

Dit que le recours pour retard injustifié du Tribunal est devenu sans objet.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'500 fr., à la charge de A______ à hauteur de 1'000 fr. et à celle de l'Etat de Genève à hauteur de 500 fr.

Compense les frais dus par A______ avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer à A______ le montant de 500 fr.

Condamne A______ à verser à B______ 2'500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.