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Décisions | Chambre civile

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C/9014/2018

ACJC/512/2022 du 08.04.2022 sur JTPI/11181/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 30.05.2022, rendu le 24.01.2023, CONFIRME, 5A_413/2022
Normes : CC.105.ch4; CC.105.ch1; CC.115
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9014/2018 ACJC/512/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 8 AVRIL 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 septembre 2021, comparant par Me Andres MARTINEZ, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Mme C______, ______, intimé, comparant par Me Isabelle PONCET, avocate, rue des Maraîchers 36, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.            Par jugement JTPI/11181/2021 du 6 septembre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ de ses conclusions en annulation de mariage et en divorce (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'620 fr., les a mis à la charge des parties par moitié chacune, a dispensé provisoirement B______, au bénéfice de l'assistance judiciaire, du versement de sa part de frais judiciaires, sous réserve d'une application ultérieure éventuelle de l'art. 123 CC, a compensé les frais judiciaires mis à la charge de A______ à due concurrence avec l'avance de frais effectuée et a ordonné la restitution en sa faveur du solde en 370 fr. (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.     a. Le 11 octobre 2021, A______ a formé appel contre le jugement du 6 septembre 2021, reçu le 10 septembre 2021, concluant à son annulation et cela fait à l'annulation du mariage qu'elle avait contracté le ______ 2017 avec B______, à ce qu'il soit constaté que le régime matrimonial était liquidé, avec suite de frais et dépens à la charge de la partie adverse. Subsidiairement, l'appelante a conclu au prononcé du divorce sur la base de l'art. 115 CC, à la constatation de ce que le régime matrimonial était liquidé et à la condamnation de l'intimé en tous les frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 1er décembre 2021, B______ a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens à la charge de l'appelante.

c. Celle-ci a répliqué le 23 décembre 2021, persistant dans ses conclusions.

d. L'intimé a dupliqué, persistant dans les siennes.

e. Par avis du 26 janvier 2022 du greffe de la Cour de justice, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. A______, née le ______ 1965 à E______ (Colombie), originaire de Genève et de F______ (Berne) et B______, né le ______ 1977 à G______ (Cuba), de nationalité cubaine, ont contracté mariage le ______ 2017 à Genève.

A______ est la mère de deux filles majeures, issues d'une précédente union.

b. A______ et B______ s'étaient rencontrés lors d'un voyage effectué par la première à Cuba en octobre 2015. Il n'est pas contesté que durant ledit séjour les parties ont entretenu une relation.

Selon les déclarations de A______ devant le Tribunal, B______ lui avait alors affirmé être divorcé et être le père d'un enfant qui vivait avec sa mère et qu'il voyait très peu; il lui avait en outre expliqué être sans activité depuis quatre mois.

c. Après le retour en Suisse de A______ et jusqu'à la célébration du mariage au mois de ______ 2017, l'essentiel de la relation entre les parties s'est déroulée à distance, par le biais de très nombreux courriels et par vidéoconférences, sous réserve d'un second voyage effectué par A______ à Cuba, du 2 octobre au 3 novembre 2017.

d. Il est toutefois établi que dans le courant de l'année 2016 les parties avaient cherché à se revoir. Elles avaient fait, dans ce but, une demande de visa touristique en faveur de B______ auprès des autorités suisses compétentes, mais avaient essuyé un refus. A compter de cette décision, les parties ont projeté de se marier, chacune affirmant que l'idée venait de l'autre.

e. Dans le courant du mois de juin 2016 et au cours des quelques mois suivants, alors que les parties constituaient un dossier en vue de demander la délivrance d'un visa pour leur permettre de célébrer leur mariage en Suisse, elles ont échangé divers courriels portant notamment sur l'état civil de B______, lequel était marié à une tierce personne, soit H______.

Au cours de ces échanges, B______ a entretenu un certain flou sur le moment de l'introduction ainsi que l'état d'avancement de la procédure de divorce qu'il indiquait avoir intentée à l'encontre de son épouse, une ressortissante espagnole selon ses dires. Ainsi, les messages suivants ont été adressés par B______ à A______ sur ce point durant la période constituée:

"Maintenant, la situation avec l'Espagnole est presque résolue, c'est-à-dire que je n'attends qu'une réponse. Il y a quelques mois, j'ai présenté le divorce par défaut, elle ne vivait plus là où elle vivait auparavant, puis l'avocat a présenté un autre document comme quoi elle n'avait aucun contact avec moi, j'ai juste à attendre une réponse."

"Ma chérie, ici, c'est différent, ce qui m'inquiète le moins, c'est l'état civil. J'ai fait mon acte de divorce par défaut il y a longtemps, cela veut dire que je peux présenter le document et par cette demande même, solliciter un document comme quoi je suis célibataire".

"Chérie, je sais que tu n'as pas encore fait tes documents, ils me donneront le certificat d'état civil dans deux mois, ils me l'ont dit aujourd'hui. Je t'ai déjà dit que les papiers me rendent malade, maintenant tout le reste, je l'ai: les photos qu'ils me demandent, des photocopies, mon passeport et les tiens, le certificat de naissance, casier judiciaire, les formulaires que je n'ai pas remplis, en attendant que j'obtienne le certificat de l'état civil, mais mon amour tout le reste je l'ai déjà. Bien, ce qui se passe c'est que j'ai divorcé par défaut il y a déjà très longtemps. Eh bien, ce qui s'est passé: l'espagnole avec qui je me suis marié n'habitait plus au même endroit et je n'ai pas de nouvelles d'elle depuis 2008, ils l'ont fait signer et elle n'a pas comparu, maintenant l'avocat a pu démontrer qu'il n'y avait aucune communication entre nous et ils m'ont approuvé le divorce. J'attends seulement le certificat de célibataire pour l'ajouter au paquet de documents que demande l'ambassade [ ]"

"Mon cœur, ce n'est pas depuis maintenant que j'ai voulu divorcer, ça date de bien avant, mais j'ai essayé il y a longtemps et elle ne voulait pas, elle a déménagé, alors j'ai intenté une procédure de divorce par défaut. C'est vrai que d'un commun accord, c'est rapide, mais, s'il y a un canal de communication pour que tu puisses lui dire: on divorce et fait ta vie, moi je ne l'ai pas avec elle, je n'ai plus eu de ses nouvelles. Maintenant je dois attendre, cela peut prendre une semaine ou plus mais en termes juridiques, je dois attendre d'être cité par le tribunal."

