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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4195/2023

ATAS/351/2024 du 21.05.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4195/2023 ATAS/351/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 mai 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______
représentée par Me Andreas DEKANY, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née en 1973, d’une nationalité extra-européenne et titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C) en Suisse, comptable de formation et de profession et ayant eu des emplois dans ce domaine jusqu’à son licenciement par son dernier employeur le 31 août 2022 avec effet au 30 septembre 2022, s'est inscrite le 12 octobre 2022 à l'assurance-chômage, en vue d'un travail à temps plein.

b. Par un plan d’action ainsi qu’un contrat d'objectifs de recherches personnelles d'emploi (ci-après : RPE) datés du 17 octobre 2022, l'assurée a pris, à l'intention de l'office régional de placement (ci-après : ORP), notamment l'engagement d'un minimum de 10 RPE par mois, l'activité recherchée étant celle de « spécialiste en finance et comptabilité ». Ces deux documents précisaient entre autres : « Tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage ainsi qu’aux instructions de l’ORP peut entraîner une suspension du droit à l’indemnité ».

c. L’intéressée a rempli mensuellement des formulaires de RPE.

Par plis des 26 janvier et 16 février 2023, l’ORP lui a demandé d’envoyer sa candidature à des employeurs pour des postes correspondant à son profil (comptable) et qui étaient à pourvoir (assignations).

Le 31 mars 2023, l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE, l'office ou l'intimé) a considéré que l’assurée avait justifié son absence à l’entretien de conseil prévu le 7 mars 2023 en raison d’un voyage dans son pays d’origine pour les obsèques de sa mère, et a relevé qu’un allègement de contrôle lui avait été accordé du 6 au 9 mars 2023 et que l’intéressée avait annoncé à sa caisse de chômage une absence du 10 au 15 mars 2023. Il est en outre précisé que l’ORP avait pris bonne note le 21 mars 2023 de son indisponibilité du 10 au 15 mars 2023 vis-à-vis de l’assurance-chômage.

d. En raison d’une incapacité totale de travail pour maladie attestée par certificats médicaux pour la période du 1er avril au 31 mai 2023, le dossier de demandeur d’emploi de l’intéressée a été annulé le 2 mai 2023 par l’ORP.

e. Le 16 mai 2023, l’assurée s’est réinscrite à l'assurance-chômage, en vue d'un travail à temps plein.

f. Le 31 mai 2023, d’une part a été conclu un contrat d'objectifs de RPE en en prévoyant au minimum 10 par mois, l'activité recherchée étant celle de « spécialiste en finance et comptabilité » ou « collaboratrice spécialisée en comptabilité », avec à nouveau la précision que « tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage ainsi qu’aux instructions de l’ORP peut entraîner une suspension du droit à l’indemnité », d’autre part l’ORP a demandé à l’intéressée d’envoyer sa candidature à un employeur pour un poste d’aide‑comptable (assignation).

g. Par formulaire rempli le 12 juillet 2022, l’assurée a demandé à l’ORP son assentiment à la fréquentation d’un cours « certificat en management » pour la période d’août 2023 à mars 2024, demande qui a été refusée par « décision négative de cours » du 31 juillet 2023.

h. En parallèle, par pli du même 12 juillet 2023, l’ORP a demandé à l’intéressée d’envoyer sa candidature à un employeur (ci-après : l’employeur potentiel) pour le poste, correspondant à son profil, de comptable, et qui était à pourvoir « dès maintenant » et « pour une durée de 3 mois » (assignation), ce d’ici au 14 juillet 2023.

i. Par courriel du 2 août 2023 (à minuit), l’assurée a répondu au service juridique de l’OCE, qui lui avait octroyé par courriel du 18 juillet 2023 le droit d’être entendu dans un délai au 1er août 2023 pour avoir fait échouer une possibilité d’emploi pour le poste de comptable auprès de l’employeur potentiel.

j. Par décision « de sanction » du 14 août 2023 de son service juridique, l’OCE a prononcé à l’encontre de l’intéressée une suspension de son droit à l'indemnité de chômage de 28 jours (dès le 15 juillet 2023) pour s’être privée, en ne postulant pas pour l’emploi assigné le 12 juillet 2023, d’un emploi convenable et avoir commis ainsi une faute grave.

k. Le 30 août 2023, l’intéressée a postulé à un emploi de comptable auprès d’un autre employeur que l’ORP lui avait assigné le même jour.

l. Par écrit signé le 14 septembre 2023 par son conseil nouvellement constitué, l’assurée a formé opposition contre la décision « de sanction » du 14 août 2023 précitée.

m. Par décision sur opposition rendue le 14 novembre 2023, l'OCE a admis partiellement cette opposition et a annulé (recte : réformé) sa décision – initiale – du 14 août 2023 en ce sens que la suspension de 28 jours était réduite à 23 jours, afin de mieux tenir compte du barème des sanctions applicables s’agissant d’un échec pour un emploi convenable d’une durée de trois mois.

B. a. Par acte du 15 décembre 2023 de son avocat, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation.

b. Par réponse du 12 janvier 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours, qui n'apportait selon lui aucun élément nouveau permettant de revoir sa position.

c. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai au 15 février 2024 que la chambre de céans lui avait octroyé par lettre du 16 janvier 2024 pour consulter les pièces du dossier et formuler des observations.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage en raison du fait qu'elle aurait laissé échapper la possibilité de retrouver un travail convenable en juillet 2023 en n'adressant pas son courriel de candidature pour un poste assigné auprès de l’employeur potentiel.

4.              

4.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS (let. d dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2024), remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI ‑ RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

4.2 La condition de satisfaire aux exigences du contrôle, posée par l'art. 8 al. 1 let. g LACI, renvoie aux devoirs de l'assuré et prescriptions de contrôle prévus par l'art. 17 LACI. Les al. 1 à 3 de cette disposition-ci imposent aux chômeurs des devoirs matériels, qui concernent la recherche et l'acceptation d'un emploi, ainsi que la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires, ainsi que des devoirs formels, qui ont pour objet l'inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014 [ci-après : Commentaire], n. 1 ad art. 17 LACI).

En vertu de l'art. 17 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (al. 1). En vue de son placement, l'assuré est tenu de s'inscrire personnellement aussitôt que possible, mais au plus tard le premier jour pour lequel il prétend à l'indemnité de chômage ; il doit ensuite se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (al. 2, en vigueur depuis le 1er juillet 2021). L'assuré est tenu d'accepter tout travail convenable qui lui est proposé (al. 3 1ère phr.).

Il est précisé qu'à teneur de l'art. 16 al. 1 LACI intitulé « travail convenable », en règle générale, l'assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage.

4.3 La violation des obligations que l'art. 17 LACI impose à l'assuré expose ce dernier à une suspension de son droit à l'indemnité de chômage.

En effet, aux termes de l'art. 30 al. 1 LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu, entre autres, lorsqu'il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Notamment dans de tels cas, l'assuré adopte un comportement qui, de manière générale, est de nature à prolonger la durée de son chômage. Il n'est en principe pas d'emblée privé de prestations, mais tout d'abord sanctionné en application de l'art. 30 al. 1 let. c ou d LACI, puis, en cas de violations répétées, déclaré inapte au placement, en vertu des art. 8 al. 1 let. f et 15 LACI (ATAS/169/2020 du 2 mars 2020 consid. 4b).

Selon la jurisprudence, la suspension du droit à l'indemnité est destinée à poser une limite à l'obligation de l'assurance-chômage d'allouer des prestations pour des dommages que l'assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l'assuré, d'une manière appropriée, au préjudice causé à l'assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; 125 V 197 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2), sans que soit requise la survenance d'un dommage effectif (arrêts du Tribunal fédéral 8C_225/2023 du 6 mars 2024 consid. 3.2, C 30/06 du 8 janvier 2007 consid. 4.2 et C 152/01 du 21 février 2002 consid. 4). La suspension du droit à l'indemnité est soumise exclusivement aux dispositions de la LACI et de ses dispositions d'exécution (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Ulrich MEYER [éd.], Soziale Sicherheit - Sécurité sociale, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV, 3ème éd., 2016, p. 2427 ss, n. 831).

Le motif de la suspension prévu par l'art. 30 LACI permet de sanctionner l'assuré non seulement en cas de faute grave, mais aussi en cas de négligence, même légère (ATAS/454/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.3 ; ATAS/1057/2020 du 10 novembre 2020 consid. 3c ; ATAS/787/2020 du 9 septembre 2020 consid. 4 ; Boris RUBIN, Commentaire, n. 15 ad art. 30 LACI ; cf. aussi art. 45 al. 1 let. b OACI qui mentionne la négligence comme objet possible d'une décision de suspension).

Conformément à l'art. 30 al. 2 LACI, l'autorité cantonale prononce les suspensions notamment au sens de l'al. 1 let. c et d.

4.4 Tant qu'un assuré n'est pas certain d'obtenir un autre emploi, il a l'obligation d'accepter immédiatement l'emploi qui se présente (ATF 122 V 34 ; Boris RUBIN, Commentaire, n. 64 ad art. 30 LACI).

Le refus d'un emploi ne présuppose pas un refus explicite d'accepter l'emploi. Des manifestations peu claires, un manque d'empressement faisant douter de la réelle volonté du chômeur d'être engagé (arrêt du Tribunal fédéral C 293/03 du 5 novembre 2004), voire un désintérêt manifeste (arrêts du Tribunal fédéral C 81/02 du 24 mars 2003 et C 72/02 du 3 septembre 2002) constituent déjà des comportements assimilés, selon la jurisprudence, à un refus d'emploi. Plus le nombre d'activités entrant en considération est restreint, plus l'assuré doit manifester une attitude franchement positive à l'endroit du poste à repourvoir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011 consid. 6 ; Boris RUBIN, Commentaire, n. 66 ad art. 30 LACI).

En résumé, selon la jurisprudence, il y a refus d'une occasion de prendre un travail convenable non seulement lorsque l'assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsque l'intéressé s'accommode du risque que l'emploi soit occupé par quelqu'un d'autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_446/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.1 et 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 3).

Est assimilé au cas de refus d'un travail convenable le fait de ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_446/2020 précité consid. 3.1 ; ATAS/136/2021 du 22 février 2021 consid. 4b), et, selon les circonstances, la réaction tardive de l'assuré à l'injonction de l'ORP de prendre contact avec un employeur potentiel peut être assimilé à un refus d'emploi et, partant, considéré comme une faute grave au sens de l'art. 45 al. 4 let. b OACI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_225/2023 précité consid. 3.1 et 8C_379/2009 précité consid. 4).

4.5  

4.5.1 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l'al. 1 let. g, 25 jours (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3).

Le conseil fédéral peut prescrire une durée minimale pour la suspension (art. 30 al. 3bis LACI).

L'OACI, en son art. 45, distingue trois catégories de faute – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3). Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b).

4.5.2 La durée de suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l'âge, l'état civil, l'état de santé, une dépendance éventuelle, l'environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), les circonstances particulières (le comportement de l'employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l'état de fait (par exemple quant à la certitude d'obtenir un nouvel emploi ou à la certitude de la transformation d'un contrat de durée déterminée en un contrat de durée indéterminée ; ATAS/310/2024 du 7 mai 2024 consid. 6.2 ; ATAS/1031/2022 du 24 novembre 2022 consid. 8.5 ; ATAS/1037/2021 du 7 octobre 2021 consid. 7d ; Bulletin LACI IC, D64 ; aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_487/2007 du 23 novembre 2007 et C 23/07 du 2 mai 2007 ; Boris RUBIN, Commentaire, n. 105 ad art. 30 LACI).

4.5.3 À teneur de l'art. 45 al. 4 let. b OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré refuse un emploi réputé convenable.

Il ne s'ensuit pas qu'un défaut de candidature posée pour un emploi réputé convenable, qui s'apparente à un refus d'un tel emploi, doive systématiquement et forcément être qualifié de grave, bien que la présomption que tel est le cas se fonde non sur des directives administratives, mais bien sur une norme de rang réglementaire édictée par le Conseil fédéral. Le principe est que la durée de la suspension doit être proportionnelle à la gravité de la faute, conformément au principe de rang constitutionnel de la proportionnalité, qui s'applique à l'ensemble des activités étatiques (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). La jurisprudence considère que lorsqu'un assuré peut se prévaloir d'un motif valable (art. 45 al. 4 let. b OACI), il n'y a pas forcément faute grave même si les conditions de cette disposition réglementaire sont réalisées. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.2 ; ATAS/407/2021 du 4 mai 2021 consid. 4e).

L'égalité de traitement que des normes telles que l'art. 45 al. 4 OACI ou, à titre de directives administratives, les barèmes établis par le SECO visent à garantir, ne doit pas se réduire à de l'égalitarisme (ATAS/971/2023 du 11 décembre 2023 consid. 8.1 ; ATAS/170/2022 du 24 février 2022 consid. 6 ; ATAS/1207/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6).

4.5.4 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_225/2023 précité consid. 3.3 et 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêts du Tribunal fédéral 8C_225/2023 précité consid. 3.3 et 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références).

Le Bulletin LACI IC traite en son ch. D79, 2.A, du « refus d’un emploi convenable ou d’un emploi en gain intermédiaire à durée déterminée assigné à l’assuré ou qu’il a trouvé lui-même ». À teneur de ce chiffre, la faute est qualifiée de légère en cas d’emploi – potentiel – d’une à trois semaines de durée, de légère à moyenne pour un emploi de quatre semaines, puis de moyenne s’agissant d’un emploi de deux mois de durée), les différentes sanctions allant de 3 à 5 jours de suspension de l’indemnité de chômage (pour un emploi d’une semaine de durée) à 20 à 27 jours (pour un emploi de deux mois de durée). Pour une durée de trois mois, la faute est considérée comme moyenne et la suspension s’étend entre 23 et 30 jours. Suivent les sanctions prévues en cas d’emploi – potentiel – de quatre mois (faute moyenne à grave) puis de cinq et six mois (faute grave).

4.5.5 Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est, concernant notamment la quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret, pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3).

5.              

5.1 En l’espèce, l’intimé a, dans sa décision sur opposition querellée, infligé à la recourante une suspension de son droit à l'indemnité de chômage de 23 jours (dès le 15 juillet 2023) pour s’être privée d’un emploi convenable en ne postulant pas pour l’emploi assigné le 12 juillet 2023 avec délai fixé au 14 juillet 2023 au plus tard, cette durée de sanction de 23 jours correspondant au minimum prévu par le Bulletin LACI IC lorsque l’emploi convenable en question était de trois mois.

5.2 Dans le cadre de l’exercice de son droit d’être entendu avant le prononcé de la décision initiale, l’assurée indique : « Pour commencer je n’ai pas manqué une possibilité d’emploi car l’offre était une mission temporaire d’environ 3 mois, cela dit je devais le faire le 14 juillet 2023 mais je faisais un essai pour une société pour des mandats fiduciaires. Je ne pensais pas que le jour d’après ce serait déjà trop tard si cela s’est produit ce n’était pas du tout mon intention ». Est jointe une facture de CHF 750.- qu’elle a adressée le 14 juillet 2023 à une association (ci‑après : l’association) pour le bouclement de ses comptes 2022.

Dans son opposition puis son recours, elle précise ne pas avoir déposé immédiatement sa candidature pour le poste assigné par l’ORP auprès du potentiel employeur parce qu’elle devait effectuer une mission ponctuelle pour l’association, dont elle avait établi la comptabilité pour 2022, comme le montrait la facture de CHF 750.- susmentionnée. Selon ses allégations, elle a commencé la comptabilité pour l’association le 13 juillet 2023 et l’a finie le lendemain 14 juillet 2023, et elle a voulu envoyer son dossier à l’employeur potentiel le 15 juillet 2023, sans savoir qu’il serait alors trop tard et sans avoir l’intention de manquer un délai.

5.3 Ces explications de la recourante ne constituent pas une justification valable pour la non-postulation au poste de comptable assigné par l’ORP auprès de l’employeur potentiel.

En effet, outre le fait qu’elle n’allègue pas ni ne démontre avoir présenté sa candidature même après l’échéance du délai fixé au 14 juillet 2023, sa – courte –mission de deux jours au service de l’association ne l’empêchait nullement ni même ne l’entravait d’une quelconque façon pour postuler auprès de l’employeur potentiel, quand bien même cette mission se terminait le même jour que le dernier jour du délai d’assignation. L’assurée, qui ne fait valoir aucun empêchement, devait savoir qu’elle devait respecter strictement les instructions de l’ORP, y compris les délais fixés. Au demeurant, si l’intéressée avait pensé que, malgré les instructions claires contenue dans le courrier d’assignation du 12 juillet 2023, cette postulation assignée n’était pas indispensable ou que le délai au 14 juillet 2023 n’était pas obligatoire, il lui incombait à tout le moins de le vérifier auprès de son conseiller en personnel de l’ORP (ci-après : le conseiller), ce qu’elle n’a pas fait. Son attitude est à tout le moins constitutive d’une négligence non négligeable.

C’est en vain que la recourante prétend avoir été dénoncée de manière exagérée par le conseiller, comme elle l’aurait été en mars 2023 concernant son absence à l’entretien de conseil prévu le 7 mars 2023 en raison du voyage dans son pays d’origine pour le décès de sa mère, étant ici précisé que le journal de l’ORP « PV – Entretiens de conseil » produit avec la réponse au recours ne contient rien de pertinent sur les faits présentement litigieux. Ce grief est dénué de toute pertinence, étant donné que la sanction litigieuse se fonde uniquement sur la non‑postulation au poste assigné le 12 juillet 2023. Au demeurant, par surabondance, il n’y a rien de persécutoire de la part du conseiller dans le fait de communiquer au service juridique de l’office d’éventuels faits problématiques. Concernant en particulier l’absence à l’entretien de conseil prévu le 7 mars 2023, le conseiller avait connaissance de cette absence déjà le 26 février 2023 et avait adressé ses condoléances le 27 février 2023 à l’intéressée tout en lui demandant de lui présenter des justificatifs en vue de sa demande d’allègement de trois jours, notamment les billets d’avion ; ce n’était que le 7 mars 2023 que l’assurée avait transmis par courriel les documents requis au conseiller, lequel lui avait simplement demandé le lendemain de remplir la « demande d’allègement de contrôle » rapidement, demande qui avait été complétée et signée le 17 mars 2023 par l’intéressée, suivie par l’accord de principe de l’ORP du 21 mars 2023 (pour la période du 6 au 9 mars 2023) ; vu l’absence de la recourante à l’entretien de conseil du 7 mars 2023 sans présentation des justificatifs demandés, il était normal que le conseiller transmette le cas au service juridique de l’OCE, qui avait octroyé un droit d’être entendu à celle-là par courriel du 8 mars 2023 ; il n’y avait dans l’attitude du conseiller rien d’étranger aux règles et procédures usuelles prévues en cas d’absence à un entretien de conseil.

Dans ces circonstances, la non-postulation pour le poste assigné le 12 juillet 2023 s’apparente à un « refus d’un emploi convenable […] à durée déterminée assigné » (cf. Bulletin LACI IC, D79, 2.A ; aussi, notamment, arrêts du Tribunal fédéral 8C_225/2023 précité consid. 3.1, 8C_446/2020 précité consid. 3.1 et 8C_379/2009 précité consid. 4), et le principe d’une suspension du droit de la recourante à l’indemnité de chômage doit en conséquence être confirmé.

5.4 Pour ce qui est de la durée de la suspension, l’intimé l’a fixée au minimum prévu par le barème du SECO dans une telle situation, à savoir 23 jours lorsque l’emploi de durée indéterminée auquel il a été renoncé est prévu pour trois mois, la faute étant considérée comme moyenne (cf. Bulletin LACI IC, D79, 2.A).

L’intéressée n’a pas postulé et ce sans raisons valables ni circonstances particulières qui seraient le cas échéant susceptibles de rendre la faute moins grave et de justifier éventuellement une durée de sanction inférieure audit minimum.

5.5 En définitive, la décision sur opposition querellée est conforme au droit.

6.             Vu ce qui précède, le recours sera rejeté.

7.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le