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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9363/2021

ACPR/426/2025 du 04.06.2025 sur OCL/243/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DÉPENS;FRAIS DE LA PROCÉDURE;FAUTE;PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ
Normes : Cst.29; CPP.429; CPP.426; CC.26

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9363/2021 ACPR/426/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 juin 2025

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

C______, représenté par Me D______, avocat,

E______, représenté par Me F______, avocate,

G______, représentée par Me H______, avocat,

recourants,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 13 février 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance du 13 février 2025, notifiée aux concernés le lendemain, le Ministère public a notamment:

- ordonné le classement de la procédure P/9363/2021 (chiffre 1 du dispositif);

- condamné C______, A______, E______ et G______, à hauteur d'un quart chacun, aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 65'936.95 (ch. 2);

- alloué à G______ (ch. 3), C______ (ch. 4) et E______ (ch. 5) un montant de CHF 400.- chacun à titre de réparation du tort moral;

- refusé d'allouer aux prévenus une indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ch. 6).

b. C______, par acte déposé le 21 février 2025, ainsi que G______, E______ et A______, par actes déposés, respectivement expédiés, le 24 suivant, recourent contre cette ordonnance.

b.a. C______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance querellée et à son exemption du paiement des frais de la procédure.

b.b. G______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des chiffres 2, 3 et 6 du dispositif de l'ordonnance querellée, à la mise des frais de la procédure à la charge de l'État, à l'allocation d'indemnités de CHF 378'234.- à titre de dommage économique et de CHF 20'000.- à titre de tort moral.

b.c. E______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des chiffres 2, 5 et 6 du dispositif de l'ordonnance querellée, à la mise des frais de la procédure à la charge de l'État, à l'allocation d'indemnités de CHF 21'768.15 en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, de CHF 3'824.60 en vertu de l'art. 429 al. 1 let. b CPP et de CHF 10'000.- selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP.

b.d. A______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des chiffres 2 et 6 du dispositif de l'ordonnance querellée, à la mise des frais de la procédure à la charge de l'État, à l'allocation d'indemnités de CHF 77'933.60 à titre d'exercice raisonnable de ses droits de procédure, de CHF 19'648.50 à titre de perte de salaire, de CHF 242'789.40 a minima à titre de "préjudice économique futur", de CHF 562.20 à titre de "frais de neurothérapie engendrés par la procédure et non remboursés par l'assurance maladie", et de CHF 20'000.- à titre de tort moral.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. L'Office médico-pédagogique (ci-après: OMP), attaché au Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après: DIP), délivre des prestations de soins et d'enseignement spécialisés auprès des enfants et des adolescents du canton de Genève présentant des besoins particuliers, en situation de handicap ou de vulnérabilité.

À cet effet, il disposait de deux foyers d'accueil, dont l'un situé au chemin 1______ no. ______, à I______, dit le foyer de J______.

K______, née le ______ 2006, bénéficiait d'une place au sein dudit foyer. Elle est connue pour un trouble du spectre de l'autisme, avec une déficience intellectuelle. Son traitement était composé, au moment des faits, d'olanzapine (ZYPREXA®) 2,5 mg 2x/j + 2 réserves par jour, lamotrigine (LAMICTAL®) 100mg 1x/j, MOVICOL 1x/j et Paracetamol. La "réserve" devait être administrée en cas de crise aiguë.

b. Le 29 mars 2021 dans la matinée, K______ a été amenée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) car elle présentait, depuis la nuit du 28 au 29 mars 2021, un état de vigilance fluctuant avec somnolence, instabilité à la marche et élocution altérée. Les analyses d'urine ont établi la présence de benzodiazépines, qui ne faisaient pas partie de son traitement fixe ou en réserve, de sorte que les HUG ont retenu une intoxication à ces composés, plus précisément au lorazépam, substance active du TEMESTA®.

c. Le 1er avril 2021, l'OMP a dénoncé les faits à la police. L______, mère et représentante légale de K______, déposera plainte pénale le 15 septembre 2021.

