Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/1970/2016

ACJC/195/2018 du 19.02.2018 sur JTBL/486/2017 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE ; SUBSTITUTION DE PARTIE ; PARTIE À LA PROCÉDURE ; VICE DE FORME ; RECTIFICATION(EN GÉNÉRAL) ; CONTESTATION DU CONGÉ ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; MORT ; PRÉJUDICE SÉRIEUX
Normes : CO.271; CO.273; CO.271a.al1.letf; CPC.621; CPC.202
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1970/2016 ACJC/195/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 19 FEVRIER 2018

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 mai 2017, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______,

2) Monsieur C______, domicilié ______,

3) Madame D______, domiciliée ______, intimés, représentés tous trois par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/486/2017 du 18 mai 2017, reçu par les parties le 22 mai 2017, le Tribunal des baux et loyers a annulé les congés du 20 janvier 2016 adressés à B______, C______ et D______ pour le 31 mars 2016 concernant l'appartement de cinq pièces au ______ème étage de l'immeuble sis E______ et le garage n° ______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 7 juin 2017, A______ (ci-après également : la bailleresse) a formé appel contre ce jugement dont elle a sollicité l'annulation. Elle a conclu à ce que la Cour constate que les congés sont valables et déboute B______, C______ et D______ de toutes leurs conclusions.

Dans la partie en droit de son mémoire d'appel, elle soutient nouvellement subir un inconvénient majeur au sens de l'art. 271a al. 1 let. f CO du fait de la poursuite du bail, dans la mesure où celle-ci entraînerait une sous-occupation de l'appartement litigieux manifestement contraire à la politique locative qu'elle appliquerait avec constance.

b. Le 10 juillet 2017, les précités ont conclu à la confirmation du jugement querellé et à la condamnation de la bailleresse à une amende disciplinaire de 500 fr. A titre subsidiaire, ils ont sollicité l'octroi d'une pleine et entière prolongation de bail de quatre ans échéant le 31 mars 2020, d'être autorisés à restituer en tout temps l'appartement litigieux moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d'un mois et la condamnation de la bailleresse à l'amende précitée.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 18 août et 11 septembre 2017, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis du 14 septembre 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Le 18 décembre 1979, F______, en qualité de locataire, a conclu avec la propriétaire, à cette date, de l'immeuble sis E______, un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de cinq pièces au ______ème étage dudit immeuble. L'appartement bénéficiait de deux dépendances, à savoir une cave et un garage n° ______.

Ces locaux étaient destinés à l'usage d'habitation.

Le contrat a été conclu pour une durée de trois ans, du 1er avril 1980 au 31 mars 1983. Il s'est ensuite tacitement renouvelé.

En dernier lieu, le loyer, charges non comprises, s'élevait à 17'160 fr. par an, celles-ci à 1'380 fr. par an et le loyer du garage à 1'404 fr. par an.

b. Le 10 mai 2004, le locataire a été informé du fait que la bailleresse avait acquis l'immeuble.

c. Celle-ci allègue avoir une politique locative générale consistant dans l'attribution de ses appartements de cinq à six pièces à des familles, ce que B______, D______ et C______ contestent, à tout le moins en tant que dite politique s'appliquerait en dehors du cadre limité de la conclusion de nouveaux baux.

Les éléments suivants ressortent du dossier à ce sujet :

-          Le gérant du parc immobilier de la bailleresse, employé, selon ses déclarations, depuis trois ans par l'agence immobilière représentant celle-ci, à savoir G______, et entendu en tant que partie par le Tribunal, a confirmé l'existence de cette politique, étant précisé qu'elle ne faisait l'objet d'aucune directive écrite de la bailleresse et lui avait été transmise oralement par sa hiérarchie.

-          H______, secrétaire du gérant précité, employée, selon ses déclarations, de G______ depuis dix ans, et entendue en qualité de témoin par le Tribunal le 23 mars 2017, a déclaré s'occuper de la conclusion et de la résiliation des contrats de location de même que du contentieux en lien avec lesdits contrats portant notamment sur les immeubles sis E______. Au début de son activité, elle avait reçu oralement comme instruction de louer les appartements de deux pièces à des personnes seules, les trois pièces à deux personnes, les quatre pièces à un couple avec un enfant et les cinq pièces à un couple avec deux enfants. Elle a précisé que cette politique était applicable exclusivement lors de la conclusion de nouveaux baux et que la bailleresse ne "touchait" en revanche pas aux baux en cours. Elle n'avait jamais dû résilier un contrat de bail dans les immeubles précités pour sous-occupation. Il était parfaitement possible que des appartements de quatre pièces ou plus soient occupés par une personne seule, à la suite du décès de l'un des conjoints ou après le départ des enfants. En cas de décès d'un locataire, un avenant au contrat était conclu afin de transférer le bail au nom du conjoint survivant.

-          A teneur du dossier, en particulier de l'état locatif de l'immeuble sis E______ et du témoignage retranscrit ci-dessous de deux locataires de celui-ci, à savoir I______ et J______, sur les vingt-trois appartements de cinq ou six pièces que comportait cet objet, neuf ou dix, dont l'appartement litigieux, étaient, au cours de l'été 2016, loués à des personnes seules ou occupés par des personnes seules. Selon l'état locatif précité, J______ était titulaire du contrat de bail conjointement avec K______.

-          Produisant de nombreux documents à l'appui de son allégation, la bailleresse a exposé que lesdits appartements de cinq ou six pièces dont ne serait actuellement titulaire du bail qu'une seule personne avaient tous été initialement loués à une famille ou à un couple dont l'un des conjoints était décédé ou avait quitté le logement à la suite d'un divorce ou d'une séparation et/ou dont les enfants, devenus majeurs, étaient partis.

-          Entendue comme témoin par le Tribunal, I______ a déclaré être locataire depuis 1972 d'un appartement de cinq pièces dans l'immeuble sis E______. A l'époque, elle l'occupait avec son mari et leurs enfants. Elle avait signé un nouveau contrat de bail en 1983 suite à son divorce, pour le même appartement qu'elle occupait alors avec ses enfants. Ceux-ci avaient quitté l'appartement et elle y était restée seule depuis une vingtaine d'années. Elle n'avait jamais entendu parler d'une politique de la bailleresse visant à réserver les grands appartements aux familles.

-          Le témoin J______ a pour sa part déclaré qu'il avait repris un bail d'un appartement de cinq pièces en 1996 avec son épouse dans l'immeuble sis E______. Il avait divorcé en 2006 et son ex-épouse avait quitté le logement familial. Ils avaient exercé la garde alternée sur leurs enfants pendant une dizaine d'années. Actuellement, ceux-ci étaient majeurs et il occupait seul le logement depuis quatre ans. Il avait souhaité procéder à un échange de son appartement contre un trois pièces occupé par une famille, ce que la régie avait refusé, lui demandant de résilier son bail au préalable. Celle-ci ne lui avait pas indiqué à l'époque qu'il n'avait pas le droit d'occuper seul un cinq pièces. Enfin, il a ajouté ne pas avoir communiqué à la précitée le jugement de divorce aux termes duquel lui avaient été attribués les droits et obligations découlant du contrat de bail pour qu'elle établisse un avenant audit contrat.

S'agissant de ce témoin, H______ a indiqué au Tribunal qu'elle n'avait pas le souvenir d'avoir été informée de son divorce.

En septembre 2016, J______ et K______ (dénommée avant son divorce "______") ont conjointement sollicité de la bailleresse une baisse du loyer de leur appartement.

d. La bailleresse allègue par ailleurs que F______ était très procédurier. A cet égard, elle mentionne, pièces à l'appui, des procédures judiciaires l'ayant opposée à celui-ci au cours de la période allant de 1995 à 2000 portant sur le montant du loyer de l'appartement litigieux.

Elle allègue en outre que le comportement du précité ainsi que de son fils, C______, a été source, durant de longues années, d'importants désagréments pour les habitants de l'immeuble considéré et que ceux-ci faisaient en outre un usage inapproprié des espaces communs de l'immeuble. Elle produit à ce sujet différents courriers adressés par G______ à C______ et/ou à F______ en 2007, 2008, 2011 et 2014.

e. Avant son décès, F______ occupait en effet depuis plusieurs années, à la connaissance de la bailleresse, l'appartement litigieux avec son fils précité, lequel y est resté seul depuis le décès de son père.

B______ avait, quant à elle, quitté le logement bien avant le décès de F______, ce que H______ a déclaré avoir ignoré jusqu'à cet événement.

f. F______ est décédé le ______ 2015, laissant comme héritiers son épouse, B______, ainsi que ses enfants, D______ et C______.

g. Par courrier du 17 septembre 2015, G______ a demandé à B______ si elle avait accepté la succession et si elle souhaitait garder le logement litigieux, ce à quoi cette dernière a répondu positivement par courrier du 21 septembre 2015.

Lors de son audition par le Tribunal, H______ a déclaré avoir appris le décès de F______ par la Feuille d'Avis Officielle et avoir interpellé les héritiers pour savoir s'ils acceptaient la succession, ce à quoi ceux-ci avaient répondu par l'affirmative. Elle avait ensuite discuté avec son chef de service, lequel lui avait donné pour instruction de résilier le contrat de bail.

h. Par avis de résiliation du 20 janvier 2016 adressés à chacun des héritiers séparément, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 mars 2016, sans indication de motifs. L'auteur indiqué desdits avis était la bailleresse, représentée par G______.

i. Par courrier du 28 janvier 2016 adressé à G______, les héritiers ont sollicité les motifs du congé.

Lors d'un entretien du 9 mars 2016, H______ et le conseil de la bailleresse ont expliqué à B______ et D______ que la résiliation était intervenue au motif qu'il n'était pas dans la politique de la bailleresse d'attribuer un appartement de cinq pièces à une personne seule, sauf dans les cas de veuvage.

j. Par requête du 2 février 2016, reçue le lendemain, dirigée contre la société G______, désignée en qualité de bailleresse, le congé de l'appartement a été contesté en temps utile devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers par les héritiers, comparant en personne, au moyen du formulaire préimprimé fourni par cette autorité.

Par mémoire ampliatif déposé à la commission précitée le 17 février 2016, ceux-ci, représentés par l'ASLOCA, ont corrigé et complété leur requête, dans la mesure où ils l'ont dirigée contre la bailleresse et ont conclu à l'annulation des congés concernant l'appartement ainsi que le garage n° ______ de même que, subsidiairement, à l'octroi d'une pleine et entière prolongation de bail de quatre ans (C/1970/2016 et C/1972/2016).

k. Non conciliées le 20 juin 2016, les affaires ont été introduites devant le Tribunal le 23 juin 2016, étant relevé que les autorisations de procéder délivrées mentionnaient la bailleresse en tant que partie défenderesse.

l. Le 12 juillet 2016, le Tribunal a ordonné la jonction des causes sous le numéro C/1970/2016.

m. La bailleresse a, pour sa part, conclu à ce qu'il soit constaté que les congés étaient valables et à ce que les précités soient déboutés de toutes leurs conclusions.

Elle a fait valoir l'absence de légitimation passive de G______, contre laquelle la requête initiale du 2 février 2016 avait été dirigée.

Elle a soutenu pour le surplus que le logement litigieux était un vaste appartement de cinq pièces qu'elle souhaitait attribuer à une famille de son choix, ayant en effet pour politique générale d'attribuer ses grands objets à des familles.

n. Dans leurs plaidoiries finales du 24 avril 2017, les parties ont persisté dans leurs conclusions, étant relevé que la bailleresse les a également amplifiées en sollicitant que soit déclarée irrecevable la requête en prolongation du bail, au motif qu'elle n'avait pas été formulée dans la requête initiale du 2 février 2016.

o. Par courrier du 26 avril 2017, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de quinze jours dès l'envoi de celui-ci.

p. Dans des observations spontanées du 11 mai 2017, la bailleresse a persisté dans les conclusions de ses plaidoiries finales.

q. Lors de la procédure de première instance, la bailleresse n'a pas fait valoir le fait que la poursuite du bail lui causerait un inconvénient majeur, ceci même dans le cadre de ses observations précitées, dans lesquelles elle s'est pourtant déterminée sur l'art. 271a al. 1 let. f CO et sur l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_34/2017 du 18 avril 2017, deux points évoqués par les intimés dans leurs plaidoiries finales écrites. A ce sujet, la bailleresse a soutenu que le cas faisant l'objet de l'arrêt précité était différent du cas d'espèce, dans la mesure où le motif du congé était de relouer l'appartement concerné, dans le premier, à un candidat du choix du bailleur et, dans le second, à une famille en conformité de la politique locative du bailleur.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a débouté la bailleresse de sa conclusion tendant à l'irrecevabilité de la requête, au motif que dans le délai de trente jours pour contester le congé et avant l'audience de conciliation, celle-ci a été complétée et corrigée, de sorte à contenir une conclusion subsidiaire en prolongation du bail et à être dirigée contre la bailleresse.

Les premiers juges ont par ailleurs considéré que la précitée avait certes une politique d'attribution de ses grands logements à des familles, mais qu'elle n'avait pas apporté la preuve que celle-ci impliquait également la résiliation des baux existants lorsque la situation familiale des locataires se modifiait, de sorte qu'elle n'avait pas démontré la véracité du motif du congé.

Dans leur motivation pour aboutir à cette conclusion, ils ont retenu, outre le témoignage de H______, celui de I______, laquelle avait déclaré occuper seule un appartement de cinq pièces dans l'immeuble litigieux depuis une vingtaine d'années, de même que celui de J______, lequel avait déclaré habiter seul depuis quatre ans un appartement de cinq pièces au sein de cet immeuble à la suite de son divorce ainsi que du départ de ses enfants et avoir sollicité de la bailleresse un échange d'appartements avec une voisine vivant dans un trois pièces avec sa famille, ce qui lui avait été refusé. Selon les premiers juges, ce dernier témoignage démontrait que, même informée du fait qu'une personne seule habitait un appartement de cinq pièces, la bailleresse n'avait pas résilié le contrat de celle-ci pour appliquer sa politique locative. En conséquence, le congé serait annulé en application de l'art. 271 CO.

Dès lors qu'il faisait ménage commun avec son père avant le décès de celui-ci, le fils du locataire pouvait en outre se prévaloir de la protection de l'art. 271a al. 1 let. f CO, dont les conditions étaient réalisées. En effet, la bailleresse ne contestait pas le fait que la résiliation était intervenue en raison d'une modification dans la situation familiale, à savoir le décès du locataire, et elle n'alléguait ni a fortiori ne démontrait que le maintien du fils de celui-ci dans le logement entraînait pour elle un inconvénient majeur.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer annuel total est de 19'944 fr., charges comprises, de sorte que la valeur minimale de 10'000 fr. est atteinte. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC).

1.3 Les litiges portant sur des baux à loyer d'habitation ou de locaux commerciaux sont soumis, en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail, aux règles de la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC).

2. L'appelante soutient que les premiers juges auraient dû débouter les intimés de leurs conclusions en raison d'un défaut de légitimation passive, la requête du 2 février 2016 ayant été dirigée contre une société tierce à la présente procédure.

2.1 2.1.1 Aux termes de l'art. 273 CO, la partie qui veut contester le congé et/ou demander une prolongation du bail, lorsqu'il s'agit d'un bail de durée indéterminée, doit saisir l'autorité de conciliation dans les trente jours qui suivent la réception du congé.

2.1.2 En application de l'art. 62 al. 1 CPC, lorsque la procédure au fond doit être précédée d'une tentative de conciliation (art. 197 CPC), l'instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation. Partant, la litispendance débute à ce moment-là. Celle-ci a pour effet de fixer l'objet du procès et les parties à celui-ci, des modifications n'étant alors possibles qu'aux conditions restrictives prévues par le code. Ainsi, en principe, le procès demeure lié entre les parties originaires et les faits qui se produisent après le début de la litispendance sont sans influence sur la personne des parties. Une substitution de partie au procès ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de la partie adverse (art. 83 al. 4 1ère phrase CPC), sous réserve du cas de l'aliénation de l'objet du litige (art. 83 al. 1 CPC) et des dispositions spéciales prévoyant une succession légale (art. 83 al. 4 2ème phrase CPC). La requête de conciliation doit donc renfermer tous les éléments nécessaires à l'identification du litige. Elle doit désigner de manière précise les parties au procès, en particulier la partie adverse (art. 202 al. 2 CPC). Après l'échec de la conciliation, le demandeur se voit délivrer une autorisation de procéder qui indique notamment les noms et les adresses des parties, et, le cas échéant, de leurs représentants (art. 209 al. 2 let. a CPC). Lorsque le demandeur rédige sa demande, à laquelle il joint l'autorisation de procéder (art. 221 al. 2 let. b CPC), il lui suffit donc de reprendre la désignation de sa partie adverse telle qu'elle figurait dans sa requête de conciliation, respectivement dans l'autorisation de procéder (cf. art. 221 al. 1 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_385/2014 du 29 septembre 2014 consid. 4.1 et les réf. citées).

2.1.3 La requête de conciliation et la demande doivent désigner précisément la partie adverse (cf. art. 202 al. 2, art. 221 al. 1 let. a et, pour la demande simplifiée, art. 244 al. 1 let. a CPC). Si la personne désignée comme défendeur n'est pas le sujet passif du droit invoqué par le demandeur et n'a donc pas la qualité pour défendre (i.e. la légitimation passive), l'action devra être rejetée. Le demandeur pourra intenter une nouvelle action contre celui qui dispose effectivement de la qualité pour défendre, sous réserve des cas de prescription ou de péremption. Cela étant, le juge peut rectifier d'office ou sur requête une désignation de partie qui est entachée d'une inexactitude purement formelle, d'une simple erreur rédactionnelle. L'erreur commise doit être aisément décelable et rectifiable tant pour la partie adverse que pour le juge; il ne doit donc exister aucun risque de confusion quant à l'identité de la personne visée, identité qui peut notamment résulter de l'objet du litige. Si un tel risque peut être exclu, peu importe alors que la désignation inexacte se rapporte à une tierce personne existante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_17/2016 du 29 juin 2016 consid. 2.2 et les réf. citées).

2.2 En l'espèce, dans la mesure où, lorsque la requête de conciliation a été modifiée de sorte à viser la bailleresse, le délai de trente jours du droit matériel pour introduire celle-ci n'était pas échu, l'audience de conciliation n'avait pas encore eu lieu et l'autorisation de procéder n'avait pas encore été délivrée, cette rectification ne saurait être considérée comme une modification de la demande soumise aux conditions de l'art. 227 CPC. Il en découle que ladite rectification a été à juste titre considérée comme recevable par les premiers juges, lesquels n'ont ainsi également à juste titre pas retenu que la requête en conciliation, de même que la demande introduite ensuite au Tribunal, conformément à la partie citée mentionnée par l'autorisation de procéder délivrée, avait été dirigée contre une personne ne bénéficiant pas de la légitimation passive.

En tout état, les relations des parties dans le cadre de la résiliation du contrat de bail ont été entretenues, pour la bailleresse, par le biais de la société G______. Les intimés, comparant en personne, ont déposé devant la commission de conciliation une requête en contestation du congé établie sur le formulaire préimprimé de cette autorité. Sous la rubrique "cité", ils ont indiqué la société G______ en qualité de bailleur. Après avoir rectifié le nom du bailleur avant l'audience de conciliation et dans le délai utile pour contester la résiliation du contrat de bail, les intimés, alors assistés par un mandataire professionnellement qualifié, ont obtenu une autorisation de procéder désignant comme partie défenderesse la bailleresse et ont requis l'annulation du congé par demande introduite au Tribunal à l'encontre de celle-ci. 

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée plus haut (cf. consid. 2.1.3), rendue dans des circonstances similaires, il convient ainsi de considérer que la mention de la société G______ dans la requête initiale du 2 février 2016 constituait une désignation inexacte de partie susceptible d'être rectifiée. L'objet du litige était en effet clair, soit la contestation de la résiliation de bail signifiée aux intimés par avis du 21 janvier 2016. La personne visée par une telle action était manifestement la bailleresse. Aucun risque de confusion n'était possible, même si les intimés, alors agissant en personne, ont désigné par mégarde dans leur requête une personne morale existante, soit la régie immobilière représentant la bailleresse, laquelle avait été leur interlocuteur dans le cadre des relations intervenues à la suite de la résiliation du contrat. La bailleresse ne saurait de bonne foi nier l'existence d'une erreur manifeste des intimés, qui ont procédé sans l'assistance d'un mandataire professionnel, ce que tend à favoriser la procédure simplifiée applicable en l'espèce (art. 243 al. 2 let. c CPC).

Le grief de l'appelante est en conséquence infondé.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits en retenant que, même informée du fait que le locataire J______ occupait seul un logement de cinq pièces, elle n'avait pas résilié le contrat de celui-ci pour appliquer sa politique locative. En effet, il ressortait selon elle du témoignage du précité ainsi que de celui de H______ de même que d'une pièce du dossier qu'elle ignorait au contraire ce fait, ce locataire ne l'ayant jamais informée du prononcé de son divorce et ayant même requis récemment, conjointement avec son ex-épouse, une baisse de loyer.

Par ailleurs, l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir considéré qu'elle n'avait pas démontré de politique locative consistant dans le fait de résilier des baux existants lorsque la situation familiale des locataires se modifiait. Ils auraient à cet égard omis de faire la distinction entre le cas où l'un des titulaires initiaux du bail restait seul dans l'appartement et celui du cas d'espèce, où le fils de l'unique titulaire initial du bail qui ne détenait aucun droit avant le décès de son père y demeurait seul. Dans le premier cas, sa politique était, en effet, de maintenir le titulaire initial du bail resté seul dans le logement, toute politique contraire tombant de toute façon sous la protection de l'art. 271a al. 1 let f CO. Dans le second, elle consistait à résilier le contrat afin d'en conclure un nouveau avec une famille de son choix, en application de sa politique générale d'attribution des logements. Les cas de deux locataires occupant seuls des grands appartements dans l'immeuble qui avaient été cités par les premiers juges étaient ceux de J______ et I______, lesquels relevaient du premier cas de figure, étant souligné, au surplus, que la seconde était devenue seule titulaire du bail alors que l'appelante n'avait pas encore acquis l'immeuble.

Enfin, selon l'appelante, les premiers juges, en considérant que la protection découlant de l'art. 271 al. 1 let. f CO était applicable en l'espèce, avaient procédé à une violation de la jurisprudence constante, selon laquelle le congé motivé par le souhait du propriétaire de récupérer les locaux pour les attribuer à un locataire de son choix à la suite du décès du titulaire du bail n'était pas contraire à la bonne foi. L'appelante mentionne à l'appui de ce grief les arrêts ACJC/448/2005 du 11 avril 2005, ACJC/1284/2013 du 4 novembre 2013 et ACJC/1435/2014 du 24 novembre 2014 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_22/2015 du 11 mai 2015. Par ailleurs, elle fait valoir nouvellement que le fait, pour le fils du défunt unique titulaire initial du bail, de vivre seul dans l'appartement litigieux constituait une sous-occupation qui lui causait un inconvénient majeur en regard de la politique locative qu'elle appliquait avec constance.

3.1 3.1.1 Selon l'art. 271 al. 1 CO, le congé est annulable s'il contrevient aux règles de la bonne foi. Tel est notamment le cas du congé donné par le bailleur en raison de changements dans la situation familiale du locataire, sans qu'il en résulte des inconvénients majeurs pour le bailleur (art. 271a al. 1 let. f CO).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). 

Les cas typiques d'abus de droit, à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin. Pour statuer sur la validité d'un congé, il faut examiner l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2). 

Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi, il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016, consid. 4.4.1). 

Il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016, consid. 4.4.2).  

3.1.2 En cas de décès du locataire, la protection contre le congé découlant de l'art. 271a al. 1 let. f CO est conférée aux membres de sa famille qui habitaient avec lui et qui lui succèdent dans la relation contractuelle. Dans le cas d'un enfant adulte succédant au locataire décédé, le bénéfice de cette protection est donc réservé à une personne habitant le logement à titre principal et refusé à celle qui ne séjournait que de manière intermittente avec le défunt (arrêt du Tribunal fédéral 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5, rendu dans une cause dans laquelle le conseil de la bailleresse dans la présente procédure représentait les intérêts du bailleur).

Dans l'arrêt précité au considérant 7, le Tribunal fédéral a retenu ce qui suit :

"La défenderesse ne prétend pas subir un inconvénient majeur, aux termes de l'art. 271a al. 1 let. f CO, par suite de la continuation du bail avec le fils de la locataire défunte. Elle est certes empêchée de relouer l'appartement à une personne ou à une famille de son choix alors qu'elle est approchée par de nombreux candidats. Cet inconvénient ne résulte cependant pas du décès de la locataire (…); il s'agit seulement d'un effet de la protection légale contre les résiliations de baux d'habitation. La défenderesse invoque inutilement un arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 4A_22/2015 du 11 mai 2015) qui concernait un bail de locaux commerciaux, auquel l'art. 271a al. 1 let. f CO n'était pas applicable (…), ainsi que divers autres précédents où la Cour de justice a semble-t-il jugé que le congé signifié par le bailleur n'était pas contraire aux règles de la bonne foi".

Seul le congé donné en raison d'une modification de la situation familiale du locataire est prohibé. On admettra ce rapport de causalité si le congé est donné peu de temps après la survenance de la modification de la situation familiale du locataire et que le bailleur ne fournit pas d'autre motif plausible à l'appui de la résiliation. Le locataire doit prouver le lien de causalité entre la modification de sa situation familiale et le congé, et le bailleur, les inconvénients majeurs qu'il subit (Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 755 et 756).

La notion d'inconvénient majeur est la même que celle de l'art. 262 al. 2 let. c CO. Est "majeur" l'inconvénient dont l'importance est telle que l'on ne peut raisonnablement pas imposer au bailleur la poursuite du bail (Lachat, op. cit., p. 755).

D'après un auteur, il semble douteux que la sous-occupation des locaux, par exemple lors du départ des enfants adultes ou du décès du conjoint, puisse constituer un inconvénient majeur (Burkhalter, Martinez-Favre, Commentaire SVIT du droit du bail, Lausanne 2011, n. 65 ad. art. 271a).

Selon le Tribunal fédéral, ne constitue pas un inconvénient majeur, faute de revêtir le caractère de gravité exigé par la loi et la doctrine, le seul fait que la poursuite du bail [sous-location] contrecarre la politique d'attribution des logements d'un propriétaire institutionnel, à savoir de procurer des logements à des conditions abordables à des personnes qui en ont besoin (ATF non publié du 11 octobre 1994 in SJ 1995 p. 227 consid. 5c; Lachat, op. cit., p. 571).

Dans un arrêt genevois du 8 mai 2006 (ACJC/482/2006 et ACJC/483/2006 in CdB 2006 p. 125) invoqué par l'appelante, il a été jugé que l’occupation d’un appartement de quatre pièces par une personne seule représentait un inconvénient majeur pour le bailleur. Le congé était motivé par la sous-occupation du logement, lequel était soumis au régime subventionné HLM et au contrôle de l’Etat jusqu’en 2014, étant relevé que dans ce cadre, lorsque les conditions d’occupation d’un logement n'étaient plus réunies, le bailleur devait, sur demande de l’Office cantonal du logement, résilier le bail en application de l’art. 31 B de la Loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL). Or, à la suite de la décision administrative de résilier le bail, l’Office cantonal du logement avait confirmé, dans sa décision sur réclamation, définitive et exécutoire, la sous-occupation effective de l’appartement.

Dans une décision zurichoise, il a été considéré que l'inconvénient était majeur lorsque la poursuite du bail [sous-location] contrevenait au but de la coopérative d'habitation (Burkhalter, Martinez-Favre, op. cit., n. 25 ad. art. 262 CO et la référence citée, à savoir une décision de la Cour suprême du canton de Zurich du 7 septembre 1995 = MRA 5/97, p. 201ss).

3.2 3.2.1 En l'espèce, l'appelante a certes démontré respecter certains principes lors de la conclusion de nouveaux baux, lesquels relèvent cependant davantage du bon sens que d'une véritable politique d'attribution des logements dont pourrait se prévaloir un bailleur institutionnel ou une coopérative d'habitation, étant relevé que les règles invoquées ne font d'ailleurs l'objet d'aucun directive écrite de sa part.

En revanche, il n'est pas établi que lesdits principes la conduisaient à résilier des baux existants. C'est bien plutôt le contraire qui résulte clairement du témoignage de H______ et des allégations de l'appelante elle-même. Il ressort en outre du dossier que, contrairement aux principes qu'elle prétend respecter, son parc immobilier contient d'ailleurs une part importante de grands logements occupés par une personne seule.

A cet égard, la question de savoir si les appartements concernés ont été initialement attribués à des familles et celle de savoir si la personne restant dans le logement était ou non initialement titulaire du bail peut demeurer ouverte. La distinction que fait valoir l'appelante entre les cas où la réponse à ces questions serait résolue par l'affirmative et le cas d'espèce n'est pas pertinente. En effet, son explication selon laquelle elle n'aurait pas pour politique de résilier les baux dans le premier cas, malgré sa politique locative, uniquement en raison de la protection accordée au locataire par l'art. 271a al. 1 let. f CO, ne convainc pas, tant il est vrai que cette protection s'applique indifféremment dans les deux cas. L'appelante allègue, mais ne démontre en tout état pas avoir résilié un seul contrat de bail relevant d'un cas similaire au cas d'espèce, à savoir celui d'un grand appartement dans lequel serait resté seul un membre de la famille du locataire qui n'aurait pas été initialement titulaire du bail.

En conséquence, le motif du congé invoqué par l'appelante, à savoir le respect d'une politique impliquant la résiliation de baux existants portant sur de grands logements uniquement dans les cas isolés où y seraient demeurées seules des personnes non titulaires initialement du contrat de bail, ne peut être considéré comme réel et sérieux, ce dont il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif légitime, de sorte que son annulation en application de l'art. 271 al. 1 CO est justifiée.

Quant au grief de l'appelante selon lequel le Tribunal aurait procédé à une constatation inexacte des faits en lien avec le cas de J______, même s'il était fondé, il conviendrait de retenir que l'élément de fait concerné a été rectifié par la Cour dans le présent arrêt. Il est cependant de toute façon sans incidence sur l'issue du litige, la question de savoir si l'appelante avait ou non connaissance du fait que le précité occupait seul son appartement n'étant pas pertinente. En effet, même si elle en avait eu connaissance, elle n'aurait pas résilié le contrat de bail de celui-ci, au motif, comme il ressort de ses propres allégations, qu'il était initialement titulaire du bail, ce qui suffit à confirmer le bien-fondé de la conclusion des premiers juges selon laquelle la politique invoquée par l'appelante ne la conduisait pas à résilier des baux en cours.

3.2.2 En tout état,le congé est annulable en application de l'art. 271a al. 1
let. f CO.

En effet, il est intervenu en raison d'une modification dans la situation familiale des intimés, à savoir le décès de F______, ce qui découle d'ailleurs clairement du témoignage de H______. L'appelante ne conteste pas que le congé a été donné en raison du fait qu'elle souhaitait relouer l'appartement à un locataire de son choix suite au décès de F______. C'est donc bien en raison du décès de ce dernier que le contrat de bail a été résilié. Le fait qu'environ cinq mois se soient écoulés entre le décès et la notification de l'avis de résiliation ne permet pas de considérer qu'il n'y a pas de lien de causalité entre ces deux événements, mais bien au contraire confirme l'existence d'un tel lien, que l'appelante ne conteste pas, celle-ci ne prétendant en particulier pas qu'elle aurait résilié le bail dans l'hypothèse où le locataire ne serait pas décédé.

Il n'est par ailleurs pas contesté que C______ occupait l'appartement litigieux avec son père depuis plusieurs années au moment du décès de celui-ci, ce qui découle d'ailleurs pour le surplus du dossier.

Le fait de laisser un de ses grands appartements bénéficier à une personne seule, ceci en contradiction avec ses principes d'attribution de ses logements, établis dans la mesure retenue plus haut (cf. consid. 3.2.1), ne saurait être considéré en soi comme un inconvénient dont l'importance serait telle que l'on ne pourrait raisonnablement pas imposer à l'appelante la poursuite du bail, faute en effet de revêtir le caractère de gravité exigé par la loi et la doctrine, comme l'a jugé le Tribunal fédéral dans l'arrêt non publié du 11 octobre 1994 in SJ 1995 p. 227 (consid. 4.1.2 supra), dans le cas d'un propriétaire institutionnel, dont la politique locative revêtait, en outre, un aspect davantage prioritaire et formel que celui qui est invoqué par l'appelante dans le cas d'espèce.

Cela est confirmé, si besoin est, par le fait que le parc immobilier de l'appelante comporte déjà de nombreux grands appartements loués ou occupés par des personnes seules, sans que celle-ci ne démontre qu'il en résulterait pour elle un problème particulier, étant relevé qu'il importe peu à cet égard que ces objets aient été initialement loués à des familles, élément pertinent uniquement en ce qui concerne la preuve des principes appliqués lors de la conclusion de nouveaux baux.

La doctrine relève d'ailleurs qu'il semble douteux que la sous-occupation des locaux, par exemple lors du départ des enfants adultes ou du décès du conjoint, puisse constituer un inconvénient majeur.

Le cas d'espèce n'est par ailleurs en rien comparable à celui qui est invoqué par l'appelante dans le cadre duquel la Cour a considéré que la sous-occupation d'un appartement soumis au régime subventionné HLM constituait un inconvénient majeur. En effet, les conditions d’occupation du logement n'étaient plus réunies, de sorte que le bailleur devait, sur demande de l'autorité administrative, résilier le bail en application de la loi (cf. décision citée sous consid. 3.1.2 supra).

Le cas d'espèce n'est pas non plus comparable à celui dans lequel il a été jugé que la sous-occupation invoquée contrecarrait le but d'une coopérative d'habitation
(cf. décision citée sous consid. 3.1.2 supra), les principes d'attribution de ses logements invoqués par l'appelante ne revêtant pas le caractère formel, contraignant et primordial d'un but statutaire.

En conclusion, au vu du caractère informel, peu prioritaire et non contraignant que revêtent les principes d'attribution de ses logements invoqués par l'appelante, appliqués selon ses allégations lors de la conclusion de nouveaux baux, mais, à teneur du dossier, sans incidence dans la pratique sur les baux en cours, le cas d'espèce est en définitive bien plutôt comparable à celui qui a été jugé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 4A_34/2017 du 18 avril 2017 (cf. décision citée sous consid. 3.1.2 supra) et il sera donc résolu dans le même sens, à savoir que la bailleresse est exclusivement empêchée de relouer l'appartement à une famille de son choix, ce qui ne constitue pas un inconvénient majeur au sens de l'art. 271a al. 1 let. f CO, mais seulement un effet de la protection légale contre les résiliations de baux d'habitation.

A l'instar de ce qu'a considéré le Tribunal fédéral dans cet arrêt, il est relevé finalement que l'appelante invoque inutilement différents précédents dans lesquels la Cour a jugé que le congé signifié par le bailleur n'était pas contraire aux règles de la bonne foi ainsi que l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_22/2015 du 11 mai 2015 portant sur des locaux commerciaux.

Les griefs de l'appelante sont ainsi infondés, de sorte que le jugement querellé sera confirmé.

4. En lien avec le grief de l'appelante traité sous considérant 2 ci-dessus (défaut de légitimation passive), dont les intimés relèvent qu'il dénote une position outrancière et répétée, les précités requièrent de la Cour d'apprécier l'opportunité de prononcer une amende pour procédé téméraire.

4.1 A teneur de l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus.

A été considéré comme téméraire plaideur celui qui bloque une procédure en multipliant des recours abusifs (ATF 111 Ia 148 consid. 4) ou celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s’abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (Haldy, in Code de procédure civile commenté, n. 9 ad art. 128 CPC).

4.2 En l'espèce, l'appel ne s'apparente à aucun des exemples cités par la jurisprudence mentionnée plus haut et il ne peut être considéré comme un cas de témérité. Il n'y a ainsi pas lieu au prononcé d'une telle sanction.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 7 juin 2017 par A______ contre le jugement JTBL/486/2017 rendu le 18 mai 2017 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1970/2016-4-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Alain MAUNOIR, Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.1.