Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/557/2025 du 20.05.2025 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3357/2024-AIDSO ATA/557/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 20 mai 2025 1ère section |
| ||
dans la cause
A______ et B______ recourants
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
_________
A. a. En octobre 2019, A______, née le ______ 1979, et B______, né le ______ 1992, se sont présentés à la permanence de l'Hospice général (ci‑après : hospice), en vue de solliciter l'octroi de l'aide sociale financière.
b. Dans ce cadre, ils ont signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (« Mon engagement »), daté du 23 octobre 2019, confirmant ainsi :
- avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d'aide financière versées par l'hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales ;
- s'engager à respecter la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), et en particulier à : tout mettre en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière ; donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de leur situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune ; informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de leurs prestations d'aide financière, notamment de toute modification de leur situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu'à l'étranger ; rembourser à l'hospice toute prestation exigible à titre de prestation perçue indûment ; prendre acte qu'en cas de violation de la loi et en particulier de leurs engagements, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d'aide financière accordées et, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à leur encontre.
c. Le 30 janvier 2020, A______ et B______ ont complété et signé le document « Demande de prestations d'aide sociale financière ». Dans ce document, ils ont notamment déclaré résider à la route C______, 12______ D______, avec le père et le frère de B______, à savoir E______ et F______. Sous la rubrique « Mentionner tous les comptes bancaires / postaux / cartes de crédit », ils ont déclaré que B______ n'était titulaire que d'un compte bancaire BCGE à l'IBAN CH1______ et que A______ n'était titulaire que de deux comptes bancaires UBS aux IBAN CH2______ et CH3______.
d. Dans le cadre de l'évaluation de leur droit aux prestations d'aide sociale financière, A______ et B______ devaient produire les relevés courants de leurs comptes bancaires, mais également ceux portant sur l'année 2019, ce qu'ils ont fait pour les trois comptes bancaires BCGE et UBS susmentionnés, déclarés par leurs soins.
e. Lors de leur entretien du 13 février 2020 avec leur assistante sociale du Centre d'action sociale (ci-après : CAS) de Carouge, les comptes bancaires de A______ ont été évoqués. L'assistante sociale lui a notamment demandé des précisions concernant plusieurs crédits et transferts apparaissant sur les relevés de ses comptes bancaires UBS et A______ lui a donné des explications. L'intéressée n'a pas déclaré détenir d'autre compte bancaire à cette occasion.
Les intéressés ont déclaré effectuer des sondages, des « enquêtes mystère » pour la société G______. Les entrées d'argent y relatives étaient visibles sur les relevés bancaires de A______ et les intéressés ont été informés par leur assistante sociale que ces montants seraient comptabilisés à titre de revenus dans le calcul de leur droit aux prestations d'aide sociale financière.
f. Ils ont été mis au bénéfice de prestations d'aide sociale financière dès le mois de février 2020.
g. Sur question de A______ et de B______ portant sur le montant variable des prestations d'aide sociale financière qu'ils recevaient, leur assistante sociale leur a rappelé, par courriel du 28 mai 2020, que la mission de l'hospice était de compléter leurs revenus. Dans la mesure où leurs décomptes bancaires laissaient apparaître divers revenus propres, ceux-ci avaient été comptabilisés dans le calcul de leur droit aux prestations.
h. Le 13 janvier 2023, A______ et B______ ont signé une nouvelle fois le document « Mon engagement ».
i. Le même jour, ils ont complété et signé le document « Demande de prestations d'aide sociale financière » dans lequel ils ont notamment déclaré, sous la rubrique « Mentionner tous les comptes bancaires / postaux / cartes de crédit », que B______ n'était titulaire que d'un compte bancaire BCGE à l'IBAN CH1______ et que A______ n'était titulaire que d'un compte bancaire UBS à l'IBAN CH3______.
j. Le 4 mai 2023, le Service des enquêtes et conformités (ci-après : SEC) de l'hospice a livré un rapport d'enquête, dont il ressort que :
- A______ et B______ ont été auditionnés par le SEC le 14 mars 2023. Lors de cette audition, ils ont complété et signé divers documents, notamment des procurations permettant la prise de renseignements auprès d'établissements bancaires par l'hospice, ainsi que le formulaire titré « Déclaration : biens mobiliers ». En complétant ce document, A______ a déclaré être titulaire, outre de ses deux comptes UBS susmentionnés, d'un compte CEMBRA Mastercard n° 4______ ;
- le 24 mars 2023, le SEC a obtenu auprès de CEMBRA MONEY BANK AG des précisions sur le compte précité. Le contrat y relatif, n° 5______, avait été conclu le 28 janvier 2013. Le SEC a obtenu auprès de la banque la liste des transactions de ce compte dès le 1er août 2019 et les factures portant sur les mois de janvier à mars 2023. Il en ressort que A______ utilisait ce compte régulièrement et l'avait crédité d'un montant de CHF 37'279.60 au total entre le 26 février 2020 et le 3 mars 2023 ;
- lors d'échanges de courriels ultérieurs avec le SEC du 3 mai 2023, A______ a déclaré être la seule titulaire d'une carte de crédit dans le foyer des intéressés et que cette carte était également utilisée par son beau-père et son beau-frère, soit E______ et F______. Elle a ajouté qu'ils lui remettaient le montant de leurs dépenses, afin qu'elle puisse en payer la facture.
k. Lors d'un entretien téléphonique du 23 mai 2023 et lors de leur entretien périodique au CAS du 2 juin 2023, A______ et B______ ont été confrontés par leur assistante sociale aux constats de l'enquête susmentionnée.
Ils ont produit un courrier daté du 31 mai 2023, par lequel E______ et F______ ont attesté ne pas être au bénéfice d'une carte de crédit et de ce fait, utiliser « régulièrement » celle de A______. Ils ont précisé que cette dernière recevait la facture de la carte et leur communiquait le montant de leurs « dépenses respectives ». Ils lui donnaient alors de « l'argent en cash » afin qu'elle puisse régler les montants en découlant à la société de la carte de crédit.
l. Par décision du 27 juillet 2023, le CAS de Carouge a demandé à A______ et B______ la restitution du montant de CHF 37'474.75.
Des crédits figurant sur les relevés du compte bancaire UBS n° 6______ de A______ et du compte bancaire BCGE n° 7______ de B______ n'avaient pas été pris en compte dans le calcul de leur droit aux prestations d'aide sociale financière. En outre, A______ était titulaire d'une carte de crédit CEMBRA MASTERCARD n° 5______, non déclarée et dont les crédits, non justifiés, devaient également être comptabilisés. Des tableaux expliquant le montant trop perçu pour la période allant de 2020 à 2023 figuraient en annexe de cette décision.
m. Le 15 août 2023, A______ et B______ ont formé opposition contre cette décision.
La carte de crédit litigieuse était essentiellement utilisée par E______ et F______ et celle-ci n'était désormais plus utilisée. Les opposants ne s'étaient pas enrichis, dans la mesure où les montants reçus en espèces ne servaient qu'à effectuer le paiement par bulletin de versement à la poste. L'existence de la carte de crédit avait été spontanément déclarée par leurs soins à l'enquêteur du SEC. Ils n'avaient pas mentionné l'existence de cette carte de crédit dans leur demande de prestations d'aide sociale financière car ils n'avaient pas ouvert de compte y relatif, ayant obtenu cette carte par souscription au service client de la MIGROS. La décision querellée était injustifiée.
n. Par décision du 23 septembre 2024, l'hospice a rejeté l'opposition et confirmé la décision du 27 juillet 2023.
Les intéressés ne contestaient pas les montants demandés en remboursement en lien avec les crédits figurant sur les comptes UBS et BCGE mais uniquement devoir restituer des prestations d'aide sociale financière en lien avec les montants figurant sur le compte de la cadre de crédit CEMBRA. La titulaire de ce compte de carte de crédit était A______ et l'existence de compte n'avait pas été déclarée à l'hospice.
À toutes fins utiles, il était relevé que les intéressés n'ayant pas formé de conclusions expresses en ce sens, les conditions d'une remise n'étaient pas remplies, en l'absence de leur bonne foi.
B. a. Par acte du 11 octobre 2024, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de cette décision, concluant implicitement à son annulation.
Ils ne s'étaient nullement enrichis et ils étaient de bonne foi, la carte de crédit utilisée pour laquelle l'hospice leur réclamait le montant de CHF 37'474.75, étant principalement utilisée par E______ et F______. En aucun cas ils ne pourraient rembourser ce montant. Les versements concernant cette carte de crédit se faisaient par le biais d'un bulletin de versement envoyé par CEMBRA à la poste, de ce fait en cash. Cet argent leur était remis en mains propres et servait à payer ladite facture pour des rachats qui ne les concernaient pas.
b. L'hospice a conclu au rejet du recours.
c. Les recourants n'ont pas répliqué dans le délai imparti par la chambre de céans.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Aux termes de l’art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.
2.1 Cette disposition poursuit un but d'économie de procédure. Suivant les circonstances, les mêmes objectifs peuvent commander au contraire une disjonction de la procédure (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 218 § 2). La chambre de céans a à plusieurs reprises disjoint des causes pour des raisons d’économie de procédure ou d’opportunité (ATA/626/2018 du 19 juin 2018 consid. 1 ; ATA/1542/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/162/2012 et ATA/171/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/230/2011 et ATA/229/2011 du 5 avril 2011).
2.2 L'hospice a rendu deux décisions à l'encontre des recourants, l'une datée du 23 septembre 2024 et faisant l'objet du présent arrêt, et l'autre datée du 24 septembre 2024 et portant sur un autre objet. Les recourants ont recouru le même jour contre les deux décisions par deux actes séparés mais une seule cause a été ouverte, enregistrée sous le présent numéro de cause.
Toutefois dans la mesure où la décision du 24 septembre 2024 porte en réalité sur une autre situation et, partant, traite d'une autre question juridique, il y a lieu de disjoindre de la présente cause le recours contre cette décision et de l'enregistrer sous un nouveau numéro (A/4318/2024). Elle fait l’objet d’un arrêt séparé, daté du même jour.
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de restitution du montant de CHF 37'474.75.
3.1 Le 1er janvier 2025 sont entrés en vigueur la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04) et son règlement d’application (RASLP - J 4 04.01), abrogeant la LIASI et son règlement d’application (RIASI – J 4 04.01).
La LASLP s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant des prestations prévues par la LIASI (art. 81 al. 1 LASLP). Les art. 48 à 54 LASLP s’appliquent aux prestations d’aide financière versées en application de l’ancienne loi, dans la mesure où elles auraient donné lieu à restitution selon cette loi et si l’action en restitution n’est pas prescrite au moment de l’abrogation de ladite loi (art. 81 al. 2 LASLP).
3.2 Selon l'art. 48 al. 5 LASLP, dont le contenu est identique à l'art. 36 al. 5 LIASI, l’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait.
En l'espèce, en tant que l’hospice a eu connaissance des faits à l'origine de la demande de restitution en 2023, le délai de prescription quinquennal est respecté.
Il ressort de ce qui précède que c'est la LASLP qui s'applique au présent litige relatif à une demande de restitution au sens de l'art. 48 LASLP rendue avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, étant précisé que les dispositions topiques ont un contenu similaire à la LIASI.
3.3 Fondée sur le principe de la solidarité, la LASLP a pour but de renforcer la cohésion sociale, de prévenir l’exclusion et de lutter contre la précarité (art. 1 al. 1 LASLP).
3.4 Les prestations de l'aide sociale individuelle sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 3 let. b LASLP), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 22 al. 1 LASLP).
Ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 31 al. 1 LASLP).
3.5 L’art. 35 al. 1 LASLP prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière étant fixées par règlement du Conseil d’État (art. 35 al. 5 LASLP).
La fortune déterminant le droit aux prestations sociales comprend notamment l'argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d'une somme d'argent (art. 6 let. c LRDU).
3.6 Selon l’art. 44 al. 1 LASLP, la personne qui demande des prestations d’aide financière ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. La personne au bénéfice de prestations d’aide financière ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 45 al. 1 LASLP).
Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise notamment l'obligation de collaborer du demandeur en exigeant de sa part de transmettre immédiatement et spontanément toute information nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, d’informer de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête du service des enquêtes de l’hospice sur sa situation personnelle, familiale et économique.
Selon la jurisprudence relative à la LIASI, applicable ici au nouveau droit, les sommes figurant sur les comptes bancaires et postaux d'un bénéficiaire sont considérées comme lui appartenant, ce indépendamment des explications qu'il peut donner. Ainsi, dès lors qu’une somme est versée sur le compte d’un bénéficiaire, n'étant ni individualisée, ni individualisable et mélangée avec ses avoirs, elle doit être considérée comme lui appartenant (ATA/398/2024 du 19 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/690/2023 du 27 juin 2023 consid. 2.8 ; ATA/405/2021 du 13 avril 2021 consid. 5).
La rubrique des formulaires de demande d’aide financière de l’hospice consacrée à la fortune réclame la divulgation des comptes bancaires, postaux, de cartes de crédit, actifs ou clôturés durant les douze derniers mois, en Suisse ou à l’étranger. Cette exigence ne peut se comprendre que comme comprenant les comptes sans solde et les comptes liés aux cartes de crédit (ATA/626/2021 du 15 juin 2021 consid. 8).
3.7 Selon l'art. 48 LASLP précité, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).
3.8 De jurisprudence constante toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/219/2025 du 4 mars 2025 consid. 4.7 ; ATA/1263/2024 précité consid. 4.4 ; ATA/595/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.5).
Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la loi qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/597/2024 du 14 mai 2024 consid. 4.7)
Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/398/2024 précité consid. 3.8 ; ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).
3.9 Les recourants soutiennent qu’ils ignoraient devoir signaler une carte de crédit dont est titulaire la recourante depuis janvier 2013.
Ils ne sauraient être suivis.
Ils allèguent qu'ils ne se seraient pas enrichis en ne déclarant pas l'existence de cette carte de crédit, faisant valoir qu'elle serait principalement utilisée par deux autres membres de leur foyer, E______ et F______, pour des achats qui ne les concerneraient pas. Ils ont produit à cet égard un courrier du 31 mai 2023 par lequel ces derniers ont exposé que la recourante recevait la facture de la carte et leur communiquait le montant de leurs « dépenses respectives ». Ils lui donnaient alors de « l'argent en cash » afin qu'elle puisse régler les montants en découlant à la société de la carte de crédit. En tant que les montants seraient donnés en cash, cet argent n'est pas traçable et les recourants n'ont pas été en mesure de fournir des justificatifs relatifs auxdites « dépenses respectives ».
On ne voit de toute manière pas comment l'on pourrait admettre que des sommes déposées sur le compte dont la recourante est bénéficiaire appartiendrait à un tiers. Comme vu ci-devant, les sommes figurant sur les comptes bancaires et postaux d'un bénéficiaire sont considérées comme lui appartenant, ce indépendamment des explications qu'il peut donner. Ainsi, dès lors qu’une somme est versée sur le compte d’un bénéficiaire, n'étant ni individualisée, ni individualisable, et mélangée avec ses avoirs, elle doit être considérée comme lui appartenant. Il convient donc de retenir que la source de revenu avec laquelle la recourante a payé les factures établies par CEMBRA lui appartenait.
Les recourants avaient d'ailleurs exposé dans un premier temps à l'hospice ne pas avoir déclaré cette carte de crédit parce qu'elle ne serait pas liée à un compte. Il est pourtant attesté que les factures de cette carte payées par la recourante, établies par CEMBRA, mentionnent le numéro de compte y relatif. Aussi, les recourants ne peuvent prétendre que la carte de crédit n'était pas liée à un compte.
En tout état, la rubrique titrée « Mentionner tous les comptes bancaires / postaux / cartes de crédit », de leur demande de prestations est suffisamment claire pour qu'ils ne puissent ignorer devoir mentionner ladite carte de crédit, quelle qu'en soit l'utilisation. Les recourants devaient donc déclarer ladite carte dès leur première demande de prestations, ce qu'ils n'ont jamais fait. Ils ont persisté à dissimuler son existence en dépit du document « Mentionner tous les comptes bancaires / postaux / cartes de crédit » qu'ils ont signé de nouveau en janvier 2023. Il a fallu l'ouverture d'une enquête par l'autorité intimée pour découvrir son existence, puisque c'est dans le cadre de leur audition par le SEC que la recourante a déclaré pour la première fois la possession de ladite carte de crédit.
En dissimulant l'existence de cette carte de crédit et du compte CEMBRA Mastercard qui lui était lié, alors qu'elle l'utilisait régulièrement et l'avait crédité d'un montant total de CHF 37'279.60 entre le 26 février 2020 et le 3 mars 2023, la recourante a empêché que cette source de revenu lui appartenant soit comptabilisée dans le calcul de leur droit aux prestations pour la période du mois de mars 2020 au mois d'avril 2023.
3.10 Par ailleurs, il n'est pas contesté que divers crédits figurant sur les relevés du compte bancaire UBS n° 6______ de A______ et du compte bancaire BCGE n°7______ de B______ n'ont pas non plus pu être pris en compte dans le calcul de leur droit aux prestations pour les années 2020 et 2023.
Le montant réclamé, ressortant des tableaux figurant en annexe à la décision du 27 juillet 2023, n'est pour le surplus pas contesté, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.
Pour les motifs précités, c'est à bon droit que l'autorité intimée a réclamé le remboursement du montant total de CHF 37'474.75 perçu indument pour la période allant du mois de mars 2020 au mois d'avril 2023.
Partant, le recours sera rejeté.
4. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
préalablement :
disjoint de la présente cause le numéro de cause A/4318/2024 relative à la décision du 24 septembre 2024 ;
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 2024 par A______ et B______ contre la décision de l'Hospice général du 23 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______, à B______ ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. MICHEL
|
| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|