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Décisions | Chambre civile

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C/29032/2018

ACJC/520/2022 du 08.04.2022 sur JTPI/5049/2020 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29032/2018 ACJC/520/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 8 AVRIL 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 mai 2020, comparant d'abord par Me Catherine KAVADZE, avocate, puis en personne,

et

Madame B______, domiciliée ______(GE), intimée, comparant par Me Blaise KRÄHENBÜHL, avocat, DGM AVOCATS, boulevard des Philosophes 26, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5049/2020 rendu le 7 mai 2020, notifié aux parties le
14 mai 2020, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, notamment et s'agissant des points pertinents pour l'appel, dissous par le divorce le mariage contracté par B______ et A______ (chiffre 1 du dispositif), attribué la garde des deux enfants mineurs du couple à B______, réservé un droit de visite en faveur de A______, condamné celui-ci à contribuer à leur entretien (ch. 2 à 11), arrêté le montant de l'indemnité équitable due selon l'article 124e CC à 280'865 fr., condamné en conséquence A______ à s'en acquitter en faveur de B______ à concurrence de 2'000 fr. par mois, à compter de l'entrée en force du jugement et jusqu'à extinction de la dette (ch. 12), procédé à la liquidation du régime matrimonial (ch. 13), débouté B______ de ses conclusions en versement d'une contribution d'entretien post-divorce et en versement d'une provisio ad litem
(ch. 14 et 15), arrêté les frais judiciaires à 4'125 fr, compensés avec l'avance versée par A______ et mis à la charge des parties par moitié chacune, condamné B______ à payer à A______ 2'062 fr. 50 (ch. 16), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 17), condamné en tant que de besoin les parties à exécuter les dispositions du jugement (ch. 18) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 19).

B. a. Par acte expédié le 15 juin 2020 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement dont il a sollicité l'annulation partielle du ch. 12 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour statue à nouveau sur les modalités de paiement de l'indemnité équitable fixée en application de l'art. 124e CC, conformément au contenu d'une convention à conclure en cours d'instance, lui donne acte de son engagement à s'acquitter en mains de B______ de 500 fr., par mois et d'avance, sur une période de quarante mois, à compter du mois suivant la conclusion d'une convention, mais avec effet rétroactif au 1er juillet 2020, de sorte que le montant total reçu par B______ totalise 20'000 fr., ainsi que 260'865 fr. - correspondant au solde de l'indemnité équitable selon le jugement entrepris - dans un délai de 30 jours suivant la libération par son employeur du capital cotisé au titre de la prévoyance professionnelle. Subsidiairement, si aucun accord n'était trouvé, il a conclu à ce que la Cour lui donne acte de son engagement à verser à B______ 500 fr., par mois et d'avance, à compter du mois suivant l'entrée en force du présent arrêt, jusqu'à ce qu'un cas de prévoyance le concernant survienne, au plus tard jusqu'au mois d'août 2026, ainsi que le solde du montant de 280'865 fr. après déduction des montants déjà versés, dès qu'un cas de prévoyance surviendrait. Il a en outre conclu à ce que la Cour ratifie la convention de partage de la prévoyance professionnelle, le tout sous suite de frais judiciaires.

b. Par arrêt du 5 octobre 2020, la Cour a, sur requête conjointe des parties, ordonné la suspension de la procédure d'appel.

c. Le 10 novembre 2021, B______ a déposé sa réponse à l'appel. Elle a conclu à l'admission de l'appel en ce qu'il concluait à ce qu'il soit donné acte à A______ de son engagement à lui verser 280'865 fr., après déduction des montants mensuels déjà payés, dès qu'un cas de prévoyance surviendrait, mais au plus tard au mois d'août 2026. En outre, elle a conclu au déboutement de toutes les autres conclusions contenues dans l'appel, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit un chargé de pièces figurant déjà à la procédure.

Dans les motifs de sa réponse, B______ a notamment écrit ce qui suit : "[ ] Il y a donc lieu de rejeter l'appel et de confirmer le jugement entrepris de première instance sur ce point. S'agissant du dies a quo de l'obligation de verser des mensualités de CHF 2'000.00, il conviendrait de surcroît, pour ces mêmes motifs, de le replacer au début du mois suivant le prononcé du jugement de première instance, soit dès le 1er juillet 2020, compte tenu de la maxime d'office applicable en matière de partage de la prévoyance professionnelle. [ ] Il y aurait même lieu [ ] de revoir le montant à la hausse en tenant compte du solde mensuel effectivement disponible de l'appelant, qui se monte à 3'590 fr. au moins".

d. Par arrêt du 19 novembre 2021, la Cour a ordonné la reprise de la procédure d'appel et réservé la suite de la procédure.

e. A______ n'a pas répliqué après s'être vu notifier la réponse de B______.

f. La Cour a convoqué les mandataires des parties à une audience le
22 février 2022. Le conseil de A______ n'a pas comparu, ayant informé la Cour le jour précédent qu'il ne représentait plus les intérêts de son client.

B______, par la voix de son conseil, a persisté dans ses conclusions. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______, née ______ [nom de jeune fille] le _______ 1976 à C______ (Mexique), et A______, né le ______ 1961 également à C______ (Mexique), tous deux originaires de D______ (GE) et citoyens mexicains, se sont mariés le ______ 2005 à D______.

b. Ils sont parents de deux fils : E______, né le ______ 2005 à F______, et G______, né le ______ 2011 à Genève.

A______ est par ailleurs le père de trois enfants majeurs, nés de précédentes unions : K______, né le ______ 1988, H______, né le ______ 1999, et I______, née le ______ 2000.

c. Le 14 décembre 2018, A______ a déposé une demande en divorce, non motivée, avec requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant notamment au partage par moitié des avoirs de prévoyance.

d. Dans sa réponse du 15 août 2019, B______ a, notamment, conclu au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle.

e. A l'issue des enquêtes, les deux parties ont déposé des mémoires de plaidoiries finales écrites.

B______ a conclu au versement d'un montant de 371'818 fr. 15 en sa faveur au titre du partage de la prévoyance professionnelle.

A______ a conclu au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle, se remettant à justice sur le mode du partage.

Les parties ont répliqué, puis la cause a été gardée à juger en mai 2020.

f. La situation personnelle et financière des parties pertinente pour l'issue du litige est la suivante :

f.a A______ travaille comme ______ à L______ [Organisation internationale] depuis septembre 2004. Son salaire mensuel net, tel qu'arrêté par le Tribunal, s'élève à 13'845 fr. Il n'est pas assujetti à l'impôt en Suisse.

Ses charges mensuelles ont été arrêtées aux montants suivants par le Tribunal : 2'485 fr. de loyer, 70 fr. de frais de transport, 200 fr. d'abonnement téléphone et Internet, 400 fr. de contribution versée à l'enfant majeur H______, 400 fr. de contribution versée à l'enfant majeur I______, 210 fr. de frais de repas pris à l'extérieur et 1'200 fr. de montant de base LP, soit un total de 4'965 fr.

A______ est affilié au Régime des pensions de L______ depuis le 13 septembre 2004. Il n'est pas contesté qu'il atteindra l'âge de la retraite à fin juillet 2026.

f.b B______ a travaillé durant le mariage comme ______ indépendante et était affiliée à l'AVS à ce titre. Depuis 2016, elle est employée à plein temps comme assistante à M______ [Organisation internationale]. Le Tribunal a arrêté son salaire mensuel net à 6'883 fr. Elle n'est pas assujettie à l'impôt en Suisse.

Ses charges mensuelles ont été arrêtées aux montants suivants par le Tribunal : 2'159 fr. de loyer (participation des enfants au loyer déduite), 200 fr. de parkings, 21 fr. d'assurance ménage, 165 fr. de cotisation chômage, 55 fr. 50 de frais liés au véhicule, 120 fr. de frais de téléphone portable, 169 fr. d'abonnement téléphone et Internet, 200 fr. de ménage (2 heures par semaine à 25 fr. de l'heure sur
48 semaines), 70 fr. de frais de transport et 1'350 fr. de montant de base LP, soit un total de 4'509 fr. 50.

Depuis son engagement à M______ le 27 août 2016, B______ est affiliée à la Caisse J______.

f.c L'enfant E______ souffre d'un trouble envahissant du développement du spectre autistique (trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité), diagnostiqué lorsqu'il avait trois ans et suit sa scolarité à l'école publique.

Les charges mensuelles liées à l'entretien de E______ ont été arrêtées aux montants suivants par le Tribunal : 463 fr. de participation au loyer de sa mère, 0 fr. d'assurance-maladie (directement déduite du salaire de A______), 84 fr. de frais médicaux, 35 fr. de frais d'abonnement de téléphone portable, 46 fr. de loisirs, 140 fr. de repas de midi au Cycle d'Orientation, 250 fr. de répétiteur, 617 fr. de frais de garde, 150 fr. de vacances, 45 fr. de frais de transport et 600 fr. de minimum vital OP, soit un total de 2'430 fr.

f.d L'enfant G______ souffre d'un trouble psychique, qui se manifeste par des difficultés à gérer ses émotions, des angoisses et des troubles attentionnels. Il est sous traitement médicamenteux et est scolarisé en école privée, ne parvenant pas encore à intégrer l'école publique.

La part des frais de scolarité de cet enfant non prise en charge par une bourse ou par l'employeur de A______ représente 1'458 fr. (écolage) et 382 fr. (cantine) par mois.

Les charges mensuelles liées à l'entretien de G______, hors frais de scolarité, ont été arrêtées aux montants suivants par le Tribunal : 463 fr. de participation au loyer de sa mère, 0 fr. d'assurance maladie (directement déduite du salaire de A______), 105 fr. 50 de frais médicaux non remboursés, 124 fr. 50 de loisirs, 617 fr. de frais de garde, 320 fr. de soutien scolaire, 150 fr. de vacances, 45 fr. de frais de transport et 400 fr. de montant de base LP, soit au total 2'225 fr.

D. Dans le jugement entrepris et concernant la question litigieuse en appel, le Tribunal a considéré que A______ devait prendre en charge l'intégralité des charges financières des deux enfants mineurs, soit 2'450 fr. et 2'250 fr., puis deux fois 2'450 fr. (dès que le plus jeune enfant aurait atteint dix ans), plus 1'458 fr. d'écolage privé et 382 fr. de cantine scolaire. En outre, les parties étaient d'accord de partager par moitié entre elles les frais extraordinaires relatifs aux enfants. Le disponible mensuel de A______, après couverture de ses propres charges, était de 8'880 fr. (13'845 fr. - 4'965 fr.). Il disposerait encore, après couverture des contributions d'entretien dues aux enfants, hors frais extraordinaires, de 2'140 fr. (8'880 fr. - 2'450 fr. - 2'450 fr. -1'458 fr. - 382 fr.; dès que le plus jeune enfant aurait atteint l'âge de dix ans). Or, étant donné que les parties étaient affiliées à une caisse de pension d'une organisation internationale, le partage de la prévoyance ne pouvait pas être ordonné. Il s'agissait donc, par application de l'art. 124e CC, de fixer une indemnité équitable. Le montant de cette indemnité, qui n'est plus remis en cause en appel, était de 280'865 fr. en faveur de B______. Comme A______ ne disposait pas de fortune lui permettant de verser ce capital, il serait condamné, au vu de son disponible à lui verser une "rente mensuelle" de 2'000 fr. par mois jusqu'à l'extinction de la dette.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1
let. a CPC), rendue dans une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La question se pose de savoir si la réponse de l'intimée doit être considérée comme un appel joint.

1.2.1 Les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation du recours (ATF 123 IV 125 consid. 1; 105 II 149 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2019 du 17 mai 2019
consid. 1.2).

1.2.2 Selon les conclusions formelles prises à la fin de son mémoire, l'intimée, sous la plume de son avocat, a acquiescé à une partie des conclusions de l'appelant et conclu au rejet des autres. Dans le corps de son mémoire, elle évoque, au conditionnel, la fixation d'un dies a quo à une date différente et une augmentation des montants devant être versés mensuellement par l'appelant.

En présence d'une partie assistée d'un avocat, l'absence de mention de la notion d'appel joint, ainsi que de toute conclusion formelle tendant à réformer le jugement, conduit, après une interprétation objective, à retenir que les phrases susmentionnées, rédigées au conditionnel de surcroît, n'étaient que l'expression d'hypothèses, mais non une demande de modifier le jugement entrepris dans un sens encore différent de celui ressortant de l'appel.

Par conséquent, l'intimée n'a pas formé appel joint.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Contrairement à ce qui prévaut en première instance où le Tribunal établit les faits d'office pour les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC ; maxime inquisitoire sociale ou atténuée) et statue à leur sujet même en l'absence de conclusions des parties (maxime d'office), dites maximes ne s'imposent pas devant l'autorité de deuxième instance, les maximes des débats et de disposition étant applicables en appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 3.3 et les références jurisprudentielles et doctrinales citées).

2. La seule question litigieuse est celle des modalités de paiement de l'indemnité équitable due à l'intimée par l'appelant en remplacement du partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

2.1 L'art. 124d CC prévoit que si l'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle ne peut être raisonnablement exigée compte tenu des besoins de prévoyance de chacun des époux, le conjoint débiteur est redevable au conjoint créancier d'une prestation en capital.

A teneur de l'art. 124e al. 1 CC, si l'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle s'avère impossible, le conjoint débiteur est redevable au conjoint créancier d'une indemnité équitable sous la forme d'une prestation en capital ou d'une rente.

Ni l'art. 124d CC, ni l'art. 124e al. 1 CC ne prescrivent comment la prestation en capital doit être fournie. Les parties peuvent ainsi, selon la doctrine, convenir d'un paiement échelonné, pour peu que le débiteur donne des garanties de paiement. Un versement par acomptes est donc possible, qui ne modifie en principe pas la nature du versement. Le solde du montant fixé dans le jugement de divorce reste dû par les héritiers en cas de décès du débiteur (Geiser, Basler Kommentar - ZGB I, 6ème éd. 2018, n. 9 ad art. 124d CC; Leuba / Meier / Papaux van Delden, Droit du divorce, 2021, n. 566 et 569). En tous les cas, si le débiteur ne verse pas l'intégralité du capital avant son décès, il n'existe aucune prétention envers sa caisse de pension. La dette passe donc dans sa succession (Geiser, op. cit, n. 13 ad art. 124d CC). Par ailleurs, selon un auteur, le paiement échelonné implique que le montant dû ne peut pas être modifié, puisque les art. 125 et suivants CC ne sont pas applicables (Pichonnaz, Commentaire Romand - CC I, 2010, n. 63
ad art. 124 aCC).

Contrairement à l'art. 124d CC (applicable lorsque l'exécution du partage est possible, mais ne peut être raisonnablement exigée), l'art. 124e al. 1 CC prévoit expressément la possibilité d'allouer une rente, en plus de la possibilité d'allouer un paiement en capital. Le choix est soumis à l'appréciation du tribunal, la loi ne prévoyant pas quelle forme de la prestation devant avoir le pas sur l'autre. Cela étant, les montants et les conséquences juridiques de ces deux formes de paiement ne sont pas du tout comparables (Geiser, op. cit, n. 7 ad art. 124e CC).

La mise en œuvre juridique de la rente n'est pas réglée par la loi. Tout au plus, le Conseil fédéral a-t-il exposé dans son message : "Contrairement à la contribution d'entretien fondée sur l'art. 125 CC, la rente attribuée sur la base de l'art. 124e al. 1 CC ne s'éteint pas avec le remariage du conjoint créancier. Elle ne sera pas modifiable. Si le débiteur du paiement sous forme de rente en vertu de l'art. 124e al. 1 CC décède, son ex-conjoint aura droit, pour autant que les conditions requises soient remplies, aux prestations pour survivants prévues à l'art. 20
al. 1 OPP 2. Toutefois, les prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle prendront fin en cas de remariage
" (Message concernant la révision du code civil suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce), FF 2013 p. 4375). Il faut en déduire que le Conseil fédéral exclut l'hérédité passive de la rente au vu de l'application de l'art. 20 al. 1 let. b OPP2. Le régime juridique applicable peut donc être soit celui de la rente d'entretien prévue aux art. 125 et suivants CC appliqués par analogie, soit celui de la rente viagère prévue aux art. 516 et suivants CO. A supposer que l'on applique le régime des art. 125 et suivants CC par analogie, la rente devrait être indexée, n'être ni passivement, ni activement héréditaire, supprimée en cas de remariage et modifiable si les circonstances changent. Ce qui laisse toutefois la possibilité aux parties de conclure une convention dérogeant à ces principes. Le minimum vital du débirentier doit être dans tous les cas garanti. Un revenu hypothétique peut être imputé. En outre, lors de l'exécution forcée le crédirentier bénéfice de plusieurs avantages (Geiser, op. cit., n. 12 ad art. 124e CC). Si le régime juridique appliqué est celui de la rente prévue par les art. 516 et suivants CO, alors la rente n'est pas indexée. Elle est transmise par héritage en cas du décès du crédirentier, mais non en cas de décès du débirentier. Le remariage n'a aucune influence, tout comme d'éventuelles modifications de la situation financière ou personnelle des personnes concernées. Il n'y a pas lieu de respecter le minimum vital du débirentier : le revenu ne jouant aucune importance dans la fixation de la rente. La position du crédirentier n'est pas particulièrement avantagée en cas de poursuites (Geiser,
op. cit., n. 13 ad art. 124e CC; à ce sujet : Leuba / Meier / Papaux van Delden, op. cit., n. 571).

Selon la doctrine, une rente au sens de l'art. 124e CC ne devrait être prononcée que si le capital à disposition est insuffisant pour opérer un versement en capital. Il s'agit notamment des cas où une pension ou une rente intransmissibles sont versées par une organisation internationale. Une rente ordonnée alors que le bénéficiaire est déjà à l'âge de la retraite s'apparente grandement à une contribution d'entretien des art. 125 et suivants CC. C'est une des raisons pour lesquelles la doctrine recommande d'appliquer par analogie ces dispositions à la rente prévue à l'art. 124e CC. Il faut pouvoir modifier la rente dans le futur en fonction des changements de circonstances dans la situation financière des parties, car il ne serait pas admissible que la société prenne en charge les besoins du débirentier alors que le crédirentier vit confortablement en bénéficiant de la rente. Dans ce contexte, la rente ne serait plus "équitable" au sens de l'art. 124e al. 1 CC. En outre, à défaut de pouvoir modifier la rente, le tribunal devrait envisager toutes les possibilités futures d'évolutions, ce qui n'aurait guère de sens. C'est pourquoi il est recommandé au tribunal, respectivement aux parties dans leur convention, de préciser quelle méthode a été choisie pour fixer la rente (Geiser, op. cit., n. 14
ad art. 124e CC). Selon d'autres auteurs, la condition à la condamnation à payer un capital ne saurait dépendre de la disponibilité d'un montant suffisant correspondant à celui du capital dû : le capital peut en effet être payé par mensualités et par tranches. La protection offerte par un paiement en capital étant bien meilleure pour le créancier (Jungo / Grütter, Scheidung FamKomm,
3ème éd. 2017, n. 9 ad art. 124d CC). La question de choisir entre une rente ou un capital dépend donc essentiellement des circonstances du cas concret. Le capital est plus en phase avec l'idée du clean-break que la rente. La conversion d'un capital en une rente doit tenir compte de sa nature juridique et des circonstances concrètes (Geiser, op. cit., n. 16 ad art. 124e CC).