Dans sa dénonciation, l'OMP expliquait qu'au foyer de J______, les médicaments étaient entreposés dans une armoire située dans le bureau du personnel, interdit d'accès aux résidents, et dans un tiroir à la cuisine. Les deux emplacements étaient fermés et seuls les membres du personnel en détenaient la clé. Les cachets étaient, en outre, conservés dans leurs opercules originaux, eux-mêmes contenus dans des sachets rangés dans une boite. Des vérifications effectuées – par M______, directrice du foyer – dans la journée du 29 mars 2021 avaient permis de confirmer que tant l'armoire que le tiroir étaient fermés à clé. Aucun emballage vide ou plaquette usagée ne trainait aux alentours mais les poubelles n'avaient pas été contrôlées. Compte tenu de ses capacités, en particulier en motricité fine, il était impossible pour K______ de s'être servie elle-même et d'avoir jeté les emballages.

d. À teneur du rapport de lésions traumatiques avec analyses toxicologiques, du 16 avril 2021, la présence de clotiapine [neuroleptique commercialisé en Suisse sous le nom d'ENTUMINE®] et lévétiracétam [antiépileptique commercialisé en Suisse sous le nom de KEPPRA® et LEVETIRACETAM®] dans l'analyse des cheveux de K______ a été constatée, évocatrice d'une consommation régulière durant les deux/trois mois précédant le prélèvement. Or, ces substances ne faisaient pas partie de son traitement.

e. Selon le rapport de renseignements de la police du 28 avril 2021, K______ aurait ingéré le TEMESTA® aux alentours de 19h30 – 20h00. À ce moment, se trouvaient au foyer: C______ (né en 1985), A______ (née en 1980), E______ (né en 1984), G______ (née en 1962) et deux autres personnes.

f. L'enquête administrative menée par l'OMP a été versée à la procédure. Lors de leurs auditions dans ce cadre:

- C______ a expliqué qu'aux alentours de 18h45, il était parti chercher le médicament ZYPREXA® se trouvant dans le pilulier de K______, situé dans le tiroir, pendant que A______ avait terminé les soins. L'adolescente avait elle-même mis le médicament dans sa bouche. Entre 19h30 et 20h00, K______ déambulait dans les couloirs, comme à l'accoutumée, semblant être en pleine forme. Vers 20h15, G______, ayant proposé de prendre son relai, avait couché K______ avant de revenir vers 20h30. Quinze minutes plus tard, l'adolescente était apparue à la cuisine, joyeuse et réveillée. G______ était retournée dans la chambre avec elle. Il avait quitté le foyer vers 21h45, non sans que K______ se fût levée une nouvelle fois vers 21h30, somnolente et marchant à tâtons, avant d'être recouchée par E______;

- A______ a déclaré que G______ avait couché K______ aux alentours de 20h30. Une dizaine de minutes plus tard, la jeune fille s'était rendue à la cuisine, où elle-même se trouvait avec C______, E______, N______ et G______. Cette dernière avait recouché vers 20h50 K______, qui ne montrait alors aucun signe particulier de confusion. Après avoir appris l'intoxication de l'intéressée, elle avait vérifié les tiroirs de la cuisine et y avait trouvé une boite de TEMESTA®, abimée et entamée, ne contenant plus qu'un seul comprimé.

g. Le Ministère public a ordonné une expertise médicale et pharmacologique.

Selon le rapport établi le 4 avril 2023 par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: CURML), le tableau clinique de K______ présenté entre les 28 et 29 mars 2021 était compatible avec un surdosage en lorazépam. Il pouvait être postulé que la précitée avait ingéré une dose d'au moins 2,5 mg de cette molécule de la classe des benzodiazépines, entre 20h45 et 21h30 le 28 mars 2021. La quantité ne pouvait toutefois pas être déterminée avec exactitude, faute d'examens sanguins réalisés lors de l'hospitalisation aux HUG. K______ disposait des capacités psychomotrices pour parvenir à ouvrir seule un blister médicamenteux; elle n'y présentait toutefois qu'un intérêt restreint. Il était ainsi peu vraisemblable qu'elle eût pris des médicaments par elle-même. Les analyses de cheveux de l'expertisée montraient, en outre, une prise répétée, à des "doses au minimum thérapeutiques", de clotiapine et de lévétiracétam. Les médicaments contenant ces molécules (soit ENTUMINE® et KEPPRA® ou LEVETIRACETAM®) n'auraient pas dû être administrés à K______, notamment en raison de leurs effets secondaires. La prise de TEMESTA®, parallèlement à son traitement habituel (clotiapine et lévétiracétam compris) n'avait pas mis directement en danger la santé de l'adolescente, même si demeuraient certains dangers potentiels, comme une chute.

h. Le 3 février 2022, puis le 1er mars suivant, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______, A______, G______, respectivement E______, des chefs d'exposition (art. 127 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

Il leur était reproché d'avoir:

- entre une date indéterminée du mois de février 2021 au 4 mai 2021, alors qu'ils/elles étaient chargés de la mineure K______, administré à cette dernière de la clotiapine et du levetiracetam, substances contenues dans des médicaments qui ne lui étaient pas prescrits; et

- le 28 mars 2021, administré à K______ une grande quantité de TEMESTA®, médicament qui ne lui était pas prescrit.

i. C______, G______ et E______ ont été arrêtés le 7 février 2022, avant d'être libérés le lendemain, avec obligation de se soumettre à des mesures de substitution, soit l'interdiction de tout contact avec les parties à la procédure et l'interdiction de s'approcher à moins de 100m du foyer de J______.

j. Au cours de l'instruction, C______, A______ E______ et G______ ont plusieurs fois été entendus, en qualité de prévenus, par la police, le Ministère public voire par commission rogatoire, en France.

C______, engagé au foyer de J______ comme éducateur, a expliqué qu'avec le temps, les changements de direction et les absences fréquentes des infirmiers, la situation était telle que, sans être formés, les éducateurs fixes préparaient les piluliers hebdomadaires pour les résidents et administraient les traitements. Il en allait de même des éducateurs remplaçants. À son départ du foyer le 28 mars 2021, il ignorait que K______ avait été intoxiquée. Aux alentours de 19h00, il avait administré à celle-ci la réserve de ZYPREXA®, en vérifiant le nom du médicament avant de le donner. Vers 20h00, E______ et G______ l'avaient remplacé et avaient couché K______. Cette dernière s'était relevée vers 20h45 et s'était rendue dans la salle à manger, en somnolant et en marchant à tâtons. Il avait imputé ce comportement inhabituel au changement d'heure. E______ lui avait proposé de recoucher l'adolescente. Vers 21h30, il avait vu pour la dernière fois de la soirée K______, laquelle s'exprimait avec difficulté. Le mardi matin, il avait contrôlé le tiroir des piluliers, n'y remarquant rien d'anormal. Il n'avait jamais administré de TEMESTA® à K______, ni d'autres traitements étrangers à la médication de celle-ci. Pour lui, la précitée était incapable de s'intoxiquer elle-même et ne présentait aucun intérêt pour les médicaments.

G______, éducatrice remplaçante, a déclaré que tout le monde avait accès à la pharmacie et que celle-ci n'était pas toujours fermée à clé. Le soir du 28 mars 2021, elle avait proposé "par gentillesse" de coucher K______. Une fois celle-ci endormie, elle avait rejoint C______ et A______ à la cuisine. Après trente minutes environ, l'adolescente était entrée dans la pièce et E______ l'avait reconduite au lit. Quelques jours plus tard, elle avait vu la directrice du foyer vérifier l'état du tiroir de la pharmacie, avec une boîte – vide – de TEMESTA® à la main.

A______, infirmière, a confirmé que, si l'armoire et le tiroir à pharmacie étaient fermés, ils restaient accessibles aux employés du foyer qui disposaient des clés pour les ouvrir. Le soir du 28 mars 2021, G______ avait couché une première fois K______ entre 19h45 et 20h00, puis une seconde fois après que l'adolescente se fut relevée. Pour elle, cette dernière n'avait pas pu prendre seule le TEMESTA®. Elle avait fini son service à 21h45 et n'avait donc pas vu K______ se relever vers 22h00.

E______, travaillant au foyer comme éducateur remplaçant, a relaté avoir constaté un état anormal chez K______ durant la nuit du 28 au 29 mars 2021: elle semblait ivre et titubait. Cette nuit-là, il avait mis en dernier, et à une seule reprise, l'adolescente au lit, entre 20h30 et 21h00. Le lendemain, une veilleuse de nuit lui avait raconté que K______ s'était réveillée à deux reprises, vers 22h00 puis vers 23h30.

k. À la suite de l'avis de prochaine clôture de l'instruction, par lequel le Ministère public a informé les prévenus de son intention de classer la procédure, C______, E______, G______ (tous trois au bénéfice d'une défense d'office) et A______ ont chiffré leurs dépens et/ou prétentions en indemnisation sur la base de l'art. 429 al. 1 CPP.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient, au sujet de l'intoxication de K______, qu'il était impossible de déterminer dans quelles circonstances cette dernière avait ingéré du TEMESTA®, de l'ENTUMINE® et du KEPPRA®/LEVETIRACETAM®. Faute d'examens sanguins, il était impossible de déterminer a posteriori la quantité exacte de TEMESTA® prise le 28 mars 2021, ni le moment où la molécule avait été absorbée par K______. Il ne pouvait également pas être établi comment cette dernière avait pu ingérer ce médicament, ainsi que les autres retrouvés dans son organisme. Si la thèse de l'intervention d'un tiers demeurait "plus crédible", l'identité de celui-ci ne pouvait être découverte, tous les prévenus ayant contesté les faits. En outre, "tous les collaborateurs du foyer de J______ avaient accès aux médicaments et pouvaient les administrer aux patients". La santé de K______ n'avait, quoiqu'il en soit, pas été mise en danger par l'absorption de ces médicaments.

Cela étant, C______, E______, G______ et A______ avaient, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure. En qualité de collaborateurs du foyer de J______, les précités avaient manqué à leur devoir de protéger K______ lorsque celle-ci avait ingéré du TEMESTA®, "ou plus probablement en laissant un tiers lui en administrer une quantité indéterminable", mais également sur la durée, puisque de nombreux médicaments étrangers à son traitement avaient été retrouvés dans l'organisme de cette dernière. Si chacun avait fait preuve de diligence dans son travail, ces faits ne se seraient pas produits. Les prévenus avaient de la sorte violé leur devoir en application de "l'art. 22 RPAC" [c'est-à-dire du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (B 5 05.01; ci-après: RPAC)], imposant aux membres du personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence. Les frais de la procédure devaient, partant, être mis à leur charge, à hauteur d'un quart chacun, et aucune indemnité ne leur était octroyée.

En raison des deux jours de détention "injustifiée" subis par C______, G______ et E______, une indemnité de CHF 400.- (2 x CHF 200.-) chacun leur a été allouée en raison d'une "atteinte particulièrement grave à [leur] personnalité (art. 429 al. 1 let. c CPP)". Les mesures de substitution ordonnées (interdiction de contacts avec les parties et interdiction d'approcher le foyer) ne justifiaient en revanche pas une réparation pour tort moral.

Selon le décompte annexé à l'ordonnance querellée, les frais de la procédure se composent de CHF 4'260.- d'émoluments, CHF 61'676.95 de débours et CHF 20.- de frais de notification, soit un total de CHF 65'936.95.

D. a.a. Dans son recours, C______ souligne que, conformément à ses différentes déclarations, il avait passé la journée avec K______, sans jamais la laisser sans surveillance, et lui avait administré les médicaments prescrits, en vérifiant le comprimé pour ne pas faire d'erreur. Le Ministère public ne précisait pas quelles mesures supplémentaires étaient susceptibles d'éviter l'intoxication de l'adolescente, ni en quoi il avait personnellement manqué à son devoir de diligence. Son comportement était ainsi conforme à l'art. 22 RPAC. L'ordonnance querellée était, en outre, contraire à la présomption d'innocence. En outre, il ressortait de la procédure que tous les collaborateurs du foyer de J______ pouvaient accéder aux médicaments et les administrer aux résidents. Dans ces circonstances, aucune raison ne justifiait que les autres personnes présentes sur les lieux le jour des faits n'eussent pas été prévenues également. Enfin, il n'existait pas de lien de causalité entre ses agissements "diligents et adéquats" et l'intoxication de l'adolescente.

a.b. Dans son recours, A______ invoque – succinctement – une violation de son droit d'être entendue: l'avis de prochaine clôture ne mentionnait pas l'intention du Ministère public de mettre à sa charge les frais de la procédure. Sur le fond, il était impossible – de l'aveu de l'autorité intimée – de situer dans le temps l'ingestion du TEMESTA® par K______. Ainsi, il était "hautement improbable" qu'elle se trouvât dans la même pièce que l'adolescente à ce moment-là, voire qu'elle se trouvât encore au foyer, ayant fini son service en début de soirée. Ensuite, le jour en question, elle n'avait pas la responsabilité de K______ mais d'un autre résident. Son devoir de diligence (au sens de l'art. 22 RPAC) l'obligeait ainsi à diriger son attention sur ce dernier, ce qui était incompatible, compte tenu des exigences à la prise en charge d'un enfant "souffrant d'autisme sévère", avec une double surveillance. Plus généralement, le Ministère public ne démontrait pas en quoi, en faisant preuve de toute la diligence requise, elle aurait pu éviter les événements dénoncés. Le raisonnement de l'autorité précédente aurait, en outre, dû mener à l'ouverture d'une instruction contre l'intégralité du personnel du foyer de J______. C'était, en réalité, "l'entêtement, voire l'aveuglement" de celle-ci qui avait fait perdurer la procédure plus que nécessaire.

a.c. Dans son recours, E______ constate, en premier lieu, une incohérence devant conduire à l'annulation de l'ordonnance querellée: s'il était condamné aux frais de la procédure en application de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, il se voyait néanmoins octroyer une indemnité pour tort moral, alors que ces deux régimes étaient incompatibles. Ensuite, il avait fait l'objet d'un classement parce que l'enquête n'avait pas permis de déterminer dans quelle circonstances K______ avait ingéré du TEMESTA®, en particulier qui lui en avait donné. Il était "donc innocent". À suivre le Ministère public, tous les collaborateurs du foyer de J______ devaient être prévenus puisqu'ils avaient accès aux médicaments et pouvaient les administrer aux résidents. Par ailleurs, aucune violation de son devoir de diligence ne pouvait lui être imputée. Il avait immédiatement signalé les comportements inhabituels de K______, ce qui avait conduit à l'hospitalisation de cette dernière et il ne pouvait pas être attendu de lui qu'il surveillât ses collègues de travail. Enfin, le lien de causalité n'était pas réalisé et il n'avait pas rendu plus difficile la conduite de la procédure. Par ailleurs, son appréhension par la police, devant sa femme et ses enfants, la perquisition de son domicile, les mesures de substitution à sa détention et la procédure, longue et médiatisée, avaient eu des répercussions sur sa santé et sur sa vie professionnelle. Selon les constats médicaux produits, il souffrait d'une "phase dépressive", "d'insomnies" ou encore d'un "trouble de l'appétit de type boulimie". Il était suivi sur le plan psychologique et devait prendre des médicaments. Une indemnité de CHF 10'000.- à titre de tort moral paraissait ainsi "parfaitement justifiée".

a.d. Dans son recours, G______ soutient n'avoir nullement adopté un comportement fautif à l'égard de son employeur. En outre, le Ministère public n'établissait pas en quoi ses agissements avaient provoqué fautivement l'ouverture de l'instruction. L'enquête n'avait pas permis de déterminer le moment de l'ingestion du TEMESTA® par K______, de sorte qu'il ne pouvait pas être établi qu'elle se trouvait sur place à ce moment-là. En outre, elle était engagée au foyer de J______ comme "maîtresse généraliste remplaçante", soit une position exclue du champ d'application de la RPAC. Pour le surplus, elle expose ses prétentions fondées sur l'art. 429 al. 1 CPP. Concernant le tort moral, la procédure, notamment son arrestation, la saisie de son téléphone et la perquisition de son domicile, lui avait causé une atteinte "particulièrement" grave à la personnalité. Les accusations portées à son encontre avaient également eu des répercussions sur sa santé psychique, sa situation économique et sa réputation. La perte de son emploi l'avait contrainte à solliciter le chômage, situation "particulièrement éprouvante" pour "une personne de sa génération", générant "un sentiment de marginalisation, tant sur le plan personnel que professionnel". Avec, en plus, le caractère médiatique de l'affaire, son état avait nécessité un suivi médical renforcé et une prise en charge psychiatrique.

b. À réception des recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Au vu de leur connexité, les recours seront joints et traités dans un arrêt unique.

2.             Les quatre recours sont recevables pour avoir été interjetés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner la même ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let.  CPP) et émaner des prévenus qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             A______ invoque une violation de son droit d'être entendue, le Ministère public n'ayant pas annoncé, dans l'avis de prochaine clôture, son intention de lui imputer les frais de la procédure.

3.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1).

La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1, arrêt du Tribunal fédéral 7B_482/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.2.1).

3.2. Si la Chambre de céans a jusqu'ici retenu que l'absence de mention, dans l'avis de prochaine clôture (art. 318 al. 1 CPP), de l'intention par le Ministère public de mettre les frais à la charge du prévenu ne violait pas le droit d'être entendu de l'intéressé (cf. ACPR/535/2020 du 5 août 2020 consid. 2.3. et le références citées), il y a lieu désormais de revenir sur cette solution, au vu des avis convergents du Tribunal fédéral et de la doctrine sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2015 du 15 avril 2016 consid. 2.3 et M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 10 ad art. 318).

3.3. En l'occurrence, il faut concéder à A______ que le Ministère public n'a pas, dans son avis de prochaine clôture, annoncés aux prévenus son intention de mettre à leur charge les frais de la procédure.

Une violation du droit d'être entendu des recourants est donc réalisée.

Cela étant, ce vice ayant été réparé par-devant la Chambre de céans, un renvoi de la cause à l'autorité précédente pour ce motif constituerait une vaine formalité.

4.             Les recourants contestent la mise à leur charge de l'intégralité des frais de la procédure (à hauteur d'un quart chacun) et, partant, le refus de leurs prétentions en indemnisation sur la base de l'art. 429 CPP.

4.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure; les tarifs des avocats n’opèrent aucune distinction entre l’indemnité allouée et les honoraires dus en cas de défense privée (let a); une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let b); une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

4.2. La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2). Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral (ATF 137 IV 352 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1191/2016 du 12 octobre 2017 consid. 2.1).

4.3. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. 

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul entre en ligne de compte un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation; la mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 5.1.2).

4.4. La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais peut en principe se fonder sur l'art. 28 CC (arrêt du Tribunal fédéral 6B_672/2023 du 4 octobre 2023 consid. 3.1.2).

Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1).

4.4.1. La garantie de l'art. 28 CC s'étend à l'ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l'objet d'une atteinte (ATF 134 III 193 consid. 4.5), ce qui comprend le droit à l'intégrité corporelle (physique et psychique) (P. PICHONNAZ / B. FOËX / C. FOUNTOULAKIS (éds), Commentaire romand : Code civil I, 2ème éd., Bâle 2023, n. 24 ad art. 28 CC).

4.4.2. L'"atteinte" au sens de l'art. 28 al. 1 CC est réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelconque manière un trouble aux biens de la personnalité d'autrui en violation des droits qui la protègent (ATF 120 II 369 consid. 2).

Le comportement ainsi visé revêt une acceptation large quant aux modalités de sa survenance: un fait (frapper quelqu'un, divulguer un fait), une omission (refus d'informer), un acte isolé (révéler un secret), un état de fait qui se prolonge (exposer une photo) (P. PICHONNAZ / B. FOËX / C. FOUNTOULAKIS (éds), op. cit., n. 68 ad art. 28 CC).

4.5. En l'espèce, le Ministère public a fondé la mise des frais de la procédure à la charge des prévenus sur une violation du devoir de diligence découlant de l'art. 22 RPAC, dont l'alinéa 1 prévoit que les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence.

Le Ministère public ne développe pas la question du champ d'application de cette norme; les recourants ne contestent cependant pas y être soumis, sauf G______. Quoiqu'il en soit, cet aspect peut souffrir de rester indécis, compte tenu de ce qui suit.

Dans un argument commun, les recourants reprochent au Ministère public d'avoir ouvert une instruction à leur égard, alors que l'ensemble des collaborateurs du foyer de J______ avaient accès aux médicaments, destinés aux résidents.

À cet égard, il convient de distinguer les deux volets reprochés aux recourants: d'une part, d'avoir administré, ou laissé administrer, à K______, de la clotiapine et du levetiracetam, substances contenues dans des médicaments qui ne lui étaient pas prescrits sur une période courant entre février et mai 2021, et, d'autre part, d'avoir administré, ou laissé administrer, à la prénommée du TEMESTA® le soir du 28 mars 2021.

D'abord, le fait que d'autres personnes auraient également pu être soupçonnées n'est pas déterminant. C'est en raison de la présence des recourants le soir du 28 mars 2021 que les soupçons se sont tournés vers eux, y compris pour le premier volet.

Ensuite, s'il est certes impossible de déterminer avec certitude à quel moment K______ a ingéré le TEMESTA® le soir du 28 mars 2021, les éléments au dossier permettent néanmoins de situer l'événement entre 19h30 et 21h30.

Or, il est établi que durant ce laps de temps, les quatre prévenus se trouvaient au foyer. Surtout, en retraçant le déroulement de la soirée selon leurs propres déclarations, même en tenant compte des contradictions de certaines allégations, ils sont les seuls quatre à avoir interagi, d'une manière ou d'une autre, avec K______ durant cet intervalle.

C______ a d'abord déclaré avoir prodigué des soins à l'adolescente aux alentours de 19h00, en présence de A______ et G______. Cette dernière avait couché, une première fois, puis une deuxième, K______, vers 20h15, respectivement 20h45. E______ en avait fait de même vers 21h30, alors que la jeune fille était déjà somnolente. Par-devant le Ministère public, il a ajouté que E______ avait également proposé, avec G______, de prendre son relai pour coucher K______ la première fois et que le prénommé avait ramené la jeune fille dans sa chambre après le premier réveil.

A______ a, en substance, confirmé la première version de C______.

G______ a confirmé avoir couché une première fois K______ et déclaré que E______ s'en était chargé la seconde fois.

E______ a également relaté avoir couché K______ en dernier et à une seule reprise, entre 20h30 et 21h00.

Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher au Ministère public d'avoir porté ses soupçons sur les recourants pour ce second volet également.

L'enquête n'a pas non plus permis de déterminer comment K______ avait, entre février et mars 2021, ingéré des médicaments qui ne lui étaient pas prescrits, ni comment elle avait, le 28 mars 2021, ingéré du TEMESTA®, également exclu de sa médication. Pour cet épisode en particulier, le Ministère public semble privilégier la thèse d'une intervention externe sans qu'un élément ne puisse l'étayer avec certitude. Cette hypothèse est également privilégiée par certains des prévenus, qui admettent que la jeune fille n'aurait pas pu prendre elle-même ce médicament. Le rapport du CURML quant à lui, n'exclut pas que K______ aurait pu ouvrir seule un blister de médicaments, quand bien même elle n'y présenterait qu'un intérêt restreint.

Les recourants, adultes travaillant au sein du foyer dans des fonctions liées directement à la prise en charge des bénéficiaires, avaient le devoir de veiller sur K______ le soir en question et d'éviter ce genre d'intoxication. C'est d'autant plus le cas que, en tant que résidente d'un foyer spécialisé en raison de son état physique et psychique, l'adolescente présentait un besoin de protection accru, en particulier concernant la médication, pour laquelle elle dépendait entièrement du personnel soignant.

Pourtant, les recourants, qui partageaient collectivement ce devoir, ne semblent pas avoir fait preuve de la vigilance requise à ce titre puisqu'aucun des quatre n'explique comment l'adolescente a pu entrer en contact avec ce médicament, encore moins l'ingérer.

L'anxiolytique ainsi absorbé a provoqué chez l'adolescente une altération de sa santé, marquée par une somnolence, une instabilité à la marche et élocution altérée, qui a conduit à son hospitalisation le lendemain. Même si l'expertise du 4 avril 2023 a écarté toute mise en danger de la santé K______, cette dernière a néanmoins subi une atteinte à son intégrité physique.

Par conséquent, le comportement des recourants a violé une norme de l'ordre juridique suisse en portant atteinte à la personnalité de K______ (art. 28 CC), ce qui a provoqué l'ouverture de la procédure pénale.

L'instruction menée par le Ministère public n'était nullement disproportionnée, la gravité des faits nécessitant de mettre en œuvre tous les moyens pour établir les faits. On ne saurait ainsi lui reprocher un "entêtement", ni un excès de zèle.

En définitive, c'est à raison que le Ministère public a condamné les recourants, à hauteur d'un quart chacun, aux frais de la procédure.

5.             Dans cette mesure, l'autorité intimée pouvait également refuser de leur allouer une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a et b CPP (cf. consid. 4.2 supra). Le chiffre 6 du dispositif de l'ordonnance querellée est donc justifié.

6.             G______ et E______ concluent, en lieu et place du montant de CHF 400.- qui leur est individuellement alloué à titre de tort moral selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP (chiffres 3 et 5 du dispositif de l'ordonnance querellée), au versement d'une indemnité de CHF 20'000.-, respectivement CHF 10'000.-.

6.1. Lorsque la détention s'avère par la suite injustifiée ("ungerechtfertigt") parce que le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou fait l'objet d'une ordonnance de classement, c'est l'art. 429 al. 1 let. c CPP qui s'applique, et non l'art. 431 al. 2 CPP qui concerne quant à lui la détention excessive, c'est-à-dire lorsqu'elle dépasse la sanction ou la peine privative de liberté prononcée par la suite ("Überhaft"; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 13.2 et les références citées).

Un montant de CHF 200.- par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (ATF 149 IV 289 consid. 2.1.2).

6.2. Toutefois, la mise à la charge du prévenu des frais de la procédure exclut toute indemnisation fondée sur l'art. 429 al. 1 CPP, y compris pour tort moral, ce qui inclut les jours de détention avant jugement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1397/2021 précité consid. 13.4; 6B_1076/2016 du 5 octobre 2022 consid. 3.4).

6.3. En l'occurrence, nonobstant son refus – conforme à la jurisprudence sus-citée – d'indemniser toutes les prétentions des recourants fondées sur l'art. 429 al. 1 CPP (cf. consid. 5 supra), y compris celles pour le tort moral allégué (let. c), le Ministère public a octroyé CHF 400.- à C______, G______ et E______, pour leurs deux jours de détention injustifiée, subie au cours de l'instruction, en fondant expressément cette indemnisation sur l'art. 429 al. 1 let. c CPP.

En vertu des considérants qui précèdent et des principes jurisprudentiels susmentionnés (cf. not.: consid. 4.5 et 6.2 supra), cette indemnisation n'était pas due aux recourants, condamnés aux frais de la procédure.

Cela étant, en raison de l'interdiction de la reformatio in pejus, le montant alloué sera confirmé.

Les précités concluent au versement d'une indemnité pour tort moral supérieure au montant de CHF 400.- alloué.

À tort. Leurs développements concernent d'autres fondements que ceux liés à leurs deux jours de détention provisoire. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ces prétentions, auxquelles ils n'ont pas droit pour les motifs exposés supra.

7.             Justifiée dans son intégralité, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Les recours, qui s'avèrent mal fondés, pouvaient d'emblée être traités sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

8.             C______, G______, E______ et A______ voient leurs recours intégralement rejetés, sous réserve de la violation de leur droit d'être entendus (cf. consid. 3.3 supra). Ils seront ainsi condamnés à la moitié des frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 4'000.-, soit CHF 500.- chacun (4 x CHF 500.- = CHF 2'000.-), le solde (CHF 2'000.-) étant laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Reste à examiner les demandes d'indemnisation requises par les recourants.

9.1. Corrélativement au consid. 8 (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2; ACPR/259/2025 du 2 avril 2025 consid. 4.2), A______, ayant soulevé le grief de la violation du droit d'être entendu, elle peut prétendre à l'octroi de dépens en lien avec l'activité de son conseil y relative.

Elle conclut au versement d'une "indemnité équitable", pour la rédaction d'un recours de dix-sept pages, pages de garde et conclusions comprises. Compte tenu de l'admission de l'unique grief précité, qu'elle invoque très brièvement, une indemnité de CHF 500.- TTC paraît adéquate.

Conformément à l'art. 429 al. 3 CPP, lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, ce dernier a un droit exclusif à l’indemnité prévue à l’al. 1 let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client. La somme précitée sera donc allouée à Me B______, par l'État.

9.2. C______, G______ et E______ plaident au bénéfice d'une défense d'office. Il y a lieu d'indemniser leurs conseils respectifs, la procédure étant close (art. 135 al. 2 CPP).

9.2.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04). Il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un associé (art. 16 al. 1 let. a RAJ) et CHF 150.- pour un collaborateur (let. b).

Selon l’art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l’importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d’une importante marge d’appréciation lorsqu’elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d’office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 p. 126; arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.1).

9.2.2. En l'occurrence, le conseil de G______ sollicite une indemnité de CHF 900.- (TVA à 8.1% en sus), correspondant à 6h d'activité au tarif collaborateur. Compte tenu de son recours de onze pages, cette durée apparaît appropriée et sera donc indemnisée.

Les conseils de C______ et E______ n'ont pas chiffré ni – a fortiori – justifié de dépens.

Leurs recours sont équivalents à celui de G______, de sorte qu'ils ont droit à la même rémunération.

Ainsi, les conseils de C______ et E______ seront également indemnisés à hauteur chacun de CHF 900.-, TVA à 8.1% en sus.

 

* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours de C______, A______, G______ et E______.

Les rejette.

Fixe les frais de la procédure de recours à CHF 4'000.-.

Met la moitié de ces frais à la charge de C______, G______, E______ et A______, soit CHF 500.- chacun.

Laisse le solde des frais (CHF 2'000.-) à la charge de l'État.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 500.- TTC pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure de recours (art. 429 al. 3 CPP).

Alloue à Me D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 972.90 (TVA à 8.1% incluse) pour la procédure de recours (art. 135 CPP).

Alloue à Me H______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 972.90 (TVA à 8.1% incluse) pour la procédure de recours (art. 135 CPP).

Alloue à Me F______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 972.90 (TVA à 8.1% incluse) pour la procédure de recours (art. 135 CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 


 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9363/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

40.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

3'885.00

Total

CHF

4'000.00