Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/862/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 29 août 2024
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dans la cause
Messieurs A______, B______ et C______, représentés par Me Philippe EIGENHEER, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Messieurs A______, B______ et C______ (ci-après : les copropriétaires) sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune du D______, à l’adresse E______ 2______, D______. Une maison est notamment érigée sur cette parcelle. Elle est composée de plusieurs appartements locatifs dont un est occupé par Madame F______.
2. Par courrier du 21 décembre 2021, le département du territoire (ci-après : le DT ou le département) a informé les copropriétaires qu’il avait été porté à sa connaissance d’importants problèmes d’humidité et de moisissures dans le logement de Mme F______. Un délai de dix jours leur était imparti pour indiquer les mesures qu’ils entendaient prendre pour remédier à cet état d’insalubrité et présenter leurs observations.
3. Par décision du ______ 2022 le DT a fait part aux copropriétaires de son rapport de contrôle et des éléments constatés, à savoir, dans les menuiseries extérieures, des verres simples et des infiltrations d’eau (verres vétustes dont certains se décollent) et dans la salle de bain, une turbinette hors service et un radiateur sans vanne thermostatique et présentant une fuite. Cette situation constituait une infraction au sens de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) de sorte qu’il ordonnait, dans un délai de trente jours, la réfection du mastic des verres pour assurer une meilleure étanchéité, la pose de joints dans la feuillure, la réparation du radiateur et de la turbinette ainsi que l’installation d’une vanne thermostatique.
Il y avait également lieu de lui adresser un planning décisionnel du projet de construction des quatre villas ainsi que le numéro d’autorisation de construire y relatif. Enfin, si l’hoirie souhaitait exercer son droit d’être entendu, elle était invitée à le faire, par écrit et dans un délai de dix jours.
4. Par acte reçu au tribunal le 5 juillet 2022 MM. A______, B______ et C______ ont formé recours, sous la plume de leur conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision concluant, principalement, à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de la cause au DT pour instruction et nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens (cause A/3______).
5. Cette décision a été confirmée par jugement du tribunal du ______ 2022 (JTAPI/4______), puis arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du ______ 2023 (ATA/5______).
6. Le ______ 2022 le département a délivré l’autorisation de démolir M 6______.
7. Par avis du 30 mars 2023, le bail de l’appartement de Madame F______ a été résilié pour défaut de paiement du loyer.
Par requête du 28 avril 2023, déclarée non conciliée à l’audience devant la Commission de conciliation du 23 juin 2023 et portée devant le Tribunal de baux et loyers (ci-après : TBL) le 3 juillet 2023, Mme F______ a conclu à l’inefficacité du congé, subsidiairement à son annulation (cause C/7______).
8. Par courrier du 4 août 2023, le département, faisant suite à l’arrêt de la chambre administrative (ATA/5______), a accordé à MM. A______, B______ et C______ un délai de 30 jours pour rétablir une situation conforme au droit, en procédant à la réfection du mastic des verres pour assurer une meilleure étanchéité, à la pose des joints dans la feuillure, à la réparation du radiateur et de la turbinette de la salle de bain et à l’installation d’une vanne thermostatique dans ladite salle de bain.
9. Le 18 septembre 2023, MM. A______, B______ et C______ ont adressé au département un courrier sollicitant la suspension de la procédure en attendant l’issue de la procédure devant le TBL et en indiquant que la locataire interdisait tout accès aux parties communes de la maison et au jardin. Enfin, un permis de démolir la maison avait été délivré le ______ 2022.
10. Le département a répondu le 9 octobre 2023 que la demande de suspension relevait du droit privé.
Constatant par ailleurs que les travaux de petite envergure exigés dans sa décision du ______ 2023 n’avaient pas été exécutés, une amende était infligée.
11. Le ______ 2023, le département a délivré une autorisation de construire sur la parcelle portant sur la réalisation de quatre villas contiguës (APA 8______). Elle est entrée en force.
12. Par courrier du 23 novembre 2023, le département a confirmé qu’un contrôle de l’immeuble allait être effectué le 1er décembre 2023, lors duquel toutes les quittances de fin de travaux relatives aux points exigés dans la décision du ______ 2023 devraient être transmises. En outre, la remise en route du chauffage ainsi que l’entretien des parties communes devraient être effectués.
13. Le 27 novembre 2023, les copropriétaires ont sollicité que le contrôle sur place fut déplacé après le 24 décembre 2023.
Au surplus, le chauffage fonctionnait parfaitement et la requête concernant les parties communes était imprécise et ne figurait pas dans la décision rendue. Ils souhaitaient le prononcé d’une décision formelle sur ces deux points.
14. Le département a rendu une décision le ______ 2023.
Le contrôle sur place avait été maintenu le 1er décembre précédent au motif que la demande de report était parvenue tardivement.
Il avait, d’une part, été constaté que ses décisions des ______ 2022 et ______ 2023 n’avaient pas été respectées. Dès lors, il ordonnait sans délai de réaliser les mesures exigées.
D’autre part, il ordonnait, d’ici au 19 janvier 2024 de prendre les mesures suivantes, à savoir assainir les contrecœurs impactés par les infiltration d’eau et remettre en état ces surfaces, et confirmer la cause des moisissures de l’armoire encastrée dans le séjour et assainir ces moisissures. Un reportage photographique devait être transmis dans le même délai attestant de la réalisation de ces mesures.
15. Par courrier du 30 décembre 2023, les copropriétaires, expliquant la situation, ont demandé au département de retirer sa décision, ce qu’il a refusé de faire dans sa réponse 19 janvier 2024.
16. Par acte du 31 janvier 2024, les copropriétaires (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre la décision du département du ______ 2023 auprès du tribunal, concluant principalement à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants sous suite de frais et dépens.
L’art. 121 LCI n’avait pas la même portée que la réglementation sur les défauts prévue par le code des obligations. Il n’appartenait pas aux autorités administratives de se substituer à la juridiction des baux et loyers. Ainsi, ladite disposition ne pouvait trouver application que dans les cas d’une certaine gravité et lorsque les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la LCI n’étaient pas remplies.
La décision ne contenait aucune appréciation de la situation, n’expliquant pas en quoi les constats effectués permettaient de penser que lesdites conditions de sécurité et de salubrité ne seraient pas remplies ; il s’agissait tout au plus de défauts dont la locataire pourrait demander l’élimination dans le cadre d’une procédure civile. Les art. 120 ss et 129 ss LCI ne trouvaient ainsi pas application dans le cas d’espèce.
Subsidiairement, la décision violait le principe de proportionnalité dans la mesure où le département demandait la réalisation de travaux somme toute conséquents pour rénover partiellement une villa qu’il était prévu de démolir prochainement. La situation était différente de celle de 2022 dans la mesure où les autorisations de démolir et de construire étaient en force. Le contrat de bail de Mme F______ avait été résilié et la procédure devant le TBL touchait à sa fin. De plus, lors de la visite sur place, il avait été constaté que l’appartement comportait certains défauts mais était en bon état et qu’il y régnait une température agréable.
17. Le département s’est déterminé sur le recours le 27 mars 2024, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.
Dans la précédente procédure, les recourants avaient reconnu les problèmes d’humidité récurrents auxquels était confrontée leur maison qu’ils avaient malgré tout louée durant de nombreuses années. Il était surprenant qu’aujourd’hui ils prétendent que ces problèmes seraient tout au plus des défauts dont la locataire pourrait demander l’élimination dans le cadre d’une procédure civile. Il était notoire que des infiltrations d’eau, une turbine hors service dans une salle de bain et un radiateur défectueux, s’ils n’étaient pas forcément la seule cause de la présence d’humidité et de moisissures dans le logement, y contribuaient dans une large mesure. L’inspecteur avait constaté qu’hormis les problèmes de moisissures, les infiltrations étaient également à l’origine de l’effritement des contrecœurs avec toutes les conséquences que la réduction en poussière des substances chimiques utilisées pour « habiller » les murs d’une habitation, surtout anciennes, pouvaient avoir sur la santé des personnes qui y vivaient. Il était dès lors faux de prétendre que ces défauts seraient tout au plus de la compétence du juge civil.
Le fait d’avoir obtenu une autorisation de démolir la villa et de construire ne leur permettait pas de se soustraire à leurs obligations, ce d’autant plus qu’il apparaissait que l’un des appartements était encore habité par Mme F______ et son fils. S’il était exact que ces travaux allaient occasionner des frais, il n’en demeurait pas moins que la protection des personnes qui continuaient à vivre dans la maison devait, en l’espèce, être clairement privilégiée ce d’autant que les recourants ne démontraient pas que lesdits travaux, qu’ils ne chiffraient pas, les confronteraient à une situation financière difficile.
18. Par jugement du TBL du 8 avril 2024 (cause C/7______), le congé notifié le 30 mars 2023 à Mme F______ a été déclaré inefficace. Ce jugement fait actuellement l’objet d’un appel.
19. Les recourants ont répliqué le 24 avril 2024, persistant intégralement dans leurs conclusions.
Il ne ressortait pas du dossier que la peinture des contrecœurs contienne des substances chimiques nocives, tant souligné que les murs avaient été peints par la locataire au début du bail. Qui plus est si la police du feu devait intervenir dans tous les logements où la peinture s’effritait, ses effectifs seraient insuffisants. Ce fait suffisait à démontrer que cette autorité s’arrogeait des pouvoirs que le législateur n’avait pas souhaités lui conférer.
Ils avaient toujours soutenu que la prétendue humidité présente dans le logement et ses conséquences étaient potentiellement des défauts en sens du droit civil mais que leur présence ne fondait pas la compétence de la police du feu.
20. Le département a dupliqué, persistant intégralement dans ses écritures et ses conclusions.
21. A la demande du tribunal, les recourants ont produit des pièces complémentaires.
22. Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).
4. Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. S'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4). Aussi, peut-il admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter (ou le déclarer irrecevable) en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 139 II 404 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 2 ; 2C_44/2017 du 28 juillet 2017 consid. 2.1 ; 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 2).
5. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).
6. Les recourants font valoir une violation de l’art. 130 LCI en lien avec l’art. 129 LCI.
7. Selon l'art. 121 LCI, une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d'application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (al. 1).
Une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l'égard des usagers, du voisinage ou du public (al. 3 let. a) :
1. ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité ;
2. ni être la cause d'inconvénients graves ;
3. ni offrir des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions) par le fait que la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection.
8. Aux termes de l'art. 122 LCI, les propriétaires sont responsables, dans l'application de la présente loi et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations.
9. Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut notamment ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être prises lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application de ces deux dispositions (art. 131 LCI).
10. Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu’il n’invoque l’urgence (art. 132 al. 1 LCI).
11. L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées).
12. Conformément à l’art. 116 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses (RCI – L 5 05.01), doivent être ventilés :
a) les locaux de travail dépourvus de fenêtres ouvrant directement sur l’extérieur et ceux dans lesquels se dégagent des odeurs, tels que cuisines, salles d’eau, W.-C., buanderies ;
b) les locaux à conteneurs et de réception des dévaloirs.
13. Les normes de police des constructions ont à l’origine pour but de mettre en œuvre les intérêts publics de première importance, appelés intérêts de police, tels que la sécurité et la salubrité. Le cadre étroit du droit de police s’est, avec le temps, élargi pour s’étendre à la sauvegarde du bien-être de la population et viser l’esthétique et la tranquillité, voire d’autres intérêts publics qui vont au-delà de la notion traditionnelle d’intérêts de police. Les dispositions relatives à la salubrité des constructions permettent de prévenir des dangers pour la santé de l’homme. Parmi celles-ci, on compte les normes réglementant l’utilisation des pièces, notamment sur des questions d’éclairage (surface minimum de fenêtre par rapport à la surface de plancher, droit de vue) et celles relatives aux locaux enterrés. (ATA/1334/2015 du 15 décembre 2015 consid. 3 ; cf. aussi ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2c et les références citées). L’art. 121 LCI tombe dans cette catégorie des normes de police des constructions et sert donc un intérêt public « de première importance ».
14. L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1349/2017 du 3 octobre 2017 consid. 10 ; ATA/1253/2015 du 24 novembre 2015 consid. 5d ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 566).
15. En l’espèce, le département a ordonné aux recourants, dans la décision querellée, d’assainir les contrecœurs impactés par les infiltrations d’eau et remettre en état ces surfaces (séjour et chambre), et de confirmer les causes des moisissures de l’armoire encastrée dans le séjour et d'assainir ces moisissures. Il indique avoir constaté ces éléments lors d’une visite in situ effectuée le 1er décembre 2023 sans la présence des recourants et sans instrument de mesure particulier. Par ailleurs, dans ses écritures, il explique notamment que l’effritement des contrecœurs pouvait avoir des conséquences sur les personnes qui y vivaient du fait de la réduction en poussière des substances chimiques utilisées pour « habiller » les mur d’une habitation, surtout ancienne.
Or, force est de constater que le dossier ne contient ni le rapport de la visite in situ du 1er décembre 2023 lors duquel les constatations ont été effectuées, ni d’éventuelles photographies ou résultats analyses qui corroboreraient lesdites constatations – le département reconnaissant lui-même dans sa décision que ses constatations avaient été faites sans instruments de mesure particulier. Le département n’apporte par ailleurs aucun élément concret à l’appui de son affirmation que des substances chimiques seraient présentes sur les murs et se réduiraient en poussière suite à leur effritement, ce qui porterait atteinte à la santé des occupants du logement.
De même, la lecture du dossier ne permet pas de comprendre l’étendue et la qualité de la moisissure présente dans l’armoire du séjour, aucune photo ou analyse technique n’ayant été produite.
Dès lors, le tribunal ne peut déterminer si la villa présente aujourd’hui une situation d’insalubrité du fait de l’effritement de contrecœurs et de la présence de moisissure dans une armoire qui fondrait une compétence du département, sur le base de l’art. 121 LCI, pour ordonner aux recourants les mesures décrites et, cas échéant, de se déterminer sur la proportionnalité des mesures ordonnées après avoir effectué une pesée des intérêts en présence en connaissance de cause.
16. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le dossier envoyé au département pour instruction complémentaire.
17. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L'émolument versé par les recourants leur sera restitué.
18. Une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge du département sera allouée à MM. A______, B______ et C______ conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable recours interjeté le 31 janvier 2024 par Messieurs A______, B______ et C______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;
2. l'admet ;
3. renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à Messieurs A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, de l’avance de frais de CHF 900.- ;
4. condamne l'Etat, soit pour lui le département du territoire, à verser à Messieurs A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |