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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1776/2020

ATAS/675/2021 du 17.06.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.09.2021, rendu le 20.01.2022, REJETE, 8C_558/2021
*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : RÉDUCTION DE L'HORAIRE DE TRAVAIL;SUBVENTION;SUBVENTION POUR FRAIS D'EXPLOITATION;ASSOCIATION;GARDERIE
Normes : LACI.31.al1; LACI.32; OACI.51; Ordonnance 2 COVID-19.5
Résumé : Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour une association qui gère des crèches sur délégation de la Ville de Genève et qui est subventionnée par cette dernière. Questions du statut du personnel des crèches et du risque de licenciement à brève échéance laissées ouvertes. Examen du risque restreint de fermeture. Les communes doivent financer l’exploitation des structures d’accueil préscolaire (voir ATAS/676/2021 ci-dessus). Chaque commune est toutefois libre de décider si elle entend déléguer sa compétence en matière de petite enfance à une association ou à une fondation, avec subventionnement, ou si elle préfère municipaliser cette tâche. La Ville de Genève, pour sa part, a décidé de déléguer sa compétence à une association, moyennant subventionnement, et de conclure, à chaque fois, un contrat de prestations. La Chambre de céans a interprété le contrat de prestation en question et a constaté qu’il prévoyait l’octroi d’une subvention d’exploitation, laquelle devait permettre à l’association de déployer son activité d’accueil périscolaire. Dans l’hypothèse où la subvention accordée n’aurait pas été suffisante, le contrat de prestation prévoyait non seulement une augmentation en cours d’année mais également la prise en charge de la perte annuelle comptabilisée. Contrairement à la position de l’association recourante, la perte (soit le non-paiement, par les parents, des frais de garde) s’inscrit dans le cadre de l’activité habituelle, que l’association recourante n’a, malgré elle, pas pu proposer et non dans le contexte d’activités annexes qui sortiraient du cadre de l’accueil préscolaire. La Chambre de céans a également retenu que l’approbation des comptes avant prise en charge d’une perte supplémentaire visait à s’assurer que ladite perte ne soit pas due à une mauvaise affectation des subventions. Enfin, la Chambre de céans a constaté que la Ville de Genève a bien compris que le financement incombait aux communes, dès lors qu’elle fait signer aux différentes associations un contrat de prestations et qu’elle a, de l’aveu-même de la recourante, « avancé » les salaires. S’agissant du grief de l’inégalité de traitement dans l’illégalité également soulevé par l’association recourante, la Chambre de céans a constaté que les décisions accordant à tort des indemnités RHT à des structures d’accueil subventionnées avaient été révoquées. Compte tenu des éléments qui précèdent, la Chambre de céans a jugé que les structures d’accueil font partie de la politique de la petite enfance du canton de Genève et qu’elles doivent de toute évidence remplir leur mandat indépendamment de la situation conjoncturelle et d’un éventuel déficit. Par conséquent, elles n’encourent pas de risque d’exploitation et il n’y a pas de place pour des indemnités RHT.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1776/2020 ATAS/675/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 juin 2021

 

En la cause

ASSOCIATION SECTEUR PETITE ENFANCE A______, à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Gabriel AUBERT

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, représenté par son Service juridique, sis rue des Gares 16, Case postale 2660, Genève

DEPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT, La Conseillère d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 6, GENEVE

SECRÉTARIAT D'ÉTAT À L'ÉCONOMIE, représenté par la Direction du travail, Secteur Service juridique, TCJD, Holzikofenweg 36, BERNE

 

intimé

 

 

 

appelés en cause


EN FAIT

1.        L’association Secteur Petite Enfance de A______ (ci-après : l’association ou la recourante) est une association sans but lucratif, avec siège à Genève (art. 1.1 des Statuts). Elle a pour but d’accueillir les enfants en âge préscolaire et gère à cette fin les six structures d’accueil suivantes : Espace de vie enfantine (ci-après : EVE) B______, EVE C______, Crèche familiale D______, Jardin d’enfants E______, EVE F______ et EVE G______ (art. 2.1 et 2.2 des Statuts).

Les ressources de l’association proviennent des pensions versées par les parents des enfants, subventions publiques et privées, cotisations des membres, dons, legs et autres affectations en espèces ou nature et revenus de la fortune sociale, produits de collectes et de ventes et recettes diverses (art. 5.1 des Statuts).

2.        Suite aux mesures officielles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus par le Conseil fédéral et le Conseil d’Etat genevois, l’association a été contrainte de fermer ses structures d’accueil dès le 16 mars 2020, tout en ménageant un service d’accueil minimum.

3.        Par courrier du 27 mars 2020, la Ville de Genève a invité les structures d’accueil de la petite enfance qu’elle subventionnait à entreprendre les démarches nécessaires auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) et de déposer au plus vite une demande de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour leurs employés. La Ville de Genève considérait en effet être tenue de couvrir la perte d’exploitation lorsque les organismes subventionnés avaient fait tout leur possible pour diminuer leur déficit. Dans le cas des structures d’accueil, un déficit se créait dans leur budget par, d’une part, le paiement des salaires pour des employés qui ne pouvaient travailler en raison du coronavirus et des mesures sanitaires fédérales et cantonales prises et, d’autre part, la libération des parents de l’obligation de payer la pension si la prestation d’accueil ne pouvait être délivrée.

4.        Le 1er avril 2020, l’association a transmis à l’OCE un préavis de RHT pour l’ensemble de ses employés, soit 176 personnes, dont 21 collaborateurs sur appel, pour une durée prévisible du 16 mars au 8 avril 2020, la perte de travail estimée étant de 80%.

5.        Par décision du 15 avril 2020, l'OCE a fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT, considérant notamment que l’association était au bénéfice d’une subvention de la Ville de Genève, de sorte qu’elle n’assumait pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite si bien que les problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou mêmes les pertes résultant de l’activité de l’entreprise étaient couverts en majorité par des moyens publics au sens de la directive n° 6 du secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) du 9 avril 2020. Les conditions du droit à l’indemnité n’étaient donc pas réunies. En tout état, dans la mesure où l’indemnité pour RHT avait été sollicitée dès le 16 mars 2020, soit plusieurs jours avant l’envoi de la demande en question, l’indemnisation ne pouvait de toute manière pas commencer à la date souhaitée.

6.        Le 20 avril 2020, l’association s’est opposée à la décision du 15 avril 2020, expliquant notamment qu’en tant qu’association sans but lucratif, elle ne pouvait réaliser une activité commerciale et qu’elle se limitait à percevoir le prix des pensions suite à la conclusion de contrats d’accueil avec les responsables légaux des enfants accueillis. Elle pouvait solliciter des subventions de la part de la commune, après déduction de la participation des parents, du canton et des autres recettes. En d’autres termes, le subventionnement des communes intervenait après les autres ressources potentiellement réalisables par l’association. De plus, il n’y avait aucun droit à la perception d’une subvention. La réduction du temps de travail conduisait l’association à devoir assumer le paiement des salaires alors que simultanément, les responsables légaux des enfants n’étaient pas tenus de verser une pension pour une prestation qui était interrompue. La perte qui découlait de cette situation constituait ainsi une charge non liée à l’exploitation de l’entreprise elle-même, qui ne dépendait pas de leur volonté d’employeur. La Ville de Genève lui avait d’ailleurs demandé de déposer une demande d’indemnisation pour RHT. Il apparaissait donc clairement que l’association supportait le risque entrepreneurial, conditionnant l’octroi des prestations en matière de chômage. Enfin et dans tous les cas, s’agissant du principe de l’égalité de traitement, l’association relevait que d’autres structures d’accueil préscolaire subventionnées par la Ville de Genève avaient obtenu une indemnisation.

7.        Le 22 mai 2020, l'OCE a confirmé, sur opposition, la décision précitée, dès lors que l’association n’assumait pas de risque entrepreneurial ou de faillite, les pertes résultant de l’activité étant couvertes par des moyens publics au sens de la directive n° 6 du SECO du 9 avril 2020. Enfin, l’OCE a relevé que chaque cas était examiné en fonction des circonstances d’espèce et que plusieurs décisions accordant à tort des indemnités à des structures d’accueil de la petite enfance subventionnées avaient été révoquées.

8.        Le 22 juin 2020, sous la plume de son conseil, l’association a interjeté recours contre la décision sur opposition du 22 mai 2020, concluant principalement à son annulation et à l’octroi des indemnités pour RHT sollicitées le 9 (recte 1er) avril 2020 et subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCE.

A l’appui de sa position, la recourante a notamment considéré que l’OCE se trompait quant à la portée de la garantie des coûts selon le droit cantonal et que les critères retenus par l’OCE et le SECO ne reposaient sur aucune base légale et qu’ils n’étaient pas conformes à la jurisprudence fédérale.

En effet, selon la Ville de Genève, les communes n’avaient pas à couvrir la perte due à l’obligation de verser le salaire au personnel lorsque celui-ci n’était pas en mesure de travailler – et donc de fournir la prestation liée à l’exploitation – par suite des décisions du Conseil fédéral et du Conseil d’Etat relatives au COVID-19. A cela s’ajoutait le fait que le paiement des salaires ne représentait pas une perte d’exploitation liée aux prestations d’accueil préscolaire ou à la baisse des encaissements des prix de pension ou d’autres ressources des structures d’accueil. Il s’agissait en réalité d’une perte découlant des décisions du Conseil fédéral et du Conseil d’Etat relatives au COVID-19, entrant dans le champ d’application de la RHT. Par ailleurs, la loi cantonale n’imposait pas aux communes de garantir, en première ligne, toute perte d’exploitation, la perte devant être couverte par les prestations fédérales en matière de RHT. Au demeurant, les associations subventionnées et leurs salariés payaient des cotisations finançant tant les RHT que le chômage, de sorte qu’il n’y avait aucune raison de les priver du bénéfice des indemnités pour cause de RHT. En tout état, le budget voté pour 2020 ne portait pas sur la couverture d’un tel risque, mais uniquement sur la couverture d’une perte d’exploitation ordinaire, découlant des prestations fournies. Le conseil administratif ne pouvait, de toute manière, combler un dépassement du budget suite à la perte des contributions des parents, sans l’approbation du législatif municipal.

Ensuite, la recourante a contesté la validité des directives du SECO, celles-ci ne se fondant sur aucune disposition explicite de la loi ou de l’ordonnance. En particulier, l’intimé se fondait sur une jurisprudence concernant les employés du secteur public (entreprise de droit public) à statut particulier. Or, dans le cas d’espèce, les employés pour lesquels étaient sollicitées les indemnités pour cause de RHT étaient liés à la recourante par un contrat de travail de droit privé, ne comportant aucun privilège de droit public, comme cela ressortait d’ailleurs du modèle de contrat de travail joint au recours. La convention collective de travail n’instaurait pas non plus de statut de fonctionnaire ou statut analogue.

Enfin, la recourante était d’avis que la condition du risque immédiat de disparition d’emplois ne ressortait d’aucune base légale ou réglementaire.

9.        L’intimé a produit sa réponse en date du 14 juillet 2020 et a notamment relevé que les structures d’accueil de la petite enfance n’avaient pas eu l’obligation de fermer à Genève mais qu’elles devaient proposer un accueil minimum. La perte d’exploitation était donc liée à l’exonération faite aux parents de payer les contributions pour la garde de leurs enfants. Dans ce contexte, le Conseil fédéral avait adopté une ordonnance, dans laquelle il avait prévu que les cantons devaient octroyer, sur demande, des indemnités pour compenser les contributions de garde non versées par les parents entre le 17 mars et le 17 juin 2020, ladite indemnisation couvrant 100% des contributions non perçues. Il ressortait en outre de la législation en matière d’accueil préscolaire que lorsque les communes assuraient le financement des structures de coordination de l’accueil familial de jour, elles prenaient en charge leur éventuel déficit d’exploitation. S’y ajoutait le fait que la recourante exerçait une tâche d’utilité publique, de sorte qu’elle ne risquait pas de devoir fermer ses portes en cas de manque de travail ou de pertes financières, étant pour le surplus précisé qu’elle n’avait pas apporté la preuve d’un risque concret de disparition d’emplois. Les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT n’étaient par conséquent pas remplies.

10.    Le 2 novembre 2020, la recourante a produit sa réplique.

A titre liminaire, elle a relevé que les structures d’accueil avaient toutes recouru à l’encontre des décisions leur refusant les indemnités pour cause de RHT. Pour des questions d’économie de procédure, elle proposait donc que la chambre de céans choisisse une procédure « test », sur laquelle elle se prononcerait en premier, son arrêt pouvant alors faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral.

Cela étant précisé, la recourante a relevé que la perte de travail était évidente. En effet, en raison du confinement, la plus grande partie des parents avaient gardé leurs enfants à la maison, de sorte que les structures d’accueil avaient subi une perte de travail, même si elles avaient dû observer un service minimum. La perte de travail engendrait une perte financière, égale à la diminution du paiement des contributions pour la garde des enfants. C’était donc cette perte de travail dont l’indemnisation était sollicitée. La recourante a estimé que la position de l’intimé était contradictoire. En effet, il avait accordé des indemnités en cas de RHT à la crèche H______ alors même qu’elle était subventionnée par la Ville de Genève mais les avait refusées dans le dossier I______. Par ailleurs, en septembre 2020, l’Etat de Genève avait annoncé aux structures d’accueil le versement d’indemnités pour la perte de contribution des parents, à la charge des communes et de la Confédération. Les montants correspondaient aux contributions non perçues sur les contrats d’abonnement, déduction faite d’un montant forfaitaire de CHF 8.- par enfant et par jour pour les frais de repas. Il s’agissait là des montants indemnisés par la Confédération et les communes. Ces indemnités ne couvraient toutefois qu’une partie du salaire, le solde restant à la charge de chaque structure. Par conséquent, la question relative à la coordination entre ces indemnités versées par la Confédération et les communes demeurait entière. Enfin, la recourante a persisté à contester la condition du risque immédiat de disparition d’emplois.

En annexe figuraient notamment :

-          Un tableau récapitulant les pertes d’écolages des différentes structures d’accueil de la Ville de Genève. Concernant la recourante, la perte s’élevait à CHF 491'073.- (sic).

-          Cinq décisions de l’Etat de Genève du 14 septembre 2020 octroyant un soutien financier aux structures suivantes :

EVE C______

CHF 167'942.-

EVE B______

CHF 85'424.-

Crèche familiale D______

CHF 90'993.-

Structure d’accueil de la petite enfance G______

CHF 64'886.-

Structure d’accueil de la petite enfance F______

CHF 81'928.-

TOTAL

CHF 491'173.-

11.    L’intimé a produit sa duplique le 3 décembre 2020 et a relevé que les indemnités en cas de RHT accordées à la crèche H______ résultaient manifestement d’une erreur, la personne les ayant accordées étant intervenue en renfort lors de la première vague du printemps et n’étant donc pas suffisamment au clair sur les principes applicables. Lesdites indemnités n’auraient pas dû être octroyées.

12.    Par courrier du 21 décembre 2020, la Chambre de céans a informé la recourante que la présente cause avait été désignée en tant que « cause pilote ».

13.    Le 8 mars 2021, la Chambre de céans a appelé en cause l’Etat de Genève et le SECO et leur a imparti un délai au 15 avril 2021 pour d’éventuelles observations.

14.    A la demande de la Chambre de céans, la recourante a produit la copie du contrat de prestation 2020-2021 signé le 26 novembre 2019 par les représentants de la recourante et ceux de la Ville de Genève.

15.    Par courrier du 6 avril 2021, l’Etat de Genève a expliqué que la recourante avait envoyé cinq dossiers pour des indemnités pour pertes COVID-19 et que toutes les demandes avaient reçu une réponse positive, les indemnités décrites ci-dessus lui ayant été accordées (cf. supra ch. 10). L’Etat de Genève a par ailleurs précisé que ces indemnités étaient subsidiaires à toutes les prestations publiques visant à atténuer les conséquences économiques du coronavirus.

16.    Le 19 avril 2021, la recourante a confirmé les montants articulés dans la détermination précitée de l’Etat de Genève. Elle a également relevé que l’Etat de Genève avait confirmé le caractère subsidiaire de l’indemnisation.

17.    Le SECO a produit sa détermination en date du 6 mai 2021 et s’est exprimé, de manière générale, sur le principe de l’octroi de la RHT aux entreprises de droit public ou assumant une prestation publique sur mandat de l’Etat.

18.    Le 20 mai 2021, la recourante a produit des observations spontanées, dans lesquelles elle a notamment considéré que les dispositions légales applicables ne prévoyaient ni la condition du risque de licenciement « immédiat » ni celle du risque de faillite ou de disparition de l’entreprise. En tout état, elle avait la possibilité de licencier les salariés inactifs en raison de la perte de travail, vu qu’elle était liée à eux par des contrats de droit privé. La première condition était par conséquent réalisée. En outre, la Ville de Genève versait des subventions aux employeurs, qui devaient gérer leur personnel. Aucun texte ne prévoyait toutefois que les employeurs bénéficiaient de telles subventions quelle que soit la gestion du personnel. Au contraire, l’employeur devait « exercer cette responsabilité de manière responsable ». En conséquence, selon le contrat de prestation, la Ville ne l’aidait, en cas de perte à la fin de l’exercice, que si elle estimait pouvoir approuver les comptes. Une gestion responsable du personnel impliquait de licencier des salariés en cas de perte de travail d’une certaine durée, à moins que l’employeur ne puisse compter sur des indemnités RHT. Aucune disposition légale ou contractuelle n’imposait à l’association l’obligation de conserver le personnel à qui elle n’avait pas de travail à confier. Par conséquent, elle était donc dans la nécessité soit de licencier, soit de solliciter des indemnités RHT, financées par les cotisations qu’elle payait au même titre que les membres du personnel. Dans le cas concret, la Ville avait avancé les salaires, en demandant aux institutions de solliciter des RHT. La recourante a ensuite rappelé que les montants versés par l’Etat de Genève étaient subsidiaires aux compensations de charges salariales prévues par les assurances sociales. Partant, la seconde condition, à savoir celle de l’absence de garantie de couverture des coûts d’exploitation, était également remplie.

19.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prescrits, le recours formé le 22 juin 2020 contre la décision sur opposition du 22 mai 2020 est recevable (art. 56ss LPGA).

3.        Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que l'intimé s’est opposé au versement de l'indemnité en cas de RHT sollicitée par la recourante dès le 16 mars 2020.

4.        Afin de surmonter les difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une réduction de l’horaire de travail (RHT), voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss).

Le but de l'indemnité en cas de RHT consiste, d'une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D'autre part, l'indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l'intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

5.        a. Selon l’art. 31 al. 1 LACI,

les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après : l’indemnité) lorsque :

a.       ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS ;

b.     la perte de travail doit être prise en considération (art. 32) ;

c.     le congé n’a pas été donné ;

d.     la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question.

L’art. 32 LACI, auquel l’art. 31 al. 1 let. b LACI renvoie prévoit, quant à lui, que :

1 La perte de travail est prise en considération lorsque :

a.       elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et que

b.       elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise.

2 ( )

3 Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. ( )

4 ( )

5 ( )

L'art. 51 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) concrétise l'art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d'autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d'importer ou d'exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d'exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d'accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l'approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L'art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n'est pas prise en considération tant qu'elle est couverte par une assurance privée.

b/aa. La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d'ordre économique » mentionnée à l’art. 32 al. 1 LACI.

Ces facteurs d'ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 127 consid. 1.3 p. 128; 2000 p. 53 consid. 4a p. 56 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 (RUBIN, op. cit. n. 6 ad art. 31 et les références citées). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l'entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l'existence d'un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

b/bb. L'art. 32 al. 3 phr. 1 permet d’accorder l’indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu’économiques, dans certains cas appelés « cas de rigueur ». Cet alinéa s'écarte en conséquence de la logique du système d'indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des situations qui compliquent ou empêchent l’activité économique et impliquent des risques d'exploitation suffisamment inhabituels pour qu'ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (ATF 138 V 333 consid. 3.2; voir également, parmi d’autres, RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 32).

En d’autres termes, dans les cas de rigueur prévus par les art. 32 l. 3 phr. 1 et 51 OACI, l’employeur est empêché d’exercer une activité économique et, par conséquent, en raison d’une telle entrave, soumis à des risques d’exploitation inhabituels qu’il ne peut assumer seul (voir par exemple le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne 200.2020.6011.AC du 16 novembre 2020, conid. 4.3 a contrario).

b/cc. La seule présence d'un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n'est pas suffisante pour conduire à une indemnisation.

Lorsque la perte de travail est due à l'un des motifs de l'art. 33 LACI, l'indemnisation est exclue. Ainsi, même lorsque les critères des art. 31 et 32 LACI (voire de l’art. 51 OACI) sont réalisés, si l'une des conditions de l'art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d'un risque normal d'exploitation, l'indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 1 et 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

C’est le lieu de préciser, dans ce contexte, que le SECO considère que l’apparition inattendue d’un nouveau type de coronavirus et ses conséquences ne font pas partie du risque normal d’exploitation (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/08 du SECO du 1er juin 2020, actualisant les règles spéciales dues à la pandémie, dans sa version en vigueur du 1er mars au 31 août 2020, p. 1 et 5, ici pertinente).

6.        a. Le droit à l’indemnité en cas de RHT est réservé aux travailleurs tenus de cotiser à l’assurance-chômage (art. 31 al. 1 let. a LACI) et dont le contrat n’a pas été résilié (art. 31 al. 1 let. c LACI).

La qualité de travailleur selon l'art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l'AVS, et non pas du statut de l'employeur (communauté et établissement public d'une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d'autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2).

Le personnel des services publics n’est donc pas d’emblée exclu du droit à l’indemnité en cas de RHT. Pour cette catégorie d’employés, l’accès est toutefois limité pour des motifs ayant trait au statut du personnel concerné et au risque restreint de fermeture auquel les entités administratives sont généralement exposées (ATF 121 362 consid. 3a et RUBIN, op. cit., n° 20 ad art. 31).

L'indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d'éviter le chômage complet des travailleurs - soit leur congé ou leur licenciement -, d'une part, de maintenir simultanément les emplois dans l'intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d’autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l'employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d'assumer un risque propre d'exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n'existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d'être déplacés dans d'autres secteurs. En revanche, compte tenu des formes multiples de l'action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c'est de savoir si, par l'allocation de l'indemnité, un licenciement - respectivement une non-réélection - peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

b/aa. C'est à brève échéance que le versement de l'indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s'agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI ; ATF 121 V 362 consid. 3b).

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l'allocation de l'indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d'un statut de fonctionnaire ou d'un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme - éventuellement à moyen terme - à la suppression d'emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances rendu le 26 mai 1994 dans la cause Commune de H, paru in DTA 1993/1994 n° 18 p. 140 ss).

b/bb. Le droit à l’indemnité en cas de RHT suppose que la perte de travail soit due à un motif économique susceptible de mettre l’existence de l’entreprise en danger (art. 32 al. 1 let. a LACI ; RUBIN, op. cit., n° 22 ad art. 31 ; voir SVR 1995 ALV n° 28 consid. 4a en matière de cas de rigueur). À l'évidence, cette condition ne saurait être remplie si l'entreprise ne court aucun risque propre d'exploitation, à savoir un risque économique où l'existence même de l'entreprise est en jeu, p.ex. le risque de faillite ou le risque de fermeture de l'exploitation. Or, si l'entreprise privée risque l'exécution forcée, il n'en va pas de même du service public, dont l'existence n'est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’on ne pouvait juger de la nécessité d’une RHT sans tenir compte du statut juridique de l’employeur, des mandats qui lui sont confiés par les pouvoirs publics et de sa situation financière. En règle générale, le droit à l’indemnité n’existe pas lorsque l’employeur n’endosse pas à proprement parler de risque d’exploitation, c’est-à-dire lorsqu’il doit remplir son mandat légal, indépendamment de la situation conjoncturelle et d’un éventuel déficit, celui-ci étant pris en charge par les pouvoirs publics (arrêt du Tribunal fédéral des assurances rendu le 9 janvier 1997 dans la cause Eidg. Flugzeufwerk E, paru in DTA 1996/1997 n° 22 p. 123 ss).

Concrètement, lorsque la loi impose que l’administration concernée accomplisse une tâche déterminée, l’existence du service devant accomplir la tâche ne peut généralement pas être remise en cause à brève échéance compte tenu de la durée des procédures législatives. S’y ajoute le fait qu’un service administratif ne risque en principe pas de devoir fermer ses portes en cas de manque de travail ou de pertes financières. Son financement, au travers de l’impôt, garantit d’éventuels découverts. Un service administratif ne court par conséquent en principe pas un risque propre d’exploitation. Toutefois, il n’est pas exclu que certaines unités administratives soient soumises à restructuration en cas de problèmes économiques et puissent ainsi être exposées aux mêmes risques que les entreprises privées (RUBIN, op. cit., n° 22 ad art. 31).

7.        L'indemnité pour cause de RHT s'élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). Elle doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), moyennant un délai d'attente de trois jours au maximum (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 OACI), étant toutefois précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

8.        Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : Covid-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

a. Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24). Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment interdit les activités présentielles dans les écoles, les hautes écoles et les autres établissements de formation (art. 5).

En application de l’art. 5 précité, notamment, le Conseil d’Etat genevois a, par arrêté du 13 mars 2020 relatif à la fermeture des structures d’accueil préscolaire, des établissements scolaires publics et privés ainsi que des hautes écoles sur le territoire de la République et canton de Genève, ordonné la fermeture de toutes les structures d’accueil préscolaire, de tous les établissements scolaires publics et privés ainsi que de toutes les hautes écoles sises sur le territoire de Genève, et ce du 16 mars 2020 à 6h jusqu’au 8 avril 2020 inclus (art. 1). Un service d’accueil minimum devait toutefois être organisé par les structures d’accueil préscolaire (art. 2). La fermeture de ces établissements a, par la suite, été prolongée jusqu’au 26 avril 2020 (arrêté du Conseil d’Etat genevois du 9 avril 2020 prolongeant l’arrêté du 13 mars 2020 relatif à la fermeture des structures d’accueil préscolaire, des établissements scolaires publics et privés ainsi que des hautes écoles sur le territoire de la République et canton de Genève).

Le 16 mars 2020, le Conseil fédéral a nuancé la fermeture des crèches, considérant que celles-ci ne pouvaient être fermées que si les autorités compétentes prévoyaient des offres d’accueil de remplacement adéquates (art. 5 al. 4 entré en vigueur le 17 mars 2020).

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars. Dès cette date, les structures d’accueil préscolaire, notamment, ont pu rouvrir (voir art. 2 de l’arrêté du 23 avril 2020 du Conseil d’Etat de Genève modifiant les arrêtés des 13 mars et 9 avril 2020 relatifs à la fermeture des structures d’accueil préscolaire, des établissements scolaires publics et privés ainsi que des hautes écoles sur le territoire de la République et canton de Genève).

b. Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures en matière d'assurance-chômage.

Le 20 mars 2020, sur la base de l'art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures dans le domaine de l'assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19 ; ordonnance COVID-19 assurance-chômage – RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020. En substance, dès le 17 mars 2020, le cercle des bénéficiaires des indemnités RHT a notamment été élargi au conjoint ou au partenaire enregistré de l'employeur (art. 1) ainsi qu’aux personnes fixant les décisions prises par l'employeur (art. 2). Plus aucun délai d'attente ne devait être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et l'employeur pouvait demander le versement de l'indemnité en cas de RHT sans devoir l'avancer (art. 6), ces mesures devant permettre aux entreprises concernées de disposer de liquidités supplémentaires pendant la durée de la situation extraordinaire (rapport explicatif du SECO relatif à ladite ordonnance, p. 7).

9.        L'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée à plusieurs reprises, en particulier le 9 avril 2020, avec effet rétroactif au 1er mars 2020 (art. 9).

Sur la base de l’ordonnance 2 Covid-19 ou du fait de la fermeture des structures d’accueil, de nombreux parents sont restés à la maison et ont gardé leur(s) enfant(s). Ils ne les ont donc plus envoyés dans la structure d’accueil. Ces parents étaient d’avis que vu l’absence de leur(s) enfant(s), ils ne devaient pas payer les coûts à leur charge quand bien même les contrats de garde restaient en vigueur. Confrontés à de telles situations, les cantons ont réagi de manière différente : pour une partie des cantons, les parents devaient continuer à payer la contribution même si leur(s) enfant(s) n’étai(en)t plus ou ne pouvai(en)t plus être gardé(s). La plupart des parents n’ont toutefois pas compris cette exigence et ont refusé de payer. D’autres cantons ont autorisé les parents qui gardaient leur(s) enfant(s) à la maison à suspendre le paiement de leur contribution. Dans ce cas, ce sont les prestataires qui se sont indignés et qui ont exigé le respect des contrats. Si certains cantons ont octroyé des aides financières, d’autres ont laissé le soin aux parents et aux prestataires de trouver une solution. Pour de nombreuses institutions d’accueil, les pertes financières dues à l’absence des contributions des parents en raison du coronavirus ont menacé leur existence. Quand bien même les institutions ont pu être soulagées financièrement grâce aux indemnités de RHT pour leurs employés notamment, des déficits sont apparus en raison des frais fixes et du fonctionnement desdites institutions qui ne pouvaient être utilisés de manière optimale en raison de la situation. Compte tenu de l’importance de l’accueil extra-familial des enfants et du fait que dès que les mesures liées au coronavirus seront levées, les places d’accueil feront de nouveau face à une très forte demande, le parlement suisse a chargé le Conseil fédéral d’édicter une ordonnance permettant à la Confédération de soutenir financièrement les institutions d’accueil, conjointement avec les cantons et éventuellement avec les communes, pour la perte de revenus résultant de la crise liée au coronavirus (commentaire de l’OFAS de l’Ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques des mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) sur l’accueil extra-familial institutionnel pour les enfants p. 2 et 3 ; ci-après : le commentaire de l’OFAS).

Le 20 mai 2020, le Conseil fédéral a ainsi adopté l’Ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques des mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Covid-19) du 20 mai 2020 (ci-après : l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants ; RS 862.1). D’après son art. 1, ladite ordonnance a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19) dans le domaine de l’accueil extra-familial institutionnel pour enfants, de prévenir les dommages durables aux institutions et ainsi contribuer au maintien de l’offre d’accueil (al. 1). Les mesures prévues par l’ordonnance complètent celles des cantons et des communes dans le domaine de l’accueil extra-familial institutionnel pour enfants (al. 2). Elles ne s’appliquent que si d’autres mesures fédérales relatives aux conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus ne sont pas déjà appliquées dans le domaine de l’accueil extra-familial institutionnel pour enfants (al. 3). Par structures d’accueil collectif de jour, l’ordonnance entend les structures qui accueillent des enfants d’âge préscolaire (art. 2 let. b de l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants).

Selon l’art. 3 de l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants, les mesures de soutien prévues consistent en des indemnités pour pertes financières en faveur des institutions d’accueil extra-familial pour enfants (al. 1). Les institutions qui sont exploitées par les pouvoirs publics ne reçoivent pas d’indemnités (al. 2).

L’art. 4 de l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants prévoit que les cantons octroient, sur demande, des indemnités pour pertes financières sous forme d’aides financières aux institutions d’accueil extra-familial pour enfants pour compenser les contributions de garde d’enfants non versées par les parents durant la période s’étendant du 17 mars 2020 au 17 juin 2020 (al. 1). Sont considérées comme contributions des parents non perçues pour la garde d’enfants, les contributions que les parents doivent payer aux institutions après déductions des subventions ordinaires du canton et des communes, même s’ils n’ont pas eu recours aux prestations de garde d’enfants en raison des mesures de lutte contre le coronavirus (al. 2). Les institutions qui demandent une indemnisation pour pertes financières doivent rembourser aux parents les contributions perçues pour les prestations de garde d’enfants auxquelles ils n’ont pas eu recours durant la période s’étendant du 17 mars 2020 au le 17 juin 2020 (al. 3). L’indemnisation couvre 100 % des contributions des parents non perçues pour la garde des enfants. Les compensations des charges salariales prévues par les assurances sociales ainsi que les éventuelles autres prestations mises en œuvre par la Confédération pour atténuer les conséquences économiques des mesures de lutte contre le coronavirus sont déduites du montant de l’indemnisation (al. 4).

L’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants est entrée vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020 et a eu effet pendant six mois à compter de la date de l’entrée en vigueur (art. 7). Elle a été abrogée le 17 septembre 2020.

L’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants a un rôle subsidiaire (cf. commentaire de l’OFAS ad Art. 1 al. 2 et 3 et Directives de l’OFAS concernant l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants, p. 1). Cette ordonnance ne s’applique donc que dans la mesure où d’autres mesures prises par la Confédération pour lutter contre les conséquences économiques du coronavirus ne sont pas déjà appliquées dans le domaine de l’accueil extra-familial institutionnel pour enfants. Concrètement, cela signifie notamment que les compensations des charges salariales prévues par les assurances sociales (indemnités en cas de RHT, allocations pour perte de gain) sont déduites des indemnités pour pertes financières. Les compensations prévues par les assurances sociales doivent être demandées au préalable par les requérants, dans la mesure où ils y ont droit, dans le cadre de leur obligation de réduire le dommage. Si les requérants ont renoncé à déposer une telle demande, le canton décide si un montant fictif à hauteur des prestations attendues doit être déduit du montant des indemnités (Directive de l’OFAS concernant l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants, p. 1). Par ailleurs, conformément à l’art. 3 al. 2 de l’ordonnance précitée, les institutions qui sont gérées par des organismes privés mais qui reçoivent des subventions des pouvoirs publics peuvent recevoir des indemnités pour pertes financières (commentaire de l’ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants, Ad Art. 3 al. 2 p. 4).

10.    En l’espèce, la recourante est une association de droit privé, subventionnée à plus de 50% par la Ville de Genève (voir art. 5 al. 8 et 9 du contrat de prestations du 26 novembre 2019). Comme elle a subi une perte sur écolage de CHF 491'073.- (sic ; pièce 12, rec.), l’Etat de Genève lui a accordé, par décisions du 14 septembre 2020, en application des art. 3 et 4 de l’ordonnance Covid-19 accueil extra familial pour enfants notamment, le soutien financier suivant pour ses différentes structures d’accueil :

 

EVE C______

CHF 167'942.-

EVE B______

CHF 85'424.-

Crèche familiale D______

CHF 90'993.-

Structure d’accueil de la petite enfance G______

CHF 64'886.-

Structure d’accueil de la petite enfance F______

CHF 81'928.-

TOTAL

CHF 491'173.-

L’entier de la perte sur écolage ayant été compensé par le soutien financier de l’Etat de Genève, la question de l’intérêt à recourir peut se poser. En effet, la recourante se retrouve dans la même situation que celle qui prévaudrait si tous les parents avaient payé l’écolage de leur(s) enfant (s). Or, dans un tel cas, la question d’une RHT ne se serait pas posée. La question de l’intérêt à recourir se pose donc.

Force est toutefois de constater que, conformément à l’art. 1 al. 3 de l’Ordonnance Covid-19 Accueil extra-familial pour enfants, les décisions du 14 septembre 2020 précisent toutes « que l’indemnisation des pertes financières selon l’ordonnance Covid-19 accueil extra-familial pour enfants est subsidiaire à toutes les autres prestations publiques visant à atténuer les conséquences économiques du coronavirus » et que les décisions en questions peuvent être révoquées en tout temps et la restitution de tout ou partie de l’aide financière accordée exigée. Par ailleurs, dans l’hypothèse où la structure d’accueil aurait renoncé à déposer une demande, en matière de RHT par exemple, les cantons pourraient calculer le montant de l’aide financière en prenant en considération un montant fictif correspondant aux prestations attendues.

Compte tenu du risque de remboursement, la recourante dispose d’un intérêt actuel à recourir contre la décision de l’OCE lui refusant des indemnités pour RHT.

11.    En l’occurrence, dans la décision sur opposition entreprise datée du 22 mai 2020, l’intimé s’est opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que la recourante n’assumait pas de risque entrepreneurial ou de faillite, les pertes résultant de son activité étant couvertes par des moyens publics, conformément à la directive 2020/06 du SECO du 9 avril 2020. Pour sa part, la recourante conteste la position de l’intimé, considérant que la directive précitée n’est pas valable. S’ajoutait le fait qu’elle avait conclu des contrats de travail de droit privé avec ses employés, lesquels n’avaient par conséquent pas de statut particulier. Enfin, la loi cantonale n’imposait pas aux communes de garantir toute perte d’exploitation.

12.    En premier lieu, il s’agit d’examiner la validité de la directive 2020/06 du SECO, adoptée par ce dernier en tant qu’autorité de surveillance et destinée aux organes d’exécution en matière d’assurance-chômage.

a. A teneur de la directive 2020/06 du SECO du 9 avril 2020, le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois dans des entreprises dans lesquelles ils risquent de disparaître en raison d’une évolution économique défavorable. Une condition essentielle du droit à l’indemnité est le risque de disparition d’emplois. De nombreuses entreprises de droit public n’assument pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu’elles doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l’activité de l’entreprise sont couverts par des moyens publics, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres moyens financiers. Il n’existe pas dans ces cas de risque de disparition d’emplois. Si les éventuelles évolutions économiques négatives ne conduisent pas à la disparition d’emplois, et cela en raison de la structure organisationnelle des institutions de droit public (règles en matière de subventions, garantie d’État dans les mandats de prestations, etc.), l’indemnité ne servirait pas à remplir le but qui lui est assigné.

Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord. L’élément déterminant est, s’il figure dans l’accord dans quelle mesure l’institution publique garantit les coûts (p. ex. par des subventions) et si, par conséquent, le risque de disparition d’emplois est inexistant même lorsqu’il n’est pas possible de couvrir les coûts d’exploitation de l’entreprise. Cela peut concerner des grandes comme des petites entreprises (p. ex. si la piscine d’une commune est tenue par des privés ou une association mais que la commune ne fournit pas de garantie en cas de déficit). Le seul élément déterminant est de savoir si, en raison de la situation juridique, il existe un risque immédiat de disparition d’emplois.

Les entreprises de droit public comme les associations ou les employeurs privés qui exploitent une entreprise ou fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique doivent montrer qu’ils sont confrontés à un risque immédiat de disparition d’emplois malgré les accords existant avec l’institution publique qui les mandate. S’ils ne parviennent pas à le faire de manière crédible, il convient de s’opposer au versement de l’indemnité en cas de RHT.

b. Destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les directives de l'administration n'ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés ni les tribunaux; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110) et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité; elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 132 V 121 consid. 4.4 et les références; ATF 131 V 42 consid. 2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1).

13.    En l’espèce, la recourante conteste la validité de la directive 2020/06 du 9 avril 2020 du SECO, considérant qu’elle ne repose sur aucune disposition de la loi ou de l’ordonnance.

Certes, les dispositions légales en matière de RHT ne prévoient pas de réglementation particulière concernant les entreprises de droit public et les secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique.

Cela étant, le Tribunal fédéral des assurances a abordé cette problématique dans les arrêts qu’il a rendus le 26 mai 1994 dans la cause Commune de H (publié in DTA 1993/1994 n° 18 p. 140 ss), le 9 janvier 1997 dans la cause Eidg Flugzeugwerk E (publié in DTA 1996/1997 n° 22 p. 123 ss), ainsi qu’à l’ATF 121 V 362, arrêts dans lesquels les art. 31 al. 1 let. b et 2 et 32 al. 1 let. a LACI ont été examinés et précisés. De plus, les principes énoncés par le Tribunal fédéral en ce qui concerne le cas particulier des employés des secteurs publics ont également été repris par la doctrine (voir notamment RUBIN, op.cit, n° 20ss ad art. 31 et n° 9 ad art. 32).

La directive 2020/06 du 9 avril 2020 ne fait en réalité que préciser les principes développés par le Tribunal fédéral et déjà repris par la doctrine, de sorte qu’il n’existe aucun motif pour considérer que ladite directive serait contraire à la loi.

Dans tous les cas, le présent litige peut être tranché sans qu’il ne soit nécessaire de se référer à la directive contestée.

14.    En raison des mesures prises par les autorités tant fédérales que cantonales, la recourante a été contrainte de fermer ses crèches. L’association a, par conséquent, éprouvé une perte de travail due à des mesures prises par les autorités au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur doivent être considérées comme réalisées. Il n’est pas non plus contesté que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, de sorte qu’il n’y a pas non plus de motif d’exclusion au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, seul pertinent en l’espèce.

Il reste toutefois à déterminer si la recourante est éligible à recevoir l’indemnité en cas de RHT compte tenu du statut de son personnel et du risque restreint de fermeture auquel les institutions subventionnées par des entités publiques sont généralement exposées (cf. RUBIN, op cit., n. 20 ad art. 31 LACI ; ATAS/1121/2020 consid. 9).

15.    En premier lieu, il s’agit d’examiner la question du statut du personnel de la recourante et plus particulièrement celle de la condition d’un risque de licenciement à brève échéance, étant rappelé que pour cet examen, il convient de se placer au moment de la décision litigieuse et de raisonner de manière prospective sur la base des faits tels qu'ils se sont déroulés jusqu'alors (ATF 121 V 362 consid. 1b ; DTA 1993/1994 p. 142 consid. 4b).

Dans ce contexte, la recourante allègue que ses employés sont liés par un contrat de travail de droit privé, ne comportant aucun privilège de droit public (recours du 22 juin 2020, ch. 32 et ss.). L’intimé ne s’est, pour sa part, pas prononcé sur ce point.

a/aa. Le chapitre VI du règlement relatif à l’accueil préscolaire en Ville de Genève et aux conditions d’octroi des subventions aux structures d’accueil (LC 21 551 ; ci-après : le règlement), adopté le 20 avril 2016 par le conseil administratif de la Ville de Genève, comporte notamment les conditions liées au personnel.

A teneur de l’art. 17 du règlement précité, le personnel des structures d’accueil est engagé par le comité de l'association ou le conseil de la fondation concernée qui agit en tant qu'employeur (al. 1). Le statut du personnel et l'échelle des traitements sont fixés par la convention collective de travail signée par les représentants des employeurs et des employés des structures d’accueil. Ils sont complétés par des cahiers des charges-types qui sont élaborés en concertation avec le service de la petite enfance (SDPE) (al. 2). Le(la) magistrat(e) délégué(e) doit approuver les modifications de la CCT avant leur entrée en vigueur. Au besoin, il en est référé au Conseil administratif (al. 3). Quant à l’art. 18 du règlement, il prévoit que les structures d’accueil sollicitent le préavis du SDPE avant de procéder à l'engagement et au licenciement de leur personnel (al. 1). Le SDPE participe à la procédure de recrutement et préavise l’engagement des cadres des structures d’accueil (al. 2). En cas de non-respect de son préavis, le SDPE n'est pas lié par l'engagement et n'est pas tenu d'en garantir le subventionnement (al. 3).

a/bb. La convention collective de travail du personnel des structures d’accueil de la petite enfance (ci-après : la CCT), à laquelle il est fait référence à l’art. 17 al. 2 du règlement et qui s’applique à l’égard de la recourante en sa qualité de membre de la Fédération genevoise des institutions de la petite enfance (FGIPE) signataire de la convention, prévoit à son art. 5, s’agissant de la résiliation des rapports de travail, que sous réserve de résiliation pour justes motifs avec effet immédiat, les délais de résiliation ordinaires sont les suivants : a) au terme de la période d’essai et durant la 1ère année de service : 1 mois pour la fin d’un mois b) au terme de la 1ère et durant la 2ème année de service : 2 mois pour la fin d’un mois et c) dès la 3ème année de service : 3 mois pour la fin d’un mois. Le congé est notifié par lettre recommandée. Sur demande de l’intéressé(e), les motifs doivent être fournis par écrit.

Par ailleurs, selon l’art. 10 CCT, les parties signataires de la convention s’engagent d’une part à éviter les suppressions de postes dans la mesure du possible et d’autre part, en cas de suppression de poste inévitable, à tout mettre en œuvre pour faciliter le réengagement du-de la salarié(e) dans un poste similaire dans l’une des structures d’accueil de la petite enfance signataires de la CCT. a) L’employeur peut néanmoins licencier moyennant un préavis de 4 mois pour la fin d’un mois, tout employé(e) dont le poste est supprimé et dont il s’avère impossible de l’affecter à un autre emploi correspondant à ses aptitudes et à ses capacités au sein des structures d’accueil de la petite enfance. b) L’employé(e) licencié(e) reçoit alors une indemnité correspondant à 2 mois de salaire. c) Les organisations syndicales et les associations professionnelles sont avisées immédiatement des suppressions de postes envisagées.

b/aa. Lorsque les rapports de service sont soumis au droit public, la résiliation est assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 16).

b/bb. La suppression de poste constitue un cas spécial de licenciement lorsque la personne dont le poste est supprimé n'est pas reclassée dans une autre fonction. Elle doit être justifiée par des motifs objectifs, comme la suppression d'un poste d'enseignant ensuite de la diminution des effectifs scolaires. Il peut également se produire que certains services soient supprimés, qu'une rationalisation du travail ou une recherche d'économie rendent des postes de travail inutiles. Il doit s'agir d'une réelle suppression de fonction, justifiée par des motifs objectifs d'organisation de l'administration publique et non d'un simple prétexte utilisé dans le but de se séparer sans trop de difficultés d'un collaborateur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_454/2019 du 20 mai 2020 consid. 3.1.2 ; ATA/608/2020 précité consid. 5b ; ATA/885/2020 du 15 septembre 2020 consid. 5b ; ATA/163/2011 du 15 mars 2011 consid. 6b).

b/cc. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est l’une des expressions du principe de la proportionnalité. Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (art. 36 al. 3 Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2; ATA/806/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4c; ATA/223/2010 du 30 mars 2010 consid. 10b).

Selon la jurisprudence, lorsque la loi prescrit à l'État de ne pas licencier une personne qu'il est possible de reclasser ailleurs, elle ne lui impose pas une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui. En outre, l'obligation de l'État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel dont le poste est supprimé se double, corrélativement, d'une obligation de l'employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l'administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/679/2017 du 20 juin 2017 consid. 7c ; ATA/298/2016 du 12 avril 2016 consid. 5b ; ATA/128/2015 du 3 février 2015 consid. 4).

c/aa. A teneur de l’art. 335c al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), le contrat de travail peut être résilié pour la fin d’un mois moyennant un délai de congé d’un mois pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement.

c/bb. En matière de droit du travail (soumis aux dispositions du CO), les motifs économiques de licenciement se définissent comme des motifs non inhérents à la personne du salarié, c'est-à-dire des raisons liées à la situation économique de l'entreprise, comme sa fermeture totale ou partielle, sa restructuration ou sa rationalisation, qui rendent nécessaires la suppression ou la modification de postes de travail. Ils se distinguent des motifs inhérents à la personne de l'employé (ACAPH/46/2007 du 14 mars 2007 consid. 3.3.3, in JAR 2008 p. 390 et les références citées).

16.    En l’occurrence, un éventuel licenciement aurait été prononcé non pas en raison d’un motif inhérent à la personne de l’employé mais en raison de la situation économique de la recourante et des pertes qu’elle aurait subies du fait de la fermeture des crèches et, partant, du défaut de participation des parents. En d’autres termes, que l’on retienne les principes applicables en matière de droit public ou ceux prévalant en droit privé, en licenciant ses employés pour des motifs économiques, la recourante aurait en réalité procédé à une suppression de poste.

La question qui se pose dès lors dans ce contexte est celle de savoir si ce licenciement aurait pu être effectué à brève échéance, à savoir conformément aux disposition de l’art. 335c CO, ou si les dispositions légales ainsi que celles de la CCT prévoient des délais plus longs.

Force est de constater, en premier lieu, que ni le règlement ni la CCT ne confèrent la qualité de fonctionnaire - pour qui le principe de reclassement est applicable - aux employés de la recourante, les rapports de travail étant régis par le droit privé (voir dans ce sens l’ATA/986/2018 du 25 septembre 2018 consid. 6).

Cependant, contrairement à ce que prétend la recourante, ce ne sont pas les règles de l’art. 335c CO qui s’appliquent, mais la procédure spéciale en cas de suppression de poste prévue par les art. 18 du règlement communal et 10 CCT. En effet, comme indiqué précédemment, un licenciement pour motifs économiques est en principe signifié à un employé en raison de la suppression de son poste. Or, dans un tel cas, conformément à la procédure prévue aux art. 18 al. 1 du règlement et 10 CCT, la recourante doit favoriser le réengagement, auprès d’une autre structure d’accueil, des collaborateurs dont elle veut supprimer le poste. Ce n’est qu’en l’absence de réengagement que le licenciement peut être prononcé moyennant un délai de congé de quatre mois pour la fin d’un mois et ce après avoir obtenu le préavis du SDPE.

Cette procédure de réengagement est en réalité similaire à la procédure de reclassement existant pour les fonctionnaires, de sorte que la question d’un statut analogue à celui des fonctionnaires, leur apportant une certaine protection en cas de suppression de postes, peut se poser (voir dans le même sens l’ATAS/1121/2020 du 19 novembre 2020, concernant des collaborateurs liés à leur employeur par un contrat de droit public, mais ne bénéficiant pas d’un statut de fonctionnaire, pour lesquels une procédure de reclassement est prévue en cas de suppression de postes).

La question du statut analogue à celui des fonctionnaires et celle du risque de licenciement à brève échéance peuvent toutefois rester ouvertes, dès lors que la recourante est de toute manière exposée à un risque restreint de fermeture comme cela ressort des considérations suivantes.

17.    a/aa. A Genève, jusqu'au 9 janvier 2004, la politique de la petite enfance était réservée aux communes. Constatant le manque de places de garde pour les enfants en âge préscolaire et les différences d’investissement entre les communes, le canton de Genève a souhaité prendre part à la politique de la petite enfance (Commentaire article par article, ad art. 1, in MGC 2002-2003/VI A 3210 et 3216).

Ainsi, le 10 janvier 2004, est entrée en vigueur la loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour (LSAPE ; RS J 29). Concrètement, dès cette date, le canton était notamment chargé d’autoriser et de surveiller les structures d’accueil préscolaire (art. 3 al. 1 LSAPE). S’agissant des communes, elles devaient offrir des places d’accueil dans les différents modes de garde pour les enfants de 0 à 4 ans, limite portée à 12 ans pour l’accueil familial de jour (art. 4 al. 1 LSAPE). Le canton subventionnait la création de nouvelles places d’accueil et le fonctionnement de structures existantes (art. 3 al. 2) Les communes assuraient, quant à elles, le financement des places d’accueils après déduction de la participation des parents, des subventions cantonales ainsi que des éventuelles autres recettes (art. 4 al. 2). Les subventions octroyées par le canton ont été supprimées avec effet au 12 février 2008. L’art. 3 al. 2 LSAPE a donc été supprimé et l’art. 4 al. 2 LSAPE a été modifié en ce sens que les communes assurent le financement des places d’accueils après déduction de la participation des parents et d’éventuelles autres recettes.

Certaines communes disposaient d’un règlement concernant la collaboration avec les structures d’accueil préscolaires. D’autres avaient établi des contrats de prestations. Certaines, enfin n’avaient pas formalisé cette collaboration (PL 12197, commentaire article par article, commentaire de l’art. 6, p. 38).

La Ville de Genève a formalisé sa collaboration avec les structures d’accueil préscolaires non seulement dans un règlement mais également dans des contrats de prestations.

a/bb. Constatant que depuis son entrée en vigueur, en 2004, la LSAPE n’avait jamais pu atteindre son objectif principal qui était notamment celui d’adapter l’offre de places d’accueil à la demande et que suite à la modification, en 2008, de la responsabilité du financement public, avec le retrait du financement du canton, les communes devenant seules responsables, l’assemblée constituante a souhaité ne pas mettre obligatoirement toute la charge financière sur les communes (IN 143- D PL 10895 p. 2 et 8), raison pour laquelle l’art. 202 de la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) a été adopté. Selon cette disposition, les communes ou groupements de communes financent la construction et l’entretien des structures d’accueil de jour (al. 1). Le canton et les communes ou groupements de communes en financent l’exploitation après déduction de la participation des parents et d’éventuelles autres recettes (al. 2).

Ce cadre général a été précisé dans une loi d’application, la loi cantonale sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr ; J 6 28 ; PL 1297 p. 20), qui a abrogé la LSAPE. Ainsi, depuis le 1er janvier 2020, l’art. 8 LAPr prévoit que les communes, ou groupements de communes, financent la construction et l’entretien des structures d’accueil préscolaire qu’elles exploitent ou subventionnent (al. 1). Elles en financent l’exploitation après déduction de la participation des parents, du canton et des autres recettes (al. 2). Quant au canton, il participe au financement de l’exploitation des structures d’accueil préscolaire à prestations élargies et des structures de coordination de l’accueil familial de jour subventionnées ou exploitées par les communes (art. 9 al. 1).

b. Sur le plan communal, l’art. 14 du règlement prévoit que les structures d’accueil, qui sont organisées sous la forme de personnes morales de droit privé ou de droit public (al. 1), doivent respecter les conditions posées par la loi cantonale concernant l’attribution de subventions aux institutions recevant des enfants d’âge préscolaire (LASIEP ; J 6 30) et son règlement d’application (RASIEP ; J 6 30.01) (al. 3). Elles doivent avoir signé avec la Ville de Genève un contrat de prestations qui définit les obligations devant être remplies pour assurer la qualité requise et les exigences de la Ville de Genève en matière d’accueil d’enfants en âge préscolaire et d’usage de la subvention (al. 4). Elles adhèrent à la Fédération genevoise des institutions de la petite enfance (FGIPE) et aux contrats d’assurance conclus par celle-ci (al. 5).

Selon l’art. 21 al. 2 du règlement, une subvention peut être allouée uniquement aux conditions suivantes : a) un contrat de prestations, au sens de l’art. 14 al. 4 du règlement, a été signé avec la ville ; b) le montant est disponible dans le budget de la Ville ; c) la subvention a fait l’objet d’une décision d’octroi du ou de la magistrat-e délégué-e (al. 2).

La subvention d’exploitation est destinée à couvrir le déficit d’exploitation des structures d’accueil, strictement lié à l’activité d’accueil préscolaire déployée en conformité avec le contrat de prestation. Elle se calcule après déduction de la participation des parents et d’éventuelles autres recettes (art. 23 al. 1 du règlement). La subvention ne peut être augmentée en cours d’exercice, à moins d’une situation de force majeure. Dans un tel cas, il est procédé comme s’il s’agissait d’une nouvelle demande de subvention (art. 23 al. 3 du règlement).

c. Conformément aux art. 14 al. 4 et 21 al. 2 du règlement, la recourante et la Ville de Genève ont signé un contrat de prestations en date du 26 novembre 2019.

Selon ledit contrat, le subventionnement versé par la Ville vise à permettre l’exploitation, par la recourante, des lieux d’accueil d’enfants en âge préscolaire suivants : EVE B______, EVE C______, EVE G______, EVE F______, la Crèche familiale D______, le Jardin d’enfants E______ ainsi que l’exploitation de la cuisine de production « C______ » (art. 2 al. 1). Sauf convention contraire spécifique, la recourante met à disposition des places d’accueil destinées à des enfants en âge préscolaire, dont les demandes d’inscription lui ont été transmises par le Bureau d’information petite enfance (BIPE) (at. 5 a. 2). L’association conclut avec les représentants légaux des enfants accueillis un contrat-type d’accueil établi par le SDPE et assure l’encaissement des pensions selon les tarifs de prix de pension pour les parents usagers fixés par la ville. Elle adopte un règlement interne, préalablement approuvé par le SDPE (art. 5 al. 6). En sa qualité d’organisme privé subventionné à plus de 50% par une collectivité publique elle-même soumise à la réglementation sur la protection des données, la recourante respecte les dispositions y relatives et, en particulier, la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1), la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) et son règlement d’application (art. 5 al. 8) ainsi que la réglementation sur les marchés publics (art. 5 al. 9).

Par ailleurs, selon l’art. 10 al. 2 du contrat de prestations, après acceptation des comptes annuels de l’association, la Ville s’engage à verser à l’association le montant de l’éventuelle perte annuelle comptabilisée, étant précisé que selon l’art. 8 al. 1 de ce même contrat, les comptes sont remis au plus tard six mois après la date de clôture du dernier exercice. A teneur de l’art. 13, la Ville verse à l’association une subvention d’exploitation calculée sur son budget annuel, préalablement approuvé par le SDPE (al. 1). Sur demande documentée de l’association et selon les modalités fixées par le SDPE, la Ville peut verser exceptionnellement des montants supplémentaires (al. 3).

Le contrat est entré en vigueur le 1er janvier 2020 et arrivera à échéance le 31 août 2023. Par la suite, il se renouvellera d’année en année, sauf préavis donné par l’une ou l’autre des parties, dans les conditions de l’art. 20 (art. 16 al. 1 et 2).

Par ailleurs, selon l’art. 20 al. 3, le contrat de prestations est soumis au droit public.

d. L'interprétation des contrats de droit administratif se fait selon le principe de la confiance (ATF 135 V 237 ; 132 I 140 ; 129 II 420 ; 122 I 328), qui fait partie du principe de la bonne foi : une manifestation de volonté est interprétée dans le sens que, de bonne foi, son destinataire pouvait et devait lui donner, en fonction des circonstances qui, au moment de la conclusion du contrat, lui étaient connues ou qu'il aurait dû connaître. Il faut toutefois se souvenir que l'administration doit tenir compte de l'intérêt public. En cas de doute, il convient donc de présumer qu'elle n'a pas voulu conclure un contrat qui serait contraire à la loi ou à l'intérêt public et que son cocontractant s'en est rendu compte. Cela ne signifie cependant pas qu'une interprétation contraire au principe de la confiance devrait être choisie au motif qu'elle préserve mieux l'intérêt public (ATF 122 I 328 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1019). Les lacunes sont comblées selon des principes semblables. En effet, dans la pesée des intérêts en présence et dans la volonté présumée des parties, il y a lieu de tenir compte des exigences d'une saine gestion administrative (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 471 n. 3.2.4.1).

Selon la doctrine, en l'absence de réglementation administrative topique, le droit des obligations s'applique en tant que règles générales du droit à la conclusion, à l'interprétation, à l'exécution et à l'extinction des contrats de droit administratif (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Bâle 2014, n. 1105).

En cas de litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit dans un premier temps s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (art. 18 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Cette interprétation subjective des indices concrets ressortit à l'appréciation des preuves (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1). Si le juge constate que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il fait là une constatation de fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; ATF 131 III 606 consid. 4.1). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les volontés intimes divergent, le juge doit alors interpréter les déclarations et comportements selon le principe de la confiance, en recherchant comment ceux-ci pouvaient être compris de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation objective; ATF 144 III 93 consid. 5.2.3). L'interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; ATF 132 III 626 consid. 3.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2).

18.    En l’espèce, il ressort des dispositions réglementaires ainsi que de celles du contrat de prestations que la recourante est considérée comme étant d’utilité publique et que la Ville de Genève intervient à plusieurs égards dans son fonctionnement : établissement par le SDPE du contrat-type d’accueil qui sera signé par les représentants légaux des enfants accueillis, approbation par le SDPE du règlement interne de l’association, préavis du SDPE lors de l’engagement et du licenciement du personnel, transmission par le BIPE des demandes d’inscription, etc.

Conformément au contrat de prestations, la Ville de Genève intervient également de trois manière différentes dans le financement de la recourante : en versant une subvention principale (art. 13 al. 1), en augmentant le cas échéant cette subvention (art. 13 al. 3) et en prenant en charge la perte annuelle comptabilisée (art. 10 al. 2).

Quand bien même elle admet que la Ville de Genève doit prendre en charge la perte d’exploitation, la recourante est d’avis que la perte dont il est question doit être consécutive aux prestations d’accueil ou à la baisse des encaissements des prix de pension ou d’autres ressources, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors que le paiement des salaires ne représente pas une perte d’exploitation liée aux prestations d’accueil préscolaire ou à la baisse des encaissements des prix de pension ou d’autres ressources des structures d’accueils mais correspond à une perte découlant des décisions des autorités tant fédérales que cantonales.

Que ce soit sous l’empire de la LSAPE ou de la LAPr, le législateur a voulu obliger les communes à financer l’exploitation des structures d’accueil préscolaire (voir ATAS/676/2021 de ce jour). Chaque commune était toutefois libre de décider si elle entendait déléguer sa compétence en matière de petite enfance à une association ou à une fondation, avec subventionnement, ou si elle préférait municipaliser cette tâche (MGC 2010-2011 V A 4517 p.- 4517 ; voir également rapport de la commission des finances chargées d’étudier le projet de loi du Conseil d’état concernant la constitution d’une « Fondation communale du Grand –Saconnex pour la petite enfance », PL 7681).

La Ville de Genève, pour sa part, a décidé de déléguer sa compétence à une association, moyennant subventionnement, et de conclure, à chaque fois, un contrat de prestations, lequel doit donc être interprété en prenant en considération ce contexte.

S’agissant tout d’abord de la lettre du contrat, force est de constater que l’Académie française définit les termes « subvention » par « fonds que l’État, une société ou un mécène accorde à une entreprise pour la soutenir », « exploitation » par l’« action d’exploiter un bien, de le faire valoir, de le gérer, en vue d’en tirer un profit » et déficit par « montant de ce qui manque en espèces ou en crédit dans une caisse publique ou privée pour équilibrer les comptes entre les recettes et les dépenses ». Quant au Ministère français de la culture, il a notamment défini la notion de « dépenses d’exploitation ». Il s’agit des dépenses inhérentes à l’activité d’une entreprise, à l’exclusion des investissements. L’expression « dépenses d’exploitation » est utilisée plutôt par les entreprises industrielles et commerciales et l’expression « dépenses de fonctionnement » par les administrations et les associations (voir le site du Ministère français de la culture, http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=exploitation&france terme SearchDomaine=0&francetermeSearchSubmit=rechercher&action=search).

Dans le contexte du règlement et du contrat de prestation, la « subvention d’exploitation » vise donc à équilibrer les comptes de la recourante entre les recettes (frais de garde versés par les représentants légaux et subventions cantonales notamment) et les dépenses (charges, dont notamment les salaires des employés) afin de lui permettre de fonctionner, soit, en d’autres termes, de déployer son activité d’accueil préscolaire.

Dans l’hypothèse où la subvention accordée n’aurait pas été suffisante, le contrat de prestation prévoit non seulement une augmentation en cours d’année mais également la prise en charge de la perte annuelle comptabilisée. C’est dire que la Ville de Genève a prévu tous les mécanismes nécessaires pour couvrir les pertes de la recourante.

En raison de décisions prises par les autorités politiques, la recourante a dû fermer ses crèches et n’a plus été en mesure d’accueillir les enfants. De ce fait, les parents ne se sont plus acquittés des frais de garde, ce qui a entraîné une diminution des recettes. Certes, la perte a été éprouvée en raison des décisions politiques. Force est toutefois de constater que la perte éprouvée s’inscrit dans le cadre de l’activité habituelle, que la recourante n’a, malgré elle, pas pu proposer et non dans le contexte d’activités annexes qui sortiraient du cadre de l’accueil préscolaire.

Le fait qu’elle prenne en charge la perte annuelle qu’après acceptation des comptes ne permet pas non plus de s’écarter de ce qui précède, l’approbation des comptes étant de toute évidence prévue pour que la Ville de Genève puisse s’assurer que les subventions aient été utilisées conformément à leur but. En effet, selon l’art. 8 al. 1 du contrat, au plus tard six mois après la date de clôture du dernier exercice, l’association remet à la Ville tous les documents relatifs au contrôle des comptes et à l’utilisation de la subvention, en application des règles de l’article 28 du Règlement. De plus, le contrat de prestations interdit à la recourante de redistribuer la subvention, sous quelque forme que ce soit, à des organismes tiers (art. 11). L’approbation des comptes avant prise en charge d’une perte supplémentaire vise ainsi simplement à s’assurer que ladite perte ne soit pas due à une mauvaise affectation des subventions.

Enfin, c’est le lieu de relever que dans l’ATAS/676/2021 précité de ce jour, la chambre de céans est arrivée à la même conclusion sur la base de l’art. 8 LAPr, entré en vigueur le 1er janvier 2020, lequel prévoit en substance l’obligation des communes ou groupements de communes de mettre à disposition les fonds nécessaires au bon fonctionnement des structures d’accueil, couvrant par-là ce qui ne l’est pas par les recettes réalisées. En d’autres termes, les communes doivent couvrir le déficit des structures d’accueil à qui elles ont délégué les tâches en matière de petite enfance.

19.    En résumé, il ressort de ce qui précède que les structures d’accueils font partie intégrante de la politique de la petite enfance du canton de Genève. Elles sont d’utilité publique. De toute évidence, les structures d’accueil doivent remplir leur mandat indépendamment de la situation conjoncturelle et d’un éventuel déficit. Retenir le contraire reviendrait à autoriser, dans un contexte conjoncturel difficile, la fermeture de certaines structures, alors même qu’il manque 3'000 à 4'000 places de crèche dans le canton de Genève (PL 12197, exposé des motifs, p. 24).

Du reste, la Ville de Genève a bien compris que le financement incombait aux communes, dès lors qu’elle fait signer aux différentes associations un contrat de prestations, prévoyant, à son art. 10 al. 4, qu’elle prend en charge l’éventuelle perte annuelle comptabilisée (cf. exemplaire-type du contrat publié à l’adresse suivante : https://www.geneve.ch/sites/default/files/fileadmin/public/Departement_5/Publications/2019/contrat-prestations-modele.pdf et contrat de prestations signé le 26 novembre 2019) et qu’elle a, de l’aveu-même de la recourante, « avancé » les salaires.

20.    Enfin, la recourante a également soulevé l’existence d’une inégalité de traitement, certaines structures ayant bénéficié d’indemnités en cas de RHT alors même qu’elles étaient subventionnées.

a. Le principe de l'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114 et les arrêts cités). Toutefois selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut sur celui de l'égalité de traitement. Par conséquent, le justiciable ne peut généralement pas invoquer une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 134 V 34 consid. 9 p. 44 et les références). Cela suppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en cause. Autrement dit, le justiciable ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Encore faut-il que les situations à considérer soient identiques ou du moins comparables (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392, 116 V 231 consid. 4b p. 238, 115 Ia 81 consid. 2 p. 82 s. et les références citées).

b. Dans le cas d'espèce, il ressort des considérations qui précèdent que les structures d’accueil préscolaires ne peuvent bénéficier des indemnités en cas de RHT dès lors qu’elles sont subventionnées par les pouvoirs publics et que, partant, elles n’encourent pas de risque d’exploitation. La recourante prétend que certaines structures ont toutefois bénéficié des indemnités précitées.

Pour pouvoir invoquer une inégalité de traitement dans l'illégalité, il faut encore que la recourante rende vraisemblable le fait que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi et que les situations à considérer sont identiques ou du moins comparables. Or, il ressort de la décision sur opposition rendue par l’intimée le 22 mai 2020 que plusieurs décisions accordant à tort des indemnités RHT à des structures d’accueil subventionnées ont été révoquées. Par conséquent, le dossier soumis à la chambre de céans ne permet pas de considérer que l’intimé persévérera dans l’inobservation de la loi.

Le grief relatif au principe de l’égalité de traitement doit donc également être rejeté.

21.    En conclusion, c’est à juste titre que l’intimé s’est opposé au préavis de RHT et, partant, à l’indemnisation de la recourante, faute de risque d’exploitation encouru par cette dernière. Dans le cas contraire, le versement d’indemnités en cas de RHT en cas de suspension temporaire de la fourniture de ces prestations reviendrait à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l’assurance-chômage sans que le risque de licenciements à court terme, contre lequel se bat justement le législateur, ne soit avéré (cf. directive du SECO 2021/01 du 20 janvier 2021, ch. 2.6 p. 13).

22.    Dans ces conditions, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition confirmée.

La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le