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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6056/2017

DAS/67/2019 du 27.03.2019 sur DJP/584/2018 ( AJP ) , ADMIS

Normes : CC.490.al1; CC.553
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6056/2017 DAS/67/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 27 MARS 2019

 

Appel (C/6056/2017) formé le 21 décembre 2018 par Monsieur A______, domicilié rue ______ (______/France), comparant par Me Henri BERCHER, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 28 mars 2019 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Henri BERCHER, avocat
Rue Neuve 6, case postale 1140, 1260 Nyon.

- Madame B______
c/o Me F______, avocate
______, ______ (GE).

- Madame C______
c/o Me Lucio AMORUSO, avocat
Rue Eynard 6, 1205 Genève.

- Maître D______
Avenue ______, Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) E______ (ci-après: E______ ou le défunt), né le ______ 1927 à ______ (Vaud), originaire de ______ (Berne), est décédé le ______ 2017 à ______ (Genève), où il était domicilié avec son épouse, B______ (ci-après: B______), née le ______ 1931.

Me F______ était la curatrice de représentation de feu E______ depuis le 3 juin 2013. Elle est également curatrice de représentation de B______ depuis le 23 mai 2014.

b) C______, née le ______ 1961 et A______ (ci-après: A______), né le ______ 1965, sont les enfants du couple.

C______ est domiciliée à Genève; A______ à ______ (______/France).

c) Par pacte successoral du 30 novembre 2001, feu E______ a institué son épouse unique héritière, en accord avec leurs deux enfants et a grevé les biens revenant à son épouse d'une substitution fidéicommissaire réduite au solde en faveur de ceux-ci.

d) Par décision du 30 mars 2017, la Justice de paix a commis Me D______, notaire (ci-après: également le notaire), aux fins de dresser l'inventaire de la succession de feu E______ et a précisé que les appelés à la succession (i.e C______ et A______) devaient être dûment convoqués à l'inventaire.

e) Relancé par la Justice de paix le 12 juillet 2018, le notaire l'a informée, par pli du 16 juillet 2018, de ce qu'il avait enfin reçu, dans le courant du mois de juin 2018, les derniers éléments de fortune de la part de la curatrice du défunt, de sorte qu'il avait modifié son premier projet d'inventaire, dont il adressait une nouvelle version aux héritiers. Ce projet comporte, outre les actifs de la succession, également la liste des donations effectuées par le défunt ou son épouse à leurs enfants, ainsi qu'une longue liste de virements bancaires ou postaux dont A______ avait bénéficié pour un montant total de 177'081 fr. 03.

Le notaire a par ailleurs convoqué les héritiers pour le 4 octobre 2018, afin de procéder à la signature de l'inventaire.

f) Par courrier du 14 septembre 2018, le conseil de A______, lequel s'était formellement constitué le 28 août 2018 auprès du notaire, a indiqué à ce dernier que compte tenu du domicile à l'étranger de son client, il ne lui était pas possible d'examiner avec lui les documents transmis. Il sollicitait par conséquent un report de la séance du 4 octobre 2018 et informait le notaire que ni lui ni A______ ne seraient présents le 4 octobre.

g) Le notaire a refusé de reporter le délai fixé pour la signature de l'inventaire par courrier du 17 septembre 2018, indiquant avoir transmis à A______ la dernière version du projet d'inventaire par courrier recommandé du 17 septembre 2018. Une prolongation de la mi-septembre au 4 octobre 2018 avait déjà été accordée et tous les justificatifs avaient été envoyés par courriel le 9 septembre 2018. Au vu du nombre important de versements effectués par le défunt en faveur d'A______ et de leur montant global, ils avaient été intégrés au projet d'inventaire. Si A______ entendait contester leur présence dans l'inventaire, il en serait fait mention dans celui-ci.

h) Par courrier du 3 octobre 2018, le conseil de A______ a informé le notaire de ce que, en raison de son domicile à l'étranger et de problèmes liés à sa santé, A______ ne comparaîtrait ni ne serait représenté le lendemain. Il contestait l'inventaire successoral tel qu'il avait été rédigé par le notaire sur la base des documents qu'il avait reçus du conseil d'C______ et de la curatrice de la veuve du défunt. Une partie substantielle des montants mentionnés comme donations étaient en réalité un salaire versé à A______ pour des travaux de gardiennage, d'entretien et de réparation de l'immeuble détenu par le de cujus. Il annonçait par ailleurs l'envoi, par courrier postal, des "documents de l'UNEDIC et du CESU".

i) L'inventaire a été clos le 4 octobre 2018 en l'Etude de Me D______, en présence de la curatrice de B______ et du conseil de C______, A______ n'étant ni présent, ni représenté. Selon l'inventaire, l'actif net de la succession s'élevait à 1'133'498 fr. 94, le notaire ayant fait état des donations reçues par C______ et A______, ainsi que des nombreux virements opérés en sa faveur entre 1999 et 2016 pour un total de 168'367 fr. 03.

L'acte mentionne par ailleurs la contestation du conseil d'A______ de "l'inventaire tel qu'il a été rédigé par le notaire soussigné".

Une expédition certifiée conforme de l'inventaire instrumenté le 4 octobre 2018 a été transmise par le notaire à la Justice de paix par courrier du 9 octobre 2018, reçu le 15 octobre.

j) Par courrier du 23 octobre 2018 adressé à la Justice de paix, le conseil de A______ a exposé devoir encore vérifier et dépouiller divers documents lesquels démontraient, d'une part, que l'inventaire n'était pas complet et d'autre part que les documents récemment déposés par la curatrice de B______ ne devaient pas figurer dans l'inventaire sous la rubrique "donation en faveur de Monsieur A______". Compte tenu du domicile à l'étranger de ce dernier et du handicap dont il souffrait, son conseil sollicitait l'octroi d'un délai d'une vingtaine de jours pour produire divers documents; il demandait que l'inventaire établi le 4 octobre 2018 ne soit pas ratifié "en l'état".

La Justice de paix a accordé à A______ un délai au 7 décembre 2018.

k) Par courrier du 26 novembre 2018 à la Justice de paix, le conseil de A______ s'est opposé à la clôture de l'inventaire tel qu'établi par Me D______. Il a expliqué qu'en raison du fait que son client était domicilié dans le Var (France) et qu'il avait des difficultés à se déplacer et à correspondre en raison de ses handicaps, lui-même n'avait pas été en mesure de recueillir, avant la signature de l'acte, ses déterminations sur le projet d'inventaire et sur les justificatifs qui lui avaient été remis par le notaire les 31 août et 9 septembre 2018, ce dernier ayant refusé sa demande de report de la séance du 4 octobre 2018. A______ reconnaissait que certains montants figurant dans l'inventaire étaient rapportables, les autres ne l'étant pas, pour différents motifs détaillés dans le courrier, auquel étaient jointes de nombreuses pièces justificatives. Le conseil de A______ a également relevé que l'inventaire ne mentionnait pas, sans raison, l'existence d'une donation du défunt en faveur de C______ d'un montant de 21'239 fr.

B.            Par décision DJP/584/2018 du 13 décembre 2018, expédiée le lendemain et reçue le 17 décembre 2018 par A______, la Justice de paix a déclaré closes les opérations d'inventaire relatives à la succession de E______ et a fixé un émolument de décision de 250 fr.

Ladite décision fait explicitement référence à l'expédition de l'inventaire "selon courrier du 15 octobre 2018".

C.           a) Par acte expédié le 21 décembre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé un "recours" contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation de l'inventaire établi le 4 octobre 2018 par Me D______ et à la transmission du dossier à "un notaire tiers n'ayant aucun lien avec les parties afin qu'il soit complété, respectivement, corrigé, sur la base des explications fournies le 26 novembre 2018 et des considérants de la Cour, cas échéant".

Il expose, en substance, que même s'il avait finalement pu faire valoir ses objections devant la Justice de paix, celle-ci, pressée par le notaire, n'en avait pas tenu compte. Il se plaint également d'une violation de son droit d'être entendu, dans la mesure où le notaire lui avait refusé un report de la date de la signature de l'inventaire, demande motivée par son éloignement géographique d'une part et par la nécessité de se faire assister d'un tiers pour la lecture des documents transmis par le notaire d'autre part.

L'inclusion dans l'inventaire de versements qu'il avait reçus, sous la rubrique "donations", alors qu'ils avaient une autre cause, constituait pour C______, qui bénéficierait le cas échéant de leur rapport, "l'obtention frauduleuse d'une constatation fausse". L'inventaire ne mentionnait par ailleurs pas la mention d'une donation en 21'239 fr. sous forme du paiement par le de cujus des honoraires du conseil de C______. Ledit inventaire devait par conséquent être annulé, pour être corrigé et complété.

b) Dans ses observations du 4 février 2019, C______ a conclu au déboutement de A______ de l'intégralité de ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Selon elle, Me D______ avait établi un inventaire en se fondant sur des critères objectifs reconnaissables, qui lui avaient permis de distinguer les montants qu'il estimait rapportables de ceux qui ne l'étaient pas, de sorte que l'inventaire devait être considéré comme correct, tous les éléments nécessaires y figurant. S'agissant du droit d'être entendu de A______, C______ a soutenu qu'il n'avait pas été violé, la Justice de paix ayant reçu et examiné ses objections avant de rendre la décision attaquée.

c) Dans ses écritures du 11 février 2019, B______ a conclu, quant à elle, à l'irrecevabilité du recours et au fond au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a contesté l'intérêt à recourir de A______, puisque le notaire n'était pas le juge du fond s'agissant des créances inventoriées; la conclusion tendant à ce que le dossier soit confié à un "notaire n'ayant aucun lien avec les parties" était insuffisamment motivée. Pour le surplus, l'inventaire avait été correctement établi. S'agissant du droit d'être entendu de A______, celui-ci avait pu bénéficier d'un premier report de la date agendée pour la signature de l'inventaire et en outre, en faisant part au notaire de son opposition dont il avait exposé les motifs, il avait finalement pu se déterminer avant la signature de l'acte le 4 octobre 2018.

d) Les parties ont été informées par avis du greffe de la Chambre civile du 12 février 2019 de ce que la cause était mise en délibération.

 

 

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions finales et incidentes du juge de paix en matière successorale, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel ou d'un recours, par une personne qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), dans un délai de dix jours (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), selon que la valeur litigieuse est ou non d'au moins 10'000 fr. (art. 306 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, la cause est de nature pécuniaire et la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. compte tenu de l'actif net successoral, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

L'appel a été formé dans le délai et selon la forme prescrite par la loi par une personne ayant la qualité d'héritier. L'appelant, qui conteste une décision de la Justice de paix qui clôture la procédure d'inventaire, a un intérêt à recourir et à obtenir l'annulation de la décision attaquée, ainsi que la modification éventuelle de l'inventaire litigieux. L'appel est dès lors recevable.

Le fait que le recourant ait intitulé son acte "recours" ne fait pas obstacle à sa recevabilité, celui-ci pouvant être traité comme un appel, dès lors qu'il remplit les conditions formelles de cette voie de droit (ATF 134 III 379 consid. 1.2; ATF 131 I 291 consid. 1.3).

1.3 L'appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC).

Il incombe à l'appelant de démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée, son argumentation devant être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquels repose sa critique, la motivation étant une condition légale de recevabilité devant être examinée d'office (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).

Il s'ensuit que la Cour ne revoit la cause que dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2.             L'appelant estime que son droit d'être entendu a été violé puisqu'il n'a pas pu faire valoir ses objections devant le notaire, celui-ci ayant refusé sa demande de report de la séance prévue pour la signature de l'inventaire qu'il avait établi.

2.1 Découlant de l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui d'apporter des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (cf. notamment ATF 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu constitue une garantie de caractère formel dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond. Toutefois, une violation pas particulièrement grave peut exceptionnellement être réparée si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait comme en droit. Même en cas de violation grave du droit d'être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l'instance précédente, si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à un jugement rapide de la cause (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 publié in JdT 2010 I 255).

2.2 En l'espèce, l'appelant conteste certains postes de l'inventaire, qu'il considère par ailleurs incomplet.

Or, il ressort du dossier que les objections détaillées et documentées de l'appelant ont été adressées à la Justice de paix par courrier du 26 novembre 2018, soit avant le prononcé de la décision attaquée, de sorte que son droit d'être entendu n'a pas été violé.

Ce grief sera par conséquent rejeté.

3.             L'appelant reproche ensuite au juge de paix d'avoir déclaré closes les opérations d'inventaire civil relatives à la succession de E______, alors que l'inventaire était incomplet et erroné.

3.1
3.1.1
En cas de substitution fidéicommissaire prévue dans une disposition pour cause de mort, l'autorité compétente fait dresser inventaire de la succession échue au grevé (art. 490 al. 1 CC).

Cet inventaire est une mesure de sûreté au sens de l'art. 553 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_294/2014 du 5 février 2015 consid. 4.2.2).

La portée de cet inventaire consiste uniquement à définir l'étendue de l'héritage au moment de l'ouverture de la succession et d'assurer sa préservation (arrêt du Tribunal fédéral 5P.372/2005 du 19 janvier 2006 consid. 3.2 avec référence à l'ATF 94 II 55 consid. 2 p. 57). Il n'a ainsi pas pour but de régler définitivement les relations juridiques découlant de la succession ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_294/2014 du 5 février 2015 consid. 4.2.2). En revanche, il a une fonction de preuve, au sens de l'art. 9 CC, que les biens inventoriés existaient à l'ouverture de la succession et ont été considérés à ce moment-là comme faisant partie de cette dernière. Il permet ainsi de prouver l'étendue du devoir de restitution lors de l'ouverture de la substitution (arrêt du Tribunal fédéral 5A_294/2014 du 5 février 2015 consid. 4.2.2).

3.1.2 Dans la mesure où l'inventaire conservatoire de l'art. 553 CC ne produit aucun effet matériel (arrêts 5A_184/2012 du 6 juillet 2012 consid. 1.2; 5A_686/2011 du 28 novembre 2011 consid. 2), il peut être modifié ou complété en tout temps s'il se révèle être inexact ou incomplet (arrêt du Tribunal fédéral 5A_434/2012 du 18 décembre 2012 consid. 3.2.1; Steinauer, Le droit des successions, 2015, n. 867 p. 464). Il ne peut ainsi servir de base pour le calcul des réserves et le partage de la succession (ATF 120 II 293 in JdT 1995 I 329; 118 II 264 in JdT 1995 I 125; Steinauer, Le droit des successions, 2015, n. 867 p. 464).

3.1.3 L'inventaire est dressé conformément à la législation cantonale et, en règle générale, dans les deux mois à compter du décès (art. 553 al. 2 CC).

L'inventaire doit énumérer les actifs de la succession, les passifs étant inventoriés uniquement si le droit cantonal le prévoit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_434/2012 du 18 décembre 2012 consid. 3.2.1 in SJ 2013 I 473; Meier/Reymond-Eniaeva, Commentaire romand Code civil II, 2016, n. 3 ad art. 553; Steinauer, Le droit des successions, 2015, n° 867 p. 464).

L'inventaire ne doit pas s'étendre aux actes entre vifs (donations entre vifs) (Hubert-Froidevaux, in Commentaire du droit des successions, 2012, n. 5 ad art. 553). S'agissant des libéralités rapportables (art. 626 ss CC) ou sujettes à réunion (art. 208 CC), il n'est pas nécessaire de les faire figurer à l'inventaire (ATF 120 II 293 consid. 2 in JdT 1995 I 329; 118 II 264 consid. 4b/bb in JdT 1995 I 125) mais le droit cantonal peut le prévoir (art. 553 al. 2 CC; Meier/Reymond-Eniaeva, in Commentaire romand Code civil II, 2016, n. 3 ad art. 553; Hubert-Froidevaux, in Commentaire du droit des successions, 2012, n. 5 ad art. 553).

En tout état, les actifs dont l'appartenance à la succession est litigieuse doivent y figurer avec les réserves correspondantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_343/2012 du 18 décembre 2012 consid. 3.2.2; ATF 118 II 264 consid. 4b/bb; Meier/Reymond-Eniaeva, in Commentaire romand Code civil II, 2016, n. 3 ad art. 553). Ainsi, il n'appartient pas à la Justice de paix de statuer sur des questions de droit matériel, lesquelles relèvent du juge ordinaire (SJ 2001 I 519; DAS/118/2017 du 30 juin 2017 consid. 2.1).

3.1.4 A Genève, selon l'art. 3 al. 1 let. f LaCC, la Justice de paix est compétente pour prononcer les mesures pour assurer la dévolution de l'hérédité et l'ouverture des testaments. En particulier, la Justice de paix est compétente pour ordonner l'inventaire conservatoire prévu par l'art. 553 CC et peut commettre à cette fin un notaire (art. 106 al. 1 LaCC).

Le procès-verbal d'inventaire qui est établi comprend la description et l'estimation des objets de valeur, l'état des dettes connues, la déclaration solennelle des comparants et des personnes qui, au moment du décès, faisaient ménage commun avec le défunt, qu'ils n'ont détourné, vu détourner, ni su qu'il ait été détourné aucun bien dépendant de la succession (art. 109 al. 1 let. b LaCC). Le procès-verbal comprend la signature des comparants et déclarants ou, à défaut, un constat de carence (art. 109 al. 1 let. c ch. 2 LaCC). Sur la base de l'inventaire, le juge de paix rend une ordonnance de clôture de la procédure d'inventaire (art. 109 al. 2 LaCC).

3.2 En l'espèce, les créances litigieuses étant toutes nées du vivant du défunt, elles constituent des libéralités entre vifs en faveur d'héritiers légaux qui sont éventuellement rapportables; il n'appartient toutefois ni au notaire, ni à la Justice de paix, de le déterminer.

A Genève et conformément à l'art. 109 al. 1 LaCC, l'inventaire doit mentionner la description et l'estimation des objets de valeur, ainsi que l'état des dettes connues de la succession. En revanche et conformément à la doctrine citée sous 3.1 ci-dessus, l'inventaire ne doit pas s'étendre aux actes entre vifs (donations entre vifs), ni aux libéralités rapportables (art. 626 ss CC) ou sujettes à réunion (art. 208 CC), la LaCC ne le prévoyant pas.

Dès lors, l'inventaire établi en l'espèce par le notaire excède la mission qui lui a été confiée, telle que définie par les dispositions légales et la doctrine citées ci-dessus et est source de conflit entre les héritiers.

La décision attaquée, qui a déclaré closes les opérations d'inventaire, fait explicitement référence à l'inventaire litigieux, qu'il convient toutefois d'expurger de tous les éléments non expressément prévus par l'art. 109 al. 1 LaCC.

Au vu de ce qui précède, la décision attaquée sera annulée et la cause renvoyée à la Justice de paix pour nouvelle décision, après avoir sollicité du notaire l'établissement d'un inventaire de la succession de feu E______ conforme à l'art. 109 al. 1 LaCC.

3.3 Il ne sera pas donné suite à la conclusion de l'appelant visant à la désignation d'un autre notaire, laquelle est insuffisamment motivée et par conséquent irrecevable.

 

4.             4.1 Les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. et, au vu de l'issue du litige, ils seront laissés entièrement à la charge de l'Etat de Genève. L'avance de frais de même montant fournie par l'appelant lui sera restituée.

4.2 Il ne sera pas alloué de dépens, seuls les frais judiciaires et non les dépens pouvant être mis à la charge de l'Etat (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 21 décembre 2018 par A______ contre la décision DJP/584/2018 rendue le 13 décembre 2018 par la Justice de paix dans la cause C/6056/2017.

Au fond :

Annule la décision attaquée et cela fait:

Renvoie la cause à la Justice de paix pour nouvelle décision, après avoir sollicité du notaire l'établissement d'un inventaire de la succession de feu E______ conforme à l'art. 109 al. 1 LaCC.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais d’appel à 500 fr. et les met à la charge de l’Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 500 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.