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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1208/2023

JTAPI/651/2024 du 27.06.2024 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;QUALITÉ POUR RECOURIR
Normes : LaLCR.2; LaLCR.5.al2; RaLCR.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1208/2023 LCI

JTAPI/651/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

A______, B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA, F______ SA, représentées par Me Robert ANGELOZZI, avocat, avec élection de domicile

Madame G______, Madame H______ et Monsieur I______, représentés par Me Yannick FERNANDEZ, avocat, avec élection de domicile

Monsieur J______, intervenant

Madame K______, intervenante

Monsieur L______, intervenant

 

Monsieur M______, intervenant

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DES CONSTRUCTIONS ET DE LA MOBILITÉ

 


EN FAIT

1.             En date du ______ 2022, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d'autorisation de construire visant le réaménagement de voiries et la réglementation de la circulation sur l'avenue N______, laquelle a été enregistrée sous le numéro DD 1______.

2.             Les parcelles concernées, portant les nos 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10_____, 11_____, 12_____, 13_____, 14_____, 15_____, 16_____, 17_____, 18_____, 19_____, 20_____, 21_____, 22_____, font partie du domaine public communal. La parcelle n° 23_____ appartient au domaine privé de la ville et la parcelle n° 22_____ est propriété de O______.

3.             Selon la notice mobilité – limitations à 30 km/h – avril 2022, de la ville, l'avenue N______ est située sur le côté ouest de P______ et longe une partie du secteur de la Q______. Elle mesure environ 800 mètres. Elle connecte au nord avec : la place R______, le boulevard S______, la rue T______ et au sud avec le carrefour U______, l'avenue V______, le boulevard W______, le boulevard X______, la rue Y______. Sur sa longueur, elle connecte avec neuf rues, la rue Z______ (sens unique débouchant sur l'avenue N______), la rue AA_____ (sens unique débouchant sur l'avenue N______), la rue AB_____ (sens unique depuis l'avenue N______), rue AC_____ (double sens de circulation), rue AD_____ (double sens de circulation), rue AE_____ (anciennement rue AF_____) (sens unique depuis l'avenue N______), rue AG_____ (double sens de circulation), rue AH_____ (double sens de circulation), rue AI_____ (zone piétonne autorisée au cycle des zones résidentielles).

Cet axe permet les déplacements Nord-Sud dans le réseau structurant en rive gauche depuis le pont AJ_____ en direction de AK_____, des AL_____ ou AM_____ ainsi que la desserte de nombreuses voies en réseau de quartier entre la Q______ et le AN_____. Elle assure les connexions au réseau secondaire qui mène à la Q______, la AO_____ ou AP_____.

Cette avenue est en sens unique et sa vitesse est réglementée à 50 km/h.

La voie est desservie par deux lignes TPG et comporte trois arrêts.

Un trottoir et un chemin sont présents sur les deux côtés de l'avenue.

Au niveau de la chaussée, les aménagements suivants sont répertoriés : une voie réservée aux bus, taxis, vélos et cyclomoteurs depuis la place R______ jusqu'à la hauteur de la rue AH_____, puis la voie de bus et taxis se prolonge jusqu'à hauteur de la rue AI_____.

Une bande cyclable entre la rue AH_____ jusqu'au carrefour U______.

Une voie pour les transports individuels motorisés (TIM), avec selon les intersections ou l'accès au parking public de l'axe, deux à quatre voies.

Le stationnement longitudinal blanc payant 90 minutes pour les voitures (36), case deux-roues et vélos (50), places pour livraison (12) et pour taxis ainsi qu'une case « Handicapé ».

4.             Le projet concerne toute la longueur de l'axe et les accroches aux rues perpendiculaires.

Il prévoit :

– la réduction sur une partie de l'axe du gabarit à une voie de circulation individuelle ;

– le maintien de la voie de bus entre la place R______ et la rue AI_____ et la création du prolongement de la voie de bus entre la rue AI_____ et le carrefour U______ ;

– l'introduction d'un aménagement cyclable (en piste essentiellement et avec un tronçon en mixte avec la voie de bus entre AC_____ et AH______) ;

– le réaménagement des voiries avec végétalisation et arborisation comprenant un système de mutualisation de gestion des eaux pluviales ;

– le réaménagement des collecteurs ;

– la relocalisation des cases livraison, « Handicapé » et des places deux-roues motorisés dans les rues perpendiculaires du quartier de la Q______.

S'agissant de la réduction du gabarit de la rue, le projet prévoit l'élargissement des trottoirs pour insérer des trottoirs/jardins/placettes. Cet aménagement prévoit d'introduire de la végétation pour créer des espaces publics permettant de lutter contre les îlots de chaleur, augmenter la biodiversité, créer un espace convivial pour les habitants et les commerçants du secteur.

L'aménagement nécessite la suppression des places de stationnement (horodateurs), de livraison (douze) et des places deux-roues motorisés situées sur l'avenue N______. La compensation des places de stationnement se fera par la création de places de livraison (quatorze) et de places deux-roues motorisées dans les rues perpendiculaires. S'agissant des 36 cases blanches, payantes, elles seront compensées dans le parking de AK_____, à proximité, selon le principe de compensation.

En matière de réduction contre le bruit, sont prévues la pose d'un revêtement phonoabsorbant et une réduction de la vitesse à 30 km/h.

5.             L'avenue N______ fait partie du réseau primaire.

Un degré de sensibilité III (DS III) au sens de l'art. 43 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) lui est attribué ainsi qu'à tout le quartier de AK_____ selon l'arrêté du Conseil d'État du ______ 2005 approuvant le plan n° 24_____.

6.             Les valeurs du cadastre du bruit de 2014 indiquent que les valeurs de jour sont de 69 dB(A) et de 64 dB(A) de nuit.

7.             Par publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du ______ 2022, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a mis à l'enquête publique la réglementation locale du trafic à l'avenue N______, place R______, rue Z______, rue AA_____, rue AC_____, rue AD_____, rue AE_____ (anciennement rue AF_____) qu'il entendait intégrer dans son préavis liant dans le cadre de l'autorisation de construire DD 1______.

8.             Le rapport explicatif du 1er juillet 2022, versé au dossier de l'enquête publique, rappelait le souhait de la ville d'effectuer un réaménagement de l'avenue N______ et précisait, entre autres, que « la réduction du gabarit à une voie de circulation individuelle, le maintien d'une voie réservée aux TPG/taxis, la suppression du stationnement, l'introduction d'une piste cyclable, l'élargissement des trottoirs et l'aménagement de trottoirs traversant, offrent l'opportunité à l'avenue N______ de renouveler son rôle d'interface entre les quartiers et P______. De plus, les nouveaux gabarits routiers nécessitent un abaissement de la vitesse à 30 km/h pour respecter les normes VSS. (…) ». Il convenait dès lors dans le cadre du projet de réaménagement de l'avenue N______, d'abaisser la vitesse à 30 km/h sur cette avenue, de supprimer le stationnement et les stops au droit des trottoirs traversants, de signaler la piste cyclable et la case pour handicapés, ainsi que le nouveau schéma de circulation pour la rue AE_____.

9.             Dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de construire, le département a recueilli divers préavis :

- le 3 janvier 2023, la police du feu a rendu un préavis favorable sous conditions en rappelant « que l'accès des sapeurs-pompiers devait être conforme à la directive n° 7 du règlement d'application de la loi sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers »;

- le 25 janvier 2023, l'OCT a rendu un préavis favorable sous conditions.

Le même jour, il a également émis un préavis liant, arrêtant la réglementation de la circulation à l'avenue N______, la place R______, la rue Z______, AA_____, AC_____, AD_____ et AE_____. Selon ce préavis, la vitesse maximale autorisée était fixée à 30 km/h. Cette prescription était indiquée par des signaux « vitesse maximale 30 ». Ce préavis prévoyait également la suppression de toutes les places de stationnement sur l'avenue N______, y compris les places de livraison ou les places en faveur des personnes handicapées et l'instauration d'une piste cyclable, et d'une voie de bus propre en ligne continue. De plus, la rue AE_____, à son débouché sur l'avenue N______, constituait une impasse pour le trafic motorisé ;

- le 31 janvier 2023, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable sous conditions, comprenant les remarques suivantes : « cette demande d'autorisation de construire concerne des aménagements des voiries sur l'avenue N______. Ce projet implique des modifications du schéma de circulation existant, des aménagements de carrefours ainsi que le déplacement de l'axe des voies routières. Ces modifications sont notables au sens de l'OPB et implique la démonstration du respect de l'art. 8 al. 2. Les modifications apportées par ce projet sont par ailleurs susceptibles de redistribuer les charges de trafic sur d'autres axes ; par conséquent les exigences de l'art. 9 OPB doivent être démontrées. Ces points n'avaient pas été traités dans le dossier que nous avions préavisé le 27 mai 2022 et une demande de complément avait été formulée par le SABRA, à laquelle la note technique rédigée par la ville (document « avenue N______ – réaménagement – note technique OPB – août 2022/AGCM/LF » a répondu. Sur la base de cette note technique, et compte tenu de plusieurs incertitudes (notamment sur les charges de trafic, et les caractéristiques de revêtement actuel), le SABRA n'est pas en mesure de valider de façon certaine que les exigences de l'art. 8 OPB sont respectées avec marge. Pour cette raison il émettait un préavis favorable sous les conditions suivantes qui devaient permettre de confirmer le respect des art. 8 et 9 OPB :

– mise en place impérative de revêtement phono-absorbant et limitation des vitesses signalées sur l'ensemble de l'axe à 30 km/h de jour comme de nuit ;

– des mesurages acoustiques de contrôle des niveaux d'immissions seront effectués par le SABRA en plusieurs emplacements de l'axe, avant et après la réalisation du projet. Des comptages trafic seront effectués par le SABRA au moyen d'un véhicule de mesure adapté ;

– des mesurages acoustiques de contrôle de type SPB seront effectués par le SABRA en plusieurs emplacements de l'axe, avant et après la réalisation du projet. Ces mesurages permettront de vérifier les caractéristiques phoniques des revêtements ;

– une coordination entre le SABRA et l'AGCM est impérative pour assurer le bon déroulement des mesurages mentionnés ;

– dans le cas où les mesurages indiqueraient que les VLI ne sont pas respectées après réalisation du projet, un projet d'assainissement du bruit routier devra être engagé et se conformer aux exigences du manuel du bruit routier (évaluation à l'état + 20 ans avec étude acoustique détaillée de tout le périmètre) ;

– application des directives « Air Chantier » et « bruit sur les chantiers » lors de la phase de réalisation ».

10.         Aux termes de l'instruction de la requête et sur la base des préavis recueillis, le DT a prononcé une décision globale d'autorisation de construire au sens de l'art. 3A al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le ______ 2023, laquelle a été publiée dans la FAO le même jour. Le préavis liant de l'OCT du 25 janvier 2023 relatif à la règlementation de la circulation faisait partie intégrante de cette décision.

11.         Par acte du 30 mars 2023, l'A______ (A______), B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA, F______ SA (ci-après : A______ et consorts) ont recouru, sous la plume de leur conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du ______ 2023. Cette procédure a été enregistrée sous A/1208/2023.

Elles ont conclu préalablement à l'apport du dossier concernant la décision d'autorisation de construire DD 1______/1 en possession de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) ; au fond, à l'annulation de l'autorisation de construire et du préavis liant de l'OCT, sous suite de frais et dépens.

La qualité pour recourir devait leur être reconnue.

B______ SÀRL exploitait le bar dancing AQ_____ situé à l'avenue N______, 25______, lequel se faisait livrer quasiment chaque jour un grand nombre de boissons pour son activité. Elle avait besoin de pouvoir disposer de places de livraison au plus proche de l'établissement, ou du moins que ses fournisseurs puissent s'arrêter pour décharger les marchandises en bordure de route, tout en respectant les normes prévues par la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). La suppression des places de livraison et l'intégration d'une voie de bus et d'une bande cyclable en ligne continue affectaient de manière conséquente l'organisation de son travail et son activité économique. Elle disposait dès lors d'un intérêt digne de protection.

AR_____ SÀRL, exploitait le bar D______ situé à l'avenue N______, 26______, à l'angle avec la rue AG______. Elle se faisait livrer quasiment chaque jour un grand nombre de boissons dans le cadre de son activité. Elle avait besoin de pouvoir disposer de places de livraison au plus proche de l'établissement, ou du moins que ses fournisseurs puissent s'arrêter pour décharger les marchandises en bordure de route, tout en respectant les normes prévues par la LCR. Elle disposait dès lors d'un intérêt digne de protection.

C______ SA exploitait un garage de vente et de réparation de motocycles sur l'avenue N______, 27______ et se faisait livrer chaque semaine des pièces de moteurs ou des véhicules. Il était essentiel que les entreprises qui lui livraient ces objets puissent s'arrêter au plus près, notamment du fait que les pièces livrées étaient lourdes. Elle avait besoin de pouvoir disposer de places de livraison au plus près de son commerce, ou du moins que ses fournisseurs puissent s'arrêter pour décharger les marchandises en bordure de route, tout en respectant les normes prévues par la LCR. Elle disposait dès lors d'un intérêt digne de protection.

E______ SA était une entreprise ayant pour but de recycler les déchets. Dans le cadre de son activité, elle collectait entre autres les déchets (médicaments, pansements, seringues) des cabinets médicaux et des pharmacies qui se trouvaient dans le quartier AS_____, plus particulièrement se situant sur l'avenue N______. Ses véhicules devaient pouvoir s'arrêter de manière rapide et fréquente sur cet axe afin de pouvoir collecter ces déchets, qui pouvaient être dangereux. La suppression des places de livraison et l'intégration d'une voie de bus et d'une bande cyclable en ligne continue affectaient de manière conséquente l'organisation de son travail. Elle disposait dès lors d'un intérêt digne de protection.

F______ SA avait pour but l'exploitation d'un commerce de charcuterie-boucherie-traiteur ; l'importation et le commerce de vin en bouteilles, de boissons et produits alimentaires ; service de restauration, organisation de manifestations et exploitation de salles de banquet.

Elle était sollicitée de manière régulière pour les commerces et entreprises qui se trouvaient à l'avenue N______, notamment pour assurer un service de traiteur lors d'événements tels que des vernissages. Étant donné qu'elle transportait du matériel lourd (nourriture en grande quantité, services et ustensiles de cuisine), elle devait pouvoir disposer de places de livraison ou pouvoir s'arrêter à proximité de ses clients. La suppression des places de livraison et l'intégration d'une voie de bus et d'une bande cyclable en ligne continue affectaient de manière conséquente l'organisation de son travail. Elle disposait dès lors d'un intérêt digne de protection.

A______ était une association de droit suisse. Elle avait notamment pour objectif la réalisation du but de l'association centrale (A______ Suisse), en particulier sur le plan régional et cantonal ; d'assurer les relations avec les autorités cantonales et communales dans le cadre de l'examen des problèmes spécifiques au transport et à l'association ». Elle développait et représentait les intérêts de ses membres sur le plan économique, politique et juridique » et accomplissait les tâches qui lui étaient confiées par le comité central et le comité de gestion (cf art. 1 des statuts de la section genevoise et art. 2 des statuts l'association centrale).

Elle comptait une centaine de membres, personnes physiques ou morales possédant des véhicules utilitaires servant au transport professionnel ou pour compte propre des personnes ou de marchandises ou encore qui exploite une maison d'expédition par camion sur le territoire cantonal (art. 3a des statuts).

Lors de sa séance du 29 mars 2023, son comité avait pris la décision de recourir contre l'autorisation de construire du ______ 2023.

Les statuts d'A______ prévoyaient la possibilité de défendre ses membres en justice. Parmi ces derniers, figuraient notamment des entreprises qui collectaient des déchets, de déménagement, qui livraient du mazout, des transporteurs de personnes handicapées et de personnes physiques ou encore des entreprises de livraison de nourriture ou de biens/matériaux de tous types. La majorité de ses membres était susceptible de transporter des personnes ou livrer des entreprises sises à l'avenue N______.

Comme la décision querellée prévoyait la suppression des places de livraison sur l'avenue en question ainsi que le marquage des voies par une ligne continue, empêchant les entreprises de livraison de s'arrêter pour charger ou décharger, chacun de ses membres revêtait la qualité pour recourir. Partant, sa qualité pour recourir devait être reconnue.

L'autorisation de construire querellée ainsi que l'arrêté liant de l'OCT avaient pour conséquence de supprimer toutes les places de stationnement, y compris les places de livraison sur l'entier de l'avenue N______ en violation des art. 7 al. 2 et 7A de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05), péjorant de la sorte les conditions de travail des professionnels. En effet, il serait bien plus difficile pour les entreprises de transport de trouver un espace pour s'arrêter afin de procéder aux chargements ou déchargements voulus. Elles n'auraient pas d'autre choix que de chercher, sans garantie d'en trouver, des places de livraison dans les rues adjacentes, alors que les places supprimées avaient justement pour but de permettre une livraison rapide et aisée aux commerces, en particulier ceux des recourantes.

Bien que l'autorisation de construire prévoyait la création de places de livraison dans les rues adjacentes, il n'en subsisterait pas moins un désagrément pour les commerces et restaurants de l'avenue N______, car ceux-ci ne seraient plus desservis conformément à ce que prévoyait le plan d'action de stationnement 2020 – 2025, lequel avait donné à l'État la mission de développer le stationnement pour les professionnels, afin d'améliorer l'attractivité des petits commerces.

De plus, les employés des entreprises de livraison devraient porter à pied les marchandises à livrer, lesquelles pouvaient peser plusieurs centaines de kilos. Ce réaménagement péjorerait leurs conditions de travail ainsi que celles des commerçants et restaurateurs de l'avenue N______. Il provoquerait un rallongement des temps de livraison à cause des marchandises qu'il faudrait manutentionner sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres et par conséquent une augmentation des coûts y relatifs. Alors que l'inflation était déjà conséquente, les commerces et restaurateurs de l'avenue en question n'avaient pas à assumer une augmentation du prix de ces services qui découleraient d'une violation des dispositions légales par l'État. L'autorisation de construire querellée leur créait ainsi un préjudice économique important.

Des solutions avaient été proposées par l'A______ dans le cadre de l'enquête publique, lesquelles visaient à maintenir une place de livraison par blocs d'immeubles afin d'assurer la desserve des commerces et autres restaurants. Elle avait également proposé de procéder à la requalification de la piste cyclable en bande cyclable afin que les véhicules de livraison puissent s'arrêter au bord de la chaussée pour charger/décharger leurs marchandises conformément à l'art. 21 al. 2 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11). En supprimant toutes les places de livraison, la décision querellée violait le principe de proportionnalité.

En l'état actuel, les marquages au sol des lignes séparant les voies de circulation de celle de la voie de bus/piste cyclable étaient discontinus. Il était donc licite pour une entreprise de livraison de s'arrêter quelques instants sur la chaussée au sens de l'art. 37 al. 2 LCR.

L'autorisation querellée prévoyait la modification de voies de circulation sur l'avenue, soit la création d'une voie de bus dont la ligne de séparation avec la voie de circulation réservée aux transports motorisés était en continu. De ce fait, les entreprises de transport ne pourraient plus traverser la voie de bus pour venir s'arrêter sur la chaussée droite de l'avenue. Cette modification péjorerait considérablement leurs conditions de travail, car ces véhicules devraient bifurquer dans les rues perpendiculaires pour essayer de s'arrêter au plus près des commerces/particuliers à livrer.

Cette politique allait également à l'encontre du plan d'action de stationnement précité.

L'avenue N______ était considérée comme un axe primaire. Dès lors, la fluidité du trafic devait être assurée sur cet axe. Or le projet de réaménagement contesté prévoyait non seulement une réduction des voies de circulation pour le transport motorisé mais également une réduction de la vitesse à 30 km/h sur l'entier de l'avenue. À ce titre, il convenait de rappeler, que selon sa stratégie de vitesse, publiée le 9 juin 2022, l'OCT avait indiqué que la vitesse sur l'avenue était maintenue à 50 km/h. Il était ainsi légitime de se demander en quoi ces mesures permettraient d'assurer une fluidité du trafic tel que le prévoyait la loi. L'aménagement actuel assurait une fluidité du trafic convenable, alors même qu'une voie de circulation avait été supprimée en date du 20 mai 2020, suite à l'introduction des « Coronapistes ». Le réaménagement contesté ne permettait non seulement plus de s'arrêter pour livrer sur l'axe en question, mais en sus, il obligeait les véhicules à réduire leur vitesse de presque de moitié. Dès lors qu'il n'y avait plus d'arrêt possible sur cet axe, on ne comprenait pas pour quelle raison il convenait de réduire la vitesse. Par ailleurs, cette mesure risquait d'accentuer les nuisances sonores du fait que les véhicules devraient s'arrêter à chacun des quatre feux qui se trouvaient sur cette avenue de la place R______ à AT_____, ce qui impliquerait un redémarrage des moteurs à chaque fois que l'un de ces feux passerait au vert. Enfin, s'agissant de la piste cyclable proposée sur la voie la plus à droite de l'axe, il aurait été préférable de la construire sur P______, notamment en termes de sécurité. Cette solution aurait permis d'assurer une desserve conforme à la loi pour les commerces et restaurants tout en appliquant les objectifs définis, à savoir la construction d'un axe dédié à la mobilité douce sur cette avenue.

Le préavis du département de l'économie faisait défaut, de sorte que l'autorisation de construire devait être annulée. En effet, le projet querellé prévoyait une refonte complète de la voirie sur l'avenue N______ mais aussi de la circulation des autres rues attenantes. Le projet prévoyait la suppression de toutes les places de stationnement sur l'avenue N______ ainsi que d'une voie de circulation affectée au transport motorisé. Par ailleurs, cette avenue comptait 110 entreprises inscrites au registre du commerce dont plus de 40 commerces et restaurants. Elle devait être considérée comme zone d'intense activité.

Enfin, l'autorisation querellée avait pour conséquence de restreindre l'attractivité et l'accessibilité des commerces, restaurants et entreprises sises sur l'avenue N______. Il s'agissait d'un inconvénient majeur, de sorte que l'art. 14 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avait été violé.

12.         Par acte du 30 mars 2023, Madame G______, Madame H______ et Monsieur I______ ont, sous la plume de leur conseil, formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, ils ont sollicité l'audition de la police du feu.

Cette procédure a été enregistrée sous A/1216/2023.

Mme H______ et M. I______ louaient chacun un appartement dans un immeuble au 28______, avenue N______ et Mme G______ dans l'immeuble d'à côté, au n° 29______. Ils se trouvaient aux premières loges des nuisances sonores que le projet de trottoir-jardin, associé à un mobilier urbain induirait. En outre, sur le plan sécuritaire, les arbres qui seraient plantés empêcheraient tout travail aérien des véhicules auto-échelle sur leur immeuble, leur faisant courir un risque. Ils subiraient également la suppression des places de stationnement qui n'étaient pas compensées, dans un quartier déjà très pauvre en places de parc. Directement touchés par l'autorisation de construire attaquée, ils disposaient d'un intérêt personnel digne de protection a à ce qu'elle soit annulée.

La décision contrevenait à l'OPB.

Ils ne comprenaient pas l'impact de 5.8 dB(A) relatif à la pose du revêtement phonoabsorbant.

Le concept proposé pour les futurs aménagements, à savoir celui de trottoir-jardin, associé à un mobilier urbain, n'avait fait l'objet d'aucune analyse « bruit ». Si le mobilier urbain ne provoquerait pas de nuisances, les bruits de comportement des usagers liés à l'exploitation de ces installations auraient dû être examinés.

Dans son préavis du 8 juin 2022, la police du feu avait demandé une modification du projet après avoir relevé que les éléments fournis ne permettaient pas de juger des voies d'accès des engins du service d'incendie et de secours conformément à la directive n° 7 du règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 (RPSSP - F 4 05.01). La police du feu avait spécifiquement relevé que la végétation mise en place ne permettait pas d'établir que l'échelle puisse manœuvrer correctement, notamment, les hauteurs sous assiette, les essences des arbres et la hauteur des arbres. Ainsi, pour les endroits sensibles, liée à des arbres de plus de 2,5 mètres, la manœuvrabilité de la tourelle du camion échelle pompiers devait être démontée. Il ressortait des coupes produites par la ville à cet effet qu'aux endroits où les arbres s'élèveraient de 7 à 12 mètres, la manœuvrabilité de la tourelle du camion échelle serait impossible. Ce faisant l'autorisation de construire violait la directive CSSP ainsi que la directive n° 7 RPSSP en ne garantissant pas des accès suffisants pour les véhicules de secours.

L'autorisation de construire consacrait une violation de la LaLCR en ne compensant pas les cases de stationnement supprimées en voirie.

13.         Par actes distinct des 24 avril et 1er mai 2023, Monsieur L______, Monsieur M______, Monsieur J______ et Madame K______ se sont adressés au tribunal lui indiquant qu'ayant eu connaissance du recours précité et qu'en tant que riverains de l'avenue N______, ils étaient directement impactés par le projet de végétalisation et soutenaient les conclusions prises par les recourants.

Ils ont ultérieurement confirmé qu'ils entendaient prendre part à la procédure en tant qu'intervenants A/1216/2023.

14.         Le 20 juillet 2023, la ville s'est déterminée sur les deux recours concluant à leur irrecevabilité, subsidiairement à leur rejet.

A/1208/2023

B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL ne retireraient aucun avantage pratique du recours.

E______ et F______ SA ne démontraient pas être plus affectées que n'importe quel usager de l'axe en question et n'avaient aucun rapport de proximité avec le projet litigieux. Elles n'avaient donc pas la qualité pour recourir.

L'A______ n'établissait pas que ses membres seraient plus affectés que n'importe quel autre usager de l'axe en question et n'avait donc pas la qualité pour recourir.

Si l'aménagement litigieux supprimait douze places de stationnement livraison sur l'axe en question, elles seraient compensées par quatorze nouvelles cases livraison dans les rues adjacentes. Afin de faciliter l'accessibilité aux commerces de l'avenue N______ et limiter les déplacements, les places avaient été placées au plus proche de l'avenue. Cette suppression était compatible avec la LMCE, la LMob et le plan de stationnement, y compris le plan d'action Marchandise et logistique urbaine adoptée par le Conseil d'État le 20 avril 2020.

Le fait que les entreprises de livraison doivent transporter les marchandises quelques mètres supplémentaires ne constituait pas un inconvénient tel qu'il conduirait à une violation des dispositions légales précitées.

Qu'il s'agisse de F______ SA ou de E______, les cases livraison étaient compensées et permettraient d'assurer les services proposés. Pour E______, dont le but était le recyclage des déchets, le plan d'action marchandise et logistique urbaine prévoyait d'optimiser les horaires et l'accessibilité de la levée des déchets au centre-ville et cela dans le but d'améliorer les conditions de circulation et pour fluidifier les livraisons au centre-ville. F______ SA et E______ bénéficiaient d'un accès assez large avec les cases livraison à chaque intersection avec l'avenue N______.

Les places de livraison prévues permettaient de garantir une correcte distribution des commerçants sans péjoration par rapport à la situation actuelle.

Contrairement à ce que soutenaient les recourantes, les art. 37 al. 2 LCR et 21 OCR ne leur permettaient pas de s'arrêter sur toutes les voies publiques. Ces dispositions n'autorisaient pas le stationnement de longue durée pour charger ou décharger des marchandises, comme par exemple, le stationnement d'un camion pendant près d'une heure pour livrer de la bière.

L'aménagement et les mesures prises dans le cadre du projet contesté n'allaient pas à l'encontre du plan de stationnement, lequel ne garantissait pas aux commerces l'accessibilité au droit de leurs arcades. Si les habitudes devraient peut-être être changées il ne s'agissait rien de totalement disproportionné, qui rendrait l'aménagement totalement inadéquat. Faute de violation de la LaLCR ou du plan de stationnement, le grief était infondé.

Le fait que l'avenue N______ faisait partie intégrante du réseau primaire, n'empêchait pas l'abaissement de la vitesse. Cette mesure était nécessaire afin de réduire le bruit sur cet axe. L'aménagement cyclable réalisé après la pandémie n'avait pas permis un abaissement du bruit suffisant, obligeant ainsi les autorités à prendre des mesures complémentaires.

Il n'était pas contesté que le préavis du département de l'économie et de l'emploi (ci-après : DEE) n'avait pas été sollicité. En effet, le secteur considéré n'était pas situé dans une zone d'intense activité commerciale.

Les aménagements prévus par l'autorisation de construire querellée étaient minimes. Le seul véritable changement pour les commerçants était l'impossibilité de livrer en utilisant la voie de bus, ce qui restait aujourd'hui une pratique illicite car contraire à la LCR ou l'OCR. Par ailleurs, l'abaissement de la vitesse et l'élargissement du trottoir avec beaucoup de végétation apporteraient un apaisement qui devrait être favorable au développement des activités commerciales.

Le grief selon lequel l'aménagement querellé serait la cause d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI était infondé.

Le projet avait pour premier objectif de réaliser des collecteurs. Profitant de travaux conséquents, l'axe bénéficierait d'un élargissement et de la végétalisation de l'espace à disposition pour les piétons ainsi que d'un abaissement des nuisances sonores. Cet aménagement profiterait aux habitants du quartier, mais également aux commerçants qui verraient l'attractivité de leur arcade augmenter. Malgré les craintes des recourantes, les commerçants seraient correctement desservis, les cases de stationnement livraison à l'entrée de chacune des rues perpendiculaires à l'avenue N______ permettant d'assurer une desserte plus que suffisante pour l'exploitation de leur activité.

A/1216/2023

Compte tenu de l'abaissement du bruit du trafic routier, les recourants ne retireraient aucun intérêt pratique de leur recours. L'aménagement en question créait un espace plus convivial qui devrait bénéficier aux habitants, et n'engendrerait pas de nuisances supplémentaires. Les éventuels comportements illicites des usagers ne pouvaient être reprochés à la ville et la police, municipale ou cantonale, serait chargée d'assurer le respect du règlement concernant la tranquillité publique. S'agissant des places de stationnement, les recourants ne démontraient pas être au bénéfice d'un macaron pour l'usage de la zone de stationnement zone bleu. Ils n'avaient dès lors pas la qualité pour recourir et leurs griefs étaient irrecevables.

Quant aux intervenants, M. M______ invoquait des nuisances nocturnes subies par ses voisins qu'il ne subirait pas lui-même. Il n'exposait pas en quoi il était directement lésé par la suppression de places de stationnement, étant d'ailleurs précisé qu'elles étaient compensées dans le parking de AK_____. Enfin, il n'était pas légitimé à intervenir en faveur de ses clients. Les autres intervenants ne démontraient pas un intérêt direct à la modification de la décision querellée.

15.         Par actes séparés du 21 juillet 2023, le département a transmis ses observations aux recours accompagnées de son dossier.

Il a conclu à l'irrecevabilité du recours d'A______ et consorts ; subsidiairement, à son rejet. Il s'en rapportait à justice quant à la recevabilité du recours de Mme G______ et consorts et a conclu sur le fond à son rejet. Enfin, il s'en rapportait à justice concernant les demandes d'intervention.

A/1208/2023

Aucune des recourantes ne disposait de la qualité pour recourir.

B______ SÀRL, dont le local était situé à l'avenue N______, 25______, ne disposait pas de places de livraison devant son établissement. Actuellement, la plus proche était située à la place R______. Elle ne pouvait au demeurant pas se prévaloir de l'utilisation éventuelle d'emplacements illicites (arrêt sur la route ou sur un arrêt de bus). La réalisation du projet ne péjorerait pas sa situation puisqu'elle disposerait, à teneur du plan, d'une place de livraison dans le passage AU_____.

Quant à D______ SÀRL et le C______ SA, leurs arcades étaient situées aux 26______, respectivement 27______, avenue N______. Si la place de livraison située à proximité était bien supprimée, un emplacement compensatoire était prévu à la rue AH_____, soit à quelques mètres de l'emplacement actuel. Le parcours de quelques éventuels mètres supplémentaires par les livreurs ne constituait raisonnablement pas un impact conséquent sur l'organisation de leur travail et de leur activité économique. De plus, l'inconvénient que représentait la potentielle distance supplémentaire par rapport à la situation existante ne représentait pas un inconvénient pour les exploitants mais éventuellement uniquement pour les livreurs.

Dès lors, les recourantes susmentionnées ne démontraient pas un intérêt pratique au recours, de sorte que leur qualité pour recourir devait être déniée.

S'agissant de E______, elle n'indiquait pas en quoi il ne lui serait pas possible ou dangereux de stationner sur une place compensatoire, à quelques mètres de la pharmacie de l'avenue N______, pour collecter les déchets médicamenteux.

Concernant F______ SA, le fait qu'elle soit sollicitée parfois par des entreprises et particuliers à l'avenue N______ ne suffisait aucunement à lui conférer la qualité pour recourir. En effet, elle ne disposait pas d'un intérêt direct et concret. Lui reconnaître la qualité pour recourir pour la seule raison qu'elle pourrait avoir des clients sur cette avenue de manière ponctuelle reviendrait à élargir une telle qualité à tous les tiers.

Pour finir, s'agissant d'A______, celle-ci ne démontrait pas que la majorité de ses membres était impactée de manière directe et concrète par le projet litigieux. N'ayant pas prouvé que la majorité de ses membres aurait individuellement la qualité pour agir dans le cas d'espèce, la qualité pour recourir de l'association était sujette à caution. Partant, le recours devait être déclaré irrecevable.

Il n'était pas contesté que la décision litigieuse retirait les places de stationnement présentes sur l'avenue N______.

Selon les recourantes, les mesures prises ne tenaient pas suffisamment compte des besoins des professionnels, soit des commerces et des entreprises, de sorte qu'elles ne respecteraient pas le PASt 2020 – 2025.

Le stationnement de courte durée, en particulier celui à destination des professionnels devant effectuer des livraisons, était une question complexe ce que relevait le PASt 2020 – 2025. En cette matière, les autorités cantonales avaient pour objectifs de faciliter l'accès aux petits commerces, d'étendre l'offre de stationnement de très courte durée sur le domaine public et d'améliorer l'usage des cases interdites au parcage pour faciliter les interventions professionnelles. Cela dit, la thématique du stationnement ne pouvait s'analyser de façon cloisonnée. Si l'amélioration du stationnement à destination des professionnels représentait l'une des actions à la charge des autorités cantonales, celle-ci n'avait pas la préséance sur toutes les autres actions et elle s'insérait dans une réflexion globale. La ville avait en tête ces différents enjeux lorsqu'elle avait porté le projet ayant abouti à la décision querellée, ce qui ressortait tant du rapport explicatif du 1er juillet 2022 que de la mise à jour de la notice de mobilité d'octobre 2022.

Au cours de l'instruction du dossier, les instances spécialisées avaient dû procéder à des arbitrages et concilier des intérêts et des objectifs parfois antagonistes, dans le cadre de la large marge de manœuvre que leur conférait la loi. Les décisions ainsi prises appelaient nécessairement des choix en opportunité, qu'il ne revenait en principe pas aux justiciables de remettre en cause (sous réserve d'un abus ou d'un excès du pouvoir d'appréciation), étant rappelé que les juridictions administratives n'avaient pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

En l'occurrence, dans le cadre de l'instruction du dossier, les instances spécialisées avaient dûment examiné la situation des diverses entités concernées, en comparant l'offre de places de stationnement réservées aux livraisons avec et sans les mesures prévues par la décision litigieuse (cf, plan distance livraisons – Av. N______ Nord ; plan distance livraisons – av. N______ Sud ; plan distance livraisons place R______ tableau Excel – avenue N______ – distance livraisons ; notice de mobilité d'octobre 2022 pp. 15 à 17).

Ainsi, le retrait, sur l'avenue N______, des places de stationnement réservées aux livraisons ne signifiait pas pour autant que les instances spécialisées n'avaient pas cherché à trouver des solutions alternatives pour les professionnels. Bien au contraire, la décision querellée adaptait la typologie (mutation du régime) d'une série de places de stationnement existantes sur les rues adjacentes à l'avenue précitée – respectivement créait de nouvelles places de stationnement à cette fin –, au plus près des commerces et entreprises concernées. Sur les douze places livraison supprimées par la décision querellée, quatorze places de stationnement remplissant la même fonction étaient prévues dans les rues adjacentes à l'avenue N______.

En d'autres termes, les besoins des différents acteurs de l'économie locale avaient été pris en compte par le biais du déplacement, à proximité, des places de stationnement réservées aux commerces et aux entreprises, et cela en dépit du fait que de telles places n'étaient pas soumises au principe de compensation (art. 7H al. 3 RaLCR cum art. 71 al. 3 RaLCR). En tout état, même si le principe de compensation devait être applicable, cet aspect relevait de la compétence du département de la santé et de la mobilité (ci-après : DSM) qui disposait d'une large marge de manœuvre à cet égard (art. 7O al. 3 RaLCR).

Par ailleurs, ni la loi ni le PASt 2020 – 2025 ne consacraient un droit en faveur de tous les commerces et entreprises à ce qu'une place de stationnement soit installée en face ou à proximité immédiate de leurs locaux. Au demeurant, les critiques des recourantes fondées sur le PASt 2020 – 2025 devaient être nuancées du fait que la décision avait été prise avant son adoption. Cela étant, la décision querellée demeurait parfaitement conforme au PASt 2020 – 2025.

S'agissant concrètement des suppressions des places de stationnement réservées aux livraisons, bien que celles-ci entraînaient, dans certains cas, un modeste rallongement des trajets entre le lieu de déchargement de la marchandise et celui de livraison, le trajet à effectuer n'était pas augmenté de façon démesurée par rapport à la situation actuelle. Les analyses effectuées à cet égard montraient, d'une part, que les trajets en cause ne seraient généralement rallongés que de quelques dizaines de mètres, et d'autre part, les places de stationnement réservées aux livraisons dans les rues adjacentes seraient plus grandes que celles qui se trouvaient aujourd'hui sur ladite avenue ce qui constituait assurément un avantage pour les professionnels.

S'agissant du grief selon lequel la ville et le DSM n'auraient pas pris en compte leur proposition, il devait être relevé que les autorités n'étaient pas liées par les avis exprimés lors d'une enquête. Le fait d'intégrer les suggestions au projet final relevait d'un choix en opportunité, conformément à la marge de manœuvre laissée aux autorités compétentes par la loi. En outre, la proposition d'A______ ne pouvait être exécutée au vu de l'art. 21 al. 2 OCR. Les livraisons dont il était question amèneraient vraisemblablement les livreurs à s'éloigner de leur véhicule sans pouvoir être joints à tout instant contrairement à ce que prévoyait l'art. 21 al. 2 OCR. Même en procédant à « la requalification de la piste cyclable en bande cyclable », la proposition d'A______ n'était pas satisfaisante et conduirait les livreurs à violer les prescriptions en matière de circulation routière.

La mise en place de lignes continue sen lieu et place des lignes existantes relevait de l'opportunité de la décision, aspect que les recourantes ne pouvaient attaquer dans le cadre du recours, sous réserve d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation.

À l'heure actuelle, l'arrêt d'un véhicule de livraison sur le bord de la route sur l'avenue N______, en dehors des places de stationnement prévues, n'était pas compatible avec les prescriptions de circulation dont se prévalaient les recourantes. Ainsi, en introduisant des lignes continues en lieu et place des lignes discontinues actuelles, le projet n'avait aucune influence sur l'interdiction de s'arrêter au bord de la chaussée sur cet axe.

La vitesse autorisée sur un tronçon et la fluidité du trafic étaient deux facteurs bien distincts.

Les expériences menées par l'OCT dans d'autres contextes – notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie de modération de la vitesse décidée par le Conseil d'État – montrait qu'à 30 km/h, en présence d'un aménagement de la route adéquat, les automobilistes adoptaient une conduite plus régulière, avec des phases de freinage et d'accélération moins nombreuses et plus courtes, ce qui améliorait grandement la fluidité du trafic. Ces mêmes expériences avaient permis de constater que, là où il avait été testé, l'abaissement de la vitesse autorisée à 30 km/ n'avait pas eu d'impact significatif sur l'écoulement du trafic ou la progression des transports individuels motorisés. Partant, le simple fait d'abaisser la vitesse autorisée sur un trafic n'était pas à lui seul suffisant pour faire craindre une péjoration de la fluidité du trafic.

Malgré les principes en matière de hiérarchie du réseau routier qu'elle comprenait, la LRoutes ne garantissait pas une vitesse minimale sur les différentes catégories de routes, pas plus que des valeurs minimales en matière du nombre de voies ou du gabarit de celle-ci. Elle ne se référait pas davantage à la notion de rapidité et/ou de vitesse et ne mentionnait pas la moindre vitesse en km/h. Si elle prônait certes la fluidité des échanges, celle-ci n'était pas consubstantielle à la vitesse autorisée. La décision litigieuse ne modifiait ainsi pas la nature primaire de l'avenue N______.

Pour le surplus, les enjeux de mobilité dans le canton n'étaient pas réglés par la LRoutes. Cette loi devait être concrétisée dans les faits et mise en regard et coordonnée avec d'autres règles de même rang à l'instar de la LMCE, de la LMD ou de la loi sur la mobilité du 23 septembre 2016 (LMob H 1 20).

Les principes de la LRoutes, en lien avec la hiérarchie du réseau routier, devaient s'accommoder de certains ajustements requis par ces autres lois, afin de concilier l'ensemble des besoins des différents usagers de la route. L'OCT, dans le cadre de son analyse du projet, s'était efforcé de concilier les différents objectifs en matière de mobilité.

Contrairement à ce qu'avançaient les recourantes, l'abaissement de la vitesse sur cet axe n'avait pas de lien avec la nouvelle stratégie de modération de la vitesse. Il était justifié par les aménagements projetés et les normes VSS applicables. Cela renforçait la lisibilité et la clarté de la route et améliorait la sécurité de tous les usagers.

La suppression des places de stationnement sur cet axe et l'interdiction de s'arrêter sur le bord de la chaussée pour effectuer des livraisons ne changeaient rien au fait que la vitesse autorisée devait être abaissée à 30 km/h pour respecter les normes VSS applicables.

Quant aux nuisances sonores invoquées, l'avenue N______ était déjà dotée de feux de signalisation à diverses intersections, de sorte que l'on ne voyait pas en quoi la décision litigieuse engendrerait davantage de bruit que par le passé. Au contraire, comme exposé précédemment, l'abaissement de la vitesse permettrait de diminuer le bruit du trafic routier.

Enfin, la préférence des recourantes à ce que la piste cyclable soit installée sur P______ relevait de l'opportunité du projet et devait être écartée.

Concernant l'absence de préavis du DEE, s'il n'était pas contesté que l'avenue N______ se trouvait dans une zone d'intense activité économique, les mesures projetées ne constituaient pas des interdictions ou des restrictions importantes de circuler ou de parquer au sens de l'art. 5 al. 2 LaLCR.

L'abaissement de la vitesse autorisée à 30 km/h était justifié par les normes VSS applicables et poursuivait notamment des objectifs de sécurité ; le principe de compensation des places de stationnement avait été respecté en utilisant pour ce faire le parking de AK_____ ; des places de stationnement réservées aux livraisons étaient prévues dans les rues adjacentes à l'avenue N______ ce qui permettrait aux commerces et entreprises sis dans le secteur d'être toujours livrés. De plus, malgré les aménagements prévus sur la voirie, la décision querellée n'empêcherait pas les usagers de la route d'emprunter l'avenue N______, laquelle demeurait ouverte à la circulation. Vu les conditions d'application de l'art. 5 al. 2 LaLCR rien n'obligeait le DT à recueillir le préavis du DEE avant la prise de décision querellée.

La situation visée par l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) (ATA/366/2013 du 11 juin 2013) cité par les recourantes était différente dès lors que le département compétent n'avait pas été invité à émettre de préavis avant l'adoption d'une décision qui portait sur le réaménagement complet du square Pradier et la suppression de 48 places de stationnement.

En l'occurrence, au moment où l'arrêté précité avait été rendu, le principe de compensation des places de stationnement prévu à l'art. 7B LaLCR et 7H ss RaLCR n'était pas encore en vigueur. Les places de stationnement sises sur l'avenue N______ seraient compensées à proximité immédiate par des places de stationnement à l'intérieur du parking de AK_____, respectivement reportées, s'agissant des places réservées aux livraisons, sur les rues adjacentes. Ainsi, le cas d'espèce ne consistait pas en une suppression à proprement parler de places de stationnement au vu du respect du principe de compensation. L'affaire ici en cause se distinguait donc nettement de celle de l'arrêt précité.

Le réaménagement de voiries et la réglementation de la circulation sur l'avenue N______ s'avéraient conformes aux normes de la zone et ne pouvaient dès lors, en principe être source d'inconvénients graves pour les usagers et le voisinage.

Les recourantes n'apportaient d'ailleurs pas la preuve de la gravité des inconvénients invoqués. En effet, au vu des places de livraison de compensation prévues dans les rues perpendiculaires, en sus de celles existantes à proximité immédiate de celles supprimées, une complication des conditions de travail telle qu'invoquée par les recourantes ne pouvait être retenue.

En l'espèce, le département avait examiné minutieusement le projet au regard de sa nature, de ses caractéristiques et de son emplacement et était arrivé à la conclusion que celui-ci, sur la base notamment du préavis des instances spécialisées, et particulièrement de l'OCT, n'était pas susceptible de causer des inconvénients graves pour les usagers, le voisinage et le public.

S'agissant de la future hausse du coût du transport et de sa répercussion sur les commerçants, elle n'était aucunement prouvée et demeurait hypothétique. De plus, rien n'indiquait que les coûts de livraison seraient modifiés au regard du trajet supplémentaire que le livreur manutentionnaire devrait éventuellement parcourir. Ce d'autant plus que, comme relevé plus haut, nombre des recourantes ne disposaient actuellement pas d'emplacements de livraison licites, à proximité immédiate de leur arcade.

A/1216/2023

Le SABRA avait rendu un premier préavis le 24 juin 2022, demandant la production d'un rapport acoustique ainsi que la démonstration que les exigences des art. 8 et 9 OPB seraient respectées. La ville avait produit une note technique OPB établie par son service de l'aménagement, du génie civil et de la mobilité. Sur cette base, le SABRA avait rendu un préavis favorable sous conditions. Il avait ainsi validé le rapport acoustique produit par la ville, estimant que celui-ci contenait toutes les informations et données utiles permettant de démontrer le respect des exigences de l'OPB. Les recourants se contentaient de contester ce rapport sans amener d'éléments concrets permettant de l'invalider ou d'autres motifs qui auraient dû pousser cette instance à ne pas en tenir compte. Le SABRA avait rendu un préavis favorable, sous conditions, dans le but précisément de permettre de s'assurer qu'une fois éclaircies les éventuelles incertitudes liées au projet, les conditions des dispositions précitées seraient respectées. En l'occurrence, rien ne permettait de retenir que les exigences en matière de bruit ne seraient pas respectées au moment de la réalisation du projet. À ce propos, les conditions du préavis favorable du 31 janvier 2023 étaient spécifiquement prévues en tant que conditions de l'autorisation de construire.

Pour le surplus, comme le rappelaient les recourants, la pose d'un revêtement phono-absorbant et la limitation de la vitesse auraient pour incidence une réduction du bruit. Quant au mobilier urbain et les hypothétiques bruits liés au comportement des usagers, ces nuisances ne concernaient pas d'installation fixe au sens des art. 7 et ss OPB mais plus des questions de voisinage et de civisme. Le mobilier urbain mis à disposition avait pour but d'offrir aux piétons, la possibilité de profiter d'un espace de détente, sans pour autant que celui-ci puisse être par exemple comparé à la tenue d'un établissement public. Le département n'avait ainsi aucune raison de ne pas délivrer l'autorisation litigieuse pour ce motif. Ce grief devait être rejeté.

Les recourants ne pouvaient être suivis lorsqu'ils avançaient que l'autorisation de construire ne garantissait pas les accès suffisants pour les véhicules de secours en violation de la directive CSSP et de la directive n° 7 RPSSP. Dans le cadre de l'instruction du dossier, la police du feu avait examiné l'adéquation de l'accès pompiers. Dans son premier préavis du 8 juin 2022, elle avait requis la production de documents complémentaires, permettant de juger des voies d'accès des engins du service d'incendie et de secours conformément à la directive n° 7 RPSSP. L'instance spécialisée avait ainsi requis la modification des aménagements extérieurs afin qu'ils soient en parfaite corrélation avec les cheminements des accès pompiers. Sur la base de ce préavis, la ville avait modifié le projet en intégrant les modifications requises. Cette modification avait été dûment analysée et préavisée favorablement par la police du feu le 3 janvier 2023. Il ressortait de ce préavis que les mesures définies sur les plans d'accessibilité SIS établis le 7 octobre 2022, étaient conformes aux exigences prévues par la loi. Le respect des mesures ressortant de ce plan avait par ailleurs été repris au titre de condition de l'autorisation de construire. De plus, selon une jurisprudence récente, s'agissant des aspects techniques de protection contre les incendies, il convenait de s'en remettre à l'avis de l'instance spécialisée qui avait préavisé favorablement le projet. Dans ce type de cas, le tribunal devait observer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis (JTAPI/1244/2022 du 17 novembre 2022, consid. 54). Dès lors, rien ne permettait de considérer que l'accès pour les véhicules de secours serait insuffisant tant sous l'angle de la directive CSSP que de la directive n° 7 RPSSP. Il ressortait en effet clairement des nouveaux plans produits par la ville (plan d'accessibilité SIS Nord et plan d'accessibilité SIS sud) que les accès étaient pleinement adaptés aux interventions des services de secours. Partant, le grief devait être rejeté.

Enfin le projet litigieux respectait toutes les règles régissant la compensation des places de stationnement, de sorte que le grief des recourants selon lequel l'autorisation querellée violerait la législation sur la circulation routière n'était pas fondé.

16.         Dans le délai prolongé à leur demande, l'A______ et consorts ont produit leur réplique, le 31 août 2023.

Les entreprises qui livraient B______ Sarl avaient la possibilité de s'arrêter sur la chaussée aux conditions posées par la LCR et ses ordonnances, lorsque la place de livraison qui se trouvait en face de son établissement était occupée. En supprimant cette possibilité mais également en supprimant les places de stationnement existantes, ces entreprises auraient plus de difficultés à livrer la recourante. La place de livraison recréée au passage AU_____ était difficile d'accès et n'était ni assez grande ni assez large pour y accueillir un camion. Seules de petites camionnettes seraient en mesure de s'y arrêter, pour autant que cette place soit disponible.

S'agissant de AR_____ SARL, elle n'avait pas d'autre possibilité que de se faire livrer sa bière via sa cave située à l'avenue N______. Le nouveau marquage prévu empêchait tout véhicule de s'arrêter sur cette avenue. Par ailleurs, les places de livraison recréée dans les rues adjacentes étaient trop petites pour accueillir des poids-lourds, en particulier celles qui se trouvaient rue AG______. Ceci valait également pour le C______ SA qui recevait chaque semaine des motos ou des pièces mécaniques lourdes qui ne pouvaient être transportées facilement.

E______ SA et F______ SA se rendaient régulièrement sur cet axe. Lorsqu'il n'y avait pas de place de livraison ou de stationnement disponibles, elles chargeaient et déchargeaient des marchandises sur la chaussée conformément aux dispositions de la LCR et ses ordonnances. En supprimant cette possibilité, ces entreprises se trouveraient dans une situation plus compliquée car elles devraient alors tourner dans les rues parallèles pour essayer de trouver une place accessible voire s'arrêter sur la chaussée des places parallèles et de ce fait gêner le trafic. Entravées dans l'exercice de leur activité, elles disposaient de la qualité pour agir.

La qualité pour recourir de l'A______ avait déjà été reconnu par le tribunal de céans. L'avenue N______ constituait un axe très important et unique au centre-ville qui permettait de relier la rive droite à la rive gauche, notamment lorsque les entreprises descendaient de la zone inférieure de AV_____ pour se rendre vers AM_____ ou d'autres communes. Dès lors les membres de l'A______ étaient impactés par cette mesure, notamment par la réduction des voies de circulation mais également par la limitation de la vitesse.

Les nouvelles places recréées dans les rues adjacentes seraient plus difficilement accessibles en raison des modifications de la circulation et des détours nécessaires pour les atteindre. Par ailleurs, ces nouvelles places seraient trop petites pour accueillir des poids-lourds ou des camions n'étant adaptées que pour des véhicules de la taille de camionnettes.

Il était faux de prétendre que les arrêts des véhicules de livraison sur la chaussée de l'avenue N______ violaient la LCR dès lors qu'ils étaient effectués en conformité avec l'art. 21 OCR. Par ailleurs, certains d'entre eux n'avaient pas d'autre choix que de s'arrêter devant les enseignes qu'ils devaient livrer, comme c'était notamment le cas pour les livraisons de boissons, de mazout, de véhicules ou encore pour les déménagements. Les autorités intimées semblaient avoir de la peine à comprendre la réalité des conditions de travail des entreprises de transport, comme si toutes les marchandises pouvaient être livrées en cargo vélo.

Lors d'une séance d'information de la ville le 8 juin 2023, celle-ci avait indiqué que les entreprises pourraient continuer de se faire livrer comme auparavant, soit d'utiliser la chaussée prévue à l'avenue N______ moyennant le respect de la procédure d'usage accru du domaine public, laquelle était sujette à taxe et émolument. Cette nouvelle politique avait pour conséquence une augmentation des coûts de livraison, constituant une entrave économique pour les recourantes. Cette politique avait déjà été imposée aux entreprises de déménagement et faisait l'objet d'une procédure par devant le tribunal de céans.

Les parties intimées n'avaient pas évalué de manière adéquate l'impact économique de la suppression des places de livraison. Si le département de l'économie avait analysé ces conséquences avant la mise en œuvre du projet, des solutions auraient pu être pu être trouvées et la présente procédure évitée.

Pour le surplus, elles ont persisté dans leur argumentation.

17.         Le 31 août 2023, Mme G______ et consorts ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et argumentation.

Les griefs invoqués ne se limitaient pas à la suppression des places de stationnement. Ils se prévalaient également de la violation de normes en matière de protection contre le bruit, ainsi que celles contre les incendies. En tant qu'habitants des immeubles jouxtant le projet de réaménagement, ils avaient un intérêt personnel, direct, immédiat et actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée. Partant, il y avait lieu de leur reconnaître la qualité pour recourir.

Les mesures prévues en vue de la réduction du bruit routier dans le périmètre visé par la DD litigieuse, à savoir la réalisation de zone 30 km/h et la pose d'un revêtement phono-absorbant ne suffiraient à l'évidence pas à abaisser les valeurs limites d'immissions en dessous des seuils légaux. Rien ne permettait d'assurer que le bruit routier serait diminué en raison d'une réduction de la charge de trafic tel basée sur l'espoir de la ville d'un changement modal.

Par ailleurs, la question des immissions provoquées par les aménagements prévus, en particulier par le mobilier urbain, soit une installation nouvelle susceptible d'avoir un impact sonore, n'était pas prise en considération. Or, les aménagements prévus, soit l'installation d'un trottoir-jardin ne consisteraient pas simplement en l'installation de bancs, destinés aux pétons leur permettant de se reposer quelques instants. Selon le « croquis d'intention du trottoir jardin » présent dans le descriptif du projet, il ressortait très nettement que l'intention était de fournir à tout un chacun un espace d'accueil et de rencontre. Ces aménagements n'avaient rien de temporaires et les activités qui s'y dérouleraient provoqueraient des troubles analogues à ceux causés par l'exploitation de la terrasse d'un établissement actif dans la restauration et le débit de boissons – à la différence que le mobilier urbain serait de surcroît accessible à toutes heures du jour et de la nuit. Et même si une installation ne produisait pas, par elle-même, des nuisances sonores, « la nuisance acoustique que son usage est susceptible de générer devait être apprécié en fonction des critères généraux retenus par l'art. 15 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) à l'instar d'un jacuzzi, d'un éco-point ou d'une terrasse de café » (JTAPI/196/2022 du 1er mars 2022, consid 27). Ainsi, le mobilier urbain et son impact environnemental devaient être examinés conformément à l'art. 7 al. 1 OPB.

18.         Par décision du 12 septembre 2023, le tribunal a déclaré recevables le recours du 30 mars 2023 interjeté par Mme G______ et consorts ainsi que les demandes d'intervention précitées.

19.         Le 26 septembre 2023, la ville a dupliqué dans la procédure A/1216/2023.

Elle devait impérativement réaliser les travaux sur le collecteur en sous-sol et, de ce fait, l'autorité exigeait qu'en sa qualité de propriétaire du domaine public, elle prenne des mesures pour assainir le bruit. Pour cette raison, l'aménagement prévu par la DD combinait plusieurs mesures qui devaient permettre de ramener les valeurs de bruit aux seuils admis par l'OPB. Tant le DT qu'elle même étaient parfaitement conscients que les chiffres annoncés étaient des projections, mais ils se fondaient sur les expériences résultant de précédentes réalisations ainsi que sur l'évolution de la technique (et l'expertise y relative). Cela étant, si les valeurs limites étaient toujours dépassées après la réalisation des aménagements, des mesures complémentaires seraient prises.

Quant aux potentielles nuisances des aménagements urbains, l'usage d'un banc par un piéton n'était pas source de nuisances. Les recourants se prévalaient d'une utilisation non conforme des aménagements qui ne pouvait lui être reprochée.

20.         En date du 29 septembre 2023, le département a dupliqué dans les deux procédures.

A/1216/2023

Les recourants se contentaient d'alléguer, sans le démontrer, que les mesures prévues par la ville ne seraient pas de nature à améliorer la situation. Il ressortait au contraire du dossier que le projet améliorerait la situation et notamment la leur. Leur persistance à critiquer le préavis du SABRA n'était pas étayé et n'était qu'une tentative de substituer leur appréciation à celle de l'instance spécialisée. S'agissant de la problématique du mobilier urbain, le SABRA n'avait pas estimé qu'il s'agissait d'une installation ayant un impact sur l'environnement au niveau du bruit, raison pour laquelle il n'avait pas jugé utile d'examiner ce point. Les recourants tentaient à nouveau de substituer leur appréciation à celle des instances spécialisées.

A/1208/2023

La nouvelle procédure d'usage accru du domaine public mentionnée par les recourantes n'était pas connue du département. Cet allégué ne saurait être retenu.

Les griefs formulés selon lesquels les nouvelles places de livraison dans les rues adjacentes seraient plus difficilement accessibles, trop petites, que le système de compensation serait mal conçu et ne prendrait pas en compte les besoins des acteurs économiques relevaient essentiellement de l'opportunité de la mesure, de sorte qu'ils n'apparaissaient pas recevables dans le cadre d'un recours par devant le tribunal. Cela était en outre contredit par les pièces versées à la procédure qui montraient que les autorités avaient dûment examiné la situation de chaque commerce, en tentant à chaque fois de trouver des solutions et des alternatives pour minimiser l'impact des nouvelles mesures.

Le DEE n'avait pas à être consulté en l'espèce dès lors que les mesures envisagées n'impliquaient ni des interdictions ni des restrictions de circuler. Quant au stationnement aux fins de livraison, il serait toujours possible dans les rues adjacentes.

Quant à la mention de l'art. 4 al. 2 [recte 3] let. a LAP, elle n'était pas pertinente.

21.         En date du 23 octobre 2023, l'A______ et consorts ont signalé le fait que le 13 octobre 2023, le DSM, le AW_____, section Genève, l'A______, section Genève, AX_____ et l'AY_____, section Genève avaient signé une convention d'accord aux termes de laquelle le DSM s'était engagé à maintenir la vitesse autorisée sur l'avenue N______ à 50 km/h en journée, soit de 6 heures à 22 heures et à 30 km/h la nuit conformément à son arrêté du ______ 2022.

En maintenant la vitesse de cet axe à 50 km/h jusqu'en 2028, il était manifeste que le DSM n'envisageait pas de requalifier l'avenue N______ en réseau communal secondaire.

Or la réduction de la vitesse sur cet axe à 30 km/h était essentielle dans le présent projet, afin notamment de permettre la plantation d'arbres sur le trottoir de l'avenue N______ et pour concrétiser sa stratégie de réduction du bruit.

Dès lors que cette limitation de vitesse ne serait pas réalisée, le projet devait être revu dans son ensemble.

22.         Le 14 novembre 2023, la ville a présenté des observations en réponse aux écritures précitées (A/1208/2023).

Les faits nouveaux invoqués par les recourantes n'étaient pas de nature à empêcher la réalisation du projet querellé.

23.         Le même jour, le département s'est également déterminé (A/1208/2023). La convention mentionnée par les recourantes n'était pas de nature à modifier le projet querellé.

Ce n'était pas l'arrêté du 11 octobre 2022 faisant l'objet du projet de modification invoqué qui était déterminant mais bien le préavis liant du 25 janvier 2023 rendu dans le cadre de la DD 1______. Celui-ci prévoyait de manière indépendante une limitation de vitesse de 30 km/h de jour et de nuit au regard du projet d'aménagement de l'avenue N______ et de ses contraintes.

24.         Le 15 décembre 2023, l'A______ et consorts ont répliqué.

Suite à l'enquête publique du 17 octobre 2023 découlant de la convention d'accord conclue entre le DSM et notamment l'A______, un nouvel arrêté avait été rendu par l'OCT le ______2023, lequel reprenait l'arrêté du ______ 2022, et réinstaurait une vitesse de 50 km/h en journée sur l'avenue N______. Ce nouvel arrêté prévalait sur le préavis liant du 25 janvier 2023 étant donné qu'il avait été rendu postérieurement à ce dernier. En outre, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, un arrêté rendu par un département l'emportait sur un préavis liant émis dans le cadre d'une autorisation de construire. Il était dès lors manifeste que la volonté du DSM était de maintenir une vitesse de 50 km/h la journée sur l'axe querellé. Il était évident que la ville et le DT tentaient d'outrepasser la volonté du DSM cherchant imposer une réduction de vitesse sur cet axe en se fondant tantôt sur l'argument de la problématique du bruit, tantôt sur celui des gabarits routiers. Ils sollicitaient l'audition de Monsieur AZ_____, ______ du DSM, afin qu'il clarifie l'intention de ce département concernant la limitation de vitesse sur cet axe.

25.         Le 22 décembre 2023, le DT a produit des observations spontanées (A/1208/2023).

Les recourantes ne pouvaient être suivies lorsqu'elles affirmaient que l'arrêté du ______ 2023 prévalait sur le préavis liant du 25 janvier 2023. En effet, l'arrêté du ______ 2023, reconsidérant celui du ______ 2022, modifiait le régime de vitesse de quelques axes seulement, sans toutefois mentionner l'avenue N______. Dès lors le principe lex posterior derogat antieriori était applicable en faveur du projet autorisé par la DD 1______. En effet, c'était le préavis liant du 25 janvier 2023 qui primait sur celui du ______ 2022.

26.         En date du 8 février 2024, le tribunal a ordonné la jonction des causes A/1208/2023 et A/1216/2023 sous le numéro de cause A/1208/2023.

27.         Par courrier du 8 février 2024, le tribunal a invité le DSM, soit pour lui l'OCT, à lui exposer les raisons qui l'avaient conduit, en sa qualité d'autorité désignée par la LaLCR, à ne pas solliciter le préavis du département de l'économie (art. 5 al. 2 LaLCR) dans le cadre de l'émission de son préavis liant en matière de règlementation du trafic.

28.         En date du 29 février 2024, le DSM s'est déterminé.

Si l'avenue N______ devait être qualifiée de zone d'intense activité commerciale, les mesures de réglementation du trafic prévues le 25 janvier 2023 dans son préavis liant n'étaient pas constitutives d'une interdiction ou même d'une restriction importante de circuler ou de stationner, de sorte que les conditions cumulatives requises pour recueillir le préavis du DEE au sens de l'art. 5 al. 2 LaLCR n'étaient pas réalisées.

La réduction de la vitesse autorisée à 30 km/h se justifiait par les aménagements projetés et les normes VSS applicables, ce qui permettait d'améliorer la sécurité de tous les usagers et par la même occasion de réduire les nuisances qui pouvaient découler d'une vitesse de circulation plus élevée.

La suppression du stationnement avait déclenché le mécanisme de compensation dans le parking en ouvrage de AK_____, conformément aux art. 7B LaLCR et 7H ss du règlement d’exécution de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 30 janvier 1989 (RaLCR - H 1 05.01). S'agissant des cases de livraison, en tant qu'emplacements interdits au parcage (6.23 annexe 2 OSR) au sens de l'art. 79a OSR, leur suppression n'obligeait pas l'autorité à recourir au principe de compensation. Leur relocalisation dans les rues adjacentes avait permis de concrétiser l'art. 4 let. e LMCE et de respecter le PASt 2020-2025, prenant en compte les besoins de chargement et déchargement des entreprises et commerçants dans le secteur.

Le remplacement des actuelles lignes discontinues par des lignes continues pour séparer la voie réservée aux transports publics de celle dévolue aux transports individuels motorisés sur l'avenue concernée ne faisait que valider une interdiction déjà en place sur la chaussée. En effet, l'arrêt sur chaussée devait demeurer l'exception et n'était autorisé qu'à certaines conditions définies par le droit fédéral en matière de circulation routière notamment, l'art. 21 al. 2 OCR. De plus, ce changement était une décision prise en opportunité par l'OCT dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.

Ainsi, les mesures de circulation projetées, couplées aux aménagements prévus par la DD litigieuse, n'apporteraient ni interdictions ni restrictions importantes de circuler ou de stationner, les usagers pouvant toujours rouler sur l'avenue N______, stationner dans le périmètre et procéder à des livraisons sur les cases déplacées dans les rues adjacentes.

Les conditions cumulatives de l'art. 5 al. 2 LaLCR n'étant pas réunies, c'était à juste titre qu'il n'avait pas sollicité le préavis du DEE dans le cadre de ce dossier.

29.         Le 11 mars 2024, la ville a indiqué qu'elle se ralliait aux arguments de l'OCT.

30.         En date du 20 mars 2024, l'A______ et consorts se sont déterminées.

L'interprétation de l'OCT violait le principe de légalité.

Le réaménagement querellé prévoyait de réduire l'avenue N______ à deux voies de circulation au moins, en sus de la réduction de vitesse. Ce réaménagement induisait une restriction de circulation qui aurait dû conduire l'OCT à consulter le DEE. Le même raisonnement s'appliquait à la modification des lignes discontinues en lignes continues qui avait pour conséquence d'interdire les arrêts sur la chaussée, actuellement autorisés en vertu de l'art. 21 al. 2 OCR.

Un total de 48 places de stationnement/livraison seraient supprimées sur l'avenue en question. Peu importait qu'elles soient en partie compensées dans un parking en ouvrage. Cette suppression aurait un impact direct pour les commerces et restaurants qui se trouvaient sur l'avenue. S'il avait été sollicité, le département en charge de l'économie aurait peut-être pu apporter des solutions pour satisfaire les commerçants et éviter ainsi le recours. Le but de cette disposition était de permettre aux autorités d'anticiper l'ensemble des problématiques qui pourraient survenir suite au réaménagement d'un axe de circulation qui se trouvait dans une zone commerciale intense. Force était de constater que l'OCT et la ville se souciant peu du sort des commerçants et restaurants avaient sciemment omis d'appliquer cette disposition en violation de l'art. 5 al. 2 LaLCR.

Leurs autres arguments seront examinés plus bas dans la mesure utile.

31.         En date du 20 mars 2024, l'OAC a indiqué qu'il adhérait pleinement au courrier du DSM du 29 février 2024.

32.         Après avoir requis et obtenu la prolongation du délai imparti, Mme G______ et consorts se sont déterminés, le 11 avril 2024.

Le projet litigieux aurait de multiples incidences sur la zone en question et l'OCT n'avait pas à se livrer à sa propre interprétation de notions juridiques indéterminées dont l'examen ne ressortait pas uniquement de sa compétence. En effet, il suffisait qu'une mesure (ou un faisceau de mesures) ait des incidences sur la circulation, dans une zone où les commerces étaient nombreux ou lorsque des activités commerciales y étaient développées pour qu'un préavis doive être sollicité. De ce fait, l'OCT aurait dû solliciter le préavis du DEE.

Par ailleurs, la refonte complète d'un axe routier sur lequel une réduction drastique de la vitesse était prévue, de même que l'aménagement d'une nouvelle piste cyclable, la suppression d'une voie de circulation pour les automobilistes et la suppression de 72 places de stationnement ne pouvait pas ne pas être considérée comme une restriction importante de circuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             La recevabilité du recours de Mme G______ et consorts a déjà été tranchée par le tribunal dans sa décision du 12 septembre 2023 (DITAI/393/2023) de même que celle de la demande d'intervention. 

3.             Les parties intimées contestent la qualité pour recourir de l'A______ SA, B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA et F______ SA

4.             Selon l'art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

5.             La notion de l’intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d’unité de la procédure figurant à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433//2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1).

L'intérêt digne de protection représente tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Il consiste donc dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_472/2021 du 1er mars 2022 consid. 5.4).

6.             D’une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n’admettent que de manière relativement stricte la présence d’un intérêt propre et direct lorsqu’un tiers entend recourir contre une décision dont il n’est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations. En plus d’un intérêt concret, par exemple un intérêt économique au contenu de la décision litigieuse, la qualité pour agir du tiers suppose qu’il se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport suffisamment étroit, respectivement qu’il soit touché avec une intensité plus grande que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_852/ 2017 du 25 juin 2018 consid. 2.2.2).

7.             Le recourant doit ainsi se trouver dans un rapport suffisamment étroit et spécial avec la décision ; il doit être « spécialement atteint » par celle-ci (cf. ATF 133 II 468 consid. 1 ; ATA/149/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; François BELLANGER, « La qualité pour recourir », in Le contentieux administratif, 2013, p. 112, 116 et 119). S'il s'agit d'un tiers, il doit démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire (Ibid., p. 116). Ainsi, « pour qu'une relation suffisante existe, il faut qu'il y ait véritablement un préjudice porté de manière directe à la situation personnelle du recourant » (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 734). En d'autres termes, la situation du tiers doit pouvoir être influencée de manière significative par l'issue de la procédure, l'intérêt digne de protection résidant dans le fait d'éviter de subir directement un préjudice, qui serait causé par la décision entreprise, alors qu'un simple intérêt indirect ou le seul intérêt public général - en l'absence de rapport étroit avec l'objet du litige - ne justifie pas la reconnaissance de la qualité de partie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Cela signifie que le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général et abstrait à la correcte application du droit ou dans l'intérêt de tiers est irrecevable (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 consid. 8 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3c ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013). Il est à cet égard insuffisant de s'intéresser spécialement à une question ou à un projet pour des motifs idéaux ou par conviction personnelle (cf. ATF 123 II 376 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 3.3).

8.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse, s'il a en principe la qualité pour recourir, doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3). Le voisin ne peut ainsi pas présenter n'importe quel grief ; il ne se prévaut d'un intérêt digne de protection, lorsqu'il invoque des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3). Tel est souvent le cas lorsqu'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions – bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée – atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief soulevé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 et les références citées).

9.             Selon la jurisprudence, en matière de signalisation routière, la qualité pour recourir est reconnue aux riverains (qu'il soit propriétaire ou locataire) ainsi qu'à toute personne qui utilise plus ou moins régulièrement la route concernée (telles que résidents des environs ou encore pendulaires), dans la mesure où ils subissent des inconvénients sensibles en lien avec la restriction contestée ; en revanche, l'intérêt n'est pas jugé suffisant lorsque le trajet n'est effectué que de manière occasionnelle (cf. ATF 136 II 539 consid.1.1 ; arrêt 1C_618/2018 du 20 mai 2019 consid.1 ; 1C_11/2017 du 2 mars 2018 consid. 1.1 ; 1A.73/2004 du 6 juillet 2004).

Le fait qu'une personne utilise régulièrement une route ou une place de parc ne permet pas encore de déduire une légitimation pour contester des ordres de circulation. De telles mesures touchent toujours tous les usagers de la route, et l'utilisation du tronçon de route en question ne déclenche pas en soi un sentiment spécifique d'être concerné. En revanche, il y a lieu de l'admettre lorsqu'un ordre de circulation rend l'accès à un immeuble considérablement plus difficile parce qu'une route est supprimée ou interdite à la circulation (cf. arrêts 2A.23/2006 du 23 mai 2006 consid. 2.2 ainsi que 2P.109/1994 du 14 octobre 1994, consid. 3b, publ. in : ZBl 96/1995 p. 508). Des restrictions du stationnement ou la suppression de places de parc peuvent également entraîner une atteinte spécifique si elles rendent l'utilisation d'un immeuble impossible ou considérablement plus difficile (arrêt 2A.115/2007 du 14 août 2007 consid. 3 ; ATF 113 Ia 426 consid. 3b/cc et dd p. 432).

10.         Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses (propres) intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

11.         De même, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par le biais d'un recours - nommé alors recours corporatif égoïste - pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel (cf. ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; 137 II 40 consid. 2.6.4 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2 ; 2C_642/2018 du 29 mars 2019 consid. 1.2 ; 5C_2/2017 du 11 mars 2019 consid. 1.2.1 non publié in ATF 145 I 183). Ces conditions doivent être remplies cumulativement ; elles doivent exclure tout recours populaire. Celui qui ne fait pas valoir ses intérêts propres, mais uniquement l’intérêt général ou l’intérêt public, n’est pas autorisé à recourir. Le droit de recours n’appartient par conséquent pas à toute association qui s’occupe, d’une manière générale, du domaine considéré. Il doit au contraire exister un lien étroit et direct entre le but statutaire de l’association et le domaine dans lequel la décision litigieuse a été prise (JdT 2011 p. 286 consid. 1.1.1 et les références citées). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2021 du 28 octobre 2021 consid. 2).

12.         La qualité pour recourir de sections locales d'associations d'automobilistes a été reconnue en lien avec la contestation de limitations fonctionnelles du trafic touchant des routes ou autoroutes fréquentées quotidiennement par de nombreux usagers (ATF 139 II 145 ; 136 II 539, décision du Conseil fédéral du 23 mai 2001 in JAAC 65.114 consid. II 5c). Il apparaît vraisemblable qu'une restriction du trafic portant sur un axe routier fréquenté est susceptible d'atteindre de nombreux conducteurs faisant partie d'associations locales d'automobilistes (arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2012 du 10 décembre 2012 consid. 1.2 non publié in ATF 139 II 145, où le tronçon de route concerné par une limitation se trouve sur un axe de trafic principal).

13.         La qualité pour recourir a ainsi été admise pour la section bernoise du TCS dans le cadre de la traversée de la commune de Münsingen par une route cantonale. « La commune de Münsingen compterait, avec ses onze mille habitants et ses sept mille pendulaires, un grand nombre d’automobilistes qui seraient membres de l’association. À cela s’ajouteraient des milliers d’automobilistes provenant des communes voisines et de la région, qui traverseraient Münsingen chaque jour. Ces explications sont plausibles. On peut donc partir de l’idée qu’un nombre considérable de membres du TCS (sous-section Berne-Mittelland) utilise plus ou moins régulièrement la route affectée par la limitation du trafic litigieuse et est donc habilité à recourir. La légitimation de la section est par conséquent donnée et le Tribunal fédéral peut en principe entrer en matière sur le recours. Cette conclusion est conforme à l’ancienne pratique du Conseil fédéral. Celui-ci a en effet admis que l’Automobile Club de Suisse (ACS) Lucerne avait qualité pour recourir contre une réduction de la vitesse maximale autorisée sur un tronçon d’autoroute car une part prépondérante des membres d’un club automobile emprunte régulièrement l’autoroute sur un territoire de section régional limité » (ATF 136 II 539 consid. 1.1 ; JdT 2011 I p. 286 et les références citées).

14.         La chambre administrative a récemment admis la qualité pour recourir, notamment de l'ATE-GE dans le cadre de la contestation d'un jugement du tribunal consistant à annuler deux arrêtés instituant une bande cyclable et un chemin exclusivement piéton sur l'axe de la Coulouvrenière à Genève. Les intérêts défendus par l'ATE-GE étaient communs à la majorité ou à un grand nombre de ses membres. Enfin, l'objet du litige concernait un tronçon tellement central et important, compte tenu aussi du fait qu'il s'agissait de l'un des seuls points de passage entre les deux rives du Rhône, qu'il était dès lors vraisemblable qu'il soit utilisé quotidiennement par de nombreux membres de l'ATE-GE, conducteurs de véhicules automobiles, de cycles, de trottinettes, usagers de transports publics, ou piétons (ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022).

15.         La qualité pour recourir des sections locales (en l'occurrence zurichoise) du TCS et de l'ASTAG n'a en revanche pas été admise par le Tribunal fédéral lorsque les mesures de restriction visaient des routes d'importance secondaire, ayant une fonction de desserte ou de collecte pour le quartier (arrêt 1C_117/2017 du 20 mars 2018 consid. 2.2).

16.         La qualité pour recourir a également été déniée au TCS, au motif qu’il était peu plausible qu’une majorité des membres de la section occuperait régulièrement, soit avec une certaine fréquence, à intervalles rapprochés, sur une période relativement longue, des emplacements de parkings, comme l’exigeait la jurisprudence (ATF 136 II 539 consid. 11 et l’arrêt cité 1A.73/2004 du 6 juillet 2004 consid. 2.2).

17.         En l'espèce, il est établi que l'établissement C______ SA, situé au 27______, avenue N______, vend, répare et prépare des motocycles et qu'à cette fin des pièces de rechange, des véhicules deux roues et tout autre matériel utile, lui sont livrés régulièrement. Devant son établissement, sept places pour deux roues motorisées sont disponibles de même que, juste à côté de ces dernières, deux grandes places pour livraisons. Il est exact que ce commerce ne dispose pas d'un droit exclusif à l'usage de ces places livraison. Toutefois, il est patent qu'elles sont – à la différence des places de stationnement « blanches » situées sur la même avenue, lesquelles peuvent être utilisées indifféremment par n'importe quel automobiliste qui souhaite se rendre en voiture et se parquer dans le quartier – exclusivement destinées à l'usage des divers commerces et établissements situés le long de l'avenue N______ ou dans les rues adjacentes, dans le but précisément de leur permettre d'être livrés en marchandises utiles à leur activité professionnelle. Ainsi, il doit être admis que le C______ SA, au bénéficie duquel sont notamment prévues ces places de livraison en a un usage fréquent et régulier qui se distingue nettement de celui d'autres usagers potentiels situés par hypothèse plus loin dans le quartier.

Le même raisonnement doit être tenu s'agissant de D______ SÀRL qui exploite un bar restaurant et également un bar à bières au numéro 26______, de l'avenue N______. En effet, cette établissement public se fait régulièrement livrer des marchandises, telles que des victuailles et des boissons dont de la bière, lesquelles sont acheminées par camions qui se garent au plus près, soit lorsqu'elles sont disponibles, sur les places livraison, situées à côté du C______ SA. Comme pour ce dernier, il doit être admis que D_____, à qui ces places de livraisons sont notamment destinées, en a un usage fréquent et régulier, de sorte que leur suppression est susceptible de l'affecter davantage que d'autres usagers potentiels.

Cet intérêt de fait suffit à reconnaître l'intérêt de ces recourantes à ce qu'il soit entré en matière sur leur recours, la question par ailleurs de savoir si la création de places de livraison dans les rues adjacentes en compensation des places supprimées est conforme aux exigences légales relevant du fond.

18.         Dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, la qualité pour recourir de C______ SA et de D_____ doit être admise.

La question de la qualité pour recourir des autres recourantes pourra rester indécise, le tribunal étant déjà fondé à entrer en matière sur le recours.

19.         Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 LPA.

20.         En date du ______ 2023, le DT a rendu une décision globale d'autorisation de construire laquelle comprend le préavis liant de l'OCT du 25 janvier 2023 relatif à la règlementation de la circulation.

21.         Dans un grief qu'il convient d'examiner d'entrée de cause, les recourants reprochent au DSM de ne pas avoir requis le préavis du DEE dans le cadre de la procédure ayant mené au prononcé de son préavis, arrêtant la règlementation de la circulation à l'avenue N______, la place R______, la rue Z______, AA_____, AC_____, AD_____ et AE_____ en lien avec les aménagements prévus.

Interpelé à ce sujet par le tribunal, le DSM a exposé ne pas avoir sollicité le préavis en question dès lors que les conditions cumulatives de l'art. 5 al. 2 LaLCR n'étaient pas réunies. En effet, selon ce département, si l'avenue N______ doit être qualifiée de zone d'intense activité commerciale, les mesures de réglementation du trafic prévues dans son préavis liant ne sont pas constitutives d'une interdiction ou même d'une restriction importante de circuler ou de stationner.

22.         Selon l'art. 2 al. 1 LaLCR, le département chargé des transports, en l'occurrence le DSM, est compétent en matière de gestion de la circulation, notamment pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes, sous réserve de l’art. 2A.

23.         L'art. 5 al. 2 LaLCR prévoit que les interdictions ou restrictions importantes de circuler et de parquer dans les zones d'intense activité commerciale font l'objet d'un préavis du département chargé de l’économie.

24.         Cette disposition contient deux notion juridiques indéterminées, soit la notion d’interdiction ou restriction importante de parquer d’une part, et celle de zone d’intense activité commerciale d’autre part (ATA/366/2013 du 11 juin 2013). Ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1358/2020 du 22 décembre 2020 consid. 18b et les références citées). L’autorité de recours s’impose une retenue particulière lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu’elle d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d’utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l’esthétique des constructions (ATA/665/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.11 ; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c ; ATA/45/2019 du 15 janvier 2019 consid. 5b).

25.         Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/555/2022 précité consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 179).

26.         L'art. 3 RaLCR prévoit que le préavis du département chargé de l’économie, au sens de l’art. 5, al. 2, de la loi, se fonde sur une analyse des conséquences économiques de la réglementation envisagée et doit tenir compte, notamment, de l’accessibilité du public dans les zones d’intense activité commerciale prises en considération.

27.         Il convient d'examiner si le DSM a correctement exercé son pouvoir d'appréciation dans l'interprétation des deux notions juridiques indéterminées contenues à l'art. 5 al. 2 LaLCR précité.

Concernant la seconde notion, soit celle de zone d'intense activité commerciale, il n'est pas contesté que la seule avenue N______ (étant rappelé que l'arrêté litigieux porte également sur la place R______, la rue Z______, AA_____, AC_____, AD_____ et AE_____) compte plus de 45 commerces disposant d'arcades sur rue et proposant des biens et des services de natures variées qu'il s'agisse de commerces de bouche (vin, pâtisserie, fromagerie, épicerie etc.), de bars, de restaurants mais aussi de pharmacies, de salons de coiffure, d'esthétique, de barbiers, d'oculiste, de magasins de montres, de vêtements, de pressing, de kiosque à tabac, etc., sans compter les entreprises commerciales exploitées notamment dans des bureaux installés dans les immeubles situés sur cette avenue. Quand bien même le dossier ne comporte aucune information sur le nombre et l'importance ces dernières, ce qui pourtant aurait constitué un élément pertinent pour sa prise de décision, le DSM a considéré le secteur concerné par l'arrêté litigieux comme étant une zone d'intense activité commerciale, ce que le tribunal ne critiquera pas.

Il reste à examiner si le DSM n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que les mesures de circulation adoptées n'entrainaient pas des interdictions ou des restrictions importantes de circuler et de parquer.

Comme rappelé plus haut, la règlementation locale du trafic adoptée ne concerne pas uniquement l'avenue N______ mais également la place R______, la rue Z______, AA_____, AC_____, AD_____ et AE_____. Ce projet implique des modifications du schéma de circulation existant, des aménagements de carrefours ainsi que le déplacement de l'axe des voies routières, également susceptibles de redistribuer les charges de trafic sur d'autres axes. Si ces changements sont qualifiées par le SABRA de notables au sens de l'art. 8 al. 2 OPB, de sorte que les exigences de l'art. 9 OPB doivent être démontrées, il doit être observé avec le département que la circulation sera toujours possible pour l'ensemble des véhicules automobiles, en particulier sur l'avenue N______, de sorte que rien ne permet au tribunal de retenir que le DSM aurait excédé son pouvoir d'appréciation en considérant que la limitation de la vitesse prévue sur cet axe ou encore la modification du gabarit de ce dernier n'entraineront pas de restrictions importantes de circuler.

Tel n'est en revanche pas le cas concernant la question du stationnement. En effet, il résulte du dossier que toutes les places de parc existantes seront supprimées sur l'avenue N______, qu'il s'agisse des douze places de livraison, mais également des 36 places « blanches », de la case « Handicapé » et de la cinquantaine de places pour les véhicules deux roues motorisés, soit un total de presque 100 places de stationnement. De plus, à cette suppression intégrale des places de parc le long de l'avenue en question, s'ajoute l'impossibilité totale de s'arrêter, même brièvement, au bord de la chaussée au sens des art. 18 al. 4 et 21 OCR, puisque les lignes continues prévues sur les voies de circulation interdiront à tous les véhicules (à l'exception des bus, des taxis et des cycles) de les franchir pour s'arrêter sur le bas-côté de l'avenue, en bordure de trottoir, et déposer rapidement soit des personnes soit des marchandises.

Ce résultat sur les 800 m de l'avenue N______, située comme vu plus haut dans une zone d'intense activité commerciale, ne pouvait assurément pas être abordé par le DSM comme n'induisant que des interdictions ou des restrictions de peu d'importance. D'ailleurs, cette interprétation apparait contradictoire avec les écritures des autorités intimées, lesquelles ont largement insisté sur le fait qu'elles se sont dûment penchées sur la question du stationnement dans la zone considérée, soulignant à ce sujet la complexité de la problématique ayant nécessité la consultation des instances spécialisées et la prise en compte des intérêts des différents acteurs de l'économie locale, afin de prévoir les mesures de compensation utiles et nécessaires. Partant, on comprend d'autant moins bien le DSM qui n'a pas jugé utile de consulter le DEE, lequel est pourtant précisément désigné par la loi comme étant l'autorité spécialisée pour l'analyse des conséquences économiques de la réglementation envisagée, en terme notamment d'accessibilité du public aux commerces et entreprises de la zone.

28.         Dans ces circonstances, le tribunal retiendra que le DSM a abusé de son pouvoir d'appréciation en ne sollicitant pas le préavis du DEE dans le cas d'espèce.

29.         Au vu de ce qui précède, les recours seront admis, la décision litigieuse sera annulée, et le dossier renvoyé au département pour complément d'instruction, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments des recourants.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la ville, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ;

Vu l’issue du litige, les avances de frais versées respectivement par l'A______ et consorts ainsi que Mme G______ et consorts, leur seront restituées.

Une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, à la charge de la ville et de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, pris conjointement et solidairement, sera allouée à l'A______ et consorts (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

Une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, à la charge à la charge de la ville et de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, pris conjointement et solidairement, sera allouée à Mme G______ et consorts (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

Aucune indemnité ne sera allouée aux intervenants, lesquels n'y ont pas conclu.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2023 par l'A______, B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA, F______ SA contre la décision globale du département du territoire, du ______ 2023 ;

2.             admet le recours d'A______, B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA, F______ SA ;

3.             admet le recours de Madame G______, Madame H______ et Monsieur I______, lequel a été déclaré recevable par décision du 12 septembre 2023 ;

4.             renvoie le dossier au département du territoire pour complément d'instruction au sens des considérants et notification d'une nouvelle décision ; 

5.             met à la charge de la Ville de Genève, un émolument de CHF 1'500.- ;

6.             ordonne la restitution aux recourants des avances de frais de CHF 900.- versées lors du dépôt des recours ;

7.             condamne la Ville de Genève et l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, pris conjointement et solidairement, à verser à A______, B______ SÀRL, C______ SA, D______ SÀRL, E______ SA, F______ SA aux recourantes une indemnité de procédure de CHF 2'000.- ;

8.             condamne la Ville de Genève et l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, pris conjointement et solidairement, à verser à Madame G______, Madame H______ et Monsieur I______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.- ;

9.             dit qu'aucune indemnité ne sera versées aux intervenants, lesquels n'y ont pas conclu ;

 

10.         dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière