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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3067/2024

JTAPI/530/2025 du 19.05.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;LOYER;PRIX DU MARCHÉ
Normes : LIFD.58.al1.letb; LIPM.12.leth
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3067/2024 ICCIFD

JTAPI/530/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2023 de la société A______ SA (ci-après: la société), dont le siège se trouve à B______(GE) et dont le but est l'exploitation d'une entreprise générale dans le domaine du bâtiment.

2.             Monsieur C______ a été administrateur président avec signature individuelle de la société du 4 avril 2008 au 19 décembre 2022. Il est l'unique actionnaire de la société.

3.             Madame D______ a été administratrice avec signature individuelle de la société du 14 janvier 2005 au 19 décembre 2022. Depuis le 19 décembre 2022, elle est administratrice présidente avec signature individuelle.

4.             La société est propriétaire d'une maison sise chemin du E______ 1______ à F______.

5.             M. C______ et Mme D______ y sont domiciliés depuis le 1er janvier 2006.

6.             Dans ses déclarations fiscales 2013-2017, la société a déclaré que les loyers encaissés de l'immeuble sis à F______ s'élevaient à CHF 102'000.-.

7.             Le 12 décembre 2014, la société a répondu à une demande de renseignement de l'administration fiscale cantonale (ci-après: AFC-GE) en lui remettant notamment une copie du bail à loyer pour l'immeuble sis à F______ fixant ce dernier à CHF 102'000.- annuel.

8.             Le 9 janvier 2015, la société a répondu à une demande de renseignement complémentaire de l'AFC-GE en remettant le questionnaire de valeur locative 2013-2016; la valeur locative déclarée 2013-2016 s'élevait à CHF 86'062.-. L'immeuble construit en 2011 comprenait 378 m2 habitable.

9.             Dans ses déclarations fiscales 2018-2021, la société a déclaré que les loyers encaissés pour l'immeuble sis à F______ s'étaient élevés à CHF 57'000.-.

10.         Dans sa déclaration fiscale 2022, la société a déclaré un bénéfice en capital pour l'immeuble situé à F______ d'un montant de CHF 69'000.-.

Il ressortait du compte de résultat 2022 annexé que la société avait inscrit un poste "loyers encaissés" pour un montant de CHF 165'630.40, comprenant le bénéfice en capital précité.

11.         Dans sa déclaration fiscale 2023, la société a notamment déclaré un poste "loyers encaissés" pour un montant de CHF 189'000.- dont CHF 69'000.- pour l'immeuble sis à F______.

12.         Le 18 juillet 2024, l'AFC-GE a notifié les bordereaux de taxation ICC et IFD 2023 à la société.

Un montant de CHF 17'041.- concernant un loyer insuffisant était repris au titre de distributions dissimulées de bénéfice et/ou avantages procurés à des tiers qui n'étaient pas justifiés par l'usage commercial.

Le loyer insuffisant constaté de CHF 17'041.- correspondait à la différence entre le loyer comptabilisé de CHF 69'000.- et le loyer du marché de CHF 86'041.- déterminé sur la base du questionnaire de valeur locative ad hoc.

13.         Le 30 juillet 2024, la société a élevé réclamation à l'encontre de ces bordereaux de taxation ICC et IFD 2023, contestant le bien fondé du montant repris de
CHF 17'041.-.

Le locataire avait subi le 14 septembre 2023 un sinistre important d'inondation due à la rupture d'une conduite d'eau. A la suite de ce sinistre, il n'avait plus été possible de vivre normalement dans la maison et ceci pendant plusieurs mois. Des travaux avaient été exécutés et une partie avaient été prise en charge par le locataire. Ces derniers justifiaient une diminution du loyer. Deux factures, soit des services industriels et d'une entreprise d'aspiration d'eau, étaient remises en pièces jointes.

14.         Par décisions du 21 août 2024, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu les bordereaux de taxation.

Selon les explications de la société, le bien immobilier, bien que partiellement endommagé, était resté occupé par l'actionnaire et seuls des frais d'intervention pour un montant de CHF 400.- avaient été démontrés. Ainsi, la réduction de loyer de CHF 17'041.- était disproportionnée au regard du dommage supporté. Dans une telle situation, un tiers resterait redevable de son loyer.

15.         Par acte du 17 septembre 2024, la société a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l'encontre des décisions du 21 août 2024, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que le loyer pour l'année 2023 soit arrêté à CHF 69'000.-.

Selon le questionnaire versé au dossier, déterminant la valeur locative 2023, celle-ci était de CHF 60'095.-, soit inférieure à la valeur comptabilisée de CHF 69'000.-.

Durant l'année 2023, le sous-sol du bien immobilier loué avait subi une forte inondation entrainant l'impossibilité d'utiliser une partie de la maison. Les interventions des différents corps de métier avaient considérablement réduit l'usage de l'objet.

