Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/260/2025 du 14.07.2025 sur JTDP/1085/2024 ( PENAL ) , REJETE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/27092/2023 AARP/260/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 14 juillet 2025 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,
appelant,
contre le jugement JTDP/1085/2024 rendu le 10 septembre 2024 par Tribunal de police,
et
LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
Siégeant : Madame Gaëlle VAN HOVE, présidente ; Madame Cristiana MEYLAN, greffière-juriste délibérante.
EN FAIT :
A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1085/2024 du 10 septembre 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infractions à la loi sur la circulation routière (art. 90 et 93 al. 2 let. b LCR) et à la loi sur la vignette autoroutière (14 al. 1 LVA), et l'a condamné à une amende de CHF 3'600.-, avec peine privative de liberté de substitution de 36 jours. Ses conclusions en indemnisation ont été rejetées et les frais de procédure ont été mis à sa charge.
A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à une indemnisation à chiffrer ultérieurement.
b. Selon l'ordonnance pénale du 20 avril 2023 du Service des contraventions (SDC), qui tient lieu d'acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 15 février 2023, à 08h03, au volant de son motocycle de marque C______ immatriculé GE 1______, tandis qu'il circulait sur l'autoroute A1, en direction de la France, à Perly, commis de multiples infractions à la LCR, soit d'avoir omis de respecter une distance suffisante avec le véhicule le précédant, avec mise en danger ; omis de respecter une distance suffisante avec le véhicule le précédant, à cinq reprises ; omis d'annoncer un changement de direction, à sept reprises ; effectué des dépassements par la droite en déboîtant puis en se rabattant sur des autoroutes et des semi-autoroutes, à trois reprises ; franchi une ligne de sécurité ou empiété sur celle-ci hors localité, sur autoroute ou semi-autoroute, à deux reprises ; changé de voie de circulation sans égard aux autres usagers de la route ; circulé à une vitesse inadaptée aux circonstances et effectué des courses d'apprentissage avec un véhicule dépourvu de plaque L. Il lui est également reproché d'avoir, dans les mêmes circonstances, emprunté une route nationale soumise à redevance sans avoir acheté la vignette nécessaire pour la période de taxation.
B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure. Pour le surplus, il est renvoyé au jugement entrepris (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP] et ATF 141 IV 244 consid. 1.2).
a. À teneur du rapport de renseignements du 15 février 2023, le 9 février 2023, la police a reçu une dénonciation d'un usager de la route concernant le comportement dangereux d'un motocycliste, lequel circulait tous les jours de la semaine sur l'autoroute A1 en direction de la France.
Les images de vidéosurveillance du réseau autoroutier des 9 et 13 février 2023 ont permis d'identifier le véhicule en question comme étant un scooter de marque C______ de type 2______. En particulier, les signatures lumineuses à l'avant et à l'arrière composées de deux feux, avec un espace entre eux, ont permis à la police d'exclure les autres modèles de deux-roues. La police a, en outre, constaté que le motocycle était muni d'une plaque de contrôle helvétique, d'une bulle de protection de taille moyenne, d'un tablier de protection et que le scootériste portait une veste foncée et un casque noir. Il a encore été relevé que l'intéressé rejoignait l'autoroute A1 par la voie d'accès VA1502 depuis la route des Romelles entre 07h56 et 08h03, avant d'emprunter la voie de sortie de Perly VS1115 entre 08h07 et 08h11.
Le 15 février 2023, un opérateur de la Centrale Routière (CenRout) a signalé le comportement dangereux d'un scootériste correspondant au signalement susmentionné, lequel a rejoint l'autoroute par la voie d'accès précitée, à 07h56, en direction de la France. Les agents de police ont effectué un contrôle de circulation sur la voie de sortie VS1115 de l'autoroute A1 et ont intercepté tous les scootéristes, ce qui leur a permis d'interpeller un motocycliste identifié comme étant A______, seul conducteur d'un scooter de marque C______ de type 2______ correspondant en tous points au signalement. Il est apparu que l'intéressé, élève conducteur, n'avait pas apposé la plaque L sur son véhicule, ni collé la vignette autoroutière 2023 sur celui-ci.
Le visionnage des images de vidéosurveillance du même jour, lesquelles ont été versées à la procédure, a permis à la police de suivre le parcours emprunté par le scootériste entre les différents points kilométriques de l'autoroute et d'estimer que A______ avait commis les faits décrits sous point A.b. ci-dessus.
Toujours selon ce rapport de renseignements, contacté par téléphone, A______ avait reconnu les faits. Plusieurs véhicules avaient, en outre, dû effectuer des écarts ou des freinages afin d'éviter une collision.
b. A______ a soutenu que les preuves fondées sur les images de vidéosurveillance étaient illicites, partant inexploitables (art. 141 al. 2 CPP), dès lors que "l'automobiliste avait simplement manqué à son devoir de signaler quelques changements de direction tout en procédant à des dépassements par la droite" (cf. opposition du 27 juillet 2023), ce qui ne constituait pas une infraction grave. Devant le premier juge, il a requis qu'il soit constaté l'inexploitabilité de ces images et à ce que celles-ci soient écartées du dossier. Le TP a rejeté cette question préjudicielle au motif que la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD) disposait d'une base légale qui permettait la mise en place d'une vidéosurveillance, que les images collectées sur la voie publique par un système de surveillance routier pouvaient être exploitées par les autorités de poursuite pénale, et que le règlement afférent à la loi précitée prévoyait expressément que la police cantonale était autorisée à accéder à tous les systèmes de vidéosurveillance des institutions publiques.
c. Entendu par le TP, A______ a également contesté les faits qui lui étaient reprochés, à l'exception de l'absence de vignette autoroutière et de plaque L. Il a précisé qu'il n'avait pas admis les faits au téléphone, mais s'était simplement, par crainte, excusé auprès du policier.
d. Entendu en qualité de témoin, D______, policier qui a rédigé le rapport de renseignements, a confirmé la teneur de ce dernier et a expliqué avoir pu déterminer avec certitude que A______ était l'auteur des infractions constatées sur les images de vidéosurveillance le 15 février 2023 sur tout le tronçon autoroutier, en revenant en arrière sur lesdites images depuis l'interception de l'intéressé, tout en repérant les véhicules à proximité et en observant les heures des images. En revanche, il ne pouvait pas affirmer avec certitude que les jours précédant les faits, A______ avait commis des infractions, sans l'avoir intercepté. Il a, en outre, expliqué que pour reconnaître le véhicule sur les images, il avait cliqué à plusieurs reprises sur "play" et "pause" et avait reconnu la signature lumineuse distinctive chez C______ ainsi que la bulle de taille moyenne. Interrogé sur la manière dont il avait pu distinguer le véhicule sur les images en noir et blanc, il a indiqué qu'il s'agissait de caméras thermiques qui permettaient de voir les formes des véhicules. Par ailleurs, la caméra permettait de voir le véhicule sur un long tronçon, la caméra suivante se trouvant 400 mètres plus loin, étant précisé que celle-ci était dans le champ de vision de la caméra thermique. Il y avait également la possibilité de zoomer sur les images, ce qui permettait d'identifier s'il s'agissait d'une plaque suisse ou française, voire de distinguer le canton, sans toutefois pouvoir identifier les chiffres. Le témoin a encore indiqué que lorsqu'il avait eu A______ au téléphone, celui-ci avait reconnu avoir mal roulé.
C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP).
b. Aux termes de ses écritures, A______ persiste dans ses conclusions, chiffrant l'indemnité due pour ses frais d'avocat à CHF 4'400.-. En substance, il considère que les enregistrements de vidéosurveillance étaient inexploitables car utilisés trop largement, sans délimitation précise, donc sans fondement légal, les infractions reprochées n'étant pas suffisamment graves pour le justifier. Le règlement genevois d'application de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (RIPAD) ne pouvait pas non plus être considéré comme une base légale suffisante pour justifier un tel procédé. Les preuves versées au dossier relevaient de la "fishing expedition", dans la mesure où s'y trouvaient des images de vidéosurveillance enregistrées les 9 et 13 février 2023, alors qu'il était impossible de l'identifier de manière certaine, et que la police avait procédé au visionnage des images de vidéosurveillance du 15 février 2023 après l'avoir intercepté devenant de la sorte le "suspect idéal". Il ne pouvait d'ailleurs être établi, au-delà de tout doute raisonnable, qu'il était l'individu sur les enregistrements de vidéosurveillance du 15 février 2023. Le premier juge avait versé dans l'arbitraire en ignorant tout élément du dossier en sa faveur.
c. Le Ministère public conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
d. Le SDC et le TP, se référant au jugement entrepris, n'ont pas formulé d'observations.
D. A______, né le ______ 2004, est de nationalité suisse. Il est étudiant et ne perçoit aucun revenu. Il vit chez ses parents et ne participe pas au paiement du loyer. Son assurance maladie est prise en charge par ses parents. Il n'a ni dette, ni fortune.
EN DROIT :
1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions.
1.2. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.
1.3. Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est limité à l'arbitraire en ce qui concerne l'établissement des faits, comme le prévoit l'art. 398 al. 4 CPP. L'autorité d'appel ne peut, dans ce cas, procéder à une nouvelle appréciation des preuves ou revoir librement l'état de fait du tribunal de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_426/2019 du 31 juillet 2019 in SJ 2020 I 219).
L'art. 398 al. 4, 2ème phrase CPP ainsi introduit une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit. En revanche, la partie appelante peut valablement renouveler en appel les réquisitions de preuve formulées devant le premier juge et qui ont été rejetées.
Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1).
2. L'appelant invoque en premier lieu l'inexploitabilité des images de vidéosurveillance.
2.1.1. Selon l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves.
2.1.2. Dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a eu à juger de l'admissibilité des enregistrements vidéo des caméras de surveillance routière dans les procédures pénales (arrêt du Tribunal fédéral 6B_345/2024 du 8 novembre 2024). Le Tribunal fédéral a alors conclu que l'utilisation d'images de vidéosurveillance officielles, recueillies dans le cadre de la surveillance du trafic, pour une procédure pénale contre un conducteur était légale car le but de permettre la poursuite des infractions était au moins implicitement couvert par les dispositions sur la gestion du trafic (art. 57c LCR) (consid. 2.3.1). L'Office des routes était tenu de les fournir dans le cadre de l'entraide nationale (cf. également arrêt du Tribunal fédéral 6B_346/2024 du 8 novembre 2024 consid. 2.3.1). En sus, le Tribunal fédéral ajoutait que même si une telle utilisation n'était pas couverte par l'art. 57c LCR, elle serait néanmoins licite sous l'angle de la loi fédérale sur la protection des données (LPD), car toute personne qui participait à la circulation routière devait s'attendre, selon l'art. 4 aLPD, aussi bien à ce qu'elle ou son véhicule soit filmé par des caméras de circulation qu'à ce que les données soient utilisées dans une procédure pénale, en tout cas pour des infractions liées à la circulation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_345/2024 consid. 2.3.2 et 6B_ 346/2024 consid. 2.3.2).
2.1.3. La gestion du trafic par les cantons est prévue par l'art. 57d LCR. L'alinéa 3 de cette disposition stipule que les cantons peuvent déléguer leurs tâches d'information à la centrale de gestion du trafic ou à des tiers. À Genève, il s'agit de la Centrale de régulation du trafic (CRT) (https://www.ge.ch/dossier/plan-mobilite-geneve/missions-etat-matiere-mobilite/reguler-trafic). La Centrale Routière de la Police cantonale (CenRout), entité spécialisée de la police cantonale (art. 9 al. 2 du règlement sur l'organisation de la police [ROPol]), assure la mise en œuvre sur le terrain des mesures de régulation du trafic recommandées par la CRT, telles que l'appui à la gestion d'incidents ou d'évènements affectant la fluidité ou la sécurité du trafic.
2.2. Les résultats d'une recherche de preuves aléatoire, dénommée "fishing expedition", soit une mesure d'enquête fondée sur aucun soupçon et exploitant un moyen de preuve sans but précis, ne sont pas exploitables
(ATF 137 I 218 consid. 2.3.2). Pour cette raison, l'examen de données enregistrées en dehors de tout soupçon concret est exclu, sous réserve des règles spécifiques permettant d'examiner de manière systématique les dispositifs de contrôle dont l'usage est imposé par la loi (Yvan JEANNERET, La poursuite des infractions routières et le CPP : quid novi ? in Circulation routière 2/2011, p. 32).
2.3. En l'occurrence, il convient, au préalable, de relever que l'examen des données de vidéosurveillance du 15 février 2023 a été justifié par la nécessité d'instruire les circonstances d'un événement particulier, soit les multiples violations des règles de la circulation routière commises le 15 février 2023, en début de journée, et ayant concrètement mis en danger les autres usagers de la route. La police a donc ordonné l'examen de ces données alors qu'elle pouvait soupçonner l'appelant d'avoir commis une ou plusieurs infractions à la LCR, à la suite de la dénonciation par la CenRout.
Il est incontestable que l'utilisation de ces enregistrements vidéo est légale. En effet, il s'agit non seulement d'images de vidéosurveillance officielles, recueillies dans le cadre de la surveillance du trafic, mais également de leur utilisation dans le cadre d'une procédure pénale contre un conducteur, ici l'appelant, dans le but de permettre la poursuite des infractions à la LCR. La saisie s'appuie sur la LCR (art. 57d), sans qu'il y ait nécessité d'une norme expresse, comme l'a rappelé le Tribunal fédéral (supra consid. 2.1.2).
Il sera, par ailleurs, précisé que le cas de l'appelant diffère de la jurisprudence invoquée par ce dernier (ATF 146 I 11), en ce qu'il ne s'agit aucunement d'une recherche automatisée de véhicules.
L'exploitation des données enregistrées entrant dans le cadre prévu par la LCR – dont la seule limite est l'examen purement aléatoire des données enregistrées, sans rapport avec un événement déterminé, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence – rien ne s'oppose à leur utilisation dans la procédure pénale contre l'appelant. Le fait que les images de vidéosurveillance du 15 février 2023 aient été visionnées "après avoir intercepté l'appelant" (cf. écritures de l'appelant) n'y change rien. En outre, l'existence de violations répétées de la LCR le 15 février 2023 exclut un cas de "fishing expedition".
Dès lors que les images de vidéosurveillance du 15 février 2023 étaient licites, la preuve recueillie dans ce cadre n'a pas été obtenue illégalement et échappe donc à l'application de l'art. 141 CPP. Point n'est donc besoin d'examiner si l'infraction reprochée à l'appelant constitue une infraction grave au sens de l'art. 141 al. 2 CPP et les critiques de celui-ci à cet égard sont sans objet.
Les données enregistrées le 15 février 2023 sont dès lors exploitables, étant au surplus rappelé que l'appelant n'a pas été condamné pour des infractions à la LCR sur la base d'images de vidéosurveillance des 9 et 13 février 2023, ses arguments dans ce sens tombant à faux. Tout au plus, ces images constituent-elles un indice du comportement ayant mené à une intervention de police le 15 février 2023. Le retranchement des images des 9 et 13 février 2023 du dossier ne permettrait au demeurant pas de libérer l'intéressé des infractions qui lui sont reprochées le 15 février 2023.
Dénué de fondement, le grief de l'appelant, quant à l'impossibilité d'utiliser les enregistrements de vidéosurveillance en tant que preuve, doit ainsi être rejeté.
3. L'appelant invoque ensuite une violation de la présomption d'innocence.
3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve
(ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 ; 145 IV 154 consid. 1.1).
3.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).
À l'aune de ce principe, il est interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme des rapports de police. On ne saurait toutefois dénier d'emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (arrêts du Tribunal fédéral 6B_753/2016 du 24 mars 2017 consid. 1.2 et 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1).
3.3. En l'espèce, le premier juge a estimé que les faits reprochés au prévenu étaient établis par les images de vidéosurveillance et les constatations policières qui ressortent du rapport de renseignements du 15 février 2023. L'appelant argue toutefois qu'il était "impossible d'affirmer au-delà de tout doute raisonnable qu['il était] l'individu sur les enregistrements de vidéosurveillance" (p. 8 de son mémoire d'appel).
Or, il est constant que le 15 février 2023, l'appelant se trouvait sur l'autoroute A1, où il a été intercepté à 08h03, à la suite d'un signalement d'un opérateur de la CenRout, lequel avait remarqué un scootériste au comportement dangereux à 07h56.
Les images issues de l'enregistrement de vidéosurveillance ont fait l'objet d'un rapport de renseignements détaillé et sans équivoque. Sur la base des images, le policier D______ a pu affirmer que l'appelant était l'auteur des infractions constatées sur tout le tronçon autoroutier le 15 février 2023, ce que la police avait pu déterminer en revenant en arrière sur les images depuis l'interception de l'intéressé, tout en repérant les véhicules à proximité et en observant les heures des images. Pour reconnaître le véhicule sur l'image, le policier D______ avait cliqué à plusieurs reprises sur "play" et "pause". Il avait ainsi reconnu la signature lumineuse distinctive chez C______ (modèle 2______) – lequel dispose de signatures lumineuses à l'avant et à l'arrière composées de deux feux, avec un espace entre eux, permettant d'exclure les autres modèles de deux-roues – ainsi que la bulle de protection de taille moyenne. Il a également expliqué la manière dont il avait pu distinguer le véhicule sur les images en noir et blanc et précisé que la police avait, en outre, la possibilité de zoomer sur les images, ce qui leur permettait d'identifier s'il s'agissait d'une plaque suisse ou française, sans pouvoir identifier les chiffres. Dans le cas d'espèce, la police avait pu constater que le motocycle était muni d'une plaque de contrôle helvétique, mais également d'un tablier de protection et que le scootériste portait une veste foncée et un casque noir, tout comme l'appelant.
Au regard de ces constatations policières, qu'il n'y a aucune raison de mettre en cause, les dénégations de l'appelant ne sont pas crédibles. En effet, l'appelant correspond au signalement. Le laps de temps entre l'entrée sur l'autoroute et son interception ne permet aucune autre hypothèse quoi qu'en dise l'appelant. On peut raisonnablement douter qu'un autre individu vêtu de la même manière et détenteur du même véhicule ait circulé sur le même tronçon d'autoroute dans le même laps de temps, ce d'autant qu'aucun autre motocycle semblable n'est visible sur les images au dossier.
Force est, par ailleurs, de constater que les arguments avancés par l'appelant ne permettent pas de considérer que le premier juge a versé dans l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, laquelle conduit à l'établissement des faits retenus par le TP. On cherche d'ailleurs en vain dans cette appréciation où le premier juge aurait retenu "que le prévenu avait admis, sous la plume de son conseil, avoir manqué à son devoir de signaler quelques changements de direction tout en procédant à des dépassements par la droite" (p. 8 de son mémoire d'appel) ou encore que l'appelant "aurait reconnu les faits". Il ressort au contraire du jugement entrepris que le premier juge s'est basé sur les images de vidéosurveillance et les constatations policières qui en découlent pour retenir la réalisation des infractions à la LCR, et non sur d'éventuels aveux de l'appelant. De la même manière, l'appelant ne saurait tirer argument de "l'affirmation selon laquelle plusieurs véhicules auraient dû effectuer des manœuvres afin d'éviter la collision [qui] ne se base sur absolument aucun fait constatable" pour obtenir son acquittement au bénéfice du doute, d'autant qu'il n'invoque aucun élément concret permettant de douter du rapport de renseignements du 15 février 2023.
Le CPP ne proposant pas de hiérarchie des preuves (cf. art. 139 al. 1 CPP), mais leur libre appréciation, celle à laquelle a procédé le premier juge et qui, de l'avis de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), est exempte d'arbitraire. Par voie de conséquence, il n'y a pas non plus de violation du principe de la présomption d'innocence, compte tenu de l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves, à retenir que l'ensemble des éléments qui précèdent permettent de considérer qu'il existe un faisceau d'indices convergents suffisant pour retenir, au-delà de tout doute raisonnable, que l'appelant est bien l'auteur des infractions à la LCR du 15 février 2023.
Toute violation du principe in dubio pro reo doit ainsi être écartée.
4. Le premier juge a correctement exposé les règles et principes juridiques applicables à la résolution du cas d'espèce (art. 90 al. 1, 26 al. 1, 27 al. 1, 32 al. 1 LCR, 4 al. 1 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière [OCR], 34 al. 1-4 LCR, 12 al. 1 OCR, 73 al. 1 phr. 1 et al. 6 let. a de l'ordonnance sur la signalisation routière [OSR], 35 al. 1 LCR, 36 al. 5 OCR, 39 al. 1 et 44 al. 1 LCR, 28 al. 1 OCR, 93 al. 2 let. b LCR, 27 al. 1 OCR, 14 al. 1 et 7 al. 2 LVA) que la CPAR faits siens et auxquels elle renvoie en application de l'art. 82 al. 4 CPP (ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_984/2016 du 13 septembre 2017 consid. 3.1.6 et 6B_1043/2016 du 19 juillet 2017 consid. 1.2).
L'appelant s'est contenté de contester être l'auteur des faits reprochés sans autre argumentation (p. 8 de son mémoire d'appel : "De plus, il n'est pas établi qu'il aurait violé à de multiples reprises la LCR").
Compte tenu de l'exploitabilité des images de vidéosurveillance, sur lesquelles l'appelant a été identifié comme l'auteur des multiples infractions à la LCR, l'appel sera rejeté et la culpabilité de l'appelant du chef d'infraction aux art. 90 et 93 al. 2 let. b LCR, au demeurant également à l'art. 14 al. 1 LVA, confirmée.
5. L'appelant ne critiquant pas le montant de l'amende fixée par le premier juge ou la quotité de la peine privative de liberté de substitution, qui apparaissent conformes au droit et aux principes applicables (art. 47 et 106 du Code pénal [CP]), il sera renvoyé aux considérants du jugement entrepris (art. 82 al. 4 CPP ;
ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3).
6. 6.1. L'appelant, qui succombe intégralement, supportera les frais de la procédure, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]) et verra ses conclusions en indemnisation rejetées, faute d'acquittement.
6.2. Les frais arrêtés en première instance seront confirmés.
7. L'appelant, qui succombe, ne saurait prétendre à une quelconque indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 CPP.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1085/2024 rendu le 10 septembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/27092/2023.
Le rejette.
Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.
Rejette les conclusions en indemnisation de A______.
Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :
"Déclare A______ coupable d'infractions aux art. 90 et 93 al. 2 let. b de la Loi sur la Circulation Routière (LCR) et 14 al. 1 de la Loi sur la vignette autoroutière (LVA).
Condamne A______ à une amende de CHF 3'600.- (art. 106 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 36 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 438.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).
Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).
[…]
Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.
Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal des véhicules.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Gaëlle VAN HOVE |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.
Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal de police : | CHF | 1'038.00 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 60.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 1'500.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 1'635.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 2'673.00 |