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Décisions | Chambre civile

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C/2548/2021

ACJC/532/2022 du 08.04.2022 sur JTPI/5943/2021 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.175; CC.114; CC.176.al1.ch2; CC.176.al1.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2548/2021 ACJC/532/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 8 AVRIL 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la
1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 mai 2021, comparant par Me Sandro VECCHIO, avocat, Degni & Vecchio, rue du Général-Dufour 12, case postale 220, 1211 Genève 8, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______[GE], intimée, comparant par
Me Caroline KÖNEMANN, avocate, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5943/2021 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 6 mai 2021, reçu le 10 mai 2021 par A______, le Tribunal de première instance a autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du logement familial sis 1______ à C______ [GE], ainsi que du mobilier qui le compose (ch. 2), ordonné à A______ de quitter le logement familial au plus tard le 30 septembre 2021 (ch. 3), condamné ce dernier à verser à B______, mensuellement et d'avance, 3'615 fr. à titre de contribution d'entretien, ceci dès que A______ aura quitté le logement de la famille (ch. 4).

Les frais judiciaires ont été arrêtés à 500 fr. et compensés avec l'avance versée par B______. Ils ont été répartis par moitié entre les parties et A______ a été condamné à verser 250 fr. à B______ (ch. 5). Aucun dépens n'a été alloué (ch. 6) et les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte expédié le 20 mai 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation des ch. 1 à 4 de son dispositif, avec suite de frais et dépens.

Préalablement, il conclut à ce que B______ soit condamnée à lui remettre tout document attestant :

-          de sa formation et ses expériences professionnelles passées et actuelles;

-          de son second emploi consistant à s'occuper d'une personne âgée dans son quotidien (contrat, fiches de salaire, nom et adresse de celle-ci);

Il sollicite la remise de l'intégralité des fiches de salaire de son épouse au sein de l'entreprise D______ AG pour les années 2018 à 2021, ainsi que les relevés de comptes bancaires de celle-là (suisses ou étrangers) pour les années 2020 et 2021.

Principalement, il conclut à ce qu'il soit constaté que les époux sont séparés depuis le 1er novembre 2020, à l'attribution du domicile conjugal et du mobilier de ménage et à ce qu'un délai raisonnable soit imparti à B______ pour vider de sa personne et de ses biens le domicile conjugal, à ce qu'il soit dit qu'un revenu hypothétique à hauteur de 3'900 fr. soit imputé à B______ dès le 1er juillet 2021 et à ce qu'il soit condamné à verser à B______, en mains de celle-ci, une contribution d'entretien d'un montant de 1'930 fr., dès qu'elle aura quitté le domicile conjugal.

Subsidiairement, A______ conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour décision au sens des considérants.

A______ a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles, dont certaines ne sont pas datées (nos 3 et 8), ont déjà été produites en première instance (n° 4) ou sont antérieures au 26 mars 2021, date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal (nos 5 et 6). Seule l'une d'entre elles est postérieure à la date précitée (n°7).

b. Par réponse du 10 juin 2021, B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

B______ a allégué des faits nouveaux et produit un chargé de pièces antérieures au 26 mars 2021 (nos 23 et 24).

c. Par réplique du 24 août 2021, A______ a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

Il a allégué des faits nouveaux et déposé des pièces antérieures au 26 mars 2021 (nos 9 à 11, 14 et 15), respectivement postérieures à cette date (nos 12 et 13) ou non datées (n°16).

d. Par duplique du 9 juillet 2021, B______ a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

Elle a allégué des faits nouveaux et déposé des pièces postérieures au 26 mars 2021 (nos 25 et 26).

e. La cause a été gardée à juger le 29 juillet 2021, ce dont les parties ont été avisées par courrier du même jour.

C. Les faits suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. A______, né le ______ 1970 à E______ (France) et B______, née [B______] le ______ 1968 en Espagne, tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 1990 à C______.

Les enfants F______, né le ______ 1991, G______, née le ______ 1994, H______, né le ______ 1998, et I______, né le ______ 2001, tous majeurs, sont issus de cette union.

b. B______ s'est occupée des quatre enfants du couple et a commencé à travailler à temps partiel en 2018, alors que le dernier des enfants avait 17 ans, tandis que A______ a toujours exercé une activité professionnelle.

c. Les époux sont locataires d'un appartement de 6 pièces à la rue 1______ à C______, dont le loyer mensuel, charges comprises, se monte à l'740 fr.

Ils vivent encore sous le même toit mais occupent chacun leur propre chambre depuis le 1er novembre 2020.

d. Par acte du 11 février 2021, B______ a requis des mesures protectrices de l'union conjugale, concluant à ce que les parties soient autorisées à se constituer des domiciles séparés, à l'attribution du logement conjugal et à l'octroi d'une contribution mensuelle d'entretien de 3'900 fr.

e. A l'audience de comparution personnelle du 26 mars 2021, A______ a conclu à ce qu'il soit constaté que les époux vivent séparément, en ce sens qu'ils font chambre à part, depuis le 1er novembre 2020 et à l'attribution du logement conjugal à lui-même. Il ne s'est pas opposé, sur le principe, à verser une contribution mensuelle d'entretien à son épouse mais a contesté le montant réclamé par celle-ci. Il a sollicité que celle-ci produise des pièces attestant de ses expériences professionnelles passées, ainsi que ses relevés de compte pour l'année 2020.

B______ a également requis que son époux produise ses relevés de compte pour l'année 2020.

f.a. A______ est employé des TPG et perçoit, à ce titre, un revenu mensuel net de l'ordre de 7'560 fr., montant admis par le Tribunal.

Ses charges mensuelles ont été retenues par le Tribunal à concurrence de 3'540 fr. (arrondi; base mensuelle d'entretien : 1'200 fr., loyer : 1'740 fr. [à l'instar de son épouse, pour respecter l'égalité entre eux], caution : 21 fr., assurance-maladie : 430 fr., frais médicaux non remboursés : 80 fr. et frais de transport : 70 fr.).

Le Tribunal n'a pas tenu compte de la charge fiscale alléguée par A______ au motif que le solde disponible des époux devait être partagé par deux et que leur imposition après la séparation devrait dès lors être équivalente.

f.b. B______ a débuté une activité professionnelle en mai 2018 en qualité d'agent de distribution pour D______ AG. Elle trie et distribue de la publicité et des revues. Elle a perçu, à ce titre, un salaire mensuel net de 375 fr. 60 en 2019 et de 335 fr. 90 en 2020, que le Tribunal a arrondi à 360 fr. Elle a précisé en audience que sa rémunération devrait être d'un montant similaire en 2021.

Elle a produit des fiches de salaire d'octobre à décembre 2020, lesquelles indiquent le versement d'indemnités pour maladie pour ces deux derniers mois. Elle travaille à un taux horaire porté à 23 fr. depuis le 8 décembre 2020, plus une indemnité de 10.64% pour ses vacances, ce taux correspondant à l'octroi de 5 semaines de vacances par an. Sur ses fiches de salaires, D______ AG a apposé la communication suivante : "Connaissez-vous des personnes dans votre entourage qui sont intéressées par un poste d'agent de distribution pour un revenu supplémentaire ? ( )" et offre une prime de 100 fr. à toute personne qui a recommandé un nouveau collaborateur ayant réussi sa période d'essai.

Il ressort de l'attestation du 3 février 2021 de la Dre J______, FMH Psychiatrie-psychothérapie, que B______ est suivie du point de vue psychiatrique depuis le 2 mai 2019 pour un problème de dépression récurrente, épisode sévère sans symptômes psychotiques, troubles anxieux, trouble du sommeil, trouble d'hyperactivité avec déficit d'attention et de concentration et stress post-traumatique, pour lesquels elle bénéficie d'un traitement médicamenteux et psychothérapeutique. Elle a été hospitalisée à la Clinique de P______ du 11 au 28 janvier 2021, ladite attestation ne précisant toutefois pas pour quelles raisons. Selon ce médecin, son état psychique est en péjoration dans le cadre des problèmes familiaux. Dans un second certificat du 13 février 2021, la psychiatre a ajouté qu'"au vu de sa fragilité par les multiples comorbidités et pour le bien-être psychique de [B______], il est important qu'elle puisse conserver le domicile conjugal".

Du 27 décembre 2020 au 4 janvier 2021, B______ a séjourné aux HUG, dans le service de chirurgie thoracique, pour des douleurs à la cage thoracique consécutives à un accident. Une masse tumorale sur le rein gauche a en outre été révélée ("incidentalome surrénalien de 16 mm").

Elle a subi plusieurs arrêts de travail de novembre 2020 à début février 2021 (du 2 au 7 novembre 2020, du 17 novembre au 6 décembre 2020, du 22 décembre 2020 au 2 février 2021).

B______ a déclaré, à l'audience du 26 mars 2021, exercer une seconde activité consistant à aider une personne âgée dans son quotidien pour la somme de 25 fr./h brut, durant 3 à 4 heures par semaine. Elle a ajouté que cette personne habitait C______ et qu'elle se rendait chez elle 2 à 3 fois par jour, du lundi au dimanche, à raison d'un quart d'heure le matin et d'un quart d'heure le soir. Elle effectuait les courses pour elle, le matin ou l'après-midi.

f.c. Les charges mensuelles de B______ ont été retenues par le Tribunal à concurrence de 3'570 fr. (arrondi; base mensuelle d'entretien : 1'200 fr., loyer : 1'740 fr., caution : 21 fr., assurance-maladie : 360 fr., frais médicaux non remboursés : 180 fr. et frais de transport : 70 fr.).

g. A______ a indiqué que son fils H______, majeur, vivait à K______ (Vaud), travaillait à Genève et passait tous ses week-ends chez ses parents, auprès desquels il avait conservé une chambre. Son fils I______, également majeur, vivait encore à la maison et souhaitait rester vivre avec lui; il était employé de commerce, à la recherche d'un emploi et avait commencé son école de recrues en juillet 2021. A______ a allégué prendre en charge l'intégralité des frais du précité.

B______ a déclaré qu'elle avait peu de communication avec I______ depuis qu'elle était rentrée de l'hôpital.

h. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a attribué le logement familial à l'épouse, en considérant que la rémunération de l'époux lui permettrait plus facilement de trouver un appartement et a fixé à ce dernier un délai au 30 septembre 2021 pour libérer le logement. S'agissant de la contribution d'entretien, le premier juge a additionné les revenus des parties (7'560 fr. + 360 fr. = 7'920 fr.), puis a soustrait leurs charges mensuelles (3'540 fr. + 3'570 fr. = 7'110 fr.), ce qui leur laissait un disponible de 810 fr., qu'il a réparti entre elles. Il a ainsi fixé la contribution d'entretien de l'épouse à 3'615 fr. (405 fr. + 3'570 fr. 
- 360 fr.).

i. Les faits nouveaux recevables sont les suivants :

- Le 21 mai 2021, B______ a envoyé un message à son époux lui indiquant "j'ai une place à 100%, ce qui ne devrait pas tarder".

Se fondant sur ce message, A______ a allégué que son épouse allait bientôt obtenir un poste à temps complet. L'intéressée a admis cet allégué dans sa duplique du 8 juillet 2021, avec la réserve qu'elle n'avait toujours pas obtenu le poste en question.

- A______ a démissionné avec effet au 30 juin 2021 de la compagnie des sapeurs-pompiers de C______ et a vendu sa voiture le 4 mai 2021.

- B______ a affirmé que son époux ne lui donnait plus d'argent depuis avril 2021 et, depuis le mois de mai 2021, refusait de payer son assurance-maladie et ses factures de téléphonie.

- Le 30 juin 2021, une collègue de travail de B______ a attesté qu'elle était prête à lui confier ses enfants dès 18h00, trois fois par semaine, nuits comprises, de manière bénévole, et le 3 juillet 2021, L______ a certifié que B______ venait souvent à son domicile à C______ pour garder son fils autiste et restait parfois deux à trois jours afin d'éviter de rentrer tard chez elle.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur l'attribution du logement conjugal et le montant de la contribution à l'entretien de l'épouse, de sorte qu'il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_42/2013 du 27 juin 2013 consid. 1.1, 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 1, 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 1; 5A_511/2010 du 4 février 2011 consid. 1.1) et les conclusions restées litigieuses devant le premier juge excèdent 10'000 fr. (art. 92 al. 2 CPC).

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de 10 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 239, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

L'appel ayant été formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi et devant l'autorité compétente (art. 130 al. 1 et 314 al. 1 CPC), il est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes de disposition (art. 58 al. 1 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2007 du 18 février 2008 consid. 6) et inquisitoire limitée (art. 272 CPC; ATF 129 III 417 précité; arrêt du Tribunal fédéral 5A_245/2019 du 1er juillet 2019 consid. 3.2.1).

L'intimée peut elle aussi, sans introduire d'appel joint, présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimée à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêts du Tribunal fédéral 5A_804/2018 du 18 janvier 2019 consid. 3.2; 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les références citées).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il suffit donc que les faits soient rendus plausibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.3; ATF 127 III 474 consid. 2b/bb). Il incombe à chaque époux de communiquer tous les renseignements relatifs à sa situation personnelle et économique, accompagnés des justificatifs utiles, permettant ensuite d'arrêter la contribution en faveur de la famille (BRÄM/HASENBÖHLER, Commentaire zurichois, n. 8-10 ad art. 180 CC).

La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 1901; Haldy, La nouvelle procédure civile suisse, 2009, p. 71). Tous les moyens de preuve sont en principe admissibles (art. 254 al. 2 let. c CPC), étant précisé que ceux dont l'administration ne peut intervenir immédiatement ne doivent être ordonnés que dans des circonstances exceptionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_905/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.5).

1.4 La Cour applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. L'appelant sollicite préalablement la production de pièces par son épouse, relatives à sa formation et à ses expériences professionnelles, à son second emploi auprès d'une personne âgée, à ses fiches de salaires 2018 à 2021 et à ses relevés de comptes bancaires 2020 et 2021.

2.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut en particulier rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire et d'administration d'un moyen de preuve déterminé présentée par l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue par la décision attaquée. Elle peut également refuser une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne pourrait en aucun cas prévaloir sur les autres moyens de preuve déjà administrés par le tribunal de première instance, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1. et 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_228/2012 consid. 2.3 et 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5.1.2).

2.2 En l'espèce, l'appelant avait déjà sollicité la production de pièces à l'audience du 26 mars 2021 devant le premier juge, relatives aux expériences professionnelles passées de son épouse, ainsi qu'à ses relevés de compte pour l'année 2020, chef de conclusions auquel le Tribunal n'a pas donné suite.

Les mesures d'instruction sollicitées n'apparaissent pas nécessaires pour la solution du litige, la situation financière des parties pouvant être déterminée avec un degré de vraisemblance suffisant au moyen des pièces d'ores et déjà produites.

La Cour s'estime, à ce stade de la procédure et compte tenu de la nature sommaire de celle-ci, suffisamment renseignée sur la situation financière de l'épouse. Il ne se justifie dès lors pas de donner suite aux mesures d'instruction sollicitées par l'appelant.

3. La Cour examine d'office la recevabilité des nouveaux allégués et des nouvelles pièces invoqués en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (cf. ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC), sont en principe toujours admissibles en appel, pourvu qu'ils soient produits sans retard dès leur découverte. En revanche, il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de première instance de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a gardé la cause à juger le 26 mars 2021.

S'agissant des pièces à l'appui de l'appel, les captures d'écran de conversations entre les parties (pièces nos 3 et 8) ne sont pas datées, de sorte qu'elles sont irrecevables, de même que les allégués et arguments y relatifs. La pièce n° 4 relative à un relevé bancaire fait déjà partie du dossier de première instance. Les pièces nos 5 et 6, soit un avis de débit du 11 janvier 2021 et un lot de pièces de novembre 2020 à décembre 2020 sont irrecevables car l'appelant n'a pas exposé les raisons pour lesquelles il n'avait pas pu les invoquer en première instance. Enfin, la pièce no 7 relative à un contrat de vente automobile est recevable.

S'agissant des pièces à l'appui de la réponse, l'intimée a allégué que son époux exerçait la fonction de sapeur-pompier et percevait à ce titre un revenu accessoire de 1'400 fr. par mois. Elle a produit des extraits de compte du précité au 6 juillet 2020 (no 23) et au 20 décembre 2019 (no 24). En l'absence d'indications des raisons pour lesquelles elle n'a pas pu invoquer ces faits et ces extraits devant le premier juge, ceux-ci sont irrecevables.

A l'appui de sa réplique, l'appelant a produit des témoignages écrit de ses enfants des 13 et 25 mars 2021 (pièces nos 9 à 11), lesquels sont antérieurs au 26 mars 2021 et qui ont pour objet de répondre aux accusations de son épouse. Leur recevabilité peut demeurer indécise, dès lors qu'ils n'ont aucun impact sur l'issue du litige. L'échange de courriels des parties du 21 mai 2021 (pièce n° 12) est recevable, de même que l'attestation des sapeurs-pompiers de C______ du 14 juin 2021 (pièce n° 13). Les certificats de salaire 2016 et 2020 de l'appelant et les allégués qui s'y rapportent ne sont pas recevables (pièces nos 14 et 15) puisqu'ils sont antérieurs à la date du 26 mars 2021 et qu'ils visent uniquement à répondre à l'allégué irrecevable de l'intimée relatif à ses revenus de sapeur-pompier. Les photos du dépôt d'argent (pièce n° 16) ne sont pas datées, de sorte qu'elles sont irrecevables.

A l'appui de sa duplique, l'intimée a produit des pièces postérieures au 26 mars 2021 (pièces nos 25 et 26), de sorte qu'elles sont recevables.

Les faits relatifs aux pièces recevables ont été intégrées dans l'état de fait ci-dessus.

4. L'appelant expose que les époux font chambres séparées depuis le 1er novembre 2020. Il reproche au Tribunal de s'être contenté d'autoriser les époux à vivre séparés sans fixer la date à partir de laquelle la séparation prenait effet, malgré la conclusion qu'il avait prise en ce sens.

L'intimée estime pour sa part que la constitution de domiciles séparés est nécessaire à la constatation de leur séparation.

4.1.1 Selon l'art. 175 CC un époux est fondé à refuser la vie commune aussi longtemps que sa personnalité, sa sécurité matérielle ou le bien de la famille sont gravement menacés. Si les époux décident, d'un commun accord, de suspendre leur vie commune, l'art. 175 CC ne s'applique en revanche pas, la mesure judiciaire n'étant pas nécessaire sur ce point (Chaix, in Commentaire romand, Code Civil I, 2010, n. 1 ad art. 175 CC). En d'autres termes, les conjoints peuvent décider librement de vivre séparément sans qu'une des conditions légales ne soit remplie (Bohnet/Hirsch, in Droit matrimonial, Fond et procédure, 2016, n. 21 ad art. 175 CC).

Selon l'art. 114 CC, un époux peut demander le divorce lorsque, au début de la litispendance ou au jour du remplacement de la requête par une demande unilatérale, les conjoints ont vécu séparés pendant deux ans au moins.

4.1.2 Par séparation, on entend la fin de la vie des conjoints en communauté domestique, suite à la décision d'au moins l'un d'eux. La séparation implique dès lors un élément objectif – une vie organisée de manière séparée – et un élément subjectif – la fin de la communauté domestique découlant de la volonté de l'un des conjoints au moins (Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 4 ad art. 114 CC et les références).

La fin de la vie en communauté domestique s'exprime en principe par la prise de logements séparés (fin de la communauté physique) et une vie gérée de manière séparée (fin de la communauté économique). Elle n'impose pas en revanche la prise d'un nouveau domicile. Un couple pourrait ainsi vivre séparé sous le même toit, en ayant par exemple chacun un espace personnel et en organisant sur le plan temporel leur vie séparée dans un espace commun (Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 5 ad art. 114 CC et les références, notamment à l'arrêt du Tribunal fédéral 5P.26/2007 du 25 juin 2007 consid. 3.4). La preuve d'une telle séparation sera néanmoins difficile à rapporter. L'expérience générale de la vie plaide en effet en faveur de l'absence de vie séparée à l'intérieur d'un même logement (Leuba/Meier/Papaux van Delden, Droit du divorce, 2021, p. 28 et les références).

4.1.3 Le jugement autorisant les époux à suspendre la vie commune est purement déclaratoire. Il est toutefois de nature à faciliter ultérieurement la computation du délai de deux ans de l'art. 114 CC, mais n'en est pas une condition nécessaire et le juge du divorce n'est pas lié par ce constat (Chaix, op. cit., n. 2 ad art. 175 CC; cf. également Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 18 ad art. 114 CC et n. 26 ad art. 175 CC, avec référence à l'arrêt du Tribunal fédéral 5P.463/2005 du 20 mars 2006 consid. 3.2). L'existence d'une séparation dépend exclusivement des faits (Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 7 ad art. 114 CC).

4.1.4 Selon l'art. 88 CPC, le demandeur intente une action en constatation de droit pour faire constater par un tribunal l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit.

Il appartient au demandeur d'établir qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à la constatation (art. 59 al. 2 lit. a CPC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3 et 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2 résumés in CPC Online, art. 88 CPC). A défaut, la demande est irrecevable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3)

4.2 En l'espèce, l'appelant a conclu lors de l'audience du 26 mars 2021 à ce qu'il soit constaté que les époux vivent séparément depuis le 1er novembre 2020. Le Tribunal n'a pas statué sur ce chef de conclusions, contrevenant ainsi au droit de l'appelant à obtenir une décision motivée sur ce point (art. 53 CPC).

A cet égard, les parties s'accordent sur le fait que, bien que vivant sous le même toit, elles occupent depuis le 1er novembre 2020 chacune leur propre chambre. Elles n'ont pas exposé plus avant les modalités d'organisation de leur vie quotidienne sur le plan spatial et temporel. L'intimée ayant allégué que l'appelant ne la soutenait plus économiquement depuis le mois d'avril 2021, il ne résulte en outre pas du dossier que les précités auraient mis fin à leur communauté économique au 1er novembre 2020.

A ces incertitudes s'ajoute le fait que l'appelant n'a pas allégué les raisons pour lesquelles il sollicitait le prononcé d'un jugement constatant que les parties vivaient séparées depuis le 1er novembre 2020. Son intérêt à faire constater judiciairement ce point ne peut dès lors être admis en l'état. A supposer qu'il souhaite ainsi fixer avec certitude la date à partir de laquelle un divorce pourrait être demandé aux conditions de l'art. 114 CC, un tel intérêt ferait quoi qu'il en soit défaut. Une décision de la Cour sur cette question ne lierait en effet pas le juge du divorce, lequel demeure seul compétent pour déterminer si le délai d'attente prévu par l'art. 114 CC a été respecté (en ce sens : arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg du 11 mars 2019 101 2018 201, consid. 2.2).

La conclusion de l'appelant tendant à l'annulation du chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris et à la constatation que les époux sont séparés depuis le 1er novembre 2020 est dès lors irrecevable.

5. L'appelant remet en cause le ch. 2 du dispositif du jugement et persiste à solliciter l'attribution du domicile conjugal. Il soutient que I______ y vivrait encore et a exprimé son souhait de demeurer avec lui, tandis que l'intimée avait admis peu de communication avec son fils. En outre, H______ viendrait tous les week-ends loger dans l'appartement familial. L'appelant a acquitté seul le loyer, loue une place de parking pour sa voiture, tandis que l'intimée ne dispose pas du permis de conduire. L'appartement comporte six pièces et l'intimée n'a pas les moyens d'en assumer le coût. Il s'oppose à la prise en compte de l'attestation de la Dre J______ du 13 février 2021 qui s'est exprimée à propos de l'attribution du domicile conjugal à son épouse et estime que celle-ci, qui va bientôt occuper un travail à 100%, n'aura pas de difficultés à trouver un appartement.

L'intimée allègue vivre depuis 45 ans à C______, est impliquée au sein de l'Association M______, du N______, du Comité pour l'organisation de O______, section ______. Elle invoque également son second emploi auprès d'une personne âgée ainsi que la possibilité de s'investir en qualité de garde d'enfants, tels que ceux de sa collègue ou le fils de L______, ou encore en qualité de "personne aidante aux personnes âgées ou handicapées" au sein de la commune. Elle ajoute recevoir à son domicile les publicités et revues pour son travail auprès de D______ AG.

5.1 Si les époux ne parviennent pas à s'entendre au sujet de la jouissance de l'habitation conjugale, l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC prévoit que le juge attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile ("grösserer Nutzen"). Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier, l'intérêt professionnel d'un époux, qui, par exemple, exerce sa profession dans l'immeuble, ou encore l'intérêt d'un époux à pouvoir rester dans l'immeuble qui a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé. L'application de ce critère présuppose en principe que les deux époux occupent encore le logement dont l'usage doit être attribué (arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1).

Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. A cet égard, entrent notamment en considération l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux qui, bien que l'immeuble n'ait pas été aménagé en fonction de ses besoins, supportera plus difficilement un changement de domicile, ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1).

5.2 En l'espèce, l'intérêt des enfants majeurs à la jouissance du domicile conjugal, dont l'un a terminé sa formation et commencé l'école de recrues, et l'autre est domicilié dans le canton de Vaud, n'est pas pertinent. Ceux-ci pourraient en outre continuer d'habiter ledit domicile en cas d'attribution de ce dernier à leur mère. Quant au fait que l'appelant règle le loyer, il n'est que la conséquence de la répartition des tâches durant le mariage décidée par les époux. La location d'une place de parking – pour un véhicule que l'appelant a au demeurant vendu – et l'attestation de la Dre J______ du 13 février 2021 n'exercent pas non plus d'influence sur l'attribution du logement familial. L'activité que l'intimée effectue pour D______ AG pourrait se poursuivre même si elle vivait dans un autre appartement et elle resterait impliquée au sein de ses activités à C______ en prenant à bail un autre logement dans la même commune. Le critère de l'utilité ne permet donc pas de statuer sur l'attribution de la jouissance du logement conjugal, aucune des parties n'exerçant son activité professionnelle dans ledit logement, ni n'en retirant une utilité particulière.

Il convient par conséquent, comme l'a fait le Tribunal, de déterminer auquel des deux époux il peut être le plus raisonnablement demandé de déménager.

L'appelant, qui est engagé au sein des TPG depuis plusieurs années, et qui perçoit un revenu mensuel net de l'ordre de 7'560 fr., jouit d'une situation professionnelle et financière stable, qui lui permettra d'obtenir aisément un nouveau logement, en particulier par l'intermédiaire de son employeur, qui dispose d'un parc immobilier pour ses salariés, tandis que la situation financière de l'intimée est précaire, celle-ci ne disposant que d'un emploi rémunéré à l'heure et d'une activité accessoire auprès d'une personne âgée.

Dans ces conditions, la prise en compte du critère de la rémunération pour attribuer la jouissance du logement conjugal à l'intimée est adéquat, l'appelant n'ayant fait valoir aucun argument susceptible de convaincre la Cour de statuer en sens contraire.

L'appel n'est pas fondé sur ce point. Le ch. 2 du dispositif du jugement sera, dès lors, confirmé.

En revanche, il convient de modifier le ch. 3 du dispositif du jugement afin de fixer à l'appelant un nouveau délai au 30 juin 2022 pour quitter le logement familial.

6. L'appelant remet en cause le ch. 4 du dispositif du jugement relatif au montant de la contribution d'entretien due à son épouse et reproche au Tribunal d'avoir omis d'imputer un revenu hypothétique à celle-ci.

Il soutient que le montant de 3'615 fr. mis mensuellement à sa charge correspond à la moitié de son salaire, qu'il assume l'entretien de I______, que le Tribunal a omis de considérer un revenu brut de 400 fr. par mois réalisé par l'intimée auprès d'une dame âgée, et qu'en étant occupée à 80%, l'intimée – qui avait travaillé avant et pendant le mariage – pourrait percevoir un salaire mensuel brut d'environ 3'500 fr., soit 3'900 fr. en y ajoutant les 400 fr. par mois du second emploi, cela à partir du 1er juillet 2021.

L'intimée reproche pour sa part à l'appelant d'avoir omis de déclarer son revenu accessoire en qualité de sapeur-pompier.

6.1 A la requête des conjoints et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe les contributions d'entretien à verser respectivement aux enfants et à l'époux (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Le montant de la contribution d'entretien due selon cette disposition se détermine en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien (ATF 140 III 337 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2016 du 15 août 2016 consid. 2.1.1 et les références). Pour fixer la contribution d'entretien selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux (art. 163 al. 2 CC). Il peut toutefois modifier l'accord conclu par les conjoints pour l'adapter aux nouvelles circonstances de vie, la reprise de la vie commune, et donc le maintien de la répartition antérieure des tâches, n'étant ni recherchés, ni vraisemblables (ATF 138 III 97 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2016 précité, ibidem et les références).

6.2 La loi n'impose pas de méthode de calcul particulière pour arrêter la contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir en la matière et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans trois arrêts récents (ATF 147 III 265, in SJ 2021 I 316, 147 III 293 et 5A_891/2018 du 2 février 2021 et 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille.

Selon cette méthode en deux étapes, ou méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

Il s'agit d'abord de déterminer les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. L'on détermine ensuite les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Pour les adultes, les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille) : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants (ATF 147 III 265 consid. 7.1 s.).

S'il reste un excédent après couverture du minimum vital de droit de la famille, il sera réparti en équité entre les ayants droits (ATF 147 III 265 consid. 7.3 et 8.3.2).

Le minimum vital du débirentier doit dans tous les cas être préservé (ATF
135 III 66, in JT 2010 I 167; 127 III 68 consid. 2, in SJ 2001 I 280; arrêt du Tribunal fédéral 5A_662/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.2.1).

Pour une contribution à moyen ou long terme on ne tient pas compte de circonstances passagères - tels une incapacité de gain temporaire ou un logement provisoire (Bastons Bulletti, après le divorce : Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 80).

6.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties (ATF 137 III 118 consid. 2.3; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2).

Le juge peut imputer aux parties un revenu hypothétique supérieur à leurs revenus effectifs. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et dont on peut raisonnablement exiger d'elle qu'elle l'obtienne afin de remplir ses obligations (ATF 137 III 118 consid. 2.3; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 118 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; 128 III 4 consid. 4c/bb; arrêts du Tribunal fédéral 5A_272/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.1; 5A_584/2018 du 10 octobre 2018 consid. 5.1.2).

Auparavant, la jurisprudence considérait que l'on ne devait en principe plus exiger d'un époux qui n'avait pas exercé d'activité lucrative pendant un mariage de longue durée de se réinsérer dans la vie économique, lorsqu'il était âgé de 45 ans au moment de la séparation, limite d'âge qui tendait à être augmentée à 50 ans (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_745/2019 du 2 avril 2020 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral a récemment abandonné la "règle des 45 ans", considérant que l'âge n'avait plus une signification abstraite détachée des autres facteurs à prendre en considération dans l'examen portant sur la reprise d'une activité lucrative. Seul un examen concret entre désormais en considération, basé sur les critères tels que l'âge, la santé, les connaissances linguistiques, l'éducation et la formation passées et futures, les activités antérieures, la flexibilité personnelle et géographique et la situation sur le marché du travail (ATF
147 III 308, consid. 5.5 et 5.6, SJ 2021 I p. 328 ss.). Le critère de l'âge est en particulier de moindre importance lorsqu'il s'agit d'augmenter le taux d'une activité déjà exercée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_903/2019 du 6 juillet 2020 consid. 3.4 et l'arrêt cité).

Pour arrêter le montant du salaire hypothétique, le juge peut éventuellement se baser sur l'enquête suisse sur la structure des salaires réalisée par l'Office fédéral de la statistique, ou sur d'autres sources (ATF 137 III 118 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_466/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.1), pour autant qu'elles soient pertinentes par rapport aux circonstances d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_764/2017 du 7 mars 2018 consid. 3.2).

Si le juge entend exiger d'un conjoint la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, lui imposant ainsi un changement de ses conditions de vie, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 129 III 417 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_554/2017 du 20 septembre 2017 consid. 3.2). Il faut notamment examiner si les changements étaient prévisibles pour la partie concernée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_764/2017 du 7 mars 2018 consid. 3.2 et l'arrêt cité).

Il convient en outre de prendre en compte la charge fiscale du revenu hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_581/2014 du 3 novembre 2014 consid. 3).

6.4 En l'espèce, les parties ne contestent pas l'application de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent.

Le revenu mensuel net de l'appelant est de 7'560 fr. étant précisé que la Cour ne peut pas prendre en considération le revenu accessoire que celui-ci percevait en qualité de sapeur-pompier, ledit revenu n'ayant pas été valablement allégué (cf. supra consid. 3.2).

Les charges mensuelles de l'appelant admises aux termes du jugement entrepris totalisent 3'540 fr., étant précisé que l'intéressé n'a pas chiffré les coûts de l'enfant majeur I______ qu'il dit assumer, ni justifié du droit de celui-ci à percevoir une contribution d'entretien, laquelle est, en tout état de cause, subsidiaire à celle de l'épouse.

L'appelant n'a certes formulé aucun grief à l'encontre de la non admission de la charge fiscale qu'il a alléguée en première instance. Il convient toutefois de prendre celle-ci en considération dès lors qu'il sera fait de même avec l'intimée, à qui un revenu hypothétique doit être imputé (cf. infra). C'est dès lors un montant arrondi de 850 fr. qui sera ajouté à ce titre aux charges de l'appelant [estimation effectuée à l'aide de la calculette disponible sur le site internet de l'administration fiscale genevoise (https://www.ge.ch/paiement-impots/estimer-mon-impot-modifier-mes-acomptes) sur les bases suivantes : revenu 90'720 fr.; frais professionnels 1'725 fr.; primes d'assurance-maladie 5'160 fr.; frais médicaux 960 fr.; pensions versées 24'000 fr.; frais de transport 840 fr.].

Le minimum vital élargi de l'appelant s'élevant par conséquent à 4'390 fr. (3'540 fr. + 850 fr.), il jouit d'un disponible de 3'170 fr. (7'560 fr. - 4'390 fr.).

Il convient ensuite d'examiner si un revenu hypothétique peut être imputé à l'intimée, ce que le Tribunal a omis de faire.

L'intimée est âgée de 53 ans et travaille depuis mai 2018 comme agent de distribution pour D______ AG. Le nombre d'heures qu'elle effectue pour cette société n'est pas connu, car elle a perçu des indemnités pour cause de maladie. Elle a effectivement connu des problèmes de santé de novembre 2020 à début février 2021, mais n'a pas produit de certificat d'incapacité de travail au-delà du 2 février 2021, de sorte qu'elle doit être considérée comme étant apte à travailler, ce d'autant plus qu'elle a informé son époux le 21 mai 2021 qu'elle allait prochainement passer à plein temps.

A teneur des fiches de salaire 2020 versées au dossier, l'activité auprès de D______ AG était alors rémunérée au taux horaire brut de 23 fr. La société précitée est en outre disposée à offrir une prime de 100 fr. à toute personne lui proposant un collaborateur réussissant sa période d'essai, de sorte que l'on peut considérer que l'intimée est en mesure d'augmenter son taux d'activité auprès de son employeur, ce qu'elle a du reste expressément admis dans sa duplique du 8 juillet 2021, se limitant à indiquer qu'elle n'avait "toujours pas obtenu" le poste escompté. Ainsi, un plein temps représente 40 heures hebdomadaires et un revenu mensuel brut de 3'600 fr. (arrondi; 47 semaines travaillées compte tenu de 5 semaines de vacances x 40 h = 1'880 h x 23 fr. par heure / 12 mois), respectivement net de 3'100 fr. après déduction des cotisations sociales (arrondi, 3'600 fr. – 14% de cotisations sociales).

Dans la mesure où il ne résulte pas du dossier que l'intimée aurait, à ce jour, obtenu un poste à 100% chez D______ AG, il convient de lui fixer un délai à fin juin 2022 pour obtenir le revenu hypothétique susmentionné.

A supposer que l'intimée ne puisse pas augmenter son taux d'activité auprès de son employeur actuel, l'issue du litige ne serait pas différente. L'intéressée pourrait en effet également réaliser un gain mensuel net de 3'100 fr. en travaillant à plein temps en tant que garde d'enfants ou auxiliaire de vie auprès de personnes âgées, comme elle le fait actuellement en complément de son emploi auprès de D______ AG. Le canton de Genève impose en effet un revenu minimum de 4'033 fr. brut par mois pour une semaine de 40 heures de travail pour l'ensemble des travailleurs occupés sur son territoire (Arrêté relatif au salaire minimum cantonal pour l'année 2022; RS GE J 1 05.03; voir également https://www.ge.ch/appliquer-salaire-minimum-genevois).

L'obtention d'un tel revenu présupposant que l'intimée change d'activité, il conviendrait en principe de lui octroyer un délai plus long que celui consenti pour augmenter son taux d'activité dans son emploi actuel. L'intimée est toutefois consciente depuis la séparation d'avec son époux, intervenue au mois de novembre 2020, qu'elle doit augmenter ses revenus, ce qui ressort notamment de son message du 21 mai 2021. Dans de telles circonstances, il ne saurait se justifier de lui octroyer un délai allant au-delà du 30 juin 2022 pour obtenir le revenu susmentionné.

A partir du 1er juillet 2022, l'intimée percevra dès lors un salaire de 3'100 fr. net et devra assumer une charge fiscale mensuelle estimée à 700 fr. [estimation effectuée à l'aide de la calculette disponible sur le site internet de l'administration fiscale genevoise (https://www.ge.ch/paiement-impots/estimer-mon-impot-modifier-mes-acomptes) sur les bases suivantes : revenu 37'200 fr.; pensions reçues 24'000 fr.; frais professionnels 1'725 fr.; primes d'assurance-maladie 4'320 fr.; frais médicaux 2'160  fr.; frais de transport 840 fr.]. Ses charges mensuelles s'élèveront donc à 4'270 fr. (3'570 fr. + 700 fr.) et son déficit mensuel à 1'170 fr. (3'100 fr. - 4'270 fr.), montant qu'il incombera à l'appelant de couvrir.

Après couverture dudit déficit, l'appelant bénéficiera encore d'un excédent de 2'000 fr. par mois (3'170 fr. - 1'170 fr.).

Aucune des parties n'ayant remis en question le jugement entrepris en tant qu'il partageait cet excédent par moitié, la contribution d'entretien due par l'appelant à l'intimée sera dès lors arrêtée à 2'170 fr. par mois (1'170 fr. + 1'000 fr.).

Conformément au jugement entrepris, cette contribution sera due dès que l'appelant aura quitté le logement conjugal. En l'absence d'appel de l'intimée et en vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la Cour ne peut en effet pas fixer le dies a quo de ladite contribution au mois de mai 2021, date à laquelle l'intimée allègue que l'appelant a cessé de l'entretenir. Il ne se justifie pas non plus de prévoir une contribution d'entretien temporairement plus élevée dans l'hypothèse où l'appelant quitterait le domicile conjugal avant le 30 juin 2022 au motif que l'intimée ne disposera d'un revenu hypothétique qu'à compter du 1er juillet 2022. Une telle situation ne durerait en effet qu'un bref laps de temps, de sorte qu'il peut en être fait abstraction (cf. supra consid. 6.2 in fine).

Le chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris sera réformé dans le sens susmentionné.

7. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

7.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais et des dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 5 et 31 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

7.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel sont fixés à 800 fr. (art. 31 et 35 RTFMC), couverts par l'avance de frais opérée par l'appelant, laquelle demeure intégralement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

L'intimée, sera, par conséquent, condamnée à verser la somme de 400 fr. à l'appelant à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 mai 2021 par A______ contre le jugement JTPI/5943/2021 rendu le 6 mai 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2548/2021-1.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Ordonne à A______ de quitter le logement familial au plus tard le 30 juin 2022.

Condamne A______ à verser à B______, mensuellement et d'avance, la somme de 2'170 fr. à titre de contribution d'entretien, ceci dès que A______ aura quitté le logement conjugal.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge des parties par moitié chacune et les compense avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 400 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.