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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2702/2024

ATA/182/2025 du 18.02.2025 sur JTAPI/1047/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2702/2024-PE ATA/182/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 février 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ agissant pour eux-mêmes et leur enfant mineure C______ recourants
représentés par Me Kevin SADDIER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2024 (JTAPI/1047/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1985, est ressortissant du Kosovo.

b. Le 14 mars 2018, il a déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) pour cas individuel d'une extrême gravité dans le cadre de l'« opération Papyrus », déclarant être arrivé en Suisse en 2008, être célibataire et sans enfant.

c. Le 1er décembre 2021, l'OCPM a rejeté la demande et a prononcé le renvoi de l’intéressé de Suisse.

Il ne séjournait pas de manière continue depuis dix ans à Genève, ne comptabilisant que sept années de séjour. Les infractions pénales qui lui avaient été reprochées et qu'il avait reconnues (séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, avoir facilité l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger, emploi de personnel sans autorisation, comportement frauduleux envers les autorités, représentation de la violence, faux dans les titres et infractions aux assurances sociales) relevaient d'un non-respect manifeste de l'ordre juridique suisse. Son intégration ne correspondait pas au comportement pouvant être raisonnablement attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait également pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Arrivé en 2014, à l'âge de 29 ans, il avait vécu toute son enfance et son adolescence au Kosovo, ses parents et ses frères et sœurs s'y trouvant toujours.

d. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), puis le 20 décembre 2022 la chambre administrative de la Cour de justice ont rejeté les recours contre cette décision.

e. B______, née le ______ 1995, est ressortissante d’Albanie. Le ______ 2020, elle a donné naissance, à Genève, à C______, dont le père est A______.

f. Le 3 décembre 2021, l'OCPM a refusé d'octroyer à B______ ainsi qu'à sa fille une autorisation de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.

L’intéressée ne comptabilisait qu'un peu plus d'une année de séjour en Suisse et n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable : elle ne justifiait pas du niveau de français requis, était sans emploi et dépendait intégralement de son concubin, lequel faisait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi de Suisse. Elle n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Selon ses déclarations, avant son arrivée en Suisse elle résidait au domicile familial avec ses parents, qui subvenaient à ses besoins, son frère et sa grand-mère. Conformément à l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 2 novembre 1989 (CDE ; RS 0.107), il fallait retenir que sa fille était âgée de moins d’une année, en bonne santé et pas encore scolarisée, de sorte que son intégration en Suisse n'était pas encore déterminante et que sa réintégration dans son pays d'origine ne lui poserait pas de problèmes insurmontables. Elle ne saurait au surplus invoquer l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), son concubin ne bénéficiant pas d'un droit au séjour sur le territoire Suisse et faisant même l'objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi de Suisse.

g. Par jugement du 17 juin 2022, le TAPI a rejeté le recours contre cette décision.

h. Par courrier du 20 octobre 2022, l'OCPM a fixé un nouveau délai au 20 décembre 2022 à B______ et à C______ pour quitter la Suisse.

i. Par courrier du 29 juin 2023, il a fixé un délai au 29 septembre 2023 à A______ pour quitter la Suisse.

j. Le 27 février 2024, le couple a été entendu par l'OCPM. Il a indiqué que sa fille était atteinte d'autisme, qu'elle suivait une thérapie et qu'il quitterait la Suisse une fois qu'elle irait mieux.

k. Par courrier du 13 mars 2024, l'OCPM a confirmé au couple qu'il devait se conformer à ses décisions de renvoi.

B. a. Par courrier du 19 mars 2024, traité par l’OCPM comme une demande de reconsidération, B______ et A______ ont indiqué ne pas comprendre pour quelle raison leur demande de prolongation du délai de départ n'avait pas été acceptée, rappelant que leur fille présentait un important retard de développement en lien avec un trouble du spectre autistique (ci-après : TSA), qu'un suivi avait été mis en place à Genève et que sa psychologue estimait que ce suivi devait se poursuivre. Une prise en charge au Kosovo serait difficile ; il était très important pour l'enfant de rester en Suisse. Un déménagement de la famille au Kosovo ou en Albanie serait problématique et représenterait un danger potentiel pour C______. L'ergothérapeute attestait également que la poursuite des différentes thérapies était fondamentale. Elle était sur liste d'attente pour un suivi en logopédie, était également suivie par un thérapeute en motricité, et il était impératif qu'elle puisse bénéficier d'une prise en charge au sein d'une école spécialisée.

Ils ont remis à l'OCPM une attestation de suivi ainsi qu'un rapport d'évaluation du Service Éducatif Itinérant, une attestation de sa pédiatre, un courrier de l'association Autisme Genève, une attestation du Centre G______ concernant une prise en charge en ergothérapie, un courrier de la thérapeute en psychomotricité ainsi qu'un certificat médical des HUG.

b. Le 6 mai 2024, l'OCPM a indiqué aux intéressés qu'il était disposé à entrer en matière sur leur demande de reconsidération mais qu'il avait l'intention de refuser la demande d'autorisation de séjour et de confirmer le renvoi de Suisse.

c. Le 6 juin 2024, les intéressés ont exposé à l'OCPM que si sur un plan théorique, leur fille pourrait recevoir des soins à Pristina, l'OCPM s'était à ce sujet limité à évoquer l'existence d'organisations non gouvernementales (ci-après : ONG) et d'un institut sans autre précision. A______ était originaire de Zhiti, ville qui se trouvait à plus d'une heure de voiture de Pristina, de sorte qu'au vu de la distance, la prise en charge de l'enfant semblait compromise. Ainsi son accès aux soins était illusoire en cas de retour au Kosovo. Le départ de C______ engendrerait des conséquences graves pour sa santé, car les soins absolument essentiels ne pourraient plus lui être prodigués. Le changement occasionné par un déménagement et l'arrêt brutal de toutes ses thérapies seraient délétères pour sa santé psychique ainsi que pour son développement.

Ils ont remis trois attestations médicales expliquant la situation actuelle de C______.

d. Par décision du 17 juin 2024, l'OCPM a rejeté la demande de reconsidération et a refusé de soumettre le dossier du couple avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Faisant l'objet de décisions de refus et de renvoi de Suisse, entrées en force, ils étaient tenus de s'y conformer sans délai.

L'hôpital universitaire de Pristina proposait des prises en charge ambulatoires en logopédie, des traitements ambulatoires et hospitaliers par des neurologues pédiatriques. La clinique psychiatrique pour enfants de cet hôpital proposait également des soins, des offres psychiatriques et des programmes d'ergothérapie. La clinique de l'autisme du Centre Thérapeutique de D______ proposait également des services. Il existait également trois ONG qui s'occupaient des enfants autistes en leur prodiguant des soins, à savoir l'association nationale de l'autisme du Kosovo (ANAK), l'association E______ et l'association F______.

C. a. B______ et A______ ont recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation.

Préalablement, ils ont sollicité la restitution de l'effet suspensif. Il était primordial qu'ils puissent rester en Suisse jusqu'au terme de la procédure, un départ pouvant entraîner des conséquences importantes sur leur situation personnelle et familiale, notamment sur l'équilibre de leur fille C______, âgée de 3 ans et demi. Atteinte d'autisme, elle avait besoin d'un cadre stable lui permettant, notamment, de pouvoir bénéficier de tous les soins indispensables dans la prise en charge de son handicap à Genève. Un déménagement précipité dans un pays dans lequel elle n'avait jamais vécu et alors que les dispositions concernant sa situation physique et psychique n'avaient pas encore été prises pourrait gravement nuire à son développement.

C______ présentait un état de santé fragile et un handicap, à savoir un important retard de développement en lien avec un TSA. Elle était régulièrement suivie par les HUG ainsi que, depuis le 19 août 2024, par le centre G______ qui mettait à sa disposition un ergothérapeute ainsi qu'une logopédiste. Elle avait intégré une institution spécialisée, le jardin d'enfants H______. Elle bénéficiait également du suivi d'une thérapeute en psychomotricité. Ils avaient sollicité un accompagnement parental et psychopédagogique à domicile pour pouvoir stimuler et favoriser le développement de leur fille dans son environnement habituel. Un déménagement de la famille au Kosovo empêcherait C______ de poursuivre le traitement entamé en Suisse et entraînerait un déséquilibre dans l'organisation actuelle des mesures prises pour son bon développement ainsi qu'une intégration difficile dans le pays d'origine de ses parents, notamment au vu de son handicap.

C______ était née à Genève où elle avait toujours vécu. Un déménagement constituerait un déracinement important et délétère pour elle. Un changement soudain de ses habitudes et de son centre de vie pourrait avoir de lourdes conséquences sur son développement déjà atteint par le TSA dont elle souffrait depuis sa naissance.

L'hôpital de Pristina se trouvait à plus d'une heure de voiture de la ville dont A______ était originaire et inaccessible en transports en commun. Une installation de la famille dans la capitale n'était pas envisageable dès lors qu'ils n'y disposaient d'aucune famille, étant précisé que le coût de la vie y était sensiblement plus élevé qu'en périphérie. La longueur des trajets entre Zhiti et Pristina ne permettait pas la prise en charge et une organisation pérenne pour l'enfant dont les parents devraient tous les deux travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Un renvoi de Suisse n'était pas réalisable et violerait le principe international du respect du développement des capacités de l'enfant handicapée.

A______ résidait sur le territoire genevois depuis près de dix ans et avait fait montre d'une volonté de s'intégrer en travaillant intensément dans le domaine du ferraillage. L'effort consenti était certain et son degré de réussite et d'ascension professionnelle devait être pris en compte dans la situation globale de la famille.

C______ réunissait les conditions du cas d'extrême gravité permettant de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse. Le renvoi de la famille serait par conséquent contraire au droit suisse et au droit international.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Il n'était pas opposé à la restitution de l'effet suspensif par voie de mesures provisionnelles afin de permettre aux intéressés de demeurer en Suisse, le temps de la procédure et d'entreprendre toutes les démarches utiles au Kosovo afin d'assurer une continuité du suivi médical de leur fille en cas de confirmation de la décision querellée.

Le diagnostic de TSA avait été posé postérieurement à l'entrée en force des décisions de renvoi. S'agissant d'un fait nouveau important, l’OCPM était entré en matière sur la demande de reconsidération mais l’avait rejetée. Sans minimiser les retards auxquels C______ était confrontée, les traitements dont elle bénéficiait en Suisse étaient également disponibles au Kosovo. Les enfants identifiés comme ayant des besoins spéciaux étudiaient au Kosovo dans des classes spéciales attachées à des écoles classiques ou dans des écoles spéciales. Une scolarisation dans les structures habituelles était prévue pour les enfants avec de légers retards de développement ou de handicap, le Kosovo comptant 70 classes pédagogiques spéciales rattachées aux écoles publiques. Des solutions concrètes de prise en charge des cas d'autisme existaient au Kosovo et se développaient activement.

c. Le TAPI a admis la demande de mesures provisionnelles.

d. Dans sa réplique, le couple a fait valoir que l'OCPM s'était borné à lister des solutions purement théoriques de prise en charge de C______ au Kosovo. Si ce pays disposait d'une législation prévoyant la prise en charge médicale et scolaire des enfants en situation de handicap, la réalité était tout autre.

Il ressortait d'un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (ci-après : OSAR) du 17 septembre 2019 que la loi mise en place et les dispositifs proposés au Kosovo ne permettaient pas un suivi correspondant aux besoins de C______. Si un suivi gratuit de logopédie devait être disponible à la Clinique universitaire de Pristina, il ressortait du rapport précité que dans les faits, la demande de ses services était supérieure à l'offre proposée, ce qui conduisait bon nombre de patients à devoir s'acquitter eux-mêmes des prestations dont ils avaient besoin en matière de logopédie, ce que le couple ne pourrait pas se permettre. La prise en charge de C______ au Kosovo supposait de résider à Pristina, ce qui ne serait pas leur cas. C'était donc en réalité avec certitude que leur enfant ne serait pas soignée en cas de renvoi. Le système d'assurance-maladie publique n'était pas encore effectif ce qui signifiait que les frais relatifs à la prise en charge des soins ne seraient pris en charge ni par l'État ni par ses parents, qui disposaient de moyens financiers limités. Il ressortait du rapport de l'OSAR de 2019 que seule une minorité d'enfants était au bénéfice d'un accès à la santé et à l'éducation (10%). Ces chiffres réduisaient fortement les chances de C______ de pouvoir concrètement continuer à bénéficier du suivi nécessaire à son bon développement. Ils souhaitaient ainsi rester en Suisse à tout le moins jusqu'à ce que l'état de santé de leur fille soit stabilisé.

e. Par jugement du 28 octobre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Seules étaient nouvelles les informations relatives à l’état de santé de C______. L’examen de cet élément ne permettait pas de retenir que la famille remplissait les critères justifiant une dérogation aux conditions ordinaires d’octroi d’une autorisation de séjour.

D. a. Par acte du 28 novembre 2024 adressé à la chambre administrative, B______ et A______, agissant pour eux-mêmes et leur fille C______, ont recouru contre ce jugement, concluant à ce que l’OCPM entre en matière sur leur demande d’autorisation de séjour et préavise auprès du SEM favorablement l’octroi de celle-ci.

Ils ont repris les arguments développés en première instance relatifs au suivi dont C______ avait besoin, se référant aux attestations et rapports établis par les différents thérapeutes. Au vu de la difficulté à pouvoir mettre en place au Kosovo un suivi adéquat et du déracinement que l’enfant subirait en cas de renvoi, celle-ci était concrètement exposée à un danger important et irrémédiable pour sa santé. Le raisonnement conduit par le TAPI, comme avant lui par l’OCPM, était hypothétique. Les spécialistes suivant C______ avaient considéré que la poursuite de son traitement en Suisse romande était nécessaire à son développement. La fillette avait besoin d’un environnement stable.

Le recourant allait réaliser un salaire inférieur à celui qu’il percevait en Suisse et la recourante ne pouvait exercer une activité professionnelle avant la stabilisation de l’état de santé de leur fille. Leurs moyens financiers ne permettraient pas l’accès aux soins nécessaires à celle-ci et elle ne pouvait être confiée à des tiers. Leur famille n’était pas en mesure de les soutenir financièrement. Il n’était pas exclu que le retour au Kosovo impliquât une déscolarisation de C______, les écoles publiques ne prenant pas en charge les enfants atteints d’autisme et les recourants ne disposant pas des moyens de la scolariser dans le secteur privé.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, observant qu’aucun élément nouveau n’était apporté.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le refus de l’OCPM d’admettre la demande de reconsidération.

2.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe notamment lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

2.2 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1098/2022 du 1er novembre 2022 consid. 2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e).

2.3 En l’espèce, l’OCPM a retenu que les problèmes de santé de C______ constituaient un fait nouveau et est, ainsi, entré en matière sur la demande de reconsidération.

L’OCPM étant entré en matière sur la demande de reconsidération, il convient de réexaminer la situation de la famille.

3.             L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.1 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

3.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

3.4 La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 Des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

3.6 En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

Le Kosovo dispose de structures de soins et des médicaments nécessaires au traitement des maladies tant physiques que psychiques. Concernant en particulier les retards de développement, les enfants identifiés (par leurs parents, l'école, ou encore un spécialiste en cas de désaccord entre les parents et l'école) comme ayant des besoins spéciaux étudient dans des classes spéciales attachées à des écoles classiques ou dans des écoles spéciales (OSAR, Kosovo: Betreuung von Kindern mit geistiger Behinderung und motorischer Beeinträchtigung, 17 septembre 2015, p. 7 s. ; UNICEF, Justice Denied: The State of Education of Children with Special Needs in Post-Conflict Kosovo, 2009, p. 44). Des solutions de prise en charge des enfants autistes existent au Kosovo et se développent activement. Les examens et traitements dans les hôpitaux publics sont gratuits (ATA/1274/2023 du 28 novembre 2023 consid. 3.6 ; ATA/391/2023 du 18 avril 2023 consid. 2.3 et les nombreuses références citées).

3.7 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.             En l'espèce, l’absence d’intégration socio-professionnelle des recourants et de difficultés insurmontables de réintégration a été constatée dans la première procédure et aucun élément ne justifie de revenir sur cette appréciation.

Seule doit être examinée la question de savoir si l'état de santé de C______ est de nature à constituer un cas de rigueur justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour à la famille.

L’enfant souffre de troubles complexes du développement, notamment dans le domaine de la communication et des interactions sociales. Elle présente un TSA et bénéficie d’un suivi multidiciplinaire (suivi par le service éducatif itinérant Astural, ergothérapie, logopédie, notamment) et est scolarisée auprès d’une institution spécialisée.

Comme cela ressort de la jurisprudence précitée, des solutions de prise en charge des enfants autistes existent au Kosovo. Un suivi en logopédie peut être assuré auprès de la Clinique universitaire de Pristina (prestation gratuite). Des soutiens éducatifs spécialisés sont disponibles à Pristina ou auprès de trois ONG. Une scolarisation dans les structures habituelles est prévue pour les enfants avec de légers retards de développement ou d’handicap, étant précisé qu’au Kosovo il existe 70 classes pédagogiques spéciales, lesquelles sont rattachées aux écoles publiques.

Les recourants ne le contestent pas, mais font valoir que la ville natale du recourant, dans laquelle ils iraient se domicilier en cas de retour au Kosovo, ne disposait pas des soins nécessaires à C______. Ils soutiennent également qu’ils ne pouvaient s’établir à Pristina, la vie y étant trop chère et le revenu que le recourant pouvait y réaliser trop modeste pour assumer les frais médicaux de C______.

Or, les examens et traitements dans les hôpitaux publics au Kosovo sont gratuits, d’une part. D’autre part, les recourants se contentent d’alléguer que le revenu que le recourant pourrait réaliser serait trop faible pour subvenir aux éventuels frais non couverts par le système de santé publique. Ils se bornent cependant à cette affirmation, n’apportant aucune pièce ou explication l’établissant ou la rendant vraisemblable. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence constante qu’il existe au Kosovo des structures scolaires et des soins médicaux destinés à prendre en charge des enfants souffrant de troubles autistiques. La fille des recourants pourra prétendre, dans son pays d’origine, à un traitement essentiel de ses troubles, même si les soins n’atteignent pas le standard élevé de ceux dont elle bénéficie actuellement en Suisse. Il n’est pas non plus rendu vraisemblable qu’il ne pourrait être raisonnablement exigé des recourants qu’ils s’établissent à Pristina où ils reconnaissent qu’il existe des structures et un accès aux soins suffisants. Partant, il n’apparaît pas que la fille des recourants ne pourrait plus recevoir, une fois au Kosovo, les soins essentiels garantissant ses conditions minimales d'existence.

Si, certes, le trouble dont souffre l’enfant la rend particulièrement vulnérable à tout changement, les éléments au dossier ne rendent pas vraisemblables des indices sérieux et concrets que le déplacement de la famille au Kosovo serait de nature à entraîner une détérioration très rapide de son état de santé au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse et durable de son intégrité. L’enfant sera entourée de ses parents, soit compte tenu de son jeune âge, des personnes avec lesquelles elle entretient le lien affectif et émotionnel le plus proche et essentiel.

L’OCPM et le TAPI étaient ainsi fondés, sans commettre ni excès ni abus de leur pouvoir d’appréciation, à retenir que C______ pourra trouver au Kosovo le soutien thérapeutique et scolaire nécessaire et que son renvoi dans son pays d’origine ne l’exposera pas à un risque réel de déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

C’est donc conformément à la loi qu’ils ont conclu qu’elle ne remplissait pas les conditions du cas individuel d’extrême gravité et que son renvoi ainsi que celui de ses parents n’était ni illicite, ni impossible et qu’il pouvait raisonnablement être exigé.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2024 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et leur fille C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Kevin SADDIER, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.