"Je voulais te dire mon cœur que je me suis séparé de l'espagnole depuis 2007. Il ne restait que des papiers faits, mais, comme je t'ai déjà expliqué, faire des papiers, ici, c'est très compliqué, c'est pour cette raison que je n'avais pas divorcé avant. C'est dommage, maintenant que nous avons besoin, et que je suis dans cette voie, mais nous nous en sortirons tu vas voir."

"Amour, je pense que ton idée est géniale, j'ai la plupart des papiers, y compris le divorce, il ne me reste qu'à remplir les formulaires, mais peut-être que d'avocat à avocat il y aura moins de bureaucratie. Cet après-midi-même, je prends contact avec l'avocate dont tu m'as donné les coordonnées et je me mettrai d'accord avec elle pour lui apporter tout ce que j'ai comme papiers."

f. Par jugement du 19 décembre 2016, entré en force le 11 janvier 2017, un tribunal cubain a prononcé le divorce de B______ et de H______, laquelle, selon ce qui ressort dudit jugement rendu par défaut, n'était pas une ressortissante espagnole mais cubaine, domiciliée à I______ (Cuba).

g. Nonobstant ce qui avait été retenu dans le jugement de divorce, B______ a persisté à affirmer à A______ que son ex-épouse était bel et bien une ressortissante espagnole qui ne vivait pas à Cuba. Selon ses explications, reprises ci-dessous, c'était son avocate cubaine qui, pour faciliter le prononcé du divorce, avait proposé de faire citer son ex-épouse à une adresse à Cuba:

"Chérie, elle est espagnole. Je peux t'envoyer l'acte de mariage, où dans la partie littérale, c'est bien marqué. Il a fallu mettre une adresse d'ici parce que je n'ai aucune idée où elle se trouve, mais elle est espagnole, espagnole, aucun parent mexicain, ni du Moyen-Orient, elle était espagnole, c'était un divorce par défaut. Si elle avait été à Cuba, nous serions allés tous les deux au tribunal, nous aurions signé et le divorce aurait été rapide [ ]"

"Au moment du divorce, je devais donner une adresse pour qu'ils lui envoient une citation à comparaître devant le tribunal, quelle adresse penses-tu que j'allais leur donner si elle avait quitté l'adresse que j'avais, plus jamais je n'allais pouvoir divorcer si je ne retrouvais pas son adresse, je pourrais attendre des années, l'avocate a trouvé la solution de la faire citer à une adresse à nous, comme ça le processus serait plus court et même comme ça regarde combien de temps cela a pris".

h. Dans un courriel daté du 4 avril 2017, alors que la procédure initiée par les parties en vue de l'obtention d'un visa était encore en cours, B______ a indiqué à A______ qu'il avait tu, vis-à-vis de l'ambassade suisse, le fait que l'un de ses cousins vivait en Espagne, ne souhaitant pas que l'ambassade puisse penser que son intention était en réalité d'émigrer en Europe. Dans un courriel subséquent, il a expliqué à A______ que ce cousin vivant en Espagne n'était pas même "un cousin de sang".

i. Après la célébration du mariage, la vie commune des parties n'a duré qu'un mois et demi, la séparation étant intervenue le 14 janvier 2018.

j. Les parties ont échangé de très nombreux courriels durant les mois qui ont suivi leur séparation, dont la traduction de certains extraits a été versée à la procédure par A______. Il en ressort, en substance, que les époux avaient initialement discuté du dépôt d'une requête commune de divorce. Dans plusieurs messages, B______ a demandé à son épouse qu'ils puissent se parler, lui assurant notamment qu'il ne s'était pas moqué d'elle, qu'il l'aimait et qu'il allait se battre pour sauver leur relation. De son côté, A______ lui a suggéré de voir un psychiatre, relevant notamment qu'elle avait cédé à tous ses caprices, alors qu'il avait pris la décision de partir, d'abord pour Cuba, puis pour l'Espagne. Elle lui avait acheté un billet pour l'Espagne et lui avait donné de l'argent, alors qu'il était déjà en possession d'un billet pour Cuba. Il était finalement revenu à Genève et avait renoncé à se rendre à Cuba; il devait désormais essayer de suivre son propre chemin.

Dans un long courriel du 7 mars 2018, A______ a notamment reproché à B______ d'avoir voulu "l'extorquer", d'avoir contracté un mariage "blanc" dans le but d'obtenir des papiers, d'avoir eu l'intention de profiter de l'aide sociale à Genève et de lui avoir dit, alors qu'il quittait Genève pour se rendre en Espagne, qu'il était "embêté", car il allait devoir se marier là-bas.

De son côté, dans des courriels des 7 et 8 mars 2018, B______ a notamment répondu ce qui suit: "Chérie, ne me torture plus, s'il te plaît, tu sais, mieux que personne, ce qu'il y a en moi. Je me suis vu seul, je ne savais pas quoi faire, je t'ai demandé pardon des millions de fois, je voulais seulement réparer mes erreurs, je n'ai jamais pensé rester en Espagne, ni y vivre, je n'ai jamais pensé aux papiers, j'ai toujours voulu m'intégrer dans la société, je ne vis pas comme un parasite. La raison majeure de mon état était liée à être enfermé et dans l'attente de tout; cela me pompait mon énergie, que j'attribue plutôt au fait de ne pas avoir trouvé un travail. Je me sentais très mal de ne pas avoir de l'argent pour t'inviter au moins à un chocolat ( ). J'ai toujours travaillé. Je veux travailler pour te donner les vacances que tu mérites, celles que je t'ai promises à Cuba ( ). J'attends seulement que tu me comprennes, je reconnais mon erreur et je te demande pardon, j'assisterai à la thérapie principalement parce que tu me le demandes et parce que je t'aime, sinon je ne serais pas ici ( ). Puis encore dans un autre message: "Il y a des choses dans ton message que je n'ai jamais dites, je ne sais pas d'où tu les sors; tu es importante pour moi parce que tu es la femme que j'ai choisi d'épouser parce que je t'aime, mais je n'ai jamais pensé profiter de toi, comme je te l'avais dit, tu avais ressenti le doute si je venais ou pas en Suisse, d'autre part, nous pouvons aller à Cuba, ça te plaît comme ça? On pourra vivre là-bas, mais ensemble les deux, pour que tu voies que l'Europe, à moi, ça ne m'intéresse pas, sauf si c'est avec toi."( ). Puis dans un message ultérieur: "Chérie, j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, je ne nie pas que tu as raison, il ne vaut pas la peine que je conteste ce que tu me dis, parce que ce serait un mur d'idées et je ne veux pas ça, je veux juste que tu me comprennes et que tu reviennes avec moi.( ) Et encore: "tu n'es pas responsable de mon stress, au contraire, tu es la lumière qui m'a sorti à temps de ce tourment dans lequel je vivais."

k. Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 20 avril 2018, A______ a formé une action en annulation du mariage, subsidiairement en divorce sur la base de l'art. 115 CC, complétée par une écriture datée du 13 novembre 2018. Elle a par ailleurs conclu, dans les deux hypothèses, à ce qu'il soit constaté que le régime matrimonial était liquidé.

A______ a allégué, en substance, que B______ n'avait jamais souhaité fonder une communauté conjugale, mais qu'il ne s'était marié avec elle que pour obtenir un permis de séjour en Suisse. Elle avait constaté, dès son second séjour à Cuba, que son attitude à son égard avait changé. B______ avait en effet commencé à se montrer distant, voire physiquement agressif, à tel point qu'elle avait envisagé de mettre un terme à leur relation. Toutefois, quelques jours avant son retour à Genève, l'attitude de B______ s'était adoucie.

A son arrivée à Genève le 9 novembre 2017 et pendant deux semaines, B______ s'était montré attentionné et avait participé aux tâches ménagères. La date de la célébration du mariage approchant, il avait toutefois refusé d'organiser la moindre réception au restaurant, considérant que cela constituait une perte de temps et d'argent, de sorte que les invités étaient venus au domicile des époux. Il avait par ailleurs commencé à contrôler les conversations téléphoniques de A______.

Le jour du mariage, il s'était montré nerveux, désagréable et distant, refusant même de goûter au repas que son épouse avait préparé et la forçant, alors qu'elle était fatiguée et devait se lever très tôt pour accompagner l'une de ses filles à l'aéroport, à l'accompagner dans une discothèque.

Dans les jours ayant suivi la célébration du mariage, B______ avait été en proie à des sautes d'humeur, allant jusqu'à s'en prendre physiquement à son épouse. Au début du mois de janvier 2018, cette dernière avait abordé avec lui les questions financières, lui expliquant qu'il allait bientôt devoir payer son assurance maladie. Il lui avait alors fait part de sa volonté de retourner à Cuba et s'était montré disposé, dans un premier temps, à consulter un avocat en vue d'introduire une procédure de divorce. Après s'être entretenu avec des membres de sa famille en Espagne, il avait toutefois changé d'avis, indiquant qu'il entendait désormais se rendre dans ce pays et qu'il ne souhaitait pas divorcer.

B______ avait finalement quitté Genève pour l'Espagne le 17 janvier 2018, aux frais de son épouse, tout en indiquant que cela l'ennuyait de partir car il allait devoir trouver une autre épouse en Espagne, ayant besoin de papiers pour travailler. Le fait qu'il se soit marié à Genève n'était, selon lui, pas un problème, puisque le mariage n'avait pas été enregistré par les autorités cubaines. Deux semaines plus tard, B______ était de retour à Genève et avait tenté, en harcelant son épouse, de se réconcilier avec elle.

A______ pensait que si B______ était revenu à Genève après son séjour en Espagne, c'était pour profiter de l'assistance sociale.

l. Lors des différentes audiences devant le Tribunal, A______ a persisté dans ses conclusions et dans les allégations exposées ci-dessus. B______ s'est quant à lui opposé tant à la demande en annulation de mariage qu'à la demande en divorce.

m. Dans son mémoire réponse du 14 décembre 2018, ainsi que devant le Tribunal, B______ a conclu au rejet de la demande, dépens compensés. Il a contesté avoir épousé A______ dans le but d'obtenir un permis de séjour en Suisse, affirmant que c'était elle et non lui qui avait proposé le mariage; il avait été d'accord avec cette idée, car il était amoureux d'elle. Il avait imaginé que tous deux vivraient plutôt à Cuba, car il aimait sa vie là-bas. C'était A______ qui lui avait par ailleurs fourni les coordonnées d'une avocate à Cuba, afin qu'elle l'aide à obtenir le divorce de sa précédente épouse, ce que A______ a confirmé devant le premier juge. Selon lui, les deux séjours de cette dernière à Cuba s'étaient bien déroulés et il ne s'était jamais, ni avant, ni après la célébration du mariage, montré physiquement ou psychiquement violent à son encontre. Il s'était réjoui du mariage et avait contribué à sa préparation en allant faire les courses avec sa future épouse en vue de préparer le dîner, qui devait avoir lieu après la célébration. Il s'était toutefois senti exclu de la fête, en raison de la place qu'avait prise l'ex-mari de A______, lequel ouvrait des bouteilles de champagne et servait les invités, ce qui l'avait beaucoup attristé. La fête s'était toutefois bien déroulée et ils étaient sortis danser. Il n'avait jamais eu l'intention de quitter le domicile conjugal ni de divorcer. Son épouse avait effectué seule les démarches dans ce sens et lui avait dit avoir besoin de temps pour réfléchir de sorte qu'il avait accepté, sous la pression, de quitter le domicile conjugal. N'ayant nulle part où aller, il avait été accueilli par sa famille en Espagne, dont A______ connaissait l'existence depuis le début de la relation. Il n'avait jamais envisagé de chercher une autre femme et avait espéré que la séparation permettrait à A______ de réfléchir et à leur couple de repartir sur de nouvelles bases. Il était profondément bouleversé par la séparation et bénéficiait, depuis lors, d'un suivi psychothérapeutique.

B______ a contesté le fait que le jugement de divorce cubain ait indiqué que sa précédente épouse était de nationalité cubaine. Il a par ailleurs précisé avoir six cousins en Espagne avec lesquels il avait repris contact dès son arrivée en Suisse.

n. Lors de l'audience du 24 juin 2019, A______ a persisté à solliciter l'audition de deux témoins, B______ considérant pour sa part que la cause était en état d'être jugée. Subsidiairement, il a sollicité l'audition de trois témoins.

Sur le siège, le Tribunal a rejeté les offres de preuve des parties, donnant la parole aux deux conseils pour les plaidoiries finales.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

o. Par jugement JTPI/11128/2019 du 16 août 2019, le Tribunal a annulé le mariage contracté le ______ 2017 par A______ et B______.

p. Sur appel formé par ce dernier, la Cour a, par arrêt ACJC/432/2020 du 6 mars 2020, annulé le jugement attaqué et retourné la cause au Tribunal pour complément d'instruction et nouvelle décision.

En substance, la Cour a considéré que le droit d'être entendu de B______ avait été violé. Les parties avaient, toutes deux, sollicité l'audition de témoins, que le Tribunal avait refusée, alors que l'administration des preuves aurait peut-être permis de départager les deux versions.

Devant la Cour, B______ a produit une attestation de son ex-épouse, portant la date du 11 septembre 2019, ainsi que l'acte d'un notaire espagnol devant lequel celle-ci avait comparu le 8 octobre 2019, contenant la même attestation. H______ expose dans ce document avoir la nationalité espagnole et avoir contracté mariage à Cuba en ______ 2008 avec B______, avec lequel elle avait vécu pendant deux ans, sous réserve de quelques absences lorsqu'elle avait dû se rendre en Espagne pour des raisons professionnelles. Elle était ensuite restée dans son pays d'origine et avait peu à peu perdu tout contact avec son époux, qui avait demandé le divorce. Elle avait été tenue informée de la procédure et n'avait pas fourni son adresse afin de ne pas être importunée dans sa nouvelle relation avec un autre compagnon.

q. La cause ayant été retournée au Tribunal, celui-ci, par ordonnance de preuve du 13 janvier 2021, a notamment ordonné l'interrogatoire, voire la déposition des parties et l'audition de quatre témoins; il a également ordonné la production, par B______, d'une copie de son visa Schengen.

r. Le Tribunal a entendu les parties le 15 avril 2021. B______ a produit une copie du visa Schengen sollicité. Il a expliqué s'être rendu en Espagne en janvier 2018 durant quatre ou cinq jours, après avoir obtenu ledit visa, afin de rendre visite à un membre de sa famille. Son épouse l'avait accompagné à l'Office cantonal de la population et des migrations et lui avait acheté le billet d'avion pour l'Espagne. Une fois dans ce pays, il avait acheté lui-même le billet de retour pour Genève. Selon lui, il n'était pas prévu qu'il reste plus de quelques jours en Espagne, où il n'avait pas l'intention de chercher du travail. A______ pour sa part a allégué que si elle n'avait acheté qu'un aller simple, c'est parce que sa partie adverse pensait s'installer en Espagne.

Pour le surplus, interrogé sur la procédure de divorce qui l'avait opposé à sa précédente épouse à Cuba, B______ a allégué que celle-ci avait refait sa vie en Espagne, où elle ne souhaitait pas recevoir de documents, afin de ne pas avoir de problèmes avec son nouveau compagnon. Cela signifiait qu'elle était d'accord pour se voir attribuer une adresse fictive à Cuba. Il n'avait jamais indiqué au tribunal cubain que sa première épouse était cubaine; il avait dit qu'elle était espagnole. Il y avait certainement eu une erreur, qui avait été corrigée par la suite. Sa précédente épouse avait reçu le jugement de divorce, qu'il avait lui-même envoyé à sa sœur, avec laquelle il était en contact.

s. Le Tribunal a procédé à l'audition de plusieurs témoins le 15 avril 2021.

J______, ami de A______, a indiqué avoir discuté avec B______ après la cérémonie de mariage. Ce dernier lui avait parlé de Cuba et l'avait invité là-bas. Il lui avait indiqué vouloir travailler à Genève pendant six mois comme chauffeur de taxi, puis avoir l'intention de retourner à Cuba, sans préciser s'il entendait y retourner pour des vacances "ou autre". Sur le moment, ces déclarations n'avaient pas interpellé le témoin, qui avait toutefois fait le rapprochement un mois plus tard, lorsque A______ l'avait appelé en pleurant pour lui expliquer "ce qui se passait".

K______ et L______, amis de B______, tous deux domiciliés à Genève, ont fait sa connaissance en avril 2016 lors d'un voyage à Cuba. B______ leur avait parlé de A______ et avait dit être très amoureux. Selon le témoin K______ il avait dit qu'il allait se marier. Tous deux l'avaient revu après son arrivée à Genève. Selon le témoin K______, le couple semblait fusionnel, tant avant qu'après le mariage. De l'avis du témoin L______, le couple fonctionnait comme un couple normal; rien de particulier ne lui était apparu. Selon le témoin K______, B______ avait très mal vécu la séparation; il était en pleurs et il lui avait parlé de son épouse, dont il était encore amoureux. B______ était apparu un peu abattu au témoin L______, alors que normalement c'était quelqu'un de joyeux. Selon le témoin K______, B______ n'avait pas parlé de retourner vivre à Cuba avec A______.

A l'issue de l'audience du 15 avril 2021, B______ a renoncé à l'audition du témoin M______ et le Tribunal, après avoir indiqué "renoncer" à l'audition de H______, a fixé les plaidoiries finales.

La cause a été gardée à juger au terme de l'audience de plaidoiries du 29 juin 2021, chaque partie ayant persisté dans ses conclusions.

t. B______ a produit, devant le Tribunal, un document établi par le Tribunal municipal populaire de N______ (Cuba), le 23 février 2021, lequel indique corriger l'erreur constatée dans le jugement de divorce du 19 décembre 2016 concernant la citoyenneté de H______, cette dernière étant non pas de nationalité cubaine, mais citoyenne espagnole.

C. Parallèlement à la procédure en annulation de mariage, A______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de son époux notamment pour voies de fait et menaces; l'intéressé a également été mis en cause pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation.

Par jugement du Tribunal de police du 15 juillet 2020, B______ a été acquitté des chefs de voies de fait, de menaces, de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation. A______ a été déboutée de ses conclusions civiles.

D. a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que l'existence de la cause d'annulation de mariage fondée sur l'art. 105 ch. 4 CC n'était pas établie. Le fait que les parties aient décidé de se marier alors que B______ s'était vu refuser une autorisation de séjour en Suisse, de même que la relative courte durée de leur fréquentation avant le mariage et la brièveté de leur relation après la célébration de celui-ci, ne suffisaient pas pour conclure que le mariage avait été contracté uniquement en vue d'éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers. Les parties se connaissaient, parlaient une langue commune et nourrissaient des sentiments réels l'une pour l'autre, ce qui ressortait de leurs nombreux échanges épistolaires et ce qu'avaient confirmé les témoins K______ et L______. Ceux-ci avaient également indiqué que B______ avait été visiblement affecté et attristé par la séparation, car il était encore amoureux de son épouse. Cette dernière n'avait pour sa part par démontré que sa partie adverse avait fait preuve d'agressivité, voire de violence envers elle après la célébration du mariage, accusations qui avaient d'ailleurs fait l'objet d'un acquittement sur le plan pénal. B______ avait toujours indiqué à A______ que sa première épouse était espagnole, ce qui ne constituait en définitive pas un mensonge, même si le jugement de divorce cubain mentionnait par erreur la nationalité cubaine. Enfin, si le but de B______ avait été de venir en Europe, il aurait probablement été en mesure de le faire avant, compte tenu de son mariage avec une ressortissante espagnole et du fait que certains membres de sa famille étaient domiciliés en Espagne.

Pour le surplus et s'agissant des conditions prévues par l'art. 105 ch. 1 CC, aucun élément de la procédure ne permettait de considérer que le jugement de divorce prononcé par le tribunal cubain n'était pas valable et ne pouvait pas être reconnu en Suisse. La thèse de A______ avait en effet été infirmée par l'attestation de H______ du 11 septembre 2019. Au demeurant, seule cette dernière pourrait se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas été valablement convoquée dans le cadre de la procédure de divorce cubaine, ce qu'elle n'avait pas fait. Il n'existait dès lors aucun motif de ne pas reconnaître en Suisse le jugement de divorce cubain du 19 décembre 2016, de sorte que B______ avait le droit de se remarier.

Subsidiairement, A______ avait conclu au prononcé du divorce sur la base de l'art. 115 CC, invoquant les violences physiques et psychologiques dont elle prétendait avoir été victime. B______ avait toutefois été acquitté de l'intégralité des infractions qui lui étaient reprochées dans le cadre de la procédure pénale pour violences conjugales initiée par A______, de sorte que les motifs sérieux prévus par l'art. 115 CC n'étaient pas réalisés.

b. Dans son appel, A______ fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte l'ensemble de l'historique de la relation, qui aurait dû permettre de retenir que sa partie adverse ne souhaitait pas réellement fonder une communauté conjugale, mais profiter d'elle pour éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers. Si elle-même avait nourri de vrais sentiments à l'égard de l'intimé, il n'en était pas allé de même pour ce dernier, qui souhaitait pouvoir vivre en Suisse pendant quelques mois, gagner de l'argent, puis repartir à Cuba. L'appelante a répété avoir définitivement ouvert les yeux lors de la conversation qu'elle avait eue avec l'intimé en janvier 2018, peu avant son départ pour l'Espagne, lors de laquelle il lui avait confié éprouver une certaine lassitude de devoir trouver une nouvelle épouse en Espagne afin de pouvoir y rester. Or, dans un message du 8 mars 2018, en réponse à des messages dans lesquels l'appelante lui avait rappelé leur conversation, il avait répondu ce qui suit: "Chérie, j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, je ne nie pas que tu as raison, il ne vaut pas la peine que je conteste ce que tu me dis ". La théorie selon laquelle l'intimé avait initialement pour but de ne rester en Suisse que quelques temps puis de repartir avec l'argent qu'il aurait accumulé en travaillant, était corroborée par plusieurs éléments que le Tribunal n'avait pas pris en considération, notamment les déclarations du témoin J______. Le Tribunal n'avait pas davantage tenu compte du fait que l'intimé avait, dans un premier temps, pris des billets aller-retour de I______ à Genève, alors qu'il savait qu'il n'en avait aucune utilité. Ce fait démontrait que l'intimé n'avait jamais eu l'intention de rester vivre en Suisse pour fonder une communauté conjugale avec l'appelante. Sur ce point, cette dernière s'est référée à un courrier que son conseil avait adressé au Tribunal le 12 mars 2019, lequel contenait la traduction de certains passages de messages échangés entre les parties, accompagnés de commentaires de l'appelante. S'agissant de l'achat d'un billet aller-retour I______/Genève, elle avait précisé ce qui suit: "Monsieur B______ a réservé lui-même un billet d'avion aller-retour. Il a demandé à Madame A______ de payer ce billet. Celle-ci pensait alors qu'un billet aller-retour était nécessaire pour qu'après le mariage, Monsieur B______ attende son permis de séjour à Cuba. Madame A______ a ensuite trouvé un billet d'avion meilleur marché et l'a acheté en accord avec Monsieur B______." Selon l'appelante, alors que le Tribunal avait retenu que les parties avaient projeté de se marier, c'était en réalité l'intimé qui avait eu cette idée, immédiatement après le refus de son visa de touriste. Le Tribunal n'avait pas davantage tenu compte du fait que l'intimé lui avait menti sur le fait qu'il était divorcé alors que tel n'était pas le cas et sur le fait qu'il n'avait pas de famille en Europe alors que certains de ses membres y vivaient. Il avait également menti sur ce dernier point à l'Ambassade de Suisse à Cuba. Le Tribunal avait par ailleurs tenu compte sans retenue des déclarations du témoin K______, ami de l'intimé, alors que dans une lettre du 25 septembre 2018 celui-ci avait expliqué, contrairement à ce qu'il avait déclaré devant le Tribunal, que l'intimé pensait faire venir A______ à Cuba, afin qu'elle vive avec lui. Ainsi, si le Tribunal avait tenu compte de l'ensemble des éléments qui ressortaient du dossier, ainsi que de la très courte durée du mariage et du fait que les parties ne se connaissaient que très peu, essentiellement à travers des messages, il aurait dû parvenir à la conclusion que lesdits éléments formaient un faisceau d'indices suffisant pour admettre que l'intimé n'avait pas réellement eu l'intention de former une union conjugale, mais d'éluder les dispositions concernant le séjour des étrangers en Suisse. L'hypothèse formulée par le Tribunal selon laquelle l'intimé aurait été en mesure de venir en Europe avant son mariage avec l'appelante était "peu compréhensible"; il ne s'agissait par ailleurs que d'une simple hypothèse.

Pour le surplus, c'était à tort que le Tribunal avait refusé d'annuler le mariage sur la base de l'art. 105 ch. 1 CC. En effet, le jugement cubain ayant prononcé le divorce de l'intimé et de H______ n'aurait pas dû être reconnu en Suisse, l'épouse n'ayant jamais reçu une notification officielle de la procédure. Au demeurant, l'intimé avait sciemment fourni au tribunal cubain une adresse de H______ qu'il savait fausse, de sorte qu'il avait agi de mauvaise foi et commis un abus de droit. Il ressortait par ailleurs des échanges de messages entre les parties que H______ n'avait en réalité vraisemblablement jamais été tenue au courant de la procédure. L'appelante a par ailleurs nouvellement allégué que l'intimé avait payé un pot-de-vin au tribunal cubain pour obtenir un jugement de divorce.

A titre subsidiaire, l'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir prononcé le divorce des parties sur la base de l'art. 115 CC, alors qu'il aurait dû le faire en prenant en considération les spécificités du cas d'espèce (très courte durée du mariage, mensonges de l'intimé, messages de ce dernier admettant s'être mal comporté et "surtout la présente procédure").

EN DROIT

1. 1.1. La décision entreprise est une décision finale de première instance. Contre une telle décision, la voie de l'appel est ouverte si l'affaire n'est pas de nature patrimoniale ou si, étant de nature patrimoniale, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Dans le cas d'espèce, le litige porte sur la seule question de l'annulation du mariage contracté par les parties, subsidiairement leur divorce, aucune n'ayant pris de conclusions pécuniaires en première instance. La cause est par conséquent de nature non pécuniaire et la voie de l'appel est ouverte.

1.2. Interjeté dans le délai utile de 30 jours suivant la notification du jugement querellé et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 311 al. 1 et 2 CPC), l'appel est recevable.

1.3. La Cour revoit la cause avec plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les faits sont établis d'office (art. 277 al. 3 CPC).

2. 2.1.1 Le mariage doit être annulé lorsque l'un des époux ne veut pas fonder une communauté conjugale mais éluder les dispositions sur l'admission et le séjour des étrangers (art. 105 ch. 4 CC).

L'action en annulation de mariage peut être intentée en tout temps par toute personne intéressée, au nombre desquels figurent les époux, même s'ils sont de mauvaise foi (art. 106 CC; Marca, Commentaire Romand, Code civil I, n. 37 ad art. 105 CC et n. 8 ad art. 106 CC).

La cause d'annulation du mariage prévue à l'art. 105 ch. 4 CC nécessite en particulier de très forts indices permettant de conclure que le mariage a été contracté uniquement en vue d'éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers. Une simple impression ou un soupçon ne suffisent pas. Constituent notamment les indices d'un mariage fictif ou d'un abus de droit le fait que l'époux étranger soit menacé d'un renvoi ou ne puisse obtenir une autorisation de séjour autrement que par un mariage; l'existence d'une sensible différence d'âge entre les époux; les circonstances particulières de leur rencontre et de leur relation, tels une courte période de fréquentation avant le mariage ou le peu de connaissances que les époux ont l'un de l'autre, l'existence de domiciles séparés, la brièveté de leur relation avant mariage. Pris isolément, ne constituent toutefois pas des faits décisifs, la grande différence d'âge entre les époux, le paiement de sommes d'argent de l'un à l'autre, l'existence de domiciles séparés, la brièveté de leur relation avant mariage, le rejet d'une demande antérieure d'autorisation de séjour présentée par le conjoint étranger. L'existence de rapports intimes entre époux ne suffit pas en revanche à exclure le mariage de complaisance. A l'inverse, sont des faits décisifs l'impossibilité persistante pour les conjoints de communiquer dans des langues communes, la parfaite méconnaissance de l'autre ou l'absence totale de contacts réguliers entre époux. Les éléments de preuve doivent permettre de constater de manière objective et concrète un abus manifeste et flagrant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 5.3.1 et les réf. citées; Marca, op. cit., n. 28 à 30 ad art. 105 CC).

2.1.2 Le mariage doit être annulé lorsqu'un des époux était déjà marié au moment de la célébration et que le précédent mariage n'a pas été dissous par le divorce ou par le décès de son conjoint (art. 105 ch. 1 CC).

D'un point de vue procédural, la charge de la preuve de l'existence d'un mariage ou d'un partenariat enregistré antérieur et non dissous appartient à celui qui intente l'action en annulation du mariage subséquent (a Marca, CR CC I, 2010, ad art. 105 n. 15).

Les décisions étrangères de divorce ou de séparation de corps sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été rendues dans l'Etat du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l'Etat national de l'un des époux, ou si elles sont reconnues dans un de ces Etats (art. 65 al. 1 LDIP). Toutefois, la décision rendue dans un Etat dont aucun des époux ou seul l'époux demandeur a la nationalité n'est reconnue en Suisse que : lorsque, au moment de l'introduction de la demande, au moins l'un des époux était domicilié ou avait sa résidence habituelle dans cet Etat et que l'époux défendeur n'était pas domicilié en Suisse; lorsque l'époux défendeur s'est soumis sans faire de réserve à la compétence du tribunal étranger ou lorsque l'époux défendeur a expressément consenti à la reconnaissance de la décision en Suisse (art. 65 al. 2 let. a, b et c LDIP).

2.1.3 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

2.2.1 En l'espèce, il appartenait à l'appelante de démontrer l'existence de très forts indices permettant de retenir que l'intimé avait contracté mariage non pas pour former avec elle une communauté conjugale, mais dans le seul but d'obtenir le droit de s'installer en Suisse. A l'instar du Tribunal, la Cour considère qu'une telle démonstration n'a pas été faite.

Les parties se sont en effet rencontrées à Cuba durant l'automne 2015. Après le retour en Suisse de l'appelante, elles ont échangé de très nombreux courriels et ont entretenu des conversations par vidéoconférence, jusqu'au retour de l'appelante à Cuba pour une période d'un mois en octobre 2017. Ainsi et durant deux ans, les parties ont entretenu une relation certes essentiellement virtuelle, mais néanmoins régulière et soutenue, étant relevé qu'elles parlaient la même langue et pouvaient dès lors s'exprimer et se comprendre sans entrave. Bien que les tribunaux cubains aient prononcé le divorce de l'intimé et de sa précédente épouse par jugement du 19 décembre 2016, les parties n'ont contracté mariage qu'un an plus tard. Il ne saurait par conséquent être retenu, sur cette base, que la relation des parties avant la célébration de leur mariage a été brève, ni que le mariage a été célébré dans la précipitation. La Cour renoncera par ailleurs à déterminer qui de l'appelante ou de l'intimé a été à l'origine du projet de mariage, ce point n'apparaissant pas déterminant. En effet et quoiqu'il en soit, l'appelante a à tout le moins manifesté son accord pour épouser l'intimé, étant précisé que compte tenu de la distance géographique entre les deux, il lui aurait été facile, en cas de désaccord avec ce projet, de mettre en terme à la relation. Pour le surplus, les parties n'ont certes pas le même âge, puisque douze années les séparent; une telle différence n'est toutefois pas significative au point de considérer d'entrée de cause qu'une relation amoureuse et sincère était impossible de ce seul fait. Une fois le mariage célébré, la vie commune a cessé après quelques semaines seulement. Il ne peut toutefois être retenu que la séparation résultait de la mise en œuvre par l'intimé d'un plan arrêté avant le mariage, soit quitter l'appelante dès l'obtention du droit de séjourner en Suisse. Il semble plutôt, à bien comprendre les échanges épistolaires des parties, que celles-ci se sont heurtées à des difficultés engendrées notamment par des espoirs déçus de part et d'autre. Contrairement à ce qu'a soutenu l'appelante en appel, le contenu des courriels échangés ne conduit pas à retenir que l'intimé aurait admis ne l'avoir épousée que pour obtenir un permis de séjour. L'intimé n'a en effet eu de cesse, après la séparation et pendant plusieurs mois, de répéter à l'appelante qu'il éprouvait des sentiments à son égard et qu'il espérait encore parvenir à sauver leur couple. Le ton employé est demeuré affectueux et si l'intimé a pu apparaître insistant, il ne s'est à aucun moment montré agressif ou menaçant. Les témoins K______ et L______ ont par ailleurs déclaré que l'intimé était très abattu après la séparation des parties, alors qu'habituellement il était d'humeur joyeuse. Quant aux déclarations du témoin J______, dont l'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, elles ne sont pas de nature à infirmer ce qui précède. Ledit témoin a certes expliqué que l'intimé lui avait dit vouloir retourner à Cuba après avoir travaillé à Genève durant six mois, sans toutefois être en mesure de préciser s'il entendait y retourner pour des vacances "ou autre". Il ne saurait par conséquent être retenu, sur cette seule base, que l'intimé avait planifié de se marier dans le seul but de pouvoir venir en Suisse, avec l'intention de quitter très rapidement l'appelante. Il en va de même de l'achat d'un billet d'avion aller – retour I______/Genève, dont l'appelante fait grand cas. Ses explications sur ce point, telles qu'elles figurent d'une part dans un courrier de son avocat au Tribunal et d'autre part dans son mémoire d'appel, sont toutefois peu claires et ne permettent pas davantage de considérer que l'intimé n'avait aucune intention de fonder avec elle une communauté conjugale. L'appelante se prévaut ensuite des prétendus mensonges de l'appelant. Si ce dernier s'est certes montré évasif s'agissant de l'état de la procédure de divorce dirigée contre sa précédente épouse, il n'en demeure pas moins que ladite procédure a effectivement été menée et a abouti au prononcé d'un jugement de divorce rendu en décembre 2016; il résulte également du dossier que l'intimé n'a pas menti à l'appelante concernant la nationalité de H______, laquelle est effectivement et selon ses dires une ressortissante espagnole. Dès lors, aucun mensonge portant sur des éléments essentiels, qui, s'ils avaient été connus, auraient pu dissuader l'appelante d'épouser l'intimé, ne peut être retenu.

Au vu de ce qui précède, l'analyse de la situation faite par le Tribunal n'est pas critiquable et c'est à juste titre qu'il a retenu que les conditions de l'art. 105 ch. 4 CC n'étaient pas remplies.

2.2.2 L'appelante se prévaut ensuite du fait que l'intimé n'étant pas valablement divorcé, il ne pouvait contracter un second mariage.

L'union des parties a été rendue possible par le fait que l'intimé a produit le jugement rendu par un tribunal cubain le 19 décembre 2016, ayant mis un terme à son union avec H______. Ledit jugement a été reconnu en Suisse, conformément à l'art. 65 LDIP, étant relevé qu'il avait été rendu dans l'Etat national et du domicile de l'une des parties à tout le moins, à savoir l'intimé. Par ailleurs, l'époux défendeur, à savoir H______, n'était pas domiciliée en Suisse. Dès lors et relativement à l'art. 65 LDIP, rien ne s'opposait à la reconnaissance en Suisse dudit jugement. L'allégation de corruption, apparue en appel et dès lors tardive (art. 317 al. 1 CPC), n'est pas rendue suffisamment vraisemblable pour que l'appelante puisse en tirer un quelconque argument.

Pour le surplus, il appartiendrait le cas échéant à H______ et non à l'appelante, qui n'a aucune qualité pour le faire, de se prévaloir du fait qu'elle n'aurait pas été valablement citée devant les tribunaux cubains ou que le jugement rendu par ceux-ci serait vicié pour un autre motif. Or, H______, qui a comparu devant un notaire espagnol afin d'établir une attestation, n'a émis aucune critique en lien avec le déroulement de la procédure cubaine, de sorte que, même en admettant que celle-ci n'ait pas été régulière, elle n'a manifestement causé aucun préjudice à l'intéressée, laquelle n'a pas contesté la validité du jugement cubain.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que la condition de l'art. 105 ch. 1 CC n'était pas remplie.

3. 3.1 Un époux peut demander le divorce avant l'expiration du délai de deux ans (de l'art. 114 CC), lorsque des motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC).

La continuation du mariage est insupportable lorsque le maintien du lien conjugal apparaît objectivement intolérable pour l'époux demandeur; l'existence de motifs sérieux ne doit pas être soumise à des exigences excessives; le juge statue selon le droit et l'équité (ATF 127 III 129 / JT 2002 I 155, ATF 129 III 1).

3.2 En l'espèce, l'appelante avait initialement fondé sa demande en application de l'art. 115 CC sur le fait qu'elle aurait été victime de violences de la part de l'intimé. Lesdites allégations n'ont toutefois pas été établies, puisque l'intimé a été acquitté dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui et que l'appelante n'a produit ni certificat médical ni témoins susceptibles de confirmer ses dires.

Devant la Cour, elle a persisté à se fonder sur l'art. 115 CC, en se prévalant des spécificités du cas d'espèce (très courte durée du mariage, mensonges de l'intimé, messages de ce dernier admettant s'être mal comporté et "surtout la présente procédure"). L'appelante n'a toutefois pas indiqué en quoi le maintien du lien conjugal apparaîtrait objectivement intolérable, alors qu'il lui appartenait de le faire. Sur ce point, il sera relevé que si tel avait réellement été le cas, l'appelante n'aurait pas manqué de renoncer à la présente procédure, dont le sort était incertain, et de déposer à partir de mi-janvier 2020 une nouvelle demande en divorce fondée cette fois sur l'art. 114 CC, les parties vivant séparées depuis la mi-janvier 2018, de sorte qu'elle aurait pu se prévaloir du délai de séparation de deux ans et obtenir le prononcé du divorce même contre la volonté de sa partie adverse.

Quoiqu'il en soit, la condition du maintien intolérable du lien conjugal, qui n'a en aucune manière été établi par l'appelante, n'apparaît pas remplie, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal a rejeté la demande de divorce fondée sur l'art. 115 CC.

4. Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera confirmé dans son intégralité.

5. 5.1 Les frais de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'250 fr. et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Celle-ci ayant été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire, lesdits frais seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

5.2 Vu la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC), chaque partie supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/11181/2021 rendu le 6 septembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9014/2018.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'250 fr., les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.