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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25468/2021

ACJC/1552/2025 du 24.10.2025 sur JTBL/1145/2024 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 28.11.2025, 4A_606/25
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25468/2021 ACJC/1552/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 24 OCTOBRE 2025

 

Entre

A______ SA, sise c/o B______ SA, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 novembre 2024, représentée par Me Christophe GAL, avocat, CG Partners, rue du Rhône 100, 1204 Genève,

et

SOCIETE IMMOBILIERE C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Oana STEHLE HALAUCESCU, avocate, P&H, avenue Krieg 42, 1208 Genève.

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTBL/1145/2024 du 19 novembre 2024, notifié aux parties le
27 novembre 2024, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé du
26 novembre 2021 notifié par SOCIETE IMMOBILIERE C______ à A______ SA pour le 31 décembre 2021, portant sur des locaux commerciaux et dépôt situés au rez-de-chaussée et sous-sol de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens ainsi que tout tiers, les locaux et dépôt susmentionnés (ch. 2), autorisé SOCIETE IMMOBILIERE C______ à requérir l'évacuation de A______ SA par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

b. En substance, le Tribunal a retenu que la résiliation extraordinaire du bail était valable, les conditions de l'art. 257f al. 3 CO étant réalisées dans la mesure où A______ SA, avait mis en gérance son établissement, en recourant à un montage juridique et en procédant à une substitution de locataire, sans le consentement de SOCIETE IMMOBILIERE C______.

Le congé n'était pas annulable étant donné que l'intérêt de la bailleresse à ce qu'il soit mis un terme à la sous-location apparaissait digne de protection; la période de protection de trois ans à compter de la fin d'une procédure judiciaire au sujet du bail, prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO, n'était pas applicable en l'occurrence puisque le congé était donné pour violation grave par la locataire de son devoir de diligence.

Par ailleurs, il devait être fait droit à la requête de la bailleresse en évacuation, et à son exécution, dans la mesure où la locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux.

B.            a. Par acte expédié le 13 janvier 2025, A______ SA (ci-après : la locataire ou l'appelante) a formé appel de ce jugement. Principalement, elle a conclu à son annulation et à ce que l'avis de résiliation du bail du
26 novembre 2021 avec effet au 31 décembre 2021 qui lui avait été notifié par SOCIETE IMMOBILIERE C______ soit déclaré inefficace. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et à ce que l'avis de résiliation du bail du 26 novembre 2021 avec effet au 31 décembre 2021 qui lui a été notifié par SOCIETE IMMOBILIERE C______ soit annulé.

L'appelante a produit des pièces nouvelles et allégué des faits nouveaux à l'appui de son acte d'appel.

b. Par réponse expédiée le 17 février 2025, SOCIETE IMMOBILIERE C______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

L'intimée a produit des pièces nouvelles et allégué des faits nouveaux à l'appui de son mémoire réponse.

c. Les parties ont répliqué, dupliqué, et déposé des déterminations entre le
11 avril et le 3 juillet 2025, persistant dans leurs conclusions respectives.

Elles ont produit des pièces nouvelles supplémentaires.

d. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 21 août 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.    Le 1er octobre 2012, A______ SA, locataire, et SOCIETE IMMOBILIERE C______, bailleresse, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur une arcade commerciale d'environ 130m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis
rue 1______ no. ______, à Genève, et sur un dépôt d'environ 45m2 situé au sous-sol de ce dernier.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de seize ans et trois mois, du
1er janvier 2013 au 31 mars 2029, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation de l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de six mois.

Le loyer annuel, réputé indexé à l'Indice suisse des prix à la consommation (ISPC) a été fixé à 71'088 fr., hors charges, soit 5'924 fr. par mois. Les acomptes provisionnels pour les charges étaient fixés à 2'748 fr. par an.

b.   A teneur du contrat bail susmentionné, les locaux étaient destinés à l'exploitation commerciale pour le(s) locataire(s) exclusivement et à l'usage d'un café-restaurant exclusivement.

c.    A______ SA a exploité dans les locaux concernés un restaurant à l'enseigne "D______" de mai 2014 à mars 2015.

d.   Par contrat du 11 mai 2015, elle a confié à E______ SA la gérance libre de l'enseigne "D______" dès le 1er juin 2015, pour une durée initiale de cinq ans, soit jusqu'au 31 mai 2020, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

e.    Au mois de mai 2015, la bailleresse a refusé de donner son consentement à l'exploitation des locaux par E______ SA au motif que la locataire n'avait ni respecté son obligation d'exploiter elle-même les locaux ni demandé son consentement préalable.

f.     Saisi d'une action en constatation de droit par A______ SA le
23 septembre 2015, le Tribunal des baux et loyers a constaté, par jugement du
1er novembre 2017 (JTBL/1009/2017), que la locataire était en droit de sous-louer les locaux à E______ SA, considérant, en substance, qu'elle avait communiqué toutes les informations de la sous-location à la bailleresse et que les autres conditions de la sous-location étaient remplies, le montant du sous-loyer étant identique au loyer principal, celui de la redevance n’étant pas abusif et considérant qu’aucun indice ne laissait croire que l’appelante n’aurait pas l’intention de réintégrer les locaux.

g.    Parallèlement, par avis du 27 mai 2016, la bailleresse a résilié le bail de manière extraordinaire pour le 31 août 2016, au motif notamment de la non-exploitation personnelle des locaux par la locataire.

Déclaré valable par jugement du Tribunal des baux et loyers du
1er novembre 2017 (JTBL/1010/2017), le congé a été déclaré inefficace par arrêt de la Cour de Justice du 24 janvier 2019 (ACJC/175/2019).

h.   Par avenant du 27 juin 2016, la gérance libre du restaurant "D______" a été confiée avec effet au 1er juillet 2016 à F______ SARL, laquelle a résilié le contrat de gérance, par courrier du 29 décembre 2016, au motif de l’impossibilité de l’exécuter, consécutive au refus d’autorisation d’exploiter prononcé par le Service du Commerce en raison de l’absence d’autorisation de sous-louer de la propriétaire.

i.      Le 27 février 2017, A______ SA et G______ SARL ont conclu un contrat dont le but était d’unir leurs efforts en vue de l’exploitation du fonds de commerce à usage de restaurant exploité à l’enseigne "D______". Le contrat était conclu du
1er avril 2017 au 31 mars 2020 avec la possibilité d’un renouvellement moyennant un préavis de quatre mois avant l’échéance.

j.     A compter du 1er février 2019 et jusqu'à la fin du mois de septembre 2021, l'établissement a été exploité par la locataire et H______ SÀRL, société dont l'associée était A______ SA.

k.   I______ SA est une société anonyme dont le but est la gestion et exploitation d’établissements publics et de loisirs, tels que cafés, restaurants bars ou autres dancings et tous conseils en matière d’organisation, de gestion financière dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie.

J______ en est l’administrateur, avec signature individuelle.

l.      Le 5 octobre 2021, A______ SA, désignée "la propriétaire", et I______ SA, désignée "le partenaire", ont conclu un "contrat de société" dont le but était d’unir leurs efforts en vue de l’exploitation du fonds de commerce, ce dernier étant à usage de restaurant exploité sous l'enseigne "D______". Le préambule du contrat précisait que la propriétaire avait engagé K______, désigné "l'exploitant", afin de gérer le fonds de commerce que les parties entendaient exploiter conjointement.

l.a Aux termes de l'article 2 du contrat, "la propriétaire" s’engageait notamment à employer l'exploitant pendant toute la durée du contrat et à mettre à disposition l’usage de l’enseigne, des locaux et de l’ensemble du mobilier, du matériel, de l’agencement et des installations servant à l’exploitation du fonds de commerce "D______".

"Le partenaire" apportait, pour sa part, le personnel de direction et d'exploitation engagé et rémunéré par ses soins, son savoir-faire, les outils de gestion nécessaires à l'exploitation et au développement du fonds de commerce et un fonds de roulement de 60'000 fr. qui devait être déposé sur un compte, destiné à l'exploitation.

l.b A teneur de l'article 5 § 1 du contrat, la direction du fonds de commerce revenait à l'exploitant, en collaboration avec "le partenaire".

l.c A teneur de l'article 7 du contrat, le produit d'exploitation devait servir à couvrir, dans l'ordre, le loyer et les charges (1), le salaire de l'exploitant (2), le salaire du personnel employé par, "et aux risques et périls du partenaire" (3) et les charges et impôts y relatifs, ainsi que les factures de primes, de consommables et des fournisseurs et toutes autres charges de personnel et d'exploitation qui incombaient au partenaire, à l'entière décharge du "propriétaire" (4). Le nettoyage initial du fonds de commerce et la mise en place étaient à la charge du "partenaire".

Les associés convenaient, par ailleurs, que le bénéfice annuel d’exploitation serait réparti à raison de 50% en faveur du "partenaire" et 50% en faveur du "propriétaire", les pertes étant supportées par le partenaire à l’entière décharge de A______ SA.

l.d Le contrat a été conclu pour une durée de quinze mois échéant au 31 décembre 2022, son renouvellement étant soumis à l'accord des associés.

m. Par avenant signé le même jour, soit le 5 octobre 2021, les dispositions de l'article 7 du contrat de société ont été modifiées, en ce sens que le produit d'exploitation devait servir, en troisième lieu, à acquitter en mains de "la propriétaire" une redevance de 20'000 fr. par mois, en contrepartie de laquelle cette dernière renonçait à toute participation au bénéfice.

m.a Des précisions étaient apportées à l'article 2 du contrat, en ce sens que la contribution du gérant en 60'000 fr. intervenait en garantie du paiement de la redevance susmentionnée.

m.b I______ SA, désignée "le partenaire" dans le contrat était nouvellement désignée "le gérant" aux termes de l'avenant.

m.c Les dispositions de l'article 5 étaient, par ailleurs, précisées en ce sens que la direction du fonds de commerce était confiée au gérant en collaboration avec l'exploitant, celui-ci assumant la responsabilité de l'exploitation, y compris les frais – comprenant le salaire de l'exploitant – et les pertes y relatives, à l'entière décharge de "la propriétaire" qu'il relevait et garantissait.

n.   Simultanément à la signature du "contrat de société" et de l'avenant susmentionnés, par convention du 5 octobre 2021, A______ SA a conféré à I______ SA un droit d'emption, pour un montant de 1'200'000 fr., et un droit de préemption sur le fonds de commerce, ainsi qu'un droit au gain en cas de vente à un tiers.

L'accord de la bailleresse au transfert du bail constituait une condition suspensive à l'exercice du droit d'emption.

Il était par ailleurs exposé que I______ SA était intéressée par l'acquisition du fonds de commerce et que A______ SA était disposée à le vendre.

o.    Par contrat de travail du 1er octobre 2021, A______ SA a engagé K______, titulaire d'une patente, pour une durée indéterminée en qualité d'exploitant, initialement à 35 % pour le service du midi, puis à 100 % dès le
1er mars 2022 pour couvrir le service du soir.

p.   Ayant constaté la fermeture de l'établissement et présupposant la survenance prochaine de travaux dans celui-ci, en vue d'une ouverture sous une nouvelle enseigne dénommée "L______", la bailleresse s'est, par courrier du
21 octobre 2021, opposée à toute nouvelle gérance, dont les modalités lui étaient par ailleurs inconnues, et s'est plainte d'une série de sous-locations illicites opérées par la locataire sans son consentement.

Cette dernière était mise en demeure de rétablir avant le 25 novembre 2021 une situation conforme au contrat de bail en reprenant personnellement l'exploitation de l'établissement, à défaut de quoi le contrat de bail serait résilié en application de l'art. 257f al. 3 CO.

q.   Par courrier du 28 octobre 2021, la locataire a répondu que la mise en place d'un nouveau concept l'avait amenée à fermer les locaux dans l'attente de l'installation d'un nouveau mobilier. L'établissement resterait à l'enseigne "D______", complétée par la mention "L______". L'exploitation de l'établissement, qui n'était pas mis en gérance, devait se poursuivre avec un nouveau responsable.

r.    Le 4 novembre 2021, la bailleresse a sollicité de la locataire qu'elle lui transmette le nom du nouveau responsable ainsi que les conditions de collaboration et le cahier des charges de celui-ci, le délai fixé au
25 novembre 2021 étant pour le surplus maintenu.

s.     Pour faire suite à cette demande, la locataire a adressé le 17 novembre 2021 à la bailleresse une copie de la requête en autorisation d'exploiter l'établissement déposée par K______ en précisant que ce dernier travaillerait en collaboration avec J______, avec lequel le nouveau concept avait été défini.

Le contrat de société, l'avenant y relatif et la convention conclus le 5 octobre 2021 entre la locataire et I______ SA n'ont pas été adressés à la bailleresse.

t.     L'autorisation d'exploiter l'établissement a été accordée par le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) dès le 24 novembre 2021 à K______.

u.   Par avis de résiliation du 26 novembre 2021, la bailleresse a résilié le bail de façon anticipée pour le 31 décembre 2021 sur la base de l'art. 257f al. 3 CO en invoquant un usage de la chose en violation de la loi et/ou du contrat ainsi qu'une gérance/sous-location illicite et se référant à sa mise en demeure du
21 octobre 2021.

v.    Par courrier du 22 décembre 2021, la bailleresse a informé J______ de la résiliation de bail intervenue et lui a fait interdiction d'exploiter l'établissement.

w.  Suite à un contrôle de l'établissement le 18 février 2022, le PCTN a constaté que I______ SA exploitait l'établissement sans autorisation préalable et a informé cette dernière qu'elle envisageait de lui adresser une sommation de fermeture. Dans ce contexte, I______ SA a approché la bailleresse afin d'obtenir de sa part l'autorisation d'exploiter, autorisation qui lui a été délivrée par cette dernière.

x.    En début d'année 2022, A______ SA et I______ SA sont entrées en conflit au sujet de l'exploitation de l'établissement, notamment en lien avec la modification de l'enseigne ("L______") opérée par I______ SA.

Par accord du 25 mars 2022, les deux sociétés précitées sont convenues que le montant forfaitaire au titre de participation au bénéfice soit ramené à 14'000 fr.

y.    Par requête déposée le 23 décembre 2021 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience du 25 février 2022 et portée devant le Tribunal le 24 mars 2022, A______ SA a conclu, principalement, à ce que l'avis de résiliation du bail du 26 novembre 2021 avec effet au 31 décembre 2021 qui lui avait été notifié par SOCIETE IMMOBILIERE C______ soit déclaré inefficace; subsidiairement à son annulation.

z.         Par réponse du 16 août 2022, la bailleresse a conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné à la locataire la production de l'ensemble des documents, contrats, avenants et conventions qu'elle avait signés avec J______ et/ou I______ SA et, principalement, à ce que la résiliation du bail notifiée à A______ SA le
26 novembre 2021 soit déclarée valable.

Sur demande reconventionnelle du même jour, elle a conclu à la validité du congé et à l'évacuation de la locataire des locaux concernés avec effet immédiat, sous menace des peines de l'article 292 CP, avec mesures d'exécution directe.

aa.    Par acte du 9 janvier 2023, la locataire a conclu au déboutement de la bailleresse de ses conclusions reconventionnelles, persistant, pour le surplus, dans ses conclusions prises aux termes de sa requête du 24 mars 2022.

Elle a notamment produit le contrat de société, l'avenant y relatif et la convention conclus avec I______ SA.

bb.   Par déterminations du 15 février 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

cc.     Par acte du 27 septembre 2023, la locataire s'est prévalue de l'existence de faits nouveaux, soit en particulier d'un nouveau litige l'opposant à I______ SA depuis le mois de juillet 2023 dans le cadre duquel elle avait refusé l'accès à cette dernière à l'établissement concerné et procédé au remplacement des serrures dont J______ avait la clé. I______ SA avait déposé dans ce cadre une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles auprès du Tribunal des baux et loyers (C/2______/2023), invoquant l'existence d'un contrat de gérance, afin de récupérer la possession des locaux.

dd.   Devant le Tribunal, A______ SA, représentée par M______, son administrateur et employé, a déclaré qu'elle s'était associée à I______ SA, après la période COVID, afin de relancer l'activité. Une des options était le rachat du fonds de commerce à l'issue de la collaboration, l'autre était de reprendre l'exploitation une fois l'activité relancée. La collaboration avec I______ SA devait se terminer au 31 décembre 2023, et il était prévu en l'état que A______ SA poursuive l'exploitation seule. Par ailleurs, K______ s'organisait directement avec I______ SA pour ses horaires de travail, il gérait l'établissement, s'occupait de l'achat des marchandises et du service notamment, tout cela avec I______ SA.

ee.     J______, administrateur de I______ SA, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir approché A______ SA en septembre 2021 pour racheter le restaurant. Vu qu'il n'y avait pas de bilan, il avait proposé de le prendre en gérance pour deux ou trois ans et de le racheter à l'échéance de la gérance; l'idée étant d'évaluer la valeur du restaurant durant cette période.

Il lui avait été dit que A______ SA n'avait pas le droit de mettre le restaurant en gérance. Le conseil de cette dernière lui avait toutefois dit "qu'il savait faire" et c'était à ce moment-là qu'ils avaient conclu le contrat. L'idée était de racheter ultérieurement le restaurant, la somme de 20'000 fr. versée chaque mois devant intervenir en déduction du prix de vente. A son sens, il s'agissait d'un fermage. Pour lui, du contrat de société ou de l'avenant signés le 5 octobre 2021, c'était l'avenant qui faisait foi, étant donné qu'il n'avait aucune intention de s'associer avec des personnes qui n'avaient pas fait fonctionner le restaurant. Le contrat de société avait été signé uniquement en raison du fait que A______ SA ne pouvait mettre le restaurant en gérance.

En plus du montant de 60'000 fr. versé à titre de caution, il avait dû investir 70'000 fr. pour que le restaurant puisse fonctionner. Il avait décidé d'employer K______, avec lequel il avait déjà collaboré. Suite au contrôle du service du commerce et vu qu'il était nécessaire que le titulaire de la patente soit employé par la société locataire, le contrat de travail de ce dernier avait été conclu avec A______ SA. I______ SA continuait néanmoins à payer son salaire et ses charges, en les versant à cette dernière. Elle versait également tous les mois le loyer, le montant mensuel à la locataire et toutes les charges salariales. A l'issue du contrat, il était prévu que I______ SA rachète le fonds de commerce, pour autant que le bail lui soit transféré. Si cela n'était pas possible, les locaux devraient être restitués et une indemnité négociée pour tenir compte des investissements qu'elle avait consentis.

ff.  Entendu en qualité de témoin par le Tribunal, K______ a déclaré avoir été engagé en octobre 2021 par A______ SA pour gérer le service. Tous les autres employés du restaurant étaient engagés par I______ SA.

M______ n'était pas présent au restaurant. Il avait des contacts avec celui-ci une fois par mois environ. En cas de problème avec un employé, il en avisait J______; en cas de problème avec le restaurant, il en discutait également avec ce dernier ou le rapportait par téléphone à M______, mais en principe, c'était le plus souvent résolu en interne avec J______.

gg.    Par note du 6 octobre 2023, notifiée aux parties le 10 octobre 2023, le Tribunal a précisé que lors de son audition, le témoin J______ avait déclaré que les pièces 26 et 27 de la locataire, à savoir le contrat de société et son avenant, avaient été signés le même jour, ce qui avait été admis par le conseil de la locataire lors de l'audience du 2 octobre 2023. Cette détermination n'avait pas été portée au procès-verbal, le conseil de la locataire ayant affirmé que ce fait avait déjà été admis dans le cadre de ses écritures, il était néanmoins nécessaire de le préciser a posteriori.

hh.   Par acte du 15 janvier 2024, la bailleresse s'est déterminée sur les faits nouveaux et pièces nouvelles produites par la locataire le 27 septembre 2023.

ii.   A l'issue de l'audience de débats principaux du 17 juin 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

A______ SA était représentée par son administrateur et son directeur. Elle n'était pas assistée de son avocat.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans le cadre d'une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le litige porte sur la validité de la résiliation extraordinaire du bail, fondée sur l'art. 257f al. 3 CO. Au vu du montant du loyer mensuel, soit 5'924 fr., la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le jugement entrepris.

1.3 Interjeté par écrit dans la forme et le délai prescrits par la loi, vu la notification du jugement entrepris intervenue le 27 novembre 2024 par pli recommandé
(art. 130, 131, 142 al. 3, 143 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2.             L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

3.             Les parties produisent des pièces nouvelles et allèguent des faits nouveaux devant la Cour.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let.  a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

L'admissibilité de faits survenus avant la fin des débats principaux de première instance, respectivement avant que la cause ait été gardée à juger (pseudo nova) est ainsi limitée en appel, dès lors que de tels faits sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1). Il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve
de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait n'a pas pu être allégué en première instance
(ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

3.2 En l'espèce, les pièces de l'appelante numérotées 85 à 95, produites sous chargés des 13 janvier et 11 avril 2025, sont nouvelles. Les titres numérotés – par erreur – 89 à 91 et produits sous chargé du 5 juin 2025 sont également nouveaux.

Les contrats de travail produits sous pièce n° 85 (chargé du 13 janvier 2025) et pièce n° 90 (chargé du 5 juin 2025) datent des 1er et 21 mai 2024 et sont donc antérieurs à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal. Le fait que l'appelante n'ait pas été assistée de son avocat lors de l'audience finale du
17 juin 2024 n'explique pas pour quels motifs pertinents elle n'aurait pas pu produire ces titres en amont dans le cadre de la procédure de première instance. Au demeurant, la citation à comparaître à l'audience susmentionnée indiquait expressément qu'il serait procédé aux plaidoiries finales après l'audition des témoins, de sorte que l'appelante devait comprendre qu'il s'agissait de sa dernière occasion pour produire toutes les pièces en sa possession dont elle entendait se prévaloir. Ne réalisant pas les conditions d'application de l'art. 317 al. 1 et 2 CPC, les pièces n° 85 et 90 susmentionnées sont irrecevables, de même que tous les allégués nouveaux s'y rapportant. En tout état de cause, ils n'apparaissent pas déterminants pour l'issue du litige compte tenu des considérants qui suivront.

Les pièces n° 86 à 90, 92 à 94 et 95 (chargés des 13 janvier et 11 avril 2025) et
n° 89 et 91 (chargé du 5 juin 2025) sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, de sorte qu'elles sont recevables; il en va de même des allégués nouveaux y relatifs, bien qu'ils n'apparaissent pas déterminants pour l'issue de la cause.

3.3 Le contrat de travail non daté, produit en pièce n° 23 par l'intimée, est irrecevable étant donné qu'il ne respecte pas les exigences de l'art. 317 al. 1 et 2 CPC. En tout état, cet élément n'apparaît pas pertinent pour l'issue de la cause, au vu des considérants qui vont suivre.

Pour le surplus, les pièces 18 à 22 et 24 à 28 sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, de sorte qu'elles sont recevables, de même des allégués nouveaux y relatifs, bien qu'ils n'apparaissent pas déterminants pour l'issue de la cause.

4.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir constaté de manière inexacte plusieurs faits de la cause et d'avoir violé les art. 257f al. 3 et 262 al. 2 CO en déclarant valable la résiliation de bail notifiée par l'intimée le 26 novembre 2021.

Elle soutient que le Tribunal a arbitrairement considéré qu'elle n'exploitait pas l'établissement et que le "contrat de société" conclu avec I______ SA était un contrat de gérance déguisé. Les modalités financières ne pouvaient, notamment, suffire à qualifier la gérance et le Tribunal aurait dû apprécier le témoignage de J______ avec la plus grande circonspection vu les procédures opposant I______ SA à l'appelante. En concluant un contrat de société simple, elle n'avait pas violé son devoir de diligence, de sorte que la première condition découlant de l'art. 257f al. 3 CO n'était pas réalisée, ce qui rendait d'emblée le congé inefficace; aucun des motifs visés à l'art. 262 al. 2 CO n'était, par ailleurs, réalisé. Même à supposer qu'il y ait eu une mise en gérance, cela ne constituerait pas une violation contractuelle ni une violation de son devoir de diligence qui rendrait le maintien du bail insupportable, dans la mesure où l'intimée avait consenti, entre 2006 et 2012, à la mise en gérance de l'établissement par H______ Sàrl et récemment par I______ SA.

4.1 Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois.

Cette disposition vise un cas particulier d'inexécution des obligations, spécifique à la relation entre bailleur et locataire, et en règle les effets. Dans son domaine de validité, elle exclut l'application des règles générales de l'art. 107 CO relatif aux droits de la partie qui ne parvient pas à obtenir le respect d'un contrat
(ATF 132 III 109 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du
9 février 2021 consid. 4.1; 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1). Elle est applicable lorsque le locataire sous-loue l'appartement remis à bail sans requérir le consentement du bailleur en violation de l'art. 262 CO
(ATF 134 III 300 consid. 3.1).  

4.1.2 La résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes: une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit préalable du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1;
4A_ 347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1 ; 4A_457/2013 du
4 février 2014 consid. 2).

L'application du régime de l'art. 257f al. 3 CO requiert un avertissement écrit du bailleur. L'avertissement doit indiquer précisément quelle violation est reprochée au locataire, afin que celui-ci puisse rectifier son comportement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 du 17 décembre 2024 consid. 4.2; 4A_500/2023 du 11 avril 2024 consid. 5.1.2; 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3; 4A_263/2011 du 20 septembre 2011 consid. 3.2; Lachat/Bohnet, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n. 10 ad art. 257f CO; Higi/Bühlmann, in Zürcher Kommentar, 5e éd. 2019, n. 51 ad art. 257f CO; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 887, n. 3.1.7).

4.1.3 Lorsque la violation du devoir de diligence invoquée est la sous-location sans le consentement du bailleur, deux situations sont visées: soit le bailleur a refusé son consentement à la sous-location et il était en droit de le faire pour l'un des motifs de l'article 262 al. 2 CO; soit le locataire s'est abstenu de demander au bailleur l'autorisation de sous-louer et celui-ci aurait disposé d'un motif valable au sens de l'article 262 al. 2 CO pour s'opposer à la sous-location (arrêt du Tribunal fédéral 4A_521/2021 du 3 janvier 2023 consid. 4.2).

Les cas dans lesquels le bailleur peut refuser son consentement, énumérés de manière exhaustive à l'article 262 al. 2 CO, sont les suivants : lorsque le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (a), lorsque les conditions de la sous-location, comparées à celle du contrat de bail, sont abusives (b), et lorsque la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (c).

S'agissant du motif visé par l'art. 262 al. 2 let. a CO, la loi oblige en effet le locataire à indiquer au bailleur l’objet de la sous-location, le loyer et les autres conditions, ainsi que leurs modifications ultérieures; le bailleur peut exiger de recevoir une copie du bail de sous-location. Le locataire qui, dûment interpellé, refuse d'indiquer les conditions de la sous-location ou laisse simplement les questions légitimes du bailleur sans réponse, s'expose à un refus justifié (Lachat/Bohnet, op. cit, n. 3 ad art. 262 CO; Lachat, op. cit., p. 729, n. 4.2).

A ces cas s'ajoute l'interdiction générale de l'abus de droit au sens de l'article 2 al. 2 CC. Il y a abus de droit si le locataire a perdu toute idée de reprendre dans un avenir prévisible l'usage de la chose louée et qu'il a procédé en réalité à une substitution de locataires, ce qui est un but étranger à l'institution même de la sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; 134 III 446 consid. 2.4). Le juge doit se montrer relativement strict dans l'examen de l'intention, qui doit résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible du locataire de réintégrer les locaux loués. La vague possibilité de réintégrer peut-être un jour soi-même l'objet loué ne suffit pas à justifier une sous-location; un tel procédé est d'autant plus exclu lorsqu'un éventuel retour du locataire n'est pas du tout envisagé (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2017 du 5 septembre 2017
consid. 4.2.1.1; ACJC/929/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1.5).

4.1.4 Lorsque l'un des motifs valables visés à l'article 262 al. 2 CO est réalisé, la condition du caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur de l'article 257f al. 3 CO est automatiquement réalisée (ATF 134 III 300 consid. 3.1, 134 III 446 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_521/2021 précité consid. 4.2).

Pour respecter l'exigence d'avertissement écrit prescrite à l'art. 257f al. 3 CO, le bailleur doit inviter le locataire à se conformer aux exigences légales, en l'enjoignant à mettre un terme à la sous-location ou en protestant contre l'absence de demande d'autorisation et, le cas échéant, en exigeant de prendre connaissance des conditions de sous-location (ATF 134 III 300 consid. 3.1; 134 III 446
consid. 2.2). Si le locataire ne réagit pas à l'avertissement écrit du bailleur, un congé anticipé sera fondé, en tout cas, lorsqu'un examen rétrospectif des faits permet de conclure que le bailleur aurait disposé d'un motif valable au sens de l'art. 262 al. 2 CO pour s'opposer à la sous-location. Dans ce cas, l'exigence du caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur posée à l'art. 257f al. 3 CO n'a pas de portée indépendante (ATF 134 III 300 consid. 3.1 et 3.2;
134 III 446 consid. 2.2).

4.1.5 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective). Le juge doit rechercher, par l'interprétation selon la théorie de la confiance, quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance); il s'agit d'une question de droit. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime
(ATF 142 III 671 consid. 3.3; 140 III 134 consid. 3.2; 136 III 186 consid. 3.2.1; 135 III 295 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.1).

Constituent des indices permettant de déterminer la réelle et commune intention des parties non seulement la teneur des déclarations de volonté, écrites ou orales, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2).

4.1.6 Selon l'art. 275 CO, le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.

Le bail à ferme se distingue du bail à loyer par l'objet du contrat; le bailleur ne cède pas à son cocontractant l'usage de n'importe quelle chose, mais l'usage d'un bien ou d'un droit productif, dont le fermier peut percevoir les fruits ou les produits; il y a bail à ferme notamment lorsque le bailleur cède l'exploitation d'une entreprise entièrement équipée, c'est-à-dire un outil de production. En revanche, il faut retenir la qualification de bail à loyer s'il cède des locaux que son cocontractant doit aménager pour en faire une entreprise productive. La mise en gérance libre d'un établissement public complètement équipé donne lieu à un bail à ferme non agricole (arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2011 du 2 décembre 2011 consid. 2.1).

4.1.7 A teneur de l'art. 530 al. 1 CO, la société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d’unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre un but commun.

Sauf convention contraire, chaque associé a une part égale dans les bénéfices et dans les pertes, quelles que soient la nature et la valeur de son apport (art. 533
al. 1 CO).

4.2

4.2.1 En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, en vain, l'exploitation du fonds de commerce et établissement "D______" était opérée, de facto, par I______ SA seule. Il ressort des dispositions du contrat, de l'avenant y relatif et de la convention conclus simultanément le 5 octobre 2021 entre l'appelante et I______ SA que celles-ci n'avaient pas pour réelle intention de conclure un contrat de société simple, mais plutôt de s'accorder sur les modalités d'une mise en gérance de l'établissement susvisé, constitutive d'une sous-location.

En effet, à teneur de l'art. 7 du contrat, I______ SA supportait seule les risques liés à l'exploitation, le produit de celle-ci devant servir à couvrir en priorité le loyer, les charges y relatives, et le salaire de l'exploitant employé par la locataire; toutes pertes liées à l'exploitation étaient également à l'entière charge de I______ SA. Selon les modifications des art. 2 et 7 prévues par l'avenant, cette dernière s'obligeait à verser une redevance fixe de 20'000 fr. par mois en mains de l'appelante, ainsi qu'une contribution de 60'000 fr. en garantie du paiement celle-ci, en contrepartie l'appelante renonçait à toute part de bénéfice. Le versement de la redevance mensuelle devait, de surcroît, intervenir en troisième lieu dans l'ordre de priorité, en ce sens que le produit de l'exploitation devait prioritairement servir à couvrir le loyer (1), les charges y relatives (2) et la redevance en mains de l'appelante (3), le paiement des salaires du personnel employé par I______ SA, les charges sociales, les factures de primes et impôts y relatifs étant couverts en dernier lieu, à l'entière décharge de l'appelante.

Il ressort, en outre, du témoignage de K______ et des déclarations de l'appelante elle-même que, dans les faits, toute la gestion du fonds de commerce ainsi que les problématiques liées au restaurant, à son exploitation et au personnel étaient assumées par I______ SA, en la personne de J______. Le témoin K______, pourtant employé de l'appelante, s'organisait directement avec I______ SA pour la gestion de l'établissement et recevait ses consignes de J______ notamment pour ses horaires.

Au vu des éléments qui précèdent, l'accord conclu entre l'appelante et I______ SA présente toutes les caractéristiques d'un contrat de gérance, régi par les dispositions légales du bail à ferme non agricole au sens des art. 275 ss CO. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'on ne discerne aucune volonté de cette dernière ni de sa cocontractante de s'associer pour poursuivre un but commun, dans le sens des art. 530 ss CO régissant le contrat de société simple.

Le témoignage de J______ vient corroborer ces éléments. Contrairement à ce que plaide l'appelante, les premiers juges, informés de son litige à l'époque avec I______ SA, ont à bon droit apprécié les déclarations de ce témoin à la lumière des éléments pertinents découlant du contrat, de l'avenant et de la convention du 5 octobre 2021, pour retenir la réelle intention de l'appelante et de sa cocontractante.

Partant, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'appelante avait procédé, dans les faits, à une mise en gérance de son établissement sans requérir le consentement de la bailleresse au préalable.

4.2.2 Il est constant qu'interpellée par l'intimée à deux reprises, soit les
21 octobre et 4 novembre 2021, l'appelante n'a pas mis fin à la mise en gérance conclue avec I______ SA, ni remis les documents relatifs aux conditions de ladite sous-location (à savoir le nom du nouveau responsable, les conditions de collaboration et cahier de charges de ce dernier expressément requis par la bailleresse) dans le délai imparti dans la mise en demeure. En l'occurrence, l'appelante s'est contentée de lui transmettre une copie de la requête en autorisation d'exploiter l'établissement déposée par K______, se gardant de lui communiquer le contrat, l'avenant et la convention conclus avec I______ SA le
5 octobre 2021. Ce n'est qu'au stade de la procédure de première instance, et sur demande de l'intimée, que l'appelante a finalement produit les documents requis.

Dans ces circonstances, l'intimée disposait d'un motif valable pour refuser la
sous-location, respectivement la mise en gérance opérée par l'appelante, au sens de l'art. 262 al. 2 let. a CO. Etant donné que l'appelante a enfreint son devoir de diligence, que le caractère insupportable du maintien du contrat de bail pour la bailleresse est réalisé au vu de ce qui précède, et que les autres conditions découlant de l'article 257f al. 3 CO sont réunies – au demeurant, non remises en cause en appel – la résiliation extraordinaire notifiée à l'appelante est valable pour ces motifs déjà.

L'argument de l'appelante selon lequel l'intimée aurait accepté la mise en gérance de l'établissement de 2006 à 2012 et le fait qu'elle ait toléré l'exploitation de l'établissement par I______ SA en 2022 ne sont pas des éléments propres à remettre en cause l'intention réelle de A______ SA et de sa cocontractante de conclure un contrat de gérance, ni à démontrer que les conditions de l'art. 257f
al. 3 cum 262 al. 2 let. a CO n'étaient pas réalisées en l'espèce. Par ailleurs, ses griefs tombent à faux dans la mesure où, au jour de la résiliation du bail, respectivement de l'avertissement écrit de la bailleresse, l'appelante mettait effectivement l'établissement en gérance sans que la sous-location ne soit consentie et, de surcroît, elle n'avait pas l'intention d'en reprendre l'exploitation elle-même.

4.2.3 Au cas visé par l'art. 262 al. 2 let. a CO, tel que retenu au considérant précédent, s'ajoute le fait que l'appelante a procédé, en réalité, à une substitution des parties au contrat de bail et n'avait plus l'intention véritable d'exploiter elle-même son fonds de commerce, au jour où la résiliation lui a été notifiée.

L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que la patente délivrée à N______ au mois de novembre 2024 viendrait démontrer son intention de reprendre elle-même l'exploitation. En effet, il ressort des déclarations de M______ et de la convention conclue avec I______ SA que A______ SA envisageait la vente du fonds de commerce, conférant à cette dernière un droit d'emption pour un montant de 1'200'000 fr., un droit de préemption ainsi qu'un droit au gain en cas de vente à tiers. Le fait que la vente du fonds de commerce aurait nécessité, cas échéant, le consentement de la bailleresse au transfert de bail ne change rien à son intention de plus exploiter elle-même l'établissement en question, et ce, au moment de la résiliation du bail notifiée par l'intimée.

Pour ces motifs également, les conditions d'une résiliation extraordinaire au sens de l'art. 257f al. 3 CO sont réalisées.

4.3 Au vu de ce qui précède, les griefs de l'appelante sont infondés. Faute de critique de l'appelante quant à l'annulabilité du congé sous l'angle de l'art. 271 CO et quant aux conclusions reconventionnelles de l'intimée auxquelles les premiers juges ont fait droit, le jugement entrepris sera confirmé.

5.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 janvier 2025 par A______ SA contre le jugement JTBL/1145/2024 rendu le 19 novembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25468/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2