Contrairement à ce que soutenait l'AFC-GE, l'inondation avait engendré des dégâts très importants pour un montant d'environ CHF 30'000.- (pour le locataire et le propriétaire) et le sous-sol n'avait pas pu être utilisé durant plusieurs mois.

L'assurance bâtiment avait réglé CHF 15'392.15 pour les travaux sans compter la part revenant au locataire à la suite des dégâts à son mobilier.

L'AFC-GE ne pouvait revenir sur un loyer accepté pendant plusieurs années.

16.         Dans sa réponse du 18 novembre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

M. C______ était actionnaire unique de la société et son épouse, Mme D______ en était administratrice présidente avec signature individuelle depuis le 19 décembre 2022. Avant cette date, elle était administratrice de la société et bénéficiaire de la signature individuelle depuis le 14 janvier 2005. Elle était ainsi un proche de l'actionnaire.

La société avait mis à disposition de l'actionnaire et de son épouse l'immeuble sis à F______.

Il ressortait des déclarations fiscales et des comptes de résultat 2022 et 2023 que le loyer facturé de l'immeuble situé à F______ était le même pour ces deux exercices, soit CHF 69'000.- de sorte que le sinistre de dégâts d'eau du 14 septembre 2023 n'avait pas engendré une baisse de loyer. En 2022, le montant du loyer était déjà insuffisant.

La société ne pouvait s'opposer à la reprise au motif que l'AFC-GE n'avait pas réagi sur l'adaptation du loyer pendant plusieurs années dès lors qu'elle ne pouvait déduire un quelconque droit de précédent erroné.

Conformément à la pratique de l'AFC-GE, compte tenu de la similarité économique de la détention par le biais d'une société immobilière avec le régime de la propriété en nom, voire de la propriété par étages, le loyer du marché pouvait être déterminé en s'inspirant des règles applicables à la détermination de la valeur locative des immeubles détenus en nom. La valeur du marché du loyer avait donc été déterminée selon le même questionnaire de valeur locative que pour les personnes physiques, ce qui ne prêtait pas le flanc à la critique, d'autant plus que la société avait produit elle-même un questionnaire de valeur locative.

L'AFC-GE considérait que le questionnaire de la valeur locative 2023 produit par la société et dont il ressortait une valeur locative de CHF 60'095.- avait été rempli par la société pour les besoins de la cause et ne constituait pas une preuve suffisante d'une valeur locative en 2023. En effet, il était peu probable que la valeur locative puisse être inférieure au loyer réellement payé. Par conséquent, c'était le questionnaire de valeur locative ad hoc 2023 qui était déterminant et il en ressortait une valeur locative de CHF 86'041.-.

Une valeur locative de CHF 86'062.- ressortait du questionnaire de valeur locative 2013-2016 de sorte que le montant retenu au titre de distribution dissimulée de bénéfice de CHF 17'041 n'était pas disproportionné.

17.         Par réplique du 17 décembre 2024, la société a maintenu son recours.

Le sinistre avait causé une perte d'utilisation des mètres carrés et de privatisation en raison de la présence des corps de métiers. L'AFC-GE devait tenir compte de la valeur contractuelle qui seule correspondait à la valeur du marché. Enfin, la société n'avait jamais eu l'intention d'enrichir son actionnaire et son épouse.

18.         Dans sa duplique du 9 janvier 2025, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante reproche à l'AFC-GE d'avoir réintégré à son bénéfice imposable 2023 un montant de CHF 17'041.- lié à la différence entre le loyer comptabilisé de
CHF 69'000.- et le loyer du marché de CHF 86'041.- pour l'immeuble sis à F______ dont elle est propriétaire. Il n'est pas contesté que la société a mis à disposition de son actionnaire et de son épouse l'immeuble précité. Il s'agit en d'autres termes de déterminer si la différence de loyer constituait une distribution dissimulée de bénéfice, étant précisé que la recourante soutient que cette différence résulte de l'impossibilité d'utiliser une partie de la maison à la suite d'une inondation.

4.             Les art. 57 LIFD et 11 de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoient que l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui-ci comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial, tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (art. 58 al. 1 let. b LIFD).

5.             L'art. 24 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) prévoit que l'impôt sur le bénéfice a pour objet l'ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l'usage commercial portées au débit du compte de résultat.

L'art. 12 let. h LIPM dispose quant à lui que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société sont considérées comme bénéfice imposable. L'art. 12 LIPM correspond tant à l'art. 58 al. 1 let. b LIFD qu'à l'art. 24 al. 1 let. a LHID, quand bien même il est rédigé différemment (ATA/20/2019 du 8 janvier 2019 consid. 6d ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017).

