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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2890/2020

ATAS/763/2021 du 13.07.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2890/2020 ATAS/763/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 juillet 2021

9ème Chambre

 

En la cause

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS, sis route de la Chapelle 1, GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maîtres Anne MEIER et Céline MOULLET

 

 

recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’ÉCONOMIE, sis Holzikofenweg 36, BERN

 

intimés

 


EN FAIT

A.      a. Les Transports publics genevois (ci-après : les TPG) sont un établissement de droit public genevois, doté de la personnalité juridique, ayant pour but de mettre à disposition de la population du canton de Genève un réseau de communications, exploitées régulièrement, pour le transport des voyageurs et de pratiquer une politique tarifaire incitative (cf. registre du commerce).

Ils sont liés à l’État de Genève par un contrat de prestations (cf. contrat de prestations 2020-2024 du 19 juin 2019). Leurs produits d’exploitation sont constitués par les revenus des transports, une contribution UNIRESO, une contribution de l’État de Genève, une contribution de la Confédération, une contribution des communes et des tiers et des produits d’exploitation divers (produits de publicité, travaux facturés à des tiers).

b. En raison de la pandémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) et du semi-confinement durant tout le printemps 2020, les TPG ont subi une forte diminution de la fréquentation depuis le mois de mars 2020.

c. Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a déposé un projet de loi approuvant les états financiers consolidés des TPG pour l’année 2020 (ci-après : PL 12953). Ce projet de loi est basé sur les états financiers consolidés 2020 et le rapport de l’organe de révision du 8 mars 2021. Selon les états financiers consolidés, le total des produits d’exploitation pour l’exercice clôturant le 31 décembre 2020 se présente comme suit :

 

2020

2019

Revenus des transports

CHF 115'850'683.-

CHF 153'751'903.-

Contribution UNIRESO

CHF 39'454'371.-

CHF 38'107'837.-

Contribution de l’État de Genève

CHF 251'423'409.-

CHF 211'410'356.-

Contribution de la Confédération

CHF 21'805'156.-

CHF 11'721'721.-

Contribution des communes et des tiers

CHF 18'143'747.-

CHF 15'243'545.-

Produits d’exploitation divers

CHF 16'980'978.-

CHF 22'297'076.-

Il ressort notamment de l’exposé des motifs du projet de loi qu’afin de compenser les effets de la crise sanitaire sur les revenus, la Commission des finances du Grand Conseil a accordé aux TPG deux crédits supplémentaires, votés en décembre 2020 et en janvier 2021, pour un montant total de CHF 21'702'224.-. Par ailleurs, des subventions complémentaires, estimées à CHF 10'299'493.-, sont à recevoir de la Confédération en 2021 sur la base de la loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19 du 25 septembre 2020 (RO 2020 3825).

B.       a. Par courriel du 6 avril 2020, les TPG ont transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) deux formulaires de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT), signés du même jour :

-          un formulaire annonçant une perte de travail de 40 % pour 1'870 collaborateurs de leur secteur d’exploitation « Expl, Techn. et Service clients » pour une durée prévisible du 16 avril 2020 au 30 juin 2020 ;

-          un formulaire annonçant une perte de travail de 30 % pour 116 collaborateurs de leur secteur d’exploitation « RH, F&G, MVC » pour une durée prévisible du 16 avril 2020 au 30 juin 2020. 

b. Par décision du 15 avril 2020, l’OCE a fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT au motif que les TPG étaient un établissement de droit public qui avait conclu un contrat de prestations avec l’État et qu’en vertu de ce contrat, ils n’encouraient pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite et que les emplois n’étaient pas en péril.

c. Le 18 mai 2020, les TPG ont fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir qu’ils étaient dotés de la personnalité juridique, étaient autonomes et inscrits au registre du commerce. Leur personnel était lié par un statut de droit public, mais une résiliation pour motifs économiques était possible. En vertu du contrat de prestations conclu avec l’État de Genève, les TPG devaient démontrer qu’ils tiraient pleinement parti de leurs propres ressources et qu’ils maîtrisaient les coûts. Le financement des TPG était de nature mixte. Ils bénéficiaient d’une subvention inscrite dans la loi cantonale, qui était conditionnelle, ainsi que des subventions de la part de la Confédération, des communes et de tiers. Les subventions cantonales devaient représenter moins de la moitié des recettes totales des TPG. Pour l’année 2019, elle était de 38 %. Pour l’année 2020, les revenus allaient connaître une diminution de CHF 60'000'000.- par rapport au budget, en raison de la crise du coronavirus. Enfin, les TPG répondaient seuls de leurs dettes, lesquelles devaient être couvertes par une réserve figurant dans les fonds propres. À l’échéance du contrat de prestations, ils assumaient leurs éventuelles pertes reportées.

À l’appui de leur opposition, les TPG ont produit le contrat de prestations 2020-2024 conclu avec l’État de Genève le 20 juin 2019, ainsi que le statut du personnel des TPG, état au 30 avril 2018 (ci-après également : SP).

d. Par décision sur opposition du 23 juillet 2020, l’OCE a confirmé sa décision du 15 avril 2020. Les TPG, qui avaient une mission de service public, étaient instaurés par une loi cantonale et leur capital de dotation était fourni par l’État de Genève. C’était également l’État de Genève qui nommait la majorité des membres du Conseil d’administration. Quand bien même ils étaient dotés de la personnalité juridique et étaient autonomes, il était manifeste qu’il s’agissait d’une entreprise publique étatique, dirigée indirectement par l’État de Genève. Ils étaient par ailleurs subventionnés à hauteur de 62 %, et cela indépendamment de la conjoncture économique et d’une perte de travail. Même s’ils étaient responsables de leurs pertes, il n’en demeurait pas moins qu’en cas de liquidation, c’était à l’État de Genève que revenait le produit de la liquidation, qu’ils ne pouvaient du reste pas décider eux-mêmes. S’agissant du risque de disparition d’emplois, il convenait de retenir, contrairement à ce qu’alléguaient les TPG, qu’un licenciement économique ne reposerait pas sur un motif justifié et qu’un juge ordonnerait la réintégration d’un employé remercié pour ce motif. Le statut du personnel était en tous points semblable à celui du personnel de la fonction publique. Enfin, les TPG n’avaient pas démontré qu’ils devaient couvrir seuls les coûts d’exploitation, étant rappelé qu’ils pouvaient demander un subventionnement supplémentaire au Grand Conseil.

C.       a. Par acte du 14 septembre 2020, les TPG, par l’intermédiaire de leurs conseils, ont saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) à l’encontre de la décision précitée, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens, et à ce qu’il soit constaté que les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT sont remplies. En substance, ils ont relevé qu’ils bénéficiaient d’une large autonomie par rapport à l’État, contrairement à ce que soutenait l’OCE. Ils n’étaient que partiellement subventionnés et assumaient un réel et effectif risque économique et entrepreneurial. Le subventionnement était en outre régi par le principe de subsidiarité de sorte que les TPG avaient une obligation légale et contractuelle de financement propre. S’agissant du risque de disparition d’emplois, les TPG avaient gelé les embauches au moment de l’apparition de la crise et résilié les contrats de travail dont l’entrée en fonction était prévue en avril ou en mai 2020. Le statut du personnel, adopté de manière autonome par les TPG, ne pouvait être assimilé à celui de la fonction publique prévu par la LPAC. Ces statuts différaient en particulier en ce qui concernait les règles sur le licenciement et l’absence d’une procédure de reclassement en cas de suppression de poste. Par ailleurs, en exigeant un risque immédiat de disparition d’emplois et l’existence d’un risque de faillite ou de fermeture, la directive 2020/06 du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) dépassait clairement les conditions légales d’octroi de l’indemnité en cas de RHT, violant ainsi le principe de la légalité. Elle consacrait également une violation du principe de l’égalité de traitement et de l’interdiction de l’arbitraire, dans la mesure où elle excluait le principe de l’octroi des indemnités en cas de RHT en faveur des entreprises de droit public sans examiner les circonstances concrètes du cas particulier, et cela alors que les employés du secteur privé pouvaient en bénéficier. C’était enfin à tort que la décision entreprise retenait que les conditions légales d’octroi des indemnités en cas de RHT n’étaient pas remplies.

b. Le 26 octobre 2020, l’OCE a sollicité l’appel en cause du SECO, précisant que la question de l’octroi des indemnités en cas de RHT se posait également dans d’autres cantons.

c. Par ordonnance du 28 octobre 2020, la chambre de céans a appelé en cause le SECO.

d. Par observations du 3 novembre 2020, les TPG ont persisté dans leurs conclusions, précisant que les éventuelles aides fondées sur la loi urgente sur le soutien des transports publics durant la crise de COVID-19 seraient limitées. La loi n’excluait, en tout état, pas l’octroi d’indemnités en cas de RHT.

e. Par écritures du 26 janvier 2021, le SECO a relevé qu’il était important de déterminer si les subventions reçues par l’entreprise permettaient de maintenir sa survie. Les TPG étaient indemnisés pour effectuer une tâche publique bien précise consistant à mettre à la disposition de la population du canton de Genève un réseau de communication pour le transport de voyageurs. Ainsi, il s’agissait d’assurer une prestation indispensable qui couvrait un réel besoin pour la société qui n’était donc pas vouée à disparition, même en cas de baisse de l’offre en raison de la crise.

f. Par écritures des 11 et 23 février 2021, les parties ont persisté dans leurs écritures.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours formé le 14 septembre 2020 contre la décision sur opposition du 23 juillet 2020 est recevable sous cet angle (art. 56ss LPGA).

3.        Se pose toutefois la question de la qualité pour recourir.

a. Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

L’intérêt doit résider dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il peut être factuel ou juridique. Il doit s’agir d’un intérêt propre de la partie recourante (et non pas de l’intérêt d’un tiers ou de la collectivité), d’un intérêt pratique et non pas seulement théorique ou virtuel, et d’un intérêt actuel au moment du dépôt du recours. Si l’intérêt au recours disparaît pendant la procédure, le recours devient sans objet et la cause est rayée du rôle (DUPONT / MOSER-SZELESS, Loi sur la partie générale des assurances sociales, commentaires, 2018, n. 11 ad art. 59 LPGA).

b. En l’occurrence, les recourants sont un établissement de droit public, subventionné à plus de 63 % par l’État de Genève (cf. art. 8 du contrat de prestations 2020-2024 du 20 juin 2019), UNIRESO, la Confédération, les communes et les tiers (en 2019, les subventions des autorités publiques s’élevaient, au total, à 63.67 % du total des produits d’exploitations des TPG ; cf. PL 12953, p. 17). En 2020, les revenus des transports ont chuté de CHF 37'921'220.- par rapport à l’année précédente (soit CHF 115'850'683.- en 2020 et CHF 153'751'903.- en 2019) et ont été inférieurs au budget projeté de - CHF 43'322'223.-, soit de - 27.2 %. Au vu de cette situation et afin de compenser les effets de la crise sanitaire sur les revenus, l’État de Genève a accordé aux TPG deux crédits supplémentaires, votés en décembre 2020 et en janvier 2021, d’un montant total de CHF 21'702'224.- (cf. PL 12953, p. 5 et 56). À cela s’ajoutent, en application de la loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19 du 25 septembre 2020 (en particulier des art. 28 al. 1bis et 2bis LTV ; cf. infra consid. 6b), des subventions complémentaires à recevoir en 2021 de la part de la Confédération, lesquelles ont été estimées par l’organe de révision à CHF 10'299'493.- (trafic local) et à CHF 320'996.- (trafic régional ; cf. PL 12953, p. 56 et 57). La perte sur les revenus des transports a également été compensée par des charges d’exploitation plus faibles de – CHF 8'795'146.- (soit – 1,9 %) par rapport aux charges budgétées. Cette croissance modérée est à mettre en relation avec l’augmentation de l’offre prévue contractuellement et son adaptation durant la crise sanitaire (cf. PL 12953, p. 5). Le résultat net des recourants présentait, au 31 décembre 2020, un déficit de CHF 7'183'367.-, meilleur de CHF 924'291.- par rapport au déficit budgété, soit - 11,4 %. L’amélioration du résultat s’explique par une compensation de la réduction de l’impôt préalable (ci-après : REDIP) relative à la subvention fédérale supplémentaire perçue par les TPG dans le cadre de la loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19 du 25 septembre 2020 (cf. PL 12953, p. 5).

Ainsi, dans la mesure où une partie importante de la perte sur les revenus des transports a été compensée par le soutien financier de l’État de Genève et de la Confédération, ainsi que par des charges d’exploitation plus faibles qu’au budget, la question de l’intérêt à recourir peut se poser (cf. ATAS/675/2021 du 17 juin 2021 consid. 10).

Il convient toutefois de relever qu’à la date de la publication du rapport de gestion le 8 mars 2021, le montant des contributions de la Confédération n’était pas encore déterminé. Seules des estimations de ce montant ont été comptabilisées dans le compte de résultat consolidé du recourant au 31 décembre 2020. Or, d’après le message relatif à loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19 du 25 septembre 2020, le montant des pertes totales en 2020 dépend de la possibilité des entreprises de transports de bénéficier des indemnités pour la RHT. Dans la mesure où ce point n’avait pas pu être éclairci au moment de l’adoption du message, les montants proposés correspondaient à une estimation maximale et pouvaient être plus faibles si les entreprises de transports publics bénéficiaient d’indemnités pour RHT (FF 2020 6493, p. 6511). Il s’ensuit que le soutien financier aux entreprises interviendrait après la prise en compte des indemnités en cas de RHT perçues par les entreprises. Les recourants disposent donc d’un intérêt actuel à l’examen de la question litigieuse, laquelle porte sur leur droit à bénéficier des indemnités en cas de RHT.

Il convient donc de leur reconnaître la qualité pour recourir contre la décision de l’intimé leur refusant des indemnités en cas de RHT.

4.        Le litige porte sur la question de savoir si c’est à bon droit que l’intimé s’est opposé au versement de l’indemnité en cas de RHT sollicitée par les recourants du 16 avril 2020 au 30 juin 2020.

5.        a. Afin de surmonter les difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une réduction de l’horaire de travail, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss).

Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

b. Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après : l’indemnité) lorsque : ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ; la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 let. b), le congé n’a pas été donné (let. c) ; la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèles dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

c. La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d’ordre économique » mentionnée à l’art. 32 al. 1 LACI. Ces facteurs d’ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 127 consid. 1.3 p. 128 ; 2000 p. 53 consid. 4a p. 56 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 [RUBIN, op. cit. n. 6 ad art. 31 et les références citées]). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

L’art. 32 al. 3 phr. 1 permet d’accorder l’indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu’économiques, dans certains cas appelés « cas de rigueur ». Cet alinéa s’écarte en conséquence de la logique du système d’indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des situations qui compliquent ou empêchent l’activité économique et impliquent des risques d’exploitation suffisamment inhabituels pour qu’ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (ATF 138 V 333 consid. 3.2 ; voir également, parmi d’autres, RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 32). En d’autres termes, dans les cas de rigueur prévus par les art. 32 al. 3 phr. 1 et 51 OACI, l’employeur est empêché d’exercer une activité économique et, par conséquent, en raison d’une telle entrave, soumis à des risques d’exploitation inhabituels qu’il ne peut assumer seul (voir par exemple le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne 200.2020.6011.AC du 16 novembre 2020, consid. 4.3 a contrario).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, même lorsque les critères des art. 31 et 32 LACI (voire de l’art. 51 OACI) sont réalisés, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 1 et 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a). C’est le lieu de préciser, dans ce contexte, que le SECO considère que l’apparition inattendue d’un nouveau type de coronavirus et ses conséquences ne font pas partie du risque normal d’exploitation (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l’Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/08 du SECO du 1er juin 2020, actualisant les règles spéciales dues à la pandémie, dans sa version en vigueur du 1er mars au 31 août 2020, p. 1 et 5, ici pertinente ; cf. aussi Kurt PÄRTLI, Corona-Verordnungen des Bundesrates zur Arbeitslosenversicherung und zum Erwerbsausfall, in SZS 2020 p. 125).

d. La qualité de travailleur selon l’art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l’AVS, et non pas du statut de l’employeur (communauté et établissement public d’une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d’autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2). Le personnel des services publics n’est donc pas d’emblée exclu du droit à l’indemnité en cas de RHT. Pour cette catégorie d’employés, l’accès est toutefois limité pour des motifs ayant trait au statut du personnel concerné et au risque restreint de fermeture auquel les entités administratives sont généralement exposées (ATF 121 362 consid. 3a et RUBIN, op. cit., n° 20 ad art. 31).

L’indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs - soit leur congé ou leur licenciement -, d’une part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d’autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs. En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité, un licenciement - respectivement une non-réélection - peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références). C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI ; ATF 121 V 362 consid. 3b). Le statut du personnel touché par la réduction de l’horaire de travail est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme - éventuellement à moyen terme - à la suppression d’emplois. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances rendu le 26 mai 1994 dans la cause Commune de H, paru in DTA 1993/1994 n° 18 p. 140 ss).

Le droit à l’indemnité en cas de RHT suppose que la perte de travail soit due à un motif économique susceptible de mettre l’existence de l’entreprise en danger (art. 32 al. 1 let. a LACI ; RUBIN, op. cit., n. 22 ad art. 31 ; ATF 121 V 362 consid. 3b). À l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or, si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’on ne pouvait juger de la nécessité d’une RHT sans tenir compte du statut juridique de l’employeur, des mandats qui lui sont confiés par les pouvoirs publics et de sa situation financière. En règle générale, le droit à l’indemnité n’existe pas lorsque l’employeur n’endosse pas à proprement parler de risque d’exploitation, c’est-à-dire lorsqu’il doit remplir son mandat légal, indépendamment de la situation conjoncturelle et d’un éventuel déficit, celui-ci étant pris en charge par les pouvoirs publics (arrêt du Tribunal fédéral des assurances rendu le 9 janvier 1997 dans la cause Eidg. Flugzeufwerk E, paru in DTA 1996/1997 n. 22 p. 123 ss).

Concrètement, lorsque la loi impose que l’administration concernée accomplisse une tâche déterminée, l’existence du service devant accomplir la tâche ne peut généralement pas être remise en cause à brève échéance compte tenu de la durée des procédures législatives. S’y ajoute le fait qu’un service administratif ne risque en principe pas de devoir fermer ses portes en cas de manque de travail ou de pertes financières. Son financement, au travers de l’impôt, garantit d’éventuels découverts. Un service administratif ne court par conséquent en principe pas un risque propre d’exploitation. Toutefois, il n’est pas exclu que certaines unités administratives soient soumises à restructuration en cas de problèmes économiques et puissent ainsi être exposées aux mêmes risques que les entreprises privées (RUBIN, op. cit., n. 22 ad art. 31).

e. L’indemnité pour cause de RHT s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). Elle doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), moyennant un délai d’attente de trois jours au maximum (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 OACI, étant toutefois précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

6.        Pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

a. Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24). Par cette nouvelle ordonnance - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption -, le Conseil fédéral a notamment interdit les activités présentielles dans les écoles, les hautes écoles et les autres établissements de formation (art. 5 al. 1) et ordonné la fermeture des magasins et marchés (art. 6 al. 2 let. a) et des restaurants (art. 6 al. 2 let. b).

Le 13 mars 2020, l’Office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) a recommandé à la population « dès maintenant et jusqu’à nouvel ordre », d’éviter « autant que possible d’emprunter les transports publics, en particulier aux heures de pointe ». La population était également invitée à ne pas se déplacer en transports publics pour ses loisirs et à recourir dans la mesure du possible à la mobilité douce (marche, vélo, vélo électrique) pour se rendre au travail. Les personnes de plus de 65 ans devaient si possible éviter d’emprunter les transports publics. Les employeurs devaient recommander à leurs collaborateurs d’éviter autant que possible les transports publics aux heures de pointe. Pour ce faire, ils devaient faire preuve d’un maximum de souplesse au niveau des horaires de travail. Le télétravail devait être autorisé et proposé dans la mesure du possible. Le trafic des voyageurs national et régional était maintenu afin de soutenir le bon fonctionnement de l’économie et de la société et d’assurer une bonne répartition des voyageurs dans les véhicules. Le trafic de loisirs et de tourisme pouvait être restreint ou supprimé à la demande des entreprises de transports. Les CFF et le CarPostal, en tant que gestionnaires de systèmes, assuraient la mise en œuvre des recommandations dans toutes les entreprises de transports publics, en collaboration avec l’Office fédéral des transports (ci-après : OFT). Ils devaient ordonner les mesures nécessaires dans leurs systèmes respectifs, lesquelles devaient s’appliquer de façon uniforme dans toute la Suisse. Chaque entreprise de transports était tenue d’assurer la mise en œuvre des mesures (Recommandations relatives aux transports publics de l’OFSP du 13 mars 2020, disponibles sur le site internet de l’OFSP).

À compter du 11 mai 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu’il avait imposées en mars. Dès cette date, l’enseignement présentiel à l’école obligatoire était autorisé et les magasins, marchés et restaurants ont pu rouvrir (RO 2020 1401 et RO 2020 1499).

Au vu de la fréquentation en hausse des transports publics et de l’augmentation des cas depuis mi-juin 2020, le Conseil fédéral a imposé, à partir du 6 juillet 2020, le port du masque facial aux voyageurs dans les véhicules de transports publics (art. 3a de l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 ; RS 818.101.26 ; ordonnance COVID-19 situation particulière).

b. Afin de soutenir financièrement et de soulager les transports publics pour la perte de revenus résultant de la crise liée au coronavirus, le Parlement fédéral a adopté, le 25 septembre 2020, la loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19. Cette loi a entraîné l’adoption, dans la loi sur le transport des voyageurs du 20 mars 2009 (LTV ; RS 745.1), des nouveaux art. 28 al. 1bis et 28 al. 2bis LTV prévoyant des aides supplémentaires pour les entreprises. D’après l’art. 28 al. 1bis LTF, pour l’année 2020, la Confédération et les cantons indemnisent, dans la proportion des parts fixées conformément à l’art. 30, les entreprises pour les pertes qui subsistent après dissolution de la réserve spéciale visée à l’art. 36 al. 2. Les autres réserves des entreprises ne sont pas prises en considération. L’indemnisation a lieu sur la base des comptes de résultats par ligne des entreprises. Selon l’art. 28 al. 2bis LTV, pour l’année 2020, en dérogation à l’al. 2, la Confédération verse des indemnités au titre du trafic local à hauteur du tiers des pertes financières dues au COVID-19. L’indemnisation a lieu sur la base des comptes de résultats par ligne des entreprises. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 26 septembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.

Dans le message relatif à la loi fédérale sur le soutien des transports publics durant la crise du COVID-19 du 25 septembre 2020, le Conseil fédéral a relevé que la demande d’offres de transports publics avait subi une baisse allant jusqu’à 80 % pendant la phase de confinement puisqu’il avait été déconseillé aux usagers d’utiliser les transports publics et que les voyages touristiques avaient été interdits. Les fermetures de magasins et les interruptions dans la production avaient également provoqué un net recul du transport de marchandises. Il en résultait des pertes de revenus dans le trafic des voyageurs et marchandises (FF 2020 6493, p. 6494).

c. Parallèlement aux restrictions imposées par l’ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures en matière d’assurance-chômage.

Le 20 mars 2020, sur la base de l’art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19 ; ordonnance COVID-19 assurance-chômage – RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020. En substance, dès le 17 mars 2020, le cercle des bénéficiaires des indemnités RHT a notamment été élargi au conjoint ou au partenaire enregistré de l’employeur (art. 1) ainsi qu’aux personnes fixant les décisions prises par l’employeur (art. 2). Plus aucun délai d’attente ne devait être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et l’employeur pouvait demander le versement de l’indemnité en cas de RHT sans devoir l’avancer (art. 6), ces mesures devant permettre aux entreprises concernées de disposer de liquidités supplémentaires pendant la durée de la situation extraordinaire (rapport explicatif du SECO relatif à ladite ordonnance, p. 7).

L’ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée à plusieurs reprises, en particulier le 9 avril 2020, avec effet rétroactif au 1er mars 2020 (art. 9).

7.        Dans la décision entreprise, l’intimé s’est opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que les recourants bénéficiaient de subventions à hauteur de 62 % et qu’ils n’avaient pas démontré qu’ils devaient couvrir seuls les coûts d’exploitation, étant rappelé qu’ils pouvaient demander un subventionnement supplémentaire au Grand Conseil.

8.        Dans un premier grief, les recourants se plaignent d’une violation du principe de la légalité. Ils soutiennent que la directive du SECO 2020/06 du 9 avril 2020, sur laquelle se fonde l’intimé dans sa décision, outrepasse les conditions légales d’octroi des indemnités en cas de RHT.

a. Le principe de la légalité est consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., selon lequel le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Il en résulte en particulier que toute restriction à un droit fondamental doit - sous réserve des cas de danger sérieux, direct et imminent - être fondée sur une base légale ; s’il s’agit d’une restriction grave, elle doit être prévue par une loi (art. 36 al. 1 Cst. ; ATF 132 I 229 consid. 10.1).

b. Afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. Celles-ci n’ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; ATF 121 II 473 consid. 2b et les références). 

À teneur de la directive 2020/06 du SECO du 9 avril 2020, le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois dans des entreprises dans lesquelles ils risquent de disparaître en raison d’une évolution économique défavorable. Une condition essentielle du droit à l’indemnité est le risque de disparition d’emplois. De nombreuses entreprises de droit public n’assument pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu’elles doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l’activité de l’entreprise sont couverts par des moyens publics, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres moyens financiers. Il n’existe pas dans ces cas de risque de disparition d’emplois. Si les éventuelles évolutions économiques négatives ne conduisent pas à la disparition d’emplois, et cela en raison de la structure organisationnelle des institutions de droit public (règles en matière de subventions, garantie d’État dans les mandats de prestations, etc.), l’indemnité ne servirait pas à remplir le but qui lui est assigné. Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord. L’élément déterminant est, s’il figure dans l’accord, dans quelle mesure l’institution publique garantit les coûts (par exemple par des subventions) et si, par conséquent, le risque de disparition d’emplois est inexistant même lorsqu’il n’est pas possible de couvrir les coûts d’exploitation de l’entreprise. Cela peut concerner des grandes comme des petites entreprises (par exemple si la piscine d’une commune est tenue par des privés ou une association mais que la commune ne fournit pas de garantie en cas de déficit). Le seul élément déterminant est de savoir si, en raison de la situation juridique, il existe un risque immédiat de disparition d’emplois. Les entreprises de droit public comme les associations ou les employeurs privés qui exploitent une entreprise ou fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique doivent montrer qu’ils sont confrontés à un risque immédiat de disparition d’emplois malgré les accords existant avec l’institution publique qui les mandate. S’ils ne parviennent pas à le faire de manière crédible, il convient de s’opposer au versement de l’indemnité en cas de RHT (directive précitée, p. 5 et 6).

c. En l’occurrence, il est vrai que les dispositions légales en matière de RHT ne prévoient pas de réglementation particulière concernant les entreprises de droit public.

Cela étant, le Tribunal fédéral des assurances a abordé cette problématique dans les arrêts qu’il a rendus le 26 mai 1994 dans la cause Commune de H (publié in DTA 1993/1994 n° 18 p. 140 ss), le 9 janvier 1997 dans la cause Eidg Flugzeugwerk E (publié in DTA 1996/1997 n° 22 p. 123 ss), ainsi qu’à l’ATF 121 V 362, arrêts dans lesquels les art. 31 al. 1 let. b et 2 et 32 al. 1 let. a LACI ont été examinés et précisés. De plus, les principes énoncés par le Tribunal fédéral en ce qui concerne le cas particulier des employés des secteurs publics ont également été repris par la doctrine (voir notamment RUBIN, op. cit., n. 20ss ad art. 31 et n. 9 ad art. 32). La directive 2020/06 du 9 avril 2020 ne fait en réalité que préciser les principes développés par le Tribunal fédéral et repris par la doctrine, de sorte qu’il n’existe aucun motif pour considérer que ladite directive serait contraire à la loi (cf. ATAS/676/2021 du 17 juin 2021 consid. 10 et 11).

Dans tous les cas, le présent litige peut être tranché sans qu’il ne soit nécessaire de se référer à la directive contestée.

9.        Les recourants reprochent ensuite à l’intimé d’avoir violé les art. 31ss LACI en leur refusant le droit aux indemnités en cas de RHT.

Il n’est pas contesté qu’en raison des mesures prises par les autorités fédérales, la demande d’offres de transports publics a subi une baisse importante pendant la phase de confinement puisqu’il a été déconseillé aux usagers d’utiliser les transports publics et que les voyages touristiques ont été interdits. De plus, les revenus de transports des recourants ont été également fortement impactés par la crise sanitaire en raison de l’annulation de nombreux évènements dont les TPG sont partenaires (cf. PL 12953, p. 4). D’après les états financiers consolidés des TPG pour l’année 2020, les revenus des transports pour l’année 2020 (CHF 115'850'683.-) ont subi une forte diminution par rapport à ceux de l’année précédente (CHF 153'751'903.-) et étaient inférieurs au budget de - CHF 43'322'223.-, soit – 27,2 %. Les recourants ont, par conséquent, éprouvé une perte de travail due à des mesures prises par les autorités au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur doivent être considérées comme réalisées. Il n’est pas non plus contesté que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, de sorte qu’il n’y a pas de motif d’exclusion au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, seul pertinent en l’espèce.

Il reste toutefois à déterminer si les recourants sont éligibles à recevoir l’indemnité en cas de RHT compte tenu du statut de leur personnel et du risque restreint de fermeture auquel les entités publiques sont généralement exposées (cf. RUBIN, op cit., n. 20 ad art. 31 LACI ; ATAS/1121/2020 consid. 9).

10.    S’agissant d’abord de la question du statut du personnel, les recourants font valoir qu’ils ont gelé les embauches au moment de l’apparition de la crise et résilié les contrats de travail d’employés dont l’engagement était acté pour une entrée en fonction en avril et mai 2020. Ils s’appuient en particulier sur une lettre de résiliation du 2 avril 2020 (pièce 5 recourants), par laquelle les TPG ont mis un terme aux relations de travail d’un collaborateur dont l’entrée en fonction était prévue le 1er avril 2020 en raison des circonstances extraordinaires liées à l’épidémie de COVID-19. Se fondant sur l’art. 71 de leur statut du personnel, ils exposent que la procédure de licenciement peut être menée de façon aussi rapide que dans le secteur privé.

a. Les TPG, établissement de droit public genevois (art. 1 al. 1 de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 - LTPG - H 1 55), sont dotés de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la LTPG (art. 2 al. 1 LTPG).

Conformément à l’art. 2 SP, les rapports de travail sont régis par la loi fédérale sur le travail dans les entreprises de transports publics du 8 octobre 1971 (LDT – RS 822.21), la LTPG, la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1), la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1), ainsi que par le SP, son règlement d’application et ses règlements particuliers et instructions de service (al. 1). Tous les employés sont liés aux TPG par un rapport de droit public (al. 2). La loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), notamment son titre dixième (du contrat de travail), s’applique à titre de droit public supplétif (al. 3). Le règlement d’application du SP, adopté le 1er janvier 1999 (ci-après : RSP ; état au 30 avril 2018), en son art. 1, différencie l’employé, au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée ou déterminée pour un poste à temps complet ou partiel (al. 1), du stagiaire (al. 2) et de l’apprenti (al. 3).

L’art. 68 al. 2 dudit statut prévoit que le contrat de travail peut être résilié moyennant les délais de congé suivants : pendant les trois premiers mois : sept jours pour la fin d’une semaine (let. a) ; du 4ème au 12ème mois : un mois pour la fin d’un mois (let. b) ; de la 2ème à la 9ème année : deux mois pour la fin d’un mois par l’employé et trois mois pour la fin d’un mois par l’autorité d’engagement (let. c) ; dès la 10ème année : trois mois pour la fin d’un mois (let. d).

L’art. 71 SP régit la fin des rapports de travail pour un motif justifié. Selon le premier alinéa de cette disposition, la direction peut mettre fin aux rapports de service pour des « motifs dûment justifiés » en respectant les délais de congé. Est considéré comme « dûment justifié », tout motif démontrant que la poursuite des rapports de service n’est pas, objectivement, dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise (art. 71 al. 2 SP). Aucun motif abusif, au sens de l’art. 336 du Code des obligations, ne peut être considéré comme justifié (art. 71 al. 3 SP).

D’après l’art. 72 SP, s’il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l’entreprise la réintégration du salarié. Si l’entreprise s’y oppose ou s’il renonce à une telle proposition, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels (al. 1).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice, l’art. 71 SP équivaut au licenciement pour motif fondé prévu par les art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Comme pour les fonctionnaires de l’administration cantonale, il n’est pas imposé aux TPG de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue impossible, mais uniquement qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise. L’intérêt public au bon fonctionnement des TPG sert en effet de base à la notion de motif dûment justifié qui doit exister pour justifier un licenciement en application de l’art. 71 du statut (ATA/600/2021 du 8 juin 2021 consid. 9b ; ATA/325/2021 du 16 mars 2021 du consid. 3b ; ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7c et les arrêts cités).

Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de : l’insuffisance des prestations (let. a) ; l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; et la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c).

c. Lorsque les rapports de service sont soumis au droit public, la résiliation est assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/479/2020 du 19 mai 2020 consid. 5d).

La suppression de poste constitue un cas spécial de licenciement lorsque la personne dont le poste est supprimé n’est pas reclassée dans une autre fonction. Elle doit être justifiée par des motifs objectifs, comme la suppression d’un poste d’enseignant ensuite de la diminution des effectifs scolaires. Il peut également se produire que certains services soient supprimés, qu’une rationalisation du travail ou une recherche d’économie rendent des postes de travail inutiles. Il doit s’agir d’une réelle suppression de fonction, justifiée par des motifs objectifs d’organisation de l’administration publique et non d’un simple prétexte utilisé dans le but de se séparer sans trop de difficultés d’un collaborateur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_454/2019 du 20 mai 2020 consid. 3.1.2 ; ATA/608/2020 précité consid. 5b ; ATA/885/2020 du 15 septembre 2020 consid. 5b ; ATA/163/2011 du 15 mars 2011 consid. 6b).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est l’une des expressions du principe de la proportionnalité. Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (art. 36 al. 3 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/806/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4c ; ATA/223/2010 du 30 mars 2010 consid. 10b).

Selon la jurisprudence, lorsque la loi prescrit à l’État de ne pas licencier une personne qu’il est possible de reclasser ailleurs, elle ne lui impose pas une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui. En outre, l’obligation de l’État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel dont le poste est supprimé se double, corrélativement, d’une obligation de l’employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l’administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/679/2017 du 20 juin 2017 consid. 7c ; ATA/298/2016 du 12 avril 2016 consid. 5b ; ATA/128/2015 du 3 février 2015 consid. 4).

d. En l’occurrence, il n’est pas contesté que les rapports de service sont soumis au droit public. Or, à la différence du droit privé, une résiliation « ordinaire » ne peut être prononcée moyennant le simple respect du délai de préavis. La direction ne peut mettre fin aux rapports de service que pour des « motifs dûment justifiés ». La question se pose donc de savoir si un licenciement pour motifs économiques peut entrer dans ce cas de figure. Dans le régime de la LPAC, dont le licenciement pour motif fondé prévu par les art. 21 al. 3 et 22 équivaut à celui de l’art. 71 du statut des TPG (cf. supra consid. 10b), le législateur a défini à titre exemplatif les circonstances dans lesquelles un tel motif fondé peut être retenu. C’est ainsi que l’art. 22 fait état de l’insuffisance des prestations, de l’inaptitude à remplir les exigences du poste et de la disparition durable d’un motif d’engagement. Le cas du licenciement pour motifs économiques ne figure pas dans cette liste. Contrairement à ce qui prévaut dans ce cas de figure, un licenciement pour motifs économiques n’est pas prononcé en raison d’un motif inhérent à la personne de l’employé mais en raison de la situation économique et des pertes financières subies par l’employeur.

Tout au plus pourrait-on envisager le cas d’une suppression de poste pour des motifs économiques (cf. ATAS/676/2021 du 17 juin 2021 consid. 14). Le statut des TPG ne prévoit toutefois pas ce cas de figure, contrairement à la LPAC. Pour combler cette lacune, la question pourrait certes se poser d’une application par analogie de l’art. 23 LPAC. En pareille hypothèse, une résiliation ne pourrait intervenir que s’il se révèle impossible de confier au membre du personnel régulier un autre poste correspondant à ses capacités (cf. art. 23 al. 2 LPAC). La LPAC prévoit au surplus que le fonctionnaire reçoit, dans ce cas, une indemnité égale à six fois son dernier traitement mensuel de base (art. 23 al. 4 LPAC). En cela, le régime juridique applicable aux collaborateurs des recourants apporterait une certaine protection en cas de suppression de postes, limitant ainsi les possibilités de licenciement et faisant obstacle à une suppression d’emplois à court terme.

La question de savoir si les recourants peuvent procéder à un licenciement pour motifs économiques sur la base d’une application par analogie de l’art. 23 LPAC relatif à la suppression de poste peut toutefois rester ouverte, dès lors que les recourants sont exposés à un risque restreint de fermeture, comme cela ressort des considérations suivantes.

11.    L’exigence d’un risque économique s’examine à l’aune du droit cantonal applicable.

a. Selon l’art. 1 al. 7 LTPG, les TPG concluent avec l’État un contrat de prestations pour une durée pluriannuelle. Ce contrat doit conférer aux TPG une autonomie de gestion accrue et assurer des prestations de qualité au meilleur prix. Le contrat contient notamment les prestations de transports, le plan financier pluriannuel et le calcul de la contribution annuelle de l’État. En vertu de l’art. 36 al. 1 de la loi, le contrat de prestations et ses avenants éventuels entre les TPG et l’État, y compris les montants des contributions financières de l’État qui sont fixées, par tranches annuelles, pour la durée du contrat sont soumis à l’approbation du Grand conseil sous forme d’un projet de loi.

Ils sont placés sous la surveillance du Conseil d’État et de l’autorité fédérale compétente (art. 2 al. 3 LTPG). D’après l’art. 7 al. 2 let. a du règlement sur l’organisation de l’administration cantonale du 1er juin 2018 (ROAC - B 4 05.10), les TPG sont placés sous la surveillance du département des infrastructures.

En vertu de l’art. 3 al. 1 LTPG, le capital de dotation des TPG est de CHF 44'000'000.-, fournis par l’État de Genève. D’après l’art. 7 LTPG, les TPG sont exempts des impôts cantonaux et communaux. En vertu de l’art. 56 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), ils ne sont pas soumis à l’impôt fédéral direct. Conformément à l’art. 36 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA – RS 641.20), les TPG effectuent leurs décomptes TVA selon la méthode des taux effective (la méthode forfaitaire avait été appliquée pour les exercices 2000 à 2004 conformément à la possibilité donnée par l’art. 37 al. 5 LTVA).

D’après l’art. 6 al. 1 LTPG, la dissolution, le mode de liquidation des TPG et la désignation des liquidateurs ne peuvent être décidés que par le Grand Conseil. Le produit net de la liquidation revient à l’État de Genève (al. 2).

Selon l’art. 9 LTPG, l’administration des TPG est confiée à un conseil d’administration formé d’un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier (let. a) ; six membres désignés par le Conseil d’État (let. b) ; un membre désigné par le Conseil administratif de la Ville de Genève (let. c) ; un membre désigné par l’Association des communes genevoises (let. d) ; un membre pour la région frontalière française, nommé par le Conseil d’État (let. e) ; trois membres faisant partie du personnel des TPG, dont un agent gradé ou appartenant à l’administration et deux agents non gradés (let. f).

b. Selon l’art. 30 al. 1 de la loi sur la gestion administrative et financière de l’État du 4 octobre 2013 (LGAF - D 1 05), un crédit est une autorisation de procéder, dans un but déterminé, à un engagement financier d’un montant déterminé. Aucun engagement financier ne peut être effectué avant l’octroi d’un crédit, sous réserve de l’urgence prévue à l’art. 35 (al. 2). Postérieurement au vote du budget, respectivement du crédit d’investissement initial, un crédit supplémentaire est demandé lorsqu’un crédit de fonctionnement ou d’investissement est insuffisant (art. 32 let. a LGAF). Les crédits supplémentaires sont autorisés par le Grand Conseil (art. 33 al. 1 LGAF).

Selon l’art. 201 al. 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01), dès le début de la législature, le Grand Conseil nomme une commission de quinze membres chargée d’examiner les objets que le Grand Conseil décide de lui renvoyer, touchant aux domaines de la gestion financière de l’État, du contrôle et de la surveillance. Elle examine en particulier : les états financiers (let. a) ; le budget (let. b) ; le plan financier quadriennal (let. c) ; les rapports des organes ou entités de contrôle et de surveillance de l’État, qu’ils soient internes ou externes, ainsi que les rapports ponctuels en matière de surveillance de l’État (let. d).

Selon l’al. 2 let. a de cette disposition, le Grand Conseil délègue par ailleurs à la commission des finances la compétence de statuer sur les demandes de crédits supplémentaires, lorsqu’elles ne sont pas de la compétence du Conseil d’État.

c. En application de l’art. 1 al. 7 LTPG, l’État de Genève et les TPG ont conclu un contrat de prestations 2020-2024 le 20 juin 2019. Ce contrat de prestations est un contrat de droit public qui, dans les limites de la loi, détermine en particulier les prestations fournies par les TPG, les conditions d’exploitation du réseau et les contributions financières de l’État de Genève pour une période pluriannuelle. Il est soumis à l’approbation du Grand Conseil.

Ce contrat a pour objet d’assurer une autonomie au TPG leur permettant d’atteindre leur but consistant à mettre à la disposition du public un réseau performant de transports publics dans l’agglomération genevoise, le reste du Canton de Genève et la France voisine, dans le respect et la sauvegarde de l’environnement (art. 2 du contrat).

En vertu de ce contrat, l’État s’engage à verser aux TPG par tranche annuelle l’enveloppe budgétaire pluriannuelle relative à l’offre de trafic d’agglomération (art. 8 du contrat). Les montants articulés dans le contrat au titre de contributions cantonales, hors contributions tacites et contributions spéciales liées aux frais UNIRESO prévoient une enveloppe budgétaire de CHF 232'259'086.- pour 2020 (art. 8 al. 3 du contrat).

Selon l’art. 22 du contrat, au terme de l’exercice comptable, pour autant que les prestations financées aient été fournies conformément au contrat, le résultat annuel établi conformément à l’art. 21 est réparti entre l’État de Genève et les TPG selon la clé figurant au 4ème paragraphe du présent article (al. 1). Une créance reflétant la part restituable à l’État est constituée dans les fonds étrangers des TPG. Elle s’intitule « Subventions non dépensées à restituer à l’échéance du contrat ». La part conservée par les TPG est comptabilisée dans un compte de réserve spécifique intitulé « Part de subventions non dépensées » figurant dans ses fonds propres (al. 2). Pendant la durée du contrat, les éventuelles pertes annuelles sont également réparties selon la clé figurant à l’al. 4 du présent article et sont déduites de la créance jusqu’à concurrence du solde disponible et du compte de réserve spécifique (al. 3). Les TPG conservent 75 % de leur résultat annuel. Ils l’affectent prioritairement à la réduction de leur endettement. Le solde revient à l’État (al. 4). À l’échéance du contrat, les TPG conservent définitivement l’éventuel solde du compte de réserve spécifique, tandis que l’éventuel solde de la créance est restitué à l’État de Genève (al. 5). À l’échéance du contrat, les TPG assument leurs éventuelles pertes reportées (al. 6).

d. Dans le cas particulier, les recourants sont un établissement de droit public genevois, doté de la personnalité juridique. À ce seul titre déjà, ils sont présumés encourir un risque restreint de fermeture (ATAS/676/2021 du 17 juin 2021 consid. 17). Toutefois, dans la mesure où il n’est pas exclu que certaines entités administratives soient soumises à restructuration et puissent être exposées aux mêmes risques que les entreprises privées, il convient d’examiner si les dispositions légales applicables en matière de financement prévoient que les pertes ou dépenses supplémentaires sont couvertes par des fonds publics, étant précisé que les parties s’opposent sur ce point.

En l’occurrence, ainsi que le font valoir les recourants, ces derniers sont responsables de leurs résultats. Cela découle sans ambiguïté du contrat de prestations 2020-2024. Au terme de l’exercice comptable, pour autant que les prestations financées aient été fournies conformément au contrat, le résultat annuel est réparti entre l’État de Genève et les TPG comme suit : 75 % sur la rubrique « Part de subventions non dépensées » en faveur des TPG et 25 % sur la rubrique « Subventions non dépensées à restituer à l’échéance du contrat » en faveur de l’État de Genève. À l’échéance du contrat, les TPG assument leurs éventuelles pertes reportées (cf. art. 22 du contrat de prestations ; supra consid. 11c).

Il convient toutefois de relever que les recourants reçoivent des contributions importantes des autorités publiques pour effectuer une tâche publique consistant à mettre à la disposition de la population un réseau de communication pour le transport des voyageurs. Il s’agit donc d’assurer une prestation indispensable qui couvre un réel besoin pour la société. Compte tenu de leur mission de service public, les recourants bénéficient d’un lien étroit et privilégié avec l’État de Genève. Il suffit à cet égard de relever que les recourants sont instaurés par une loi cantonale, que leur capital de dotation est fourni par l’État, que la majorité des membres de leur conseil d’administration est nommée par le Grand Conseil ou le Conseil d’État et qu’ils bénéficient de la caution simple de l’État de Genève pour une partie de leurs emprunts (cf. PL 12953, p. 60). De toute évidence, ils doivent remplir leur mandat indépendamment de la situation conjoncturelle et d’un éventuel déficit. S’ajoute à cela qu’ils sont placés sous la surveillance du Conseil d’État, soit du département des infrastructures, et de l’autorité fédérale compétente et que tant le parlement que le gouvernement genevois ont des pouvoirs d’approbation étendus sur certaines de leurs décisions (cf. art. 36 et 37 LTPG ; Thierry Tanquerel, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 131, p. 41). Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, l’autonomie de l’institution ne signifie pas que l’autorité supérieure ne puisse s’assurer qu’elle remplit ses tâches correctement et respecte le droit (Ibid, n. 130, p. 41). Par ailleurs, en cas de liquidation, c’est à l’État de Genève que revient le produit de la liquidation, étant précisé que la dissolution, le mode de liquidation des TPG et la désignation des liquidateurs ne peuvent être décidés que par le Grand Conseil. Enfin et surtout, en leur qualité d’entité subventionnée par l’État, les recourants peuvent solliciter des aides supplémentaires destinées à couvrir des dépassements au budget de fonctionnement (Projet de loi approuvant les états financiers individuels de l’État de Genève pour l’année 2020, déposé le 25 mars 2021 ; PL 12908). C’est ainsi que l’État de Genève leur a accordé deux crédits supplémentaires pour un montant total de CHF 21'702'224.-, correspondant aux dépassements observés entre les comptes 2020 et le budget voté 2020, après prise en compte des aides de la Confédération estimées à CHF 10'000'000.- (cf. Rapport sur les comptes individuels 2020 de l’État de Genève, Tome 1, p. 39 ; disponible sur le site internet de l’État de Genève : https://www.ge.ch/document/comptes-etat-2020). Il ressort du rapport sur les comptes individuels 2020 de l’État de Genève que les aides supplémentaires versées par l’État aux entités subventionnées particulièrement touchées par la crise sanitaire, soit au total CHF 224'000'000.-, étaient destinées à assurer leur équilibre financier (cf. Rapport sur les comptes de l’État de Genève, Tome 2, 2020 p. 469 ; disponible sur le site internet de l’État de Genève : https://www.ge.ch/document/comptes-etat-2020). On peut dès lors déduire de l’ensemble de ces circonstances que dans la mesure où l’État subventionne des entités publiques, il doit mettre à disposition les fonds nécessaires afin d’assurer leur équilibre financier, et cela quand bien même l’entité subventionnée jouit d’une autonomie financière et organisationnelle.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, en particulier du soutien financier que l’État de Genève apporte aux recourants, on ne saurait retenir que leur existence même était menacée par les pertes financières subies sur les revenus des transports. C’est partant à juste titre que l’intimé s’est opposé au préavis de RHT et, partant, à l’indemnisation des recourants, faute de risque de fermeture d’exploitation encouru par ces derniers.

12.    Le recours doit partant être rejeté.

En l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – jusqu’au 31 décembre 2020, en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le