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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1207/2024

ATAS/595/2024 du 31.07.2024 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1207/2024 ATAS/595/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 juillet 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE COMPENSATION DE LA SSE

représentée par Me Pierre VUILLE, avocat

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le gérant) a été associé gérant et président, avec signature individuelle, de la société à responsabilité limitée B______ SÀRL (ci-après : B______ ou la société), entreprise de confection, pose, entretien et réparation de chapes en tout genre et tous types de revêtements de sol.

b. À teneur de l’extrait du registre du commerce (ci-après : RC), le gérant a été organe de la société, depuis le 21 décembre 2018 jusqu’au 13 décembre 2022, en association avec Monsieur C______, également gérant avec signature individuelle, pendant la même période. Après quoi, les deux associés ont cédé leurs parts à Monsieur D______, qui est devenu seul associé gérant avec signature individuelle, dès le 13 décembre 2022.

c. La caisse de compensation de la SSE (ci-après : la caisse) a réclamé à plusieurs reprises, à la société, le paiement de cotisations sociales, et a rendu deux décisions, pour les mois d’octobre et novembre 2022, respectivement datées du 4 novembre puis du 14 décembre 2022. Après que la caisse se soit aperçue de différences entre les salaires effectivement versés et les salaires déclarés, elle a rendu deux décisions concernant les mois de décembre 2019 et décembre 2020, datées du 24 février 2023 et réclamant le paiement de cotisations sociales à hauteur, respectivement, de CHF 8'894.60 et CHF 18’217.70.

d. La société a été dissoute, par suite de faillite prononcée par jugement du tribunal de première instance (ci-après : TPI) du 15 juin 2023. La procédure de faillite a été suspendue, faute d’actifs, par jugement du TPI du 3 août 2023 et clôturée par jugement du même tribunal du 30 août 2023.

e. Suite à la faillite de la société, à la suspension de la faillite faute d’actifs et à sa clôture, la caisse n’a pas pu obtenir le remboursement de l’intégralité des cotisations sociales impayées.

B. a. Par courrier du 3 octobre 2023, la caisse a rendu une décision de réparation du dommage causé par l’employeur, réclamant au gérant le versement d’un montant de CHF 14’862.17.

b. Par courrier du 3 novembre 2023, le gérant a fait opposition à la décision du 3 octobre 2023 au motif qu’après vérification, plus aucun montant n’était dû à la caisse, cette dernière étant invitée à annuler sa décision. Aucune explication détaillée n’était fournie.

c. Par décision sur opposition du 13 mars 2024, l’opposition a été rejetée et la caisse a confirmé sa précédente décision de réparation du dommage, suite au non- paiement des cotisations sociales dues par la société, pour les mois de décembre 2019, décembre 2020, octobre et novembre 2022, y compris les intérêts moratoires, les frais administratifs et les taxes de sommation.

C. a. Par acte posté en date du 13 avril 2024, le gérant a recouru contre la décision sur opposition du 13 mars 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Selon le recourant, il existait en septembre 2022 un courrier de la comptable constatant l’existence d’un solde supérieur à CHF 3'000.- en faveur de la société.

Le recourant exposait que son intention n’avait jamais été de se soustraire au paiement des charges de la société et qu’il avait toujours fait de son mieux pour s’acquitter de ses obligations financières, dans la mesure de ses moyens, raison pour laquelle il trouvait la décision du 13 mars 2024 « particulièrement excessive » et concluait à ce qu’une « solution constructive » soit trouvée pour régler « ce différend ».

b. Par réponse du 13 mai 2024, le conseil de l’intimée a rappelé les faits et dispositions légales qui justifiaient le montant du dommage dont le paiement était réclamé au recourant, pièces à l’appui.

c. Par courrier du 14 mai 2024, la chambre de céans a invité le recourant à répliquer, ce qu’il n’a pas fait.

d. Par courrier de relance du 12 juin 2024, la chambre de céans a octroyé au recourant un dernier délai pour répliquer, échéant au 28 juin 2024.

e. Le recourant n’a pas réagi.

f. La cause a été gardée à juger en l’état du dossier, ce dont les parties ont été informées par courrier du 4 juillet 2024.

g. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant pour le préjudice causé à l’intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AF) pour les mois de décembre 2019, décembre 2020, octobre et novembre 2022, frais et intérêts moratoires compris.

3.              

3.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l’AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS n'y déroge expressément.

3.2 L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34ss du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3.2 et les références).

4.              

4.1 Selon l’art. 52 LAVS (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019), l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

4.2 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS (RO 2018 5343 ; FF 2014 221). Cet alinéa prévoit désormais que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites.

Selon l’art. 60 CO, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020, l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé (al. 1). Si le fait dommageable résulte d’un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l’échéance du délai de prescription de l’action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l’action pénale ne court plus parce qu’un jugement de première instance a été rendu, l’action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement (al. 2).

4.3 Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription et non plus de péremption, ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts. Le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2 ; ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 6).

4.4 En l'occurrence, le paiement des cotisations sociales dues pour le mois de décembre 2019 est soumis au délai de prescription de l’art. 52 al. 2 LAVS, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2019, soit un délai de deux ans dès que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage.

Le paiement des cotisations sociales dues pour les mois de décembre 2020, octobre et novembre 2022 est, quant à lui, soumis aux nouvelles dispositions en vigueur dès le 1er janvier 2020 soit, à teneur de l’art. 52 al. 3 LAVS cum l’art. 60 CO, une prescription par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage.

C’est au plus tôt lors de la publication du jugement de clôture de la faillite faute d’actifs du 3 août 2023 que la caisse a pu avoir connaissance du dommage. Compte tenu du délai écoulé entre ledit jugement et la décision de la caisse, il n’est pas contesté que l’action en réparation du dommage est intervenue en temps utile.

5.             À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral H.96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

S’agissant plus particulièrement du cas d'une SÀRL, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral H.252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176 ; 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires ; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.              

En l’espèce, il convient d’examiner si les conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant est considéré comme un employeur tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et, enfin, s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

7.1 Comme cela été vu supra, sous ch. 5, l’organe de la SÀRL répond de la même manière que celui d’une SA en ce qui concerne le dommage causé à une caisse de compensation. En l’état, le recourant était associé gérant et président avec signature individuelle de la société lorsque les cotisations sociales des mois de décembre 2019, décembre 2020, octobre et novembre 2022 n’ont pas été acquittées. Partant, en sa qualité d’organe formel de la SÀRL, le recourant est considéré comme un employeur tenu de réparer le dommage causé à l’intimée. La première condition est donc remplie.

7.2 L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Il ressort du dossier que la société s’était retrouvée à plusieurs reprises en situation de défaut de paiement à l’égard de la caisse, ce que reconnaît le recourant dans ses écritures, admettant avoir rencontré des difficultés financières mais sans avoir l’intention de se soustraire au paiement des charges de l’entreprise et avoir toujours fait de son mieux pour s’acquitter de ses obligations financières, dans la mesure de ses moyens.

Or, en tant qu’associé gérant et président de la société avec pouvoir de signature individuelle, il incombait au recourant de veiller personnellement à ce que les cotisations sociales afférentes aux salaires versés par la société soient effectivement payées à la caisse de compensation.

Le recourant n’allègue aucun élément permettant de considérer que le défaut de paiement des cotisations sociales dues par la société ne pourrait lui être imputé ; au contraire, il se contente d’affirmer dans ses écritures qu’à « la suite du contrôle effectué dans les locaux de notre comptable E______, en septembre 2022, nous avons reçu un courrier nous indiquant un solde supérieur à CHF 3'000.- en notre faveur », tout en précisant que « cependant, ce courrier est actuellement introuvable » et demandant à la chambre de céans de bien vouloir « le lui transmettre afin de clarifier la situation ».

Étant précisé que le recourant n’a joint aucune pièce à son recours, s’est contenté d’affirmations très générales et n’a pas répondu à l’invitation de la chambre de céans de répliquer à la réponse motivée et accompagnée des pièces topiques, communiquée par l’intimée.

Compte tenu de ce comportement, la chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le non-paiement des cotisations sociales est le fruit de la négligence grave du recourant.

7.3 Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 ; H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante – la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime – constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4)

En l’absence de tout élément imprévisible, il convient d’admettre que c’est le comportement négligent du recourant qui est à l’origine du non-paiement des cotisations sociales dues par la société et qu’il existe ainsi un lien de causalité entre la négligence du recourant et le dommage causé à l’intimée.

À l’aune de ce qui précède, le principe du dommage causé par le recourant à l’intimée doit être admis.

7.4 S’agissant de la quotité du dommage allégué par l’intimée, le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Office fédéral des assurances sociales, Directives sur la perception des cotisations [DP], état au 1er janvier 2023, n. 8017 ; ATF 121 III 382 consid. 3/bb). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

En ce qui concerne les cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), par arrêt du 30 janvier 2020, la chambre de céans a jugé qu’il n’existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations précitées (ATAS/79/2020).

L’art. 11A LAMat, entré en vigueur le 1er février 2023, prévoit désormais que l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage au fonds cantonal de compensation de l’assurance-maternité ou à la caisse de compensation AVS est tenu de le réparer. L’art. 52 LAVS s’applique par analogie.

La créance en réparation du dommage fondée sur une décision de paiement rétroactif entrée en force n’est examinée, dans la procédure selon l’art. 52 LAVS, que s’il y a des éléments pour conclure à une inexactitude évidente des montants fixés (RCC 1991 p. 132). La possibilité pour la société de recourir contre la décision (sur opposition) de cotisations arriérées garantit en effet de manière suffisante que les organes de l'employeur devenu insolvable ne soient pas confrontés à des créances en réparation injustifiées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_381/2018 du 6 décembre 2018 consid. 4.1 et 9C_651/2012 du 15 mai 2013 consid. 4.1 et les références). Si la décision de cotisations arriérées est notifiée à une époque postérieure à l’ouverture de la faillite, la possibilité de réexaminer la créance en réparation du dommage quant à son montant reste garantie (VSI 1993 p. 180). De même, une décision de cotisations peut être librement réexaminée dans le cadre de la procédure en réparation du dommage lorsque la personne mise en cause n’était plus organe de l’employeur au moment où la décision a été rendue (ATF 134 V 401).

En l’occurrence, le recourant a cessé d’être un organe de la société le 13 décembre 2022, selon les indications de l’extrait du RC. À teneur des pièces produites par l’intimée, la décision concernant les cotisations impayées du mois d’octobre 2022 date du 4 novembre 2022 et celle concernant les cotisations impayées du mois de novembre 2022 date du 14 décembre 2022. Les décisions concernant les mois de décembre 2019 et de décembre 2020 datent, quant à elles, du 24 février 2023.

Partant, sous réserve d'une inexactitude manifeste, les cotisations sociales pour le mois d’octobre 2022 ne peuvent ainsi plus être remises en cause par le recourant qui ne les a pas contestées lorsqu'il était associé gérant de la société. Pour les autres cotisations, la décision pour le mois de novembre 2022 et les décisions rectificatives des mois de décembre 2019 et 2020 ont été rendues après le départ du recourant, qui n’avait pas la possibilité de les contester ; partant, elles peuvent être librement revues par la chambre de céans, étant précisé que le recourant ne conteste néanmoins pas ces montants et que ceux-ci semblent corrects, à tout le moins n'apparaissent pas manifestement inexacts.

La chambre de céans constate qu’à teneur des pièces communiquées par l’intimée et en l’absence de toute contestation motivée du recourant, elle peut se fonder sur les relevés et pièces comptables produits à l’appui de la réponse et confirme le montant du dommage, dont le remboursement est réclamé par cette dernière, sous réserve de ce qui suit.

Comme l'a retenu la chambre de céans dans un arrêt de principe (ATAS/779/2020), jusqu'au 31 janvier 2023, il n'existait pas de base légale suffisante pour rechercher un employeur ou ses organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat.

Il apparaît cependant que la demande de réparation du dommage et les factures de cotisations sur lesquelles elle se fonde contiennent des montants dus au titre de la LAMat.

Compte tenu du fait que l’art. 11A LAMat entré en vigueur le 1er février 2023 n’a pas d’effet rétroactif, les cotisations LAMat impayées doivent être exclues de la quotité du dommage dont le paiement est réclamé, ainsi que les intérêts et frais y relatifs.

 

 

8.              

8.1 À l’aune de ce qui précède, le recours est très partiellement admis. La décision sur opposition du 13 mars 2024 est annulée et la cause est renvoyée à l'intimée, afin qu'elle procède à un nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées fondées sur la LAMat, ainsi que les intérêts de retard et éventuels autres frais y afférents.

8.2 Le recourant, qui obtient très partiellement gain de cause, n’est pas représenté et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure. Il n'a ainsi pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 du 9 juin 2022 consid. 9 [arrêt de principe] ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 consid. 9 [arrêt de principe] ; ATAS/177/2021 du 4 mars 2021 consid. 11 [arrêt de principe] ; ATAS/1001/2022 du 11 novembre 2022 consid. 11).

8.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 13 mars 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimée, dans le sens des considérants, pour nouveau calcul du dommage et nouvelle décision.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le