Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/1036/2024 du 18.12.2024 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/943/2024 ATAS/1036/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 18 décembre 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION
et
B______
| Intimée
appelé en cause |
A. a. La société C______ (ci-après : la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 15 mai 2018 et affiliée à la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci‑après : la caisse).
b. Dès la création de la société, Monsieur A______ (ci-après : l'ancien associé, l'intéressé ou le recourant) a figuré au RC en tant qu'associé gérant, avec signature individuelle, et ce, jusqu'au 11 septembre 2019. Durant cette période, il était seul gérant inscrit au RC.
c. Le 25 février 2020, la caisse a adressé à la société la facture finale relative aux cotisations salariales de l'année 2019 d'un montant de CHF 1'809.-, correspondant au montant des cotisations paritaires et des frais d'administration, de sommation et de poursuite (CHF 18'118.40), en déduction des virements (CHF 763.15) et paiement (CHF 5'002.30), ainsi que du montant en poursuite (CHF 10'543.95).
d. Suite aux poursuites engagées à l'encontre de la société, la caisse a notamment reçu un procès-verbal de saisie du 18 juin 2021 (poursuite 1______), valant acte de défaut de biens, relatif aux cotisations salariales pour la période du 1er avril au 30 juin 2019 et portant sur un montant total de CHF 6'734.40, frais de poursuite et intérêts inclus.
e. Par jugement du Tribunal de première instance du 21 juin 2021, la société a été dissoute par suite de faillite. La procédure de faillite a été suspendue, par jugement du 5 août 2021, faute d'actif et la société radiée d'office le 13 septembre 2021, à la clôture de la faillite.
f. Par décision du 15 janvier 2024, la caisse a réclamé de l'ancien associé le paiement de son dommage, s'élevant à CHF 6'534.40, correspondant au solde des cotisations paritaires au 30 juin 2019 et incluant les frais et intérêts moratoires.
g. Le 17 janvier 2024, l'ancien associé s'est opposé à cette décision, indiquant que dès lors que Monsieur B______ (ci-après : le repreneur ou l’appelé en cause) avait repris la société dans son intégralité, les prestations dues étaient à sa charge.
h. Par décision du 26 janvier 2024, la caisse a rejeté l'opposition et confirmé sa décision initiale.
B. a. Par pli du 7 février 2024 adressé à la caisse, l'ancien associé a indiqué faire opposition à cette décision, réitérant son grief et ajoutant qu'il ne disposait pas des fonds nécessaires pour le paiement de cette facture.
b. Le 5 mars 2024, la caisse a accusé réception de ce courrier et indiqué à l'ancien associé que s'il souhaitait former recours, il devait le faire dans les 30 jours dès la notification de la décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans).
c. Par courrier du 14 mars 2024 adressé à la chambre de céans, l'ancien associé, faisant référence à son pli du 7 février 2024, a indiqué vouloir recourir contre la décision sur opposition du 26 janvier 2024, indiquant qu'il avait vendu la société au repreneur, lequel devait s'acquitter de la totalité des charges.
d. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle a notamment indiqué qu'elle avait d'ores et déjà émis une décision de réparation de dommage le 15 janvier 2024 à l'encontre du repreneur, lequel n'avait pas formé opposition, et que les procédures de recouvrement étaient en cours.
e. Par pli du 2 mai 2024, le recourant a indiqué être hospitalisé et ne pas pouvoir venir consulter les pièces du dossier. Il transmettait deux arrêts de travail pour la période du 23 avril au 31 mai 2024 inclus.
f. Le 20 juin 2024, le recourant a demandé une nouvelle prolongation de délai et transmis un nouvel arrêt de travail pour la période du 1er au 30 juin 2024 inclus.
g. Le 21 juin 2024, la chambre de céans a prolongé au 12 juillet 2024 le délai du recourant pour consulter les pièces du dossier et produire son écriture.
h. Le recourant ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
i. Sur interpellation de la chambre de céans, l'intimée lui a transmis la décision du 15 janvier 2024 en réparation du dommage à l'encontre du repreneur.
j. Par ordonnance du 21 octobre 2024, la chambre de céans a appelé en cause le repreneur.
k. L'appelé en cause ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
l. Sans nouvelles des autres parties, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).
La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève depuis le 15 mai 2018 et jusqu'au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.
1.3 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Selon l'art. 11 LPA, l'autorité examine d'office sa compétence (al. 2). Si elle décline sa compétence, elle transmet d'office l'affaire à l'autorité compétente et en avise les parties (al. 3). Cette disposition vise aussi bien les autorités au sens de l'art. 5 LPA (autorités administratives) que les juridictions administratives au sens de l'art. 6 LPA (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017 n° 181). En vertu de l'art. 17 al. 5 LPA, les délais sont réputés observés lorsqu'une partie s'adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente. Ces dispositions sont applicables aussi bien à la procédure contentieuse que non-contentieuse (cf. art. 76 LPA ; GRODECKI / JORDAN, op. cit., n° 938).
En l'espèce, le recourant a envoyé à l'intimée un courrier le 7 février 2024, par lequel il indiquait faire opposition contre la décision sur opposition du 26 janvier 2024. Bien qu'il ne le dise pas expressément, on comprend clairement qu'il entendait recourir contre cette décision, ce qu'il a confirmé d'ailleurs par courrier du 13 mars 2024. Le courrier du 7 février 2024 doit ainsi être considéré comme un acte de recours. Or, dès lors que l'intimée est une autorité administrative saisie à l'occasion d'un litige en matière d'assurances sociales, elle aurait dû transmettre d'office ce courrier à la chambre de céans. Bien qu'elle ne l'ait pas fait, il faut considérer que le recours a été interjeté le 7 février 2024, donc dans le délai de 30 jours, même si l'autorité réceptrice était incompétente, ce qui résulte également de l'application de l'art. 17 al. 5 LPA.
Aussi, interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours sera déclaré recevable.
2. Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l'intimée, par défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC, ainsi que Amat et AF) entre le 1er janvier et le 30 juin 2019.
3.
3.1 La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) ont été abrogés.
Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).
Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; 127 V 467 consid. 1 et les références).
En l’espèce, les montants litigieux concernent l'année 2019, de sorte que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).
3.2 L'art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3.2 et les références).
4.
4.1 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS (RO 2018 5343 ; FF 2014 221). Cet alinéa prévoit désormais que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites.
Selon l’art. 60 CO, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020, l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé (al. 1). Si le fait dommageable résulte d’un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l’échéance du délai de prescription de l’action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l’action pénale ne court plus parce qu’un jugement de première instance a été rendu, l’action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement (al. 2).
Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription et non plus de péremption, de sorte qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts. Le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition (ATF 135 V 74 consid. 4.2).
Il appartient au responsable recherché de faire valoir la prescription par voie d’exception et le juge ne peut pas la relever d’office (ATF 129 V 237 consid. 4 ; Franz WERRO / Vincent PERRITAZ in Commentaire romand du Code des obligations I, 2021, n° 3 ad art. 60 CO).
4.2 En l'espèce, le recourant ne conteste pas que la demande en réparation du dommage a été introduite en temps utile. Il apparaît au demeurant que les délais de prescription relatif et absolu ont été interrompus avant d'être échus, par les décisions des 15 et 26 janvier 2024, et ne couvrent pas la présente procédure (art. 138 al. 1 CO ; ATF 147 III 419 consid. 5.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_906/2017 du 21 juin 2018 consid. 1.2 ; sur l'application par analogie des dispositions générales selon les art. 135 ss CO, cf. ATF 141 V 487 consid. 2.3 et les références ; 135 V 74 consid. 4.2.1 et les références).
5. Il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considérée comme étant tenu de verser les cotisations à l’intimée et, dans l'affirmative, si il a commis une faute ou une négligence grave et s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.
5.1 À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.
S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).
L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).
La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.
En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).
S’agissant plus particulièrement du cas d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et consid. 3d, in VSI 2002 p. 176 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires ; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).
En l'espèce, le recourant était inscrit au RC en qualité d'associé gérant du 15 mai 2018 au 11 septembre 2019, avec signature individuelle. Il disposait donc indéniablement de la qualité d'organe de la société et, à ce titre, peut être recherché par l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses.
5.2 Le recourant revêtant la qualité d'organe formel, il convient maintenant de déterminer s'il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.
L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).
La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).
Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).
Commet notamment une faute ou une négligence grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.2 et les références).
La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). En d'autres termes, un organe engage sa responsabilité pour les cotisations sociales qui sont venues à échéance entre le moment de son entrée en fonction et celui de sa sortie effective de la société, ainsi que pour les cotisations qui étaient déjà échues lors de son entrée en fonction, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).
En l'espèce, le recourant ne fait pas valoir d'argument permettant de contester qu'il a commis une faute ou une négligence grave en ne s'assurant pas que les cotisations sociales prévues par la loi étaient réglées. En sa qualité de gérant, il lui incombait de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein la société. Ce d'autant plus que durant la période en cause, il était seul gérant de la société, avec signature individuelle.
Le simple fait d'avoir vendu la société ne le décharge pas de cette responsabilité. En effet, au moment de la vente, il aurait dû s'assurer avec des garanties solides que les cotisations sociales échues seraient effectivement acquittées, ce qu'il n'allègue pas avoir fait.
Il sera également rappelé que la jurisprudence admet largement la réalisation d'une faute ou d'une négligence grave dans les cas où l'organe verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations sociales ne sont pas couvertes.
5.3 La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).
En l'espèce, la passiveté du recourant est en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l'intimée, dès lors que, s'il avait correctement exécuté son mandat de gérant, il aurait pu veiller au paiement des cotisations aux assurances sociales. Son comportement a donc favorisé la survenance du préjudice.
5.4 S’agissant de la quotité du dommage allégué par l’intimée, le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Office fédéral des assurances sociales, Directives sur la perception des cotisations [DP], état au 1er janvier 2023, n° 8017 ; ATF 121 III 382 consid. 3/bb).
L’art. 11A LAMat, entré en vigueur le 1er février 2023, prévoit désormais que l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage au fonds cantonal de compensation de l’assurance-maternité ou à la caisse de compensation AVS est tenu de le réparer. L’art. 52 LAVS s’applique par analogie.
La créance en réparation du dommage fondée sur une décision de paiement rétroactif entrée en force n’est examinée, dans la procédure selon l’art. 52 LAVS, que s’il y a des éléments pour conclure à une inexactitude évidente des montants fixés (RCC 1991 p. 132). La possibilité pour la société de recourir contre la décision (sur opposition) de cotisations arriérées garantit en effet de manière suffisante que les organes de l'employeur devenu insolvable ne soient pas confrontés à des créances en réparation injustifiées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_381/2018 du 6 décembre 2018 consid. 4.1 et 9C_651/2012 du 15 mai 2013 consid. 4.1 et les références). Si la décision de cotisations arriérées est notifiée à une époque postérieure à l’ouverture de la faillite, la possibilité de réexaminer la créance en réparation du dommage quant à son montant reste garantie (VSI 1993 p. 180). De même, une décision de cotisations peut être librement réexaminée dans le cadre de la procédure en réparation du dommage lorsque la personne mise en cause n’était plus organe de l’employeur au moment où la décision a été rendue (ATF 134 V 401).
En l’occurrence, selon les indications de l’extrait du RC le recourant a cessé d’être un organe de la société le 11 septembre 2019. À teneur des pièces produites par l’intimée, la décision concernant les cotisations impayées pour 2019 date du 25 février 2020. Elle a donc été rendue après le départ du recourant, qui n’avait pas la possibilité de la contester. Partant, elle peut être librement revue par la chambre de céans, étant précisé que le recourant ne conteste néanmoins pas ce montant et que celui-ci semble correct, à tout le moins n'apparait pas manifestement inexact.
À teneur des pièces communiquées et en l’absence de toute contestation motivée du recourant, la chambre de céans ne saurait s'écarter du montant du dommage tel que calculé par l'intimée.
Cela étant, comme l'a retenu la chambre de céans dans un arrêt de principe (ATAS/779/2020), jusqu'au 31 janvier 2023, il n'existait pas de base légale suffisante pour rechercher un employeur ou ses organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat.
Or il apparaît que la demande de réparation du dommage et les factures de cotisations sur lesquelles elle se fonde contiennent des montants dus au titre de la LAMat.
Compte tenu du fait que l’art. 11A LAMat entré en vigueur le 1er février 2023 n’a pas d’effet rétroactif, les cotisations LAMat impayées doivent être exclues de la quotité du dommage dont le paiement est réclamé, ainsi que les intérêts et frais y relatifs.
6.
6.1 Eu égard à ce qui précède, le recours est très partiellement admis. La décision sur opposition du 26 janvier 2024 est annulée et la cause est renvoyée à l'intimée, afin qu'elle procède à un nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées fondées sur la LAMat, ainsi que les intérêts de retard et éventuels autres frais y afférents.
6.2 Le recourant, qui obtient très partiellement gain de cause, n’est pas représenté et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure. Il n'a ainsi pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 du 9 juin 2022 consid. 9 [arrêt de principe] ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 consid. 9 [arrêt de principe] ; ATAS/177/2021 du 4 mars 2021 consid. 11 [arrêt de principe] ; ATAS/1001/2022 du 11 novembre 2022 consid. 11).
6.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet très partiellement.
3. Annule la décision du 26 janvier 2024.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour nouveau calcul du dommage et nouvelle décision dans le sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le