6.             Bien qu'elles ne le mentionnent pas expressément, les dispositions précitées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice, soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable (ATA/737/2018 du 10 juillet 2018 consid. 6c ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016).

7.             Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_124/2016 du 31 janvier 2017 consid. 6.1).

8.             L'évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre des parties non liées entre elles et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce, soit si elle a respecté le principe de pleine concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6). En application de l'approche économique qui prévaut en la matière, les faits doivent être appréciés non seulement du point de vue de leur forme de droit civil, mais également du point de vue de leur contenu réel, en particulier économique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2015 et 2C_899/2015 du 12 octobre 2016 consid. 3.3 et les références citées).

9.             Les dépenses qui ne sont pas justifiées par l'usage commercial doivent être réintégrées au bénéfice imposable si elles ont été portées en déduction. Selon la jurisprudence, la justification commerciale d'une dépense dépend de son contexte. Sa nécessité effective pour l'entreprise n'est pas déterminante. Il suffit qu'il existe un rapport de causalité objectif entre la dépense et le but économique de l'entreprise. Le lien de causalité existe lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial. Tel n'est pas le cas des dépenses qui ne servent qu'à l'entretien de l'actionnaire ou à son propre plaisir. Dans ce cas, la société grève indûment son compte de résultats en prenant à sa charge des dépenses privées sous couvert de frais commerciaux (arrêts du Tribunal fédéral 2C_813/2017 précité consid. 8.1.2 ; 2C_124/2016 du 31 janvier 2017 consid. 6.1).

10.         La société qui perçoit de son actionnaire et locataire un loyer insuffisant lui accorde une prestation appréciable en argent, correspondant à la différence entre les loyers réduits à la couverture des frais et les loyers plus élevés, généralement payés sur le marché du logement (ATF 102 Ib 166 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014, 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6.2.1 ; 2A.368/1995 du 24 avril 1996 consid. 3). Il appartient à l'administration d'estimer le loyer que la société aurait pu encaisser en concluant avec des tiers. Cette valeur doit avoir été évaluée en fonction des éléments caractéristiques des locaux en cause et tenir compte de l'état du marché immobilier (ATF 107 Ib 325 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014, 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6.2.1 ; 2P.250/2004 du 13 juin 2005 consid. 3.3 ; 2A.39/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3.3). Il convient de déduire de cette valeur les intérêts hypothécaires effectivement versés par l'actionnaire locataire pour l'année fiscale en question (arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014, 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6.2.1 ; 2A.39/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3.3).

11.         Selon la jurisprudence, il y a, notamment, distribution dissimulée de bénéfice lorsqu'une société prend à sa charge des frais personnels d'entretien ou de hobby de l'actionnaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2018 du 15 juin 2018 consid. 2.4; 2C_795/2015 du 3 mai 2015 consid. 2.2), lorsqu'elle prend à sa charge des frais d'entretiens ou de travaux dans la villa de l'actionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_543/2008 du 27 mars 2009 consid. 3) ou lorsqu'elle assume les frais relatifs à un bateau, utilisé sans justification commerciale mais pour satisfaire le goût personnel de l'actionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_124/2016 précité consid. 6.3).

12.         En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2).

13.         De même, en ce qui concerne les prestations appréciables en argent faites par la société sans contre-prestation à ses actionnaires, il appartient en principe à l'autorité fiscale de les prouver, de sorte que le contribuable n'a pas à supporter les conséquences d'un manque de preuves, à moins qu'une violation de ses devoirs de collaboration puisse lui être reprochée (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ;
arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités
consid. 6 ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 5c). En présence d'une prestation à caractère insolite, la preuve directe que le bénéficiaire en est un actionnaire ou une personne proche de la société contribuable n'est pas nécessaire ; il suffit qu'une autre explication du déroulement de l'opération ne puisse être trouvée (ATF 119 Ib 431 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.2 in RDAF 2009 II 566). Dans la mesure où l'autorité fiscale a pu prouver qu'une prestation de la société est effectuée sans contrepartie correspondante, il appartient au contribuable de renverser cette présomption et de prouver le fondement de la charge invoquée.

14.         Dans la taxation des sociétés, s'agissant de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d'établir leur caractère de charge justifiée par l'usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s'assurer que seules des raisons commerciales et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (ATF 119 Ib 431 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 ; ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6e).

15.         Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/562/2015 du 2 juin 2015 consid. 9b).

16.         En l'espèce, l'immeuble sis à F______, propriété de la recourante, est loué par l'actionnaire unique de la société et l'épouse de ce dernier, laquelle est également administratrice présidente avec signature individuelle depuis le 19 décembre 2022. Ces derniers s'acquittent ainsi d'un loyer pour la mise à disposition de la maison propriété de la société. Reste à déterminer si le montant de ce dernier est conforme au marché.

Dans sa déclaration fiscale 2023, la recourante a inscrit un montant de CHF 69'000.- comme loyer pour l'immeuble sis à F______.

Par bordereaux de taxation ICC et IFD 2023, l'AFC-GE a constaté qu'un loyer insuffisant de CHF 17'041.- devait être repris au titre de distributions dissimulées de bénéfice et/ou avantages procurés à des tiers non justifiés par l'usage commercial. Le montant précité correspondait à la différence entre le loyer comptabilisé de CHF 69'000.- et le loyer du marché de CHF 86'041.- déterminé sur la base du questionnaire ad hoc.

Le tribunal constate que l'AFC-GE, dans sa décision sur réclamation, a tenu compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce pour déterminer le montant du loyer, soit notamment du fait que l'actionnaire de la société et son épouse ont continué à occuper l'immeuble malgré l'inondation et les dégâts occasionnés pour lesquels seul l'existence de frais d'intervention pour un montant de CHF 400.- avaient été démontrés. Dans ses conditions, son appréciation, soit qu'une réduction de loyer de CHF 17'041.- était disproportionné, ne prête pas le flanc à la critique

Devant la juridiction de céans, la recourante produit une "convention d'indemnité" de son assurance, soit de la G______, datée du 7 novembre 2023 et attestant qu'un montant de CHF 15'392.15 a été versé à la société et CHF 14'702.20 au locataire à la suite d'un dégât d'eau survenu le 14 septembre 2023. Ces documents ne sont pas à même de démontrer que le sinistre aurait empêché les locataires d'occuper une partie du logement ni que les circonstances auraient justifié une réduction de loyer pour un tiers locataire.

De plus, il ressort des déclarations fiscales et des comptes pertes et profits des années 2022 et 2023 que le loyer perçu par la société pour l'immeuble de F______ est identique si bien que le sinistre survenu en 2023 n'a pas eu de conséquence sur le montant de ce dernier.

Dès lors que la recourante n'a pas démontré sa volonté de diminuer le loyer en raison du sinistre, soit le bien-fondé de cette prestation effectuée au bénéfice de son actionnaire et un de ses proches, le tribunal constate qu'il n'a pas apporté la preuve de la charge invoquée.

Ce grief sera écarté.

17.         Dans un nouvel argument développé dans le cadre de son recours, la société fait valoir que l'AFC-GE n'avait pas réagi à l'adaptation du loyer pendant plusieurs années et que la valeur locative 2023 s'élevait à CHF 60'095.- conformément au formulaire annexé.

Une taxation en matière d’impôts directs n’acquiert l’autorité de la chose jugée que pour la période fiscale concernée ; les circonstances de fait et celles de droit peuvent être appréciées différemment lors d’une période de taxation ultérieure (ATF 140 I 114 consid. 2.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2019 du 6 mai 2019 consid. 5).

En matière fiscale, en application du principe de l’étanchéité (ou de l’indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l’autorité n’est pas liée pour l’avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée ; à défaut, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu’elle aurait pu commettre initialement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_383/2011 du 31 octobre 2011 consid. 3.3).

En l'espèce, si l'AFC-GE n'a pas réagi pendant plusieurs années à l'adaptation du loyer, la recourante ne peut se prévaloir de ce précédent erroné conformément à la jurisprudence précitée.

Quant au montant de la valeur locative retenu par l'AFC-GE, soit CHF 86'041.-, aucun élément ne permet de le remettre en doute, dès lors qu'il ressort du questionnaire de valeur locative ad hoc 2023, soit une valeur très proche de celle résultant du questionnaire de valeur locative 2013-2016 d'un montant de
CHF 86'062.-. Conformément à la jurisprudence citée supra, l'évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre des parties non liées entre elles et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce, soit si elle a respecté le principe de pleine concurrence. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la recourante, le loyer contractuel n'est pas pertinent et l'analyse de l'autorité ne prête pas le flanc à la critique.

Sur le dernier document permettant de déterminer la valeur locative, versé au dossier par la recourante, celle-ci a indiqué que l'immeuble a été construit en 2001 et que la surface habitable est de 233 m2. Sur le formulaire transmis en 2015 à l'autorité fiscale, la recourante avait indiqué l'année 2011 comme année de construction et une surface habitable de 378 m2. Deux caractéristiques pertinentes pour déterminer la valeur locative ayant été introduites de manière erronée, la valeur locative de CHF 60'095.- ne saurait être retenue.

Pour ces motifs, aucun élément ne permet de mettre en doute le montant retenu par l'AFC-GE, soit CHF 86'041.-.

Par conséquent, ces griefs seront également écartés.

18.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 septembre 2024 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 21 août 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Kristina DE LUCIA, présidente, Pascal DE LUCIA et Caroline GOETTE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Kristina DE LUCIA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière