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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/384/2022

JTAPI/694/2022 du 30.06.2022 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE;RESTAURATION
Normes : Cst.29.al2; LEI.11; LEI.18; LEI.20; LEI.21.al1; LEI.22; LEI.23
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/384/2022

JTAPI/694/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 juin 2022

 

dans la cause

 

A______SA, représentée par Me Olivier BRUNISHOLZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             A______SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce depuis le______ 2020, dont le siège est à Genève. Elle est composée de trois administrateurs, dont Madame B______ qui est l’administratrice présidente.

A______SA a les buts suivants : « achat, vente et exploitation d’établissements publics tels que cafés, restaurants, plats à emporter (takeaway) et toute activité se rapprochant directement ou indirectement à son but ; prendre des participations dans toutes entreprises commerciales industrielles ou financières, créer des succursales en Suisse et à l’étranger, en Suisse uniquement pour des biens immobiliers commerciaux ».

2.             Elle exploite un restaurant dans le quartier C______, le « D______ », spécialisé dans la préparation de plats traditionnels sérères et sénégalais. Madame E______, née le ______ 1982, est de nationalité sénégalaise. Elle est arrivée en Suisse le 24 octobre 2016.

3.             Par courrier du 12 octobre 2021, A______SA a envoyé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), une demande d’autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) en faveur de Mme E______, en qualité d’aide de cuisine, au salaire mensuel de CHF 4'204.40.- pour 45 heures de travail hebdomadaires.

Le profil de cuisinier qui était recherché par Mme B______ était atypique et devait répondre aux particularités de la cuisine africaine, plus particulièrement des traditions sérères, ce qui était le cas de Mme E______.

A l’appui de sa demande Mme B______ a produit plusieurs documents :

-          le passeport sénégalais de Mme E______, en cours de validité ;

-          le curriculum vitae de Mme E______, dans lequel était décrit son parcours professionnel et ses compétences ;

-          une attestation du 30 septembre 2021 de la Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales de Genève, qui mentionnait que Mme E______ était au bénéfice d’une carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE), sans interruption du 8 décembre 2016 au 13 octobre 2021 en qualité de domestique privée de Madame F______, fonctionnaire du G______ ;

-          la carte de légitimation suisse de Mme E______ valable du 9 août 2021 au 13 octobre 2021 ;

-          un contrat de travail du 16 septembre 2021 en faveur de Mme E______, pour le poste « d’aide de cuisine », avec mention « pas de formation » et pour un salaire mensuel brut de CHF 4'204.40 ;

-          un formulaire K, non daté,, pour le renouvellement et modification de situation pour titulaire d’un titre de séjour avec ou sans activité en faveur de Mme E______;

-          une lettre de motivation du 22 septembre 2021, rédigée par le gérant du restaurant le « D______» Monsieur H______, motivant le choix d’engager Mme E______ au poste d’aide de cuisine.

4.             Par décision du 22 décembre 2021, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l’octroi de l’autorisation sollicitée. Cela, au motif que l’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l’ordre de priorité n’avait pas été respecté, l’employeur n’avait pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’Union Européisme (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) n’avait pu être trouvé.

En outre, l’employeur n’accordait pas à l’intéressée les conditions de rémunération usuelles à Genève, dans la profession et dans la branche. Enfin, la personne demandée ne présentait pas les qualifications personnelles requises.

5.             Le 1er janvier 2022, pour remédier aux conditions de rémunération usuelles à Genève, la société A______SA a proposé un nouveau contrat de travail à Mme E______ en qualité de cuisinière pour un salaire mensuel brut de CHF 4'537.65, mentionnant sa « formation en restauration, Ecole I______ ».

6.             Le 2 janvier 2022, elle a immédiatement remédié aux exigences de recrutement en soumettant une annonce d’offre d’emploi à l’adresse électronique « se@etat.ge.ch », pour le poste de « cuisinière/cuisinier » avec plusieurs critères spécifiques, notamment « connaissance de la cuisine sénégalaise, plus spécialement sérère, et ivoirienne obligatoire ». Elle ignorait tout simplement ces modalités, auquel cas elle aurait préalablement effectué les formalités nécessaires.

Après la publication de cette annonce, deux candidats avaient manifesté leur intérêt pour le poste, à savoir Monsieur J______ et Monsieur K______. Quand bien même ils ne remplissaient pas les critères de description du poste, un entretien leur avait été fixé par téléphone pour le 17 janvier 2022. Toutefois les deux candidats ne s’étaient jamais présentés aux entretiens.

7.             Par acte du 1er février 2022, A______SA (ci-après : la recourante) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision prononcée le 22 décembre 2021 par l’OCIRT (ci-après : Intimée ou Service de la main-d’oeuvre). Elle a conclu préalablement à l’audition des parties et des témoins requis, puis principalement à l’annulation de la décision et à la délivrance de l’autorisation de séjour requise à l’année avec activité lucrative à Mme E______, sous suite de frais et dépens.

Elle exploitait le restaurant sénégalais « D______ » qui proposait des mets traditionnels de l’Afrique de l’Ouest. Ce restaurant avait ouvert ses portes peu avant la pandémie de Covid-19 et avait subi l’ensemble des restrictions imposées. Pour autant, elle avait continué d’employer sept personnes à temps plein depuis son ouverture. La typicité de sa cuisine attirait de nombreux clients, d’horizons et de cultures différentes. Elle se positionnait « comme un restaurant africain à succès sur la place genevoise » et elle servait incontestablement les intérêts économiques de la Suisse. Elle apportait une diversité et une originalité culinaire indispensable au secteur de la restauration, elle créait des emplois et réalisait un chiffre d’affaires de l’ordre de CHF 100'000.- par mois. Elle devenait un acteur non négligeable de l’économie du canton de Genève et elle pouvait espérer accroître ses capacités d’emploi et son impact économique une fois la crise sanitaire passée.

En refusant la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme E______, l’OCIRT la contraignait fortement dans son développement économique.

Mme E______ remplissait le caractère de l’intégration, car elle était domiciliée en Suisse depuis plus de cinq ans. De langue maternelle française, cela avait facilité son intégration et sa participation à la vie sociale genevoise. Elle possédait un abonnement TPG et se rendait au cinéma. Elle avait ouvert un compte bancaire auprès de la poste dès son arrivée en Suisse. Elle se rendait régulièrement au culte de la Basilique Notre-Dame situé vers la gare et tissait des liens quotidiennement avec la communauté religieuse.

S’agissant des qualifications personnelles requises, Mme E______ était née et avait grandi au Sénégal, un pays dans lequel l’accès au système de formation étaient drastiquement différents de ceux des pays développés. Pourtant, cette dernière avait suivi deux années de formation en restauration. Elle avait une expérience professionnelle solide de plusieurs années notamment une expérience de cinq ans auprès des Nations-Unies de Genève. Par ailleurs, la cuisine sérère était une cuisine traditionnelle qui s’apprenait localement par la transmission du savoir-faire au sein des membres de la famille. De ce fait, Mme E______ possédait une solide expérience qui permettait de justifier à juste titre de prétendre à l’admission du critère de la qualification personnelle requise pour exercer en qualité de cuisinière sérère au sein du « D______ ».

Au vue de tous ces éléments, le Service de la main-d’œuvre étrangère avait constaté les faits de façon inexacte et incomplète.

Afin de se conformer aux exigences de rémunération usuelles à Genève, dans la profession et dans la branche, elle avait produit un nouveau contrat de travail en faveur de Mme E______ pour un salaire mensuel brut de CHF 4'537.65.-. De plus, elle avait démontré qu’aucun travailleur n’avait pu être trouvé sur le marché du travail suisse ou européen suite à l’annonce auprès du Service de la main-d’œuvre le 2 janvier 2022. Ces faits nouveaux démontraient qu’elle avait remédié aux exigences requises par l’administration pour engager des travailleurs étrangers.

De plus, ces faits nouveaux auraient dû conduire obligatoirement l'OCIRT à reconsidérer sa décision.

Son droit d’être entendu avait été violé dans la mesure où l’OCIRT aurait dû procéder à l’audition de Mme B______ et Mme E______. Les faits tels qu’ils ressortaient du dossier n’apparaissaient pas d’emblée clairs au point de justifier un refus d’audition. Le pan du dossier relatif à l’impact économique du restaurant « D______ » était extrêmement lacunaire et se limitait à des déductions circonstancielles. De plus, l’OCIRT n’avait pas suffisamment analysé la situation du restaurant et l’opportunité de son développement.

Enfin l’OCIRT avait violé le principe de proportionnalité dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Les craintes relatives à la capacité d’intégration de Mme E______ et des qualifications requises pour l’emploi en Suisse face à l’intérêt public du pays auraient dû être relativisées et surtout mises en balance avec les intérêts privés de cette dernière.

8.             Dans ses observations du 4 avril 2022, l’OCIRT a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.

Il n’avait jamais refusé d’audition et la recourante n’en avait jamais sollicité. Avant de rendre sa décision, il avait analysé en détail la situation et la demande du 12 octobre 2021, qui ne respectait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative contingentée.

Les motifs qu’il avait invoqués dans sa décision du 19 septembre 2018 (sic), définissaient clairement les raisons pour lesquelles l’autorisation sollicitée n’avait pas été accordée ainsi que la base légale applicable, et permettait aux parties recourantes de l’attaquer utilement. Force était de constater qu’il n’y avait pas eu de violation du droit d’être entendu.

Le fait que Mme E______ résidait en Suisse depuis le 24 octobre 2016 au bénéfice d’une carte de légitimation, ne lui conférait aucun droit à une prise d’activité. Il convenait d’examiner si les conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation, laquelle impliquerait le prélèvement d’une unité du contingent cantonal, étaient remplies.

Mme E______ était cuisinière et ne possédait aucune qualification ou diplôme particulier. Les qualifications particulières avancées reposaient sur son expérience de domestique privée, pendant environ cinq ans auprès d’une fonctionnaire du fonds mondial et une formation en restauration de deux ans au Sénégal non attestée par pièces. Elle ne disposait ni de qualifications, ni d’une expérience à ce point particulière qu’il était impossible à l’employeur de recruter un travailleur doté des compétences requises sur le marché local ou titulaire d’un passeport de l’UE/AELE. Le contrat de travail du 16 septembre 2021 qui figurait dans la demande originale indiquait que Mme E______ était engagée en tant qu’« aide de cuisine » et qu’elle n’avait pas de « formation ». Ainsi, elle ne remplissait pas les exigences de qualifications.

De plus, l’annonce du poste par la recourante à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) uniquement, ne suffisait pas pour démontrer qu’elle s’était trouvée dans l’impossibilité absolue d’octroyer le poste à un candidat bénéficiant de la priorité. Ainsi, elle n’avait pas apporté la preuve qu’elle avait fait tous les efforts possibles pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l’UE/AELE et n’avait par conséquent pas respecté le principe de l’ordre de la priorité dans le recrutement.

Les conditions de rémunération qui avaient été proposées à Mme E______, étaient inférieures au montant du salaire minimum sur le canton de Genève, car pour une activité de 45 heures hebdomadaires, le salaire minimum était de CHF 4'537.-.

Par ailleurs, l’intérêt économique de la demande était insuffisant compte tenu, notamment, de l‘exiguïté du contingent cantonal qui était de 91 permis B en 2022. L’engagement de Mme E______ ne se démarquait pas par un fort intérêt économique pour le canton. La recourante n’avait pas effectué suffisamment de recherches pour trouver un candidat bénéficiant de la priorité sur le marché du travail suisse et européen. Mme E______ ne possédait pas les qualifications requises et les conditions de rémunérations n’étaient pas respectées.

S’agissant du respect du principe de proportionnalité dans l’exercice du pouvoir d’appréciation, il fallait rappeler que Mme E______ n’avait jamais bénéficié d’une autorisation d’établissement (permis C). Par ailleurs, la décision litigieuse examinait uniquement si les conditions d’accès au marché du travail étaient remplies, ce qui n’étaient pas le cas en l’espèce. La « révocation » de la carte de légitimation de Mme E______ n’avait aucun rapport avec l’Intimée, puisque c’était la simple conséquence de la fin de son emploi auprès d’une organisation internationale.

Enfin, les arguments avancés par la recourante en relation avec la situation personnelle particulière de Mme E______ ne relevaient pas de la compétence de l’OCIRT, qui ne pouvait prendre en considération que le volet économique des activités de demande de permis.

9.             Par réplique du 29 avril 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Les observations du 4 avril 2022 de l’OCIRT faisaient abstraction des derniers faits et pièces apportées dans son recours du 1er février 2022. La publication du poste vacant auprès de l’OCE, puis le nouveau contrat de travail prévoyant la revalorisation tant du salaire que du poste de travail occupés, étaient des éléments nouveaux qui devaient faire l’objet d’une reconsidération. De ce fait, les conditions de rémunération et de travail du lieu de la profession que l’ordre de priorité des travailleurs en Suisse et UE/AELE étaient respectées.

Elle avait toujours été honnête et transparente vis-à-vis de l’Intimée, en annonçant dans son recours un chiffre d’affaire réaliste d’environ CHF 100'000.-, six employés à temps plein, le tout en période de pandémie. Elle avait toujours affirmé ses ambitions de développer la société. D’une part, en 2020 elle avait acquis pour son restaurant le « D______ », un local commercial de 400m2, (contre 58m2 pour le local précédent), dont une terrasse et un espace de fête au sous-sol et, d’autre part, elle désirait accroître le nombre d’employés et de postes de travail, privilégier les fournisseurs locaux et augmenter son chiffre d’affaires. Ainsi, l’autorisation de séjour d’une année permis B avec activité lucrative, renouvelable, servait les intérêts économiques du canton et de la Suisse.

Elle proposait des spécialités sénégalaises et sérères répondant à une forte demande, notamment des délégations et ambassades présentes dans le quartier des Nations. Gage de qualité et de sérieux, la clientèle du restaurant avait très peu diminué pendant la pandémie, ce qui permettait d’envisager un avenir solide et un développement positif, ainsi qu’une augmentation de son chiffre d’affaire et de ses employés.

Par conséquent, l’ensemble des conditions d’octroi d’une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) en faveur de Mme E______ étaient données.

10.         Par duplique du 24 mai 2022, l'OCIRT a en substance renvoyé à son argumentation précédente. S'agissant du fait que d'autres administrés avaient réussi à obtenir des autorisations sur la base de business plan trompeurs, non seulement il n'existait pas d'égalité dans l'illégalité, mais les situations en question n'avaient pas de rapport avec la demande déposée par la recourante.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             La recourante demande à titre préalable de procéder à l’audition de son administratrice, à celle de Mme E______, à celle de la personne qui loge cette dernière à Genève depuis plus de cinq ans et enfin à celle de l'ancien employeur de Mme E______.

7.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal (ATF 134 I 140 consid. 5.3). Il n'empêche toutefois pas l'autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées).

Par ailleurs, il ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; 125 I 209 consid. 9b ; 122 II 464 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

8.             En l’espèce, l'audition des personnes requises par la recourante n'apparaît pas utile ni nécessaire. En effet, le dossier en possession du tribunal ne révèle pas de divergence entre les parties sur les éléments de faits pertinents, à savoir en particulier sur le chiffre d'affaires et le nombre d'employés de la recourante, sur les recherches qu'elle a concrètement effectuées pour trouver une cuisinière sérère, sur le salaire qu'elle est prête à payer à Mme E______ et enfin sur le parcours professionnel de cette dernière. Le témoignage de l'administratrice de la recourante ne servirait qu'à confirmer des éléments que l'on peut considérer comme déjà établis par la procédure écrite, sans que cela ne change l'issue du litige. Il en va de même de l'audition de Mme E______. Quant aux auditions du logeur de cette dernière et de son ancien employeur, l'intégration socioprofessionnelle à Genève de Mme E______ peut être considérée comme bonne, mais n'a néanmoins aucun rapport avec les questions litigieuses.

Par conséquent, il ne se justifie pas de donner suite aux mesures d'instructions requises.

9.             La recourante fait valoir que les éléments de faits nouveaux qu’elle évoque dans son recours, à savoir le nouveau contrat de travail du 1er janvier 2022 et son offre d’emploi du 2 janvier 2022, n’ont pas pris en considération par l’autorité intimée dans ses observations du 4 avril 2022, et aurait dû conduire cette dernière à reconsidérer sa décision litigieuse. Il convient cependant d'observer que ce grief ne vise pas la décision querellée elle-même et est donc exorbitant à l'objet du litige. Si la recourante entendait obtenir de la part de l'autorité intimée une reconsidération sur la base des nouveaux éléments du dossier, il lui appartenait d'en faire la demande. Le tribunal ne saurait en tous les cas annuler la décision litigieuse au motif que l'autorité intimée aurait prétendument dû la reconsidérer ultérieurement.

10.         Au demeurant, le tribunal de céans rend le présent jugement d'après la situation au moment où il statue, c'est-à-dire en prenant en considération les faits survenus postérieurement à la décision litigieuse.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’Accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse, et, d’autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

12.         En l’occurrence, Mme E______ étant ressortissante du Sénégal, la demande de permis déposée en sa faveur ne peut être examinée que sous l’angle de la LEI. En effet, dès lors qu’elle n’est pas un « ressortissant d’une partie contractante », elle ne peut se prévaloir d’aucun droit découlant de l’ALCP (cf. art. 2 ALCP et 7 Annexe I ALCP).

13.         Selon l’art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

14.         À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI). Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à la délivrance d'une autorisation de séjour pour activité lucrative (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_860/2011 du 25 octobre 2011 consid. 2). De même, l'employeur ne dispose d'aucun droit à engager le candidat de son choix en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b).

15.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.1 et les références citées ; C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (cf. ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

Selon les directives et commentaires du secrétariat d'État aux migrations (SEM ; Séjour avec activité lucrative [ci-après : directives LEI], état au 1er avril 2020, ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné à s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 8.3 ; C-3518/2011 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; C-2485/2011 du 11 avril 2013 consid. 6 ; C-6135/2008 du 11 août 2008 consid. 8.2 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

16.         À teneur de l’art. 20 LEI, le Conseil fédéral peut limiter le nombre d'autorisations de courte durée initiales et celui des autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33) octroyées en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Il entend les cantons et les partenaires sociaux au préalable (al. 1).

Il peut fixer un nombre maximum d'autorisations pour la Confédération et pour chaque canton (al. 2).

Le SEM peut, dans les limites du contingent de la Confédération, octroyer lui-même des autorisations initiales de courte durée ou de séjour ou relever le contingent d'un canton. Il tient compte des besoins du canton et des intérêts économiques du pays (al. 3).

17.         L’art. 20 LEI prévoit le principe du contingentement des autorisations de séjour délivrées en vue de l’exercice d’une activité lucrative pour les ressortissants des États dits tiers (cf. Message précité, in FF 2002, p. 3536), à savoir les pays qui ne sont pas soumis à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) ou à la Convention du 4 janvier 1960 instituant l’Association européenne de Libre-Echange (AELE - RS 0.632.31). L'art. 20 al. 1 OASA dispose que les cantons peuvent délivrer des autorisations pour des séjours en vue d'exercer une activité lucrative d'une durée supérieure à un an, dans les limites des nombres maximums fixés à l'annexe 2 ch. 1 let. a OASA (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 7.1). Le nombre maximum de telles autorisations pour le canton de Genève est de quatre-vingt-onze pour 2022. Ainsi, compte tenu du contingent restreint accordé aux cantons, les autorités du marché de l’emploi sont contraintes de se montrer restrictives dans l’appréciation des demandes dont elles sont saisies et ne peuvent retenir que celles qui traduisent un intérêt pour la collectivité.

18.         Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (cf. notamment ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; C-6198/2014 du 18 mai 2015 consid. 6.1 ; C-857/2013 consid. 5).

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités ; directives LEI, ch. 4.3.2.1).

Il revient à l’employeur de démontrer qu’il a entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2 ; F-1992/2015 du 10 mars 2017 consid. 5.5C-106/2013 du 23 juillet 2014 consid. 7.1 ; C-1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.7 ; C-4873/2011 du 13 août 2013 consid. 5.3).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (cf. ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (cf. ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11). Par ailleurs, des démarches intervenues après un refus d’octroi d’autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s’acquitter des exigences légales (cf. ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 consid. 2c).

19.         Selon l’art. 22 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative qu'aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche.

20.         Il ressort de l’art. 23 al. 1 LEI que seuls les cadres, les spécialistes ou autres travailleurs qualifiés peuvent obtenir une autorisation de courte durée ou de séjour.

En cas d'octroi d'une autorisation de séjour, la qualification professionnelle de l'étranger, sa capacité d'adaptation professionnelle et sociale, ses connaissances linguistiques et son âge doivent en outre laisser supposer qu'il s'intégrera durablement à l'environnement professionnel et social (al. 2).

À teneur de l’al. 3, peuvent être admis, en dérogation aux al. 1 et 2:

a.       les investisseurs et les chefs d'entreprise qui créeront ou qui maintiendront des emplois;

b.      les personnalités reconnues des domaines scientifique, culturel ou sportif;

c.       les personnes possédant des connaissances ou des capacités professionnelles particulières, si leur admission répond de manière avérée à un besoin;

d.      les cadres transférés par des entreprises actives au plan international;

e.       les personnes actives dans le cadre de relations d'affaires internationales de grande portée économique et dont l'activité est indispensable en Suisse.

En l’espèce, la décision attaquée refuse de délivrer l’autorisation avec activité lucrative requise en faveur de Mme E______, au motif que son admission ne sert pas les intérêts économiques de la Suisse et que l’ordre de priorité n’a pas été respecté. L’analyse à laquelle a procédé l’OCIRT, qui dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation, n’apparaît pas inappropriée. En effet, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'activité que Mme E______, aussi compétente soit-elle, serait amenée à déployer au sein du restaurant de la recourante pourrait réellement avoir des retombées économiques positives pour l'économie suisse et, ainsi, représenter un intérêt pour la Suisse au sens de l'art. 18 let. a LEI, tel que défini plus haut, que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissements ou de diversification de l'économie régionale. Le chiffre d'affaires réalisé par la recourante et le nombre de personnes qu'elle emploie, de même que le salaire qu'elle propose à Mme E______, ne permettent pas de considérer que l'entreprise déploie une activité à ce point importante pour la Confédération qu'il se justifierait de prélever une unité sur le faible contingent annuel dont dispose le canton de Genève. Des entreprises telles que la recourante sont extrêmement nombreuses à l'échelle du territoire cantonal et il est dans ces conditions inenvisageable de toutes les considérer comme représentant individuellement un intérêt économique significatif pour la Suisse. La recourante ne déploie pas non plus une activité de pointe susceptible, malgré une taille initiale réduite, de connaître à court terme une forte expansion. On soulignera enfin qu'il ne faut pas confondre l'intérêt économique de la Suisse avec celui de la recourante à engager une personne particulière. Au vu de ce qui précède, l'analyse à laquelle la commission tripartite a procédé, telle que reportée par l'OCIRT, n'apparaît pas critiquable.

Le tribunal relèvera encore que les jurisprudences auxquelles se réfère la recourante (ATA/269/2021 du 2 mars 2021 et ATA/795/2020 du 25 août 2020), en soulignant que des permis sont parfois octroyés sur la base de business plan « douteux », ne lui sont d'aucun secours. En effet, le fait que l'autorité intimée puisse parfois se tromper en pensant qu'une entreprise connaîtra un développement économique rapide et important ne vaut pas démonstration du fait que la recourante pourrait connaître un tel développement

21.         Au vu des circonstances, on ne peut admettre que l'OCIRT a fait un usage excessif ou abusif dudit pouvoir d'appréciation, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé viole lui-même le principe de l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

Sous l’angle de l’art. 21 LEI, les démarches initiées par la recourante en vue de trouver un collaborateur compétent, doivent être relativisées. En effet, elle a publié une offre d’emploi uniquement auprès de l’OCE, en attendant pour cela le 2 janvier 2022, c'est-à-dire après avoir déjà déposé sa demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme E______ le 22 septembre 2021. Nonobstant le fait que les deux candidats qui avaient manifesté leur intérêt pour le poste, ne se sont jamais présentés aux entretiens téléphoniques, aucune autre démarche n’a été entreprise par la suite, ce qui semble indiquer que les recherches effectuées par la recourante n’étaient que de pure forme et qu’en publiant les annonces de recherche, elle avait d’ores et déjà décidé d’engager Mme E______.

Au demeurant, on ne voit pas en quoi Mme E______ présenterait des qualifications et une expérience professionnelle si particulières qu’il aurait été impossible, pour la recourante de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, lequel est pourvu de plusieurs dizaines de millions de travailleurs. L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées.

22.         En conclusion, eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal considère que c’est à bon droit que l’OCIRT a refusé de délivrer le titre de séjour avec activité lucrative requis en faveur de Mme E______.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2022 par A______SA contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 22 décembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière