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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16515/2023

ACPR/394/2025 du 23.05.2025 sur OCL/475/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;FRAIS JUDICIAIRES;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);INDEMNITÉ POUR DÉTENTION;TORT MORAL
Normes : CPP.318; CPP.426.al2; CPP.429.al1.letc

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16515/2023 ACPR/394/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 23 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 2 avril 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 14 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public, après avoir classé la procédure dirigée contre lui, l'a condamné aux frais (ch. 2 du dispositif) et a refusé de lui allouer une indemnité à titre de réparation du tort moral (ch. 3 du dispositif).

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance précitée puis, cela fait, principalement, à l'allocation de deux indemnités (CHF 8'940.- pour le jour de détention et les mesures de substitution subis de manière injustifiée et CHF 3'000.- à titre de réparation de son tort moral), subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants, les frais de la procédure préliminaire devant être laissés à la charge de l'État.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté le 30 juillet 2023 et prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 al. 4 CP), injure (art. 177 CP), menaces (art. 180 al. 2 let. b CP) et contrainte (art. 181 CP).

Il lui était reproché d'avoir, depuis une date indéterminée en 2021, régulièrement menacé C______, sa compagne avec qui il faisait ménage commun, notamment en lui plaçant son poing au niveau du visage, l'effrayant de la sorte; à des dates indéterminées, porté atteinte à l'honneur de celle-ci, en la traitant notamment de "pute" et de "sale meuf"; le 30 juillet 2023, au sein de leur domicile conjugal, violenté C______, en la saisissant au niveau du cou avec ses deux mains, de manière à lui couper momentanément la respiration, lui occasionnant de la sorte une ecchymose sur la face antéro-latérale droite – constatée médicalement le jour même – et de l'avoir, dans ces circonstances, entravée dans sa liberté d'action, en la maintenant alors qu'elle se débattait pour se libérer de son emprise physique.

b. C______ a déposé plainte en raison de ces faits le 30 juillet 2023.

À l'appui, elle a produit un "constat de coups et blessures" établi le 30 juillet 2023 par la Dre D______, accompagné de ses annexes (deux photos de son cou). Ses propos, à teneur desquels "Monsieur l'aurait étranglée pendant quelques secondes", "aurait crié" et "confisqué son téléphone portable", y étaient mentionnés et une ecchymose, d'une taille d'environ 2x4 cm, constatée sur la "face antéro-latérale D".

c. Entendu par la police le 30 juillet 2023, puis par le Ministère public le lendemain, A______ a expliqué, s'agissant des faits survenus le matin même, avoir repoussé sa compagne, alors que celle-ci s'était couchée à côté de lui dans le lit, fortement alcoolisée, en plaçant son bras gauche à la hauteur de son omoplate, avant de la plaquer contre le matelas. Bien qu'il n'excluait pas que son bras gauche eût pu se trouver à proximité du cou de C______, il contestait l'avoir étranglée ou exercé une quelconque pression sur son cou. S'il concédait avoir pris le téléphone de sa compagne en lui disant qu'il souhaitait qu'ils "discutent", il réfutait toutefois avoir agi ainsi dans le but de l'empêcher d'appeler un tiers et prétendait le lui avoir tout de suite rendu. Il n'avait jamais frappé ni menacé C______. Certes, il lui était arrivé de l'injurier, notamment en la traitant de "connasse", mais uniquement en réponse à ses insultes à elle. Il a été libéré au terme de son audition par le Ministère public, moyennant son accord à la mise en œuvre de mesures de substitution.

d. Par ordonnance du 2 août 2023, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné à A______ de se soumettre à diverses mesures de substitution, dont certaines (interdiction de se rendre au domicile conjugal, interdiction de tout contact avec C______, obligation d'entreprendre un traitement psychothérapeutique, obligation de produire en mains du Service de probation et d'insertion un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique et de suivre les règles ordonnées par ce service) ont été régulièrement prolongées, avant d'être levées définitivement les 8 et 25 octobre 2024.

e. En confrontation, le 16 février 2024, A______ a confirmé ses précédentes déclarations, tout en les précisant. Il avait posé ses mains sur sa compagne, la nuit du 30 juillet 2023, afin de l'éloigner, après que celle-ci eut collé son visage au sien en lui demandant ce qu'il voulait. Il avait placé sa main gauche à la base de son cou, côté droit, et sa main droite contre son épaule gauche, sans toutefois l'étrangler ni la saisir au cou. Invité à se déterminer sur le fait que C______ avait expliqué avoir eu la respiration "coupée", il a déclaré que celle-ci avait mis son visage près du sien et sentait l'alcool. Il l'avait repoussée – admettant l'avoir fait avec force, mais pas "toute [sa] force" – mais n'avait pas remarqué que sa respiration était coupée. Il avait pu lui causer l'ecchymose constatée médicalement avec sa main ou son doigt, sa compagne "marquant assez vite" et sa main gauche [à lui] s'étant trouvée proche de son cou [à elle]. Animé par l'inquiétude, l'incompréhension et la colère, il avait ensuite pris le téléphone de sa compagne – qui, outre avoir omis de lui répondre à 03h00 lors de sa sortie, n'était rentrée qu'à 07h00 ce matin-là – en lui disant "maintenant tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé ce soir". Elle lui avait demandé de lui rendre son téléphone, ce à quoi il lui avait rétorqué qu'il ne le lui rendrait pas avant qu'elle lui "explique".

f. Le 15 mars 2024, C______ a produit:

-        une attestation établie le 12 septembre 2023 par E______, psychologue à l'association "F______", par laquelle celle-ci attestait la suivre en consultation depuis le 15 août 2023, dans le but de lui fournir un "soutien psychologique et d'informations, afin de gérer le mieux possible sa situation actuelle";

-        des captures d'écran de ses échanges Whatsapp avec A______ le 30 juillet 2023;

-        des captures d'écran de ses échanges Whatsapp avec "G______" [la belle-sœur de A______] le 30 juillet 2023, dans lesquels elle lui écrit, notamment:

-        "J'étais en train de me coucher pour dormir. Je croyais qu'il dormait et d'un coup il m'a sauté dessus. Et me raisonner à quel sujet? Mais dites devant qui? Moi c'est mort. Il m'a étranglé. Toute ma famille et mes amis sont au courant", ce à quoi son interlocutrice lui répond "Je sais et ça je cautionne pas. Il va s'excuser",

-        "ça fait des mois que ça dure", ce à quoi son interlocutrice lui répond "Je sais. Ils ont parlé. Et lui ont dit qu'on sortait à pas d'heure… et qu'on tisait. Bref" et

-        "Ils ont dit qu'il m'a étranglé", ce à quoi son interlocutrice lui répond "Oui. Il lui a dit".

g. Par ordonnance du 26 mars 2024, le Ministère public a ordonné la suspension de l'instruction pour une durée de six mois, conformément à l'art. 55a CP.

h. Par courrier du 25 septembre 2024, il s'est enquis auprès de C______ de l'évolution de la situation avec A______.

i. Par courrier du 15 octobre 2024, C______ a sollicité la reprise de l'instruction.

j. Le 21 octobre 2024, le Ministère public a repris la procédure, considérant que le motif de suspension avait disparu.

k. Par plis des 22 et 25 octobre 2024, A______ s'est opposé à la reprise de la procédure et a sollicité le prononcé d'une ordonnance de classement.

l. Les parties ont été entendues par le Ministère public le 3 décembre 2024.

l.a. C______ a déclaré qu'il n'y avait pas de "relation" – et donc pas d'"amélioration" – avec A______, hormis les contacts qu'ils pouvaient avoir en lien avec la prise en charge des enfants le samedi matin. Elle avait sollicité la suspension de la procédure dans la mesure où son déménagement lui avait demandé "beaucoup d'énergie" et où elle avait dû être opérée, avant d'être en convalescence durant un mois. Elle était désormais plus disponible, raison pour laquelle elle avait demandé la reprise de l'instruction.

l.b. A______ a indiqué qu'il n'y avait "aucune relation" avec C______ et qu'il avait accepté la séparation.

m. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 12 décembre 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement, un délai leur étant en outre imparti, notamment, pour solliciter une éventuelle indemnité.

n. Par pli du 14 janvier 2025, A______ a sollicité l'octroi d'une indemnité en CHF 8'940.- pour le jour de détention et les mesures de substitution qu'il estimait avoir subis de manière injustifiée, ainsi que d'une somme de CHF 3'000.- à titre de réparation de son tort moral.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il existait, au vu de la stabilisation de la situation entre les parties, un motif à renoncer à toute poursuite pénale, conformément à l'art. 55a CP. Il se justifiait également de classer l'infraction d'injure, bien que réalisée, par souci d'apaisement (art. 52 CP). Les frais de la procédure devaient être mis à la charge de A______ et aucune indemnité ne lui être allouée. En effet, il ressortait du certificat médical produit par C______, lequel corroborait ses déclarations crédibles et constantes, et du fait que A______ avait admis pouvoir être à l'origine des lésions causées, que ce dernier avait violé une règle de droit, notamment l'art. 28 CC, portant atteinte à la personnalité de sa compagne et provoquant ainsi, illicitement et fautivement, l'ouverture de la procédure pénale.

D. a. Dans son recours, A______ allègue une violation de son droit d'être entendu, le Ministère public n'ayant jamais fait part de son intention de mettre les frais à sa charge, de sorte qu'il n'avait pas pu se déterminer utilement et contester la violation d'une norme civile. Cette autorité avait également violé la présomption d'innocence en retenant que les déclarations de la plaignante, soi-disant corroborées par un certificat médical, étaient plus crédibles que les siennes et qu'il était "l'auteur de lésion". Il avait en effet toujours contesté les faits et la version de C______, qui n'était corroborée par aucune des pièces produites – certificat médical, photos, conversations WhatsApp –, et n'apparaissait ainsi nullement crédible. Peu importait à cet égard que l'ordonnance fît référence à l'art. 28 CC, l'autorité intimée n'ayant au demeurant pas motivé la réalisation des conditions de cette disposition. S'agissant des insultes, il ne les avait proférées qu'en réponse à celles de C______. Les frais de la procédure ne pouvaient ainsi être mis à sa charge et il devait être indemnisé, d'une part, pour le jour de détention et les mesures de substitution injustement subis, qui l'avaient atteint dans une "mesure importante" et, d'autre part, pour l'atteinte "extrêmement forte" à sa personnalité du fait qu'il avait été prévenu d'une infraction socialement "répugnante" et "dénigrante". À titre superfétatoire, l'équité commandait, au vu de sa situation précaire et du but d'"apaisement" poursuivi par l'art. 55a CP, que les frais fussent laissés à la charge de l'État.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu, en omettant de l'informer, préalablement au prononcé de l'ordonnance querellée, de son intention de mettre les frais de la procédure à sa charge.

3.1.  Si la Chambre de céans a jusqu'ici retenu que l'absence de mention, dans l'avis de prochaine clôture (art. 318 al. 1 CPP), de l'intention par le Ministère public de mettre les frais à la charge du prévenu ne violait pas le droit d'être entendu de l'intéressé (cf. ACPR/535/2020 du 5 août 2020 consid. 2.3. et les références citées), il y a lieu désormais de revenir sur cette solution, au vu des avis convergents du Tribunal fédéral et de la doctrine sur ce point (6B_1247/2015 du 15 avril 2016 consid. 2.3 et M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 10 ad art. 318).

3.2.  Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 = SJ 2011 I 347; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

3.3.  En l'espèce, le Ministère public a mis les frais de la procédure préliminaire à la charge du recourant dans le cadre de son ordonnance querellée, sans toutefois l'avoir au préalable informé de ses intentions à cet égard, le privant ainsi de la possibilité de faire valoir ses observations sur ce point et violant, ce faisant, son droit d'être entendu. Dite violation a toutefois été réparée dans le cadre du présent recours – le recourant ayant eu l'occasion d'expliquer, dans le cadre de son mémoire de recours, pour quelles raisons les frais ne devaient selon lui pas être mis à sa charge et une indemnité lui être allouée, de sorte qu'un renvoi au Ministère public s'avèrerait inutile – et ne saurait ainsi justifier une annulation de l'ordonnance querellée pour ce motif. Un tel constat s'impose d'autant plus qu'une telle réparation n'induit aucun préjudice pour le recourant, la Chambre de céans jouissant d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.).

Ces considérations scellent le sort de ce grief.

4.             Le recourant conteste la mise à sa charge des frais de la procédure et, partant, le refus d'indemnisation.

4.1.  Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

Lorsque le prévenu bénéficie d'un classement, les jours de détention qu'il aurait le cas échéant été amené à effectuer ne constituent pas une détention excessive au sens de l'art. 431 al. 2 CPP, mais bien une détention injustifiée dont l'indemnisation s'examine à l'aune de l'art. 429 al. 1 let. c CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 13.4; 6B_761/2020 du 4 mai 2021 consid. 7.5; 6B_1076/2016 du 12 janvier 2017 consid. 3.3; 6B_979/2013 du 25 février 2014 consid. 2.1).

4.2.  La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. Si des motifs justifiant l'application de l'art. 426 al. 2 CPP existent, l'indemnisation et la réparation du tort moral sont en règle générale exclues (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 13.4; 6B_1076/2016 du 12 janvier 2017 consid. 3.4). En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352).

4.3.  Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

Le but de l'art. 426 al. 2 CPP est d'éviter que l'État doive assumer les frais d'une enquête ouverte en raison d'un comportement fautif d'un justiciable, ce qui serait insatisfaisant et même choquant (voir ATF 116 Ia 162 consid. 2d/bb p. 173). Dans ce contexte, le fardeau de la preuve incombe à l'État (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2016 du 16 novembre 2016 consid. 6).

Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, mais applicable par analogie à l'art. 430 al. 1 let. a CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 31 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, qui interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_672/2023 du 4 octobre 2023 consid. 3.1.1; 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 5.1.2).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; ATF 119 Ia 332 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B_88/2023 du 6 novembre 2023 consid. 3.2.3).

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais (art. 426 al. 2 CPP) peut, en principe, se fonder sur l'art. 28 CC, norme qui tend à protéger tout individu d'atteintes illicites – c'est-à-dire non justifiées par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi – causées à sa personnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_150/2014 du 23 septembre 2014 consid. 1.2; 6B_87/2012 du 27 avril 2012 consid. 1.4.1). Une atteinte à la personnalité doit notamment être admise lorsqu'une personne est touchée dans son intégrité corporelle (P. PICHONNAZ / B. FOËX / C. FOUNTOULAKIS (éds), Commentaire romand : Code civil I, 2ème éd., Bâle 2023, n. 24 et 25 ad art. 28 CC) ou dans son honneur, à savoir dans la considération morale, sociale et/ou professionnelle dont elle jouit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_87/2012 précité consid. 1.4.2).

La faute exigée doit s'apprécier selon des critères objectifs : il ne suffit pas que l'attitude du prévenu contrevienne à l'éthique (ATF 116 la 162 consid. 2d p. 171 = SJ 1991 27). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il y ait besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 consid. 4a p. 163 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_156/2017 du 22 décembre 2017 consid. 5 ; 6B_184/2013 du 1er octobre 2013 consid. 7.1).

Le comportement illicite du prévenu doit se trouver dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'ouverture de la procédure pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_156/2017 du 22 décembre 2017 consid. 6.1, 6.2 et les références citées). Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue une des conditions sine qua non (ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 249). Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (142 III 433 consid. 4.5 p. 438).

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêt 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1). La mise des frais à la charge du prévenu doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2).

4.4.  Aux termes de l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

4.5.  À teneur de l’art. 55a al. 1 CP, en cas de lésions corporelles simples, de voies de fait réitérées, de menace ou de contrainte, le ministère public ou le tribunal peut suspendre la procédure si la victime est le partenaire ou ex-partenaire hétérosexuel ou homosexuel de l’auteur et que l’atteinte a été commise durant la période de ménage commun ou dans l’année qui a suivi la séparation (let. a ch. 3), si la victime le requiert (let. b), et si la suspension semble pouvoir stabiliser ou améliorer la situation de la victime (let. c). Selon l'al. 2 de cette disposition, la suspension est limitée à six mois. Le ministère public ou le tribunal reprend la procédure si la victime le demande ou s'il apparaît que la suspension ne stabilise pas ni n'améliore la situation de la victime (al. 4). Avant la fin de la suspension, le ministère public ou le tribunal procède à une évaluation. Si la situation de la victime s'est stabilisée ou améliorée, il ordonne le classement de la procédure (al. 5).

La requête de suspension de la procédure, respectivement l'accord donné à la proposition de suspension de l'autorité compétente (art. 55a al. 1 let. b CP) et l'écoulement du délai pour révoquer l'accord sur la suspension de la procédure sans qu'il ne soit utilisé (art. 55a al. 2 CP) équivalent à un retrait de la plainte pénale.

Tout comme les art. 52, 53, 54 et 55 CP, l'art. 55a CP s'intègre dans une section du Code pénal intitulée "Exemption de peines et suspension de la procédure". Chacune de ces dispositions repose donc sur la prémisse selon laquelle l'auteur a commis un acte illicite, pour lequel il porte une part de culpabilité. À cet égard, la loi prévoit certes que le Ministère public et les tribunaux rendent, le cas échéant, une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (art. 8 al. 4 CPP). Cette décision, en ce qu'elle n'emporte pas condamnation et ne se prononce pas sur la culpabilité, ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, compte tenu de l'acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, une mise à sa charge des frais s'avère en tous les cas justifiée (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème ed., Bâle 2021, n. 31 ad art. 55a; ATF 144 IV 202 consid. 2.3).

4.6.  En l'espèce, le Ministère public a classé la procédure, non pas parce qu'il a estimé que les éléments constitutifs des infractions pour lesquelles il avait ouvert une instruction n'étaient pas réalisés ou qu'il n'existait aucun soupçon de la commission par le recourant d'une quelconque infraction, mais parce qu'il a considéré qu'il se justifiait de faire application des art. 52 et 55a CP.

L'invocation de ces dispositions par le Ministère public lui permettait, conformément à la jurisprudence sus-rappelée, de mettre à la charge du recourant les frais relatifs à la procédure préliminaire, sans violer le principe de la présomption d'innocence et sans qu'il ne lui fût nécessaire de se fonder sur la violation d'une norme générale de comportement autre que celle pour laquelle la condamnation pénale avait été exclue.

Quoiqu'il en soit, le comportement dénoncé par C______, certificat médical et photos à l'appui, était sans conteste de nature à justifier l'ouverture d'une procédure pénale. Certes, le recourant conteste avoir commis des actes pénalement répréhensibles, se fondant sur le fait que les déclarations des parties étaient contradictoires. Il n'en demeure pas moins qu'il a admis avoir repoussé sa compagne "avec force" et l'avoir plaquée – n'excluant d'ailleurs pas que son bras gauche eût pu être proche de son cou. À cela s'ajoute que le certificat médical et les photos produites à l'appui de la plainte pénale établissent l'existence d'une ecchymose, d'une taille d'environ 2x4 cm, sur la face antéro-latérale droite du cou de la plaignante.

Même à admettre que les faits se soient déroulés tels que narrés par le recourant, le comportement adopté par celui-ci – ayant consisté à pousser sa compagne "avec force", à la plaquer, à s'emparer de son téléphone pour l'amener à discuter avec lui et à l'injurier, quand bien même fût-ce en réponse aux insultes de celle-ci – apparaît fautif et civilement répréhensible, à tout le moins sous l'angle des art. 28 CC et 41 CO. Peu importe à cet égard que le recourant n'ait pas souhaité porter atteinte à l'intégrité corporelle de sa compagne, la jurisprudence n'exigeant pas, comme condition à l'application de l'art. 426 al. 2 CPP, que celui-ci ait agi intentionnellement, une simple négligence suffisant. Par ailleurs, le recourant n'allègue ni ne justifie l'existence d'un motif rendant l'atteinte non illicite selon l'art. 28 al. 2 CC.

Quoiqu'en pense le recourant, les agissements sus-évoqués sont sans conteste à l'origine de l'ouverture de la présente procédure, puisque c'est à leur suite que C______ a déposé plainte pénale, et qu'en présence d'une ecchymose sur le cou, le Ministère public pouvait soupçonner l'existence d'une infraction pénale. Le lien de causalité naturelle et adéquate est dès lors réalisé et le recourant ne saurait reprocher aux autorités de poursuite pénale d'avoir agi par excès de zèle.

Si la procédure n'a pas été menée à terme, c'est uniquement en raison de la requête de C______ tendant à la suspension de la procédure, conformément à l'art. 55a CP, et au fait que le Ministère public a considéré que les conditions d'application de cette disposition, de même que celles de l'art. 52 CP s'agissant de l'infraction d'injure, étaient réalisées in casu. Les actes d'instruction accomplis jusque-là étaient ainsi en adéquation avec les faits reprochés au recourant.

En définitive, c'est donc à bon droit que le Ministère public a condamné le recourant aux frais de la procédure de classement.

4.7.  Partant, l'autorité intimée pouvait également, conformément à la jurisprudence citée supra (cf. consid. 4.2), lui refuser toute indemnité sur la base de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, tant s'agissant du jour de détention et des mesures de substitution qu'il a été amené à subir avant que le classement de la procédure ne fût ordonné, que de l'atteinte "extrêmement forte" à sa personnalité qu'il estime avoir éprouvée.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant succombe sur le fond (art. 428 al. 1 CPP), mais voit son grief tiré d'une violation du droit d'être entendu admis (arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1).

Il sera, en conséquence, condamné à la moitié des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 500.-.

Le solde de ces frais (CHF 500.-) sera laissé à la charge de l'État.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-, soit CHF 500.-.

Laisse le solde des frais de la procédure de recours (CHF 500.-) à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Vincent DELALOYE, juge; Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16515/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00