Selon la jurisprudence, lorsque la situation patrimoniale du débiteur le permet, la préférence est accordée au versement d'une prestation pécuniaire en capital, ce qui permet de diminuer le risque de défaillance. Le paiement de la prestation en capital peut aussi être effectué, conventionnellement, par acomptes; l'engagement de verser un capital a pour conséquence que l'obligation ne s'éteint pas au décès de l'époux débiteur, mais qu'elle constitue une dette de la succession, soit un passif transmissible héréditairement. L'attribution d'une prestation sous forme de capital, que le paiement soit ou non effectué par acomptes, présuppose en principe l'existence d'un tel capital, car les héritiers n'ont pas le devoir de pourvoir à la prévoyance vieillesse du conjoint survivant. En revanche, on optera pour un paiement sous forme de rente lorsqu'il n'y a pas de liquidités suffisantes pour assurer un versement en capital et que le débiteur reçoit des versements réguliers du fait de sa propre rente vieillesse (ATF 131 III 1 consid. 4.3.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_147/2011 et 5A_154/2011 du 24 août 2011 consid. 7.1).

Avant l'entrée en vigueur des art. 124d et 124e CC, le Tribunal fédéral a eu à connaître du cas d'un époux condamné à verser à l'autre un capital de 140'000 fr. à raison de 2'000 fr. par mois sur la base de l'art. 124 aCC. Le Tribunal fédéral a jugé que, tant que le montant disponible mensuel de l'époux débiteur, après paiement des contributions d'entretien, était suffisant pour payer la rente [recte le capital par paiement échelonné] sans atteindre son minimum vital, il n'y avait lieu de revoir ni la durée de l'échelonnement, ni le montant des mensualités (arrêt du Tribunal fédéral 5A_691/2009 du 5 mars 2010 consid. 2.6). Dans une autre affaire, elle aussi antérieure à l'entrée en vigueur des art. 124d et 124e CC, le Tribunal fédéral a examiné si le débiteur d'un capital par paiement échelonné pouvait se voir imputer un revenu hypothétique et a fait référence dans ce cadre aux règles applicables à un débirentier de contribution d'entretien du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 5A_278/2008 du 24 juillet 2008 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, le montant du capital revenant à l'intimée au titre de l'indemnité équitable de l'art. 124e al. 1 CC n'est pas remis en cause et ne sera donc pas revu. Il n'est pas non plus contesté que l'appelant ne dispose pas d'un capital à libre disposition lui permettant de payer en une fois ou en quelques fois seulement le montant dû.

Il n'est enfin pas contesté que le disponible mensuel de l'appelant est, pour le moins, d'un peu plus de 2'000 fr. par mois, avant déduction d'éventuels frais extraordinaires des enfants. Au vu de ce qui suit, il n'est pas nécessaire de déterminer si ce disponible est supérieur, ainsi que le suggère l'intimée.

La première question à éclaircir est celle de la qualification du paiement devant être opéré mensuellement : le Tribunal l'a qualifié de "rente". Il s'agit plutôt d'un paiement échelonné du capital, puisque l'objectif est de solder le montant du capital et non d'assurer l'entretien courant de l'intimée. Le Tribunal n'a d'ailleurs procédé à aucune capitalisation de la prétendue "rente" en fonction des critères usuels : l'ensemble des paiements mensuels représente le même montant que le capital. D'ailleurs, il ne semble pas que le paiement d'une rente soit envisageable, ici, puisque l'appelant ne perçoit pas lui-même de prestation périodique de son institution de prévoyance. La distinction n'est pas vaine, car une rente serait soumise aux règles des art. 125 et suivants CC, voire aux art. 516 et suivants CO, alors que les règles relatives au paiement échelonné d'un capital sont moins claires. Selon la qualification, les conséquences en cas de prédécès de l'appelant ne seraient pas les mêmes, puisque la dette du capital passe dans tous les cas dans la succession.

L'appelant s'inquiète ainsi de la possibilité que des charges extraordinaires des enfants inopinées dont il devrait assumer en partie la couverture, couplées aux paiements mensuels fondés sur l'art. 124e al. 1 CC, entament son minimum vital. Ce faisant, il n'apporte pas le moindre élément qui pourrait permettre de retenir que des charges extraordinaires excédant son disponible mensuel pourraient être engagées pour les enfants. De surcroît, conformément à la jurisprudence - en cela contraire à certains avis doctrinaux -, son minimum vital demeure intangible, puisque le Tribunal fédéral applique les principes applicables à la contribution d'entretien de droit de la famille (art. 125 et suivants CC) au paiement échelonné d'un capital dans cette situation, ce qui doit être, au vu des circonstances, approuvé. Il ne saurait être imposé à l'appelant de payer à un seul débiteur, son ex-épouse, des montants qui excèdent sa capacité financière.

Son grief sera donc rejeté.

Au surplus, les parties ont conjointement conclu à ce que la Cour donne acte à l'appelant de son engagement à verser à l'intimée le solde du capital, après imputation des montants déjà versés de façon échelonnée, dès qu'un cas de prévoyance surviendrait. Cette manière de procéder est conforme à l'esprit de
l'art. 124e CC, selon lequel le capital doit être versé en priorité s'il est disponible, le paiement échelonné devant être assuré par certaines garanties, qui n'ont pas été fixées par le Tribunal en l'espèce. L'appelant confirme que ce capital sera à disposition lorsqu'il atteindra l'âge de la retraite. Il est donc logique qu'il verse le solde du capital dû à l'intimée à cette échéance, ce afin de clore les échanges pécuniaires entre les parties sur ce plan, dans l'application du principe du clean-break. Il sera donc donné suite à cette conclusion, qui viendra compléter le dispositif du jugement entrepris.

3. 3.1 Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

3.2.1 En l'espèce, ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance n'ont été valablement remises en cause en appel et celles-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art. 31 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, la modification du jugement attaqué ne justifie pas que la répartition des frais soit revue. Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3.2.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel sont fixés à 1'000 fr. (art. 31 et 35 RTFMC).

Compte tenu de l'issue de la procédure et de la nature familiale du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties, soit 500 fr. à charge de chacune (art. 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de 1'000 fr. fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera condamnée à verser à l'appelante la somme de 500 fr. (art. 111 al. 1
et 2 CPC).

Pour le même motif, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 15 juin 2020 contre le jugement JTPI/5049/2020 rendu le 7 mai 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29032/2018-21.

Au fond :

Annule le chiffre 12 du dispositif du jugement entrepris, cela fait, statuant à nouveau :

Arrête le montant de l'indemnité équitable due selon l'article 124e al. 1 CC à 280'865 fr. et condamne en conséquence A______ à s'en acquitter en faveur de B______ à concurrence de 2'000 fr. par mois, à compter de l'entrée en force dudit jugement et jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance le concernant.

Donne acte à A______ de son engagement à verser à B______ le solde du montant de 280'865 fr., après déduction des sommes déjà versées conformément aux mensualités visées au paragraphe précédent, dans les 30 jours après la survenance d'un cas de prévoyance le concernant, au plus tard le 31 août 2026.

L'y condamne en tant que de besoin.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à charge des parties à raison d'une moitié chacune et les compense avec l'avance versée par A______ qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 500 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires.

 

 

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.