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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/133/2024

ATA/123/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/851/2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DEVOIR DE COLLABORER;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;5E ZONE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);AFFECTATION;MAXIME INQUISITOIRE
Normes : LCI.2; LCI.59.al1; RCI.9; LaLAT.19.al3; LaLAT.26.al1; Cst; Cst; Cst; Cst; Cst; LPA.22; LPA.24; LPA.61.al1; LAT.22
Résumé : Confirmation de la décision du département refusant de délivrer une autorisation de construire visant la régularisation de la construction d’une véranda-bureau en zone 5. La recourante a manqué à son devoir de collaboration et c’est sans verser dans l’arbitraire que l’autorité a statué en l’état du dossier.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/133/2024-LCI ATA/123/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
29 août 2024 (JTAPI/851/2024)


EN FAIT

A. a. B______ (ci-après : B______), route C______ à D______, a pour but l’exploitation et mise en valeur d’ateliers horlogers ainsi que tous immeubles commerciaux ou industriels ; acquisition, administration, location et gestion de biens immobiliers.

A______ (ci-après : A______) est une société anonyme, dont le but est la création, production, fabrication et commercialisation, aussi au détail, de produits d’horlogerie, de bijouterie, d’orfèvrerie et de composants horlogers et industriels ; achat, vente promotion, administration, gestion, exploitation, location, édification et investissements dans le domaine immobilier, à l’exception des opérations proscrites par la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger  du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41) ; opérations de maître d’ouvrage, de développement et de gestion de projets immobiliers dans le cadre du développement de ses activités et de celles de ses sous-traitants ; participation à d’autres entreprises, établissement de filiales et succursales en Suisse et à l’étranger.

b. B______ est propriétaire de la parcelle no 1'810 de la commune de D______, d’une surface de 4'116 m2, où sont érigés deux bâtiments : no 1______ (bureaux de 31 m2) et no 2______ (bureaux de 367 m2), ainsi qu’une véranda-bureau de 49 m2, tous sis à la route C______. Cette parcelle est située en zone 5.

B. a. E______ est locataire de la véranda-bureau.

b. Le 18 septembre 2019, A______, a, via son mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) de l’époque, déposé auprès du département du territoire
(ci- après : le département ou le DT) une demande d’autorisation de construire enregistrée sous DD 3______, pour la construction d’une véranda-bureau sur la parcelle précitée.

Selon les plans produits, cette construction devait comprendre un « bureau paysager » de 228 m2 permettant d’accueillir 300 personnes (réception), deux bureaux d’une surface de 11.60 m2, un bureau de 11.40 m2 et une cafétéria de 22.50 m2.

c. Dans le cadre de l’instruction de cette requête, les préavis suivants ont été rendus :

- le 24 septembre 2019, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a émis un avis défavorable. Le dossier était incomplet, ce qui ne permettait pas son analyse ;

- le 28 octobre 2019, l’office de l’urbanisme (ci-après : OU, à l’époque direction de la planification directrice cantonale et régionale, SPI) s’est prononcé défavorablement. La construction n’était pas conforme à la zone d’affectation, soit la zone 5. Avec le projet, la densité dépasserait la cible admissible au sens de
l’art. 59 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du
14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Il contrevenait également aux art. 4 et 6 al. 2 du règlement de construction de la commune de D______, adopté par le Conseil d’État
le 14 novembre 1984.

Plusieurs instances de préavis (service des monuments et des sites [ci-après : SMS] ; office cantonal de l’eau ; office cantonal de l’énergie ; office cantonal de l’agriculture et de la nature ; office cantonal de l’environnement) ont sollicité la production de pièces complémentaires afin de pouvoir instruire le dossier.

d. Le 4 décembre 2019, le département a communiqué à A______ la teneur des préavis recueillis, dont les deux préavis défavorables précités, lui impartissant un délai de 30 jours pour indiquer les suites qu’il entendait donner au dossier et faire parvenir les documents requis.

e. Par suite d’une dénonciation, le département, alors que la procédure d’instruction était en cours, a ouvert la procédure d’infraction no I-4______ le 23 février 2021. La véranda-bureau ayant été bâtie sur la parcelle 1'810 sans autorisation de construire, l’objet de la demande DD 3______ a été modifié, intégrant le fait qu’il s’agissait d’une tentative de régularisation de l’infraction précitée.

f. Le 25 février 2021, A______ a indiqué qu’en raison de problèmes de santé de son architecte, il mettait un terme au mandat qui les liait et faisait désormais appel à un nouvel architecte.

g. Le 15 mars 2021, A______ a signalé au département qu’une demande d’inscription de leur nouvel architecte au tableau des MPQ avait été effectuée et que ce dernier avait repris le dossier I-4______/DD 3______ relatif à la véranda.

Le 27 avril 2021, le département a indiqué à A______ en avoir pris bonne note.

h. Le 19 octobre 2022, un délai au 10 novembre 2022 a été imparti à A______ par le département afin de communiquer l’intégralité des pièces demandées le
4 décembre 2019, faute de quoi la demande serait classée.

Le 3 novembre 2022, indiquant faire face à des difficultés pour recueillir tous les documents, le MPQ a sollicité et obtenu un délai au 28 février 2023.

Le 23 février 2023, le MPQ a demandé un dernier délai au 15 avril 2023, que le département a accordé.

i. Dans le cadre de la procédures I-4______ relative à la parcelle no 1'810, une visite sur place a eu lieu le 20 juin 2023, en présence d’un représentant de l’OAC et du MPQ de B______.

j. Le 20 juillet 2023, l’OAC a indiqué à B______, se référant à la visite précitée, que les plans conformes relatifs aux bâtiments nos 2______ et 1______ ne lui avaient pas été transmis. Concernant la véranda-bureau, construite sans autorisation en 2009, selon les photographies aériennes disponibles sur le SITG, les documents requis dans le cadre de la procédure de régularisation n’avaient toujours pas été communiqués, malgré les délais octroyés. Au vu de sa persistante à ne pas coopérer, aucun nouveau délai ne serait octroyé concernant le traitement de cette demande (DD 3______). Divers autres aménagements, notamment un parking extérieur, un chemin d’accès à la façade nord-est de la véranda et un aménagement paysager avaient été constatés. B______ était invitée à se déterminer sur ces points, dans un délai de dix jours.

Le 18 août 2023, le MPQ a informé le DT qu’il n’avait été en mesure de prendre connaissance de son mail du 25 juillet 2023 qu’à son retour des vacances horlogères, soit le 15 août 2023. Il sollicitait une prolongation de délai au
17 septembre 2023 afin d’obtenir la documentation demandée auprès de la famille de l’ancien MPQ, décédé dans l’intervalle.

Le même jour, par retour de courriel, le département a prolongé le délai au
25 août 2023. Pour le surplus, le département a indiqué ne pas avoir été informé des vacances horlogères et indiquait que sa communication datait du 20 juillet 2023 et non du 25 juillet 2023.

Le même jour, le MPQ a indiqué au département que les vacances avaient été abordées durant la visite sur place du mois de juin 2023 et qu’il y avait été fait mention du fait que les délais ne pourraient vraisemblablement pas être respectés.

k. Par décision du 30 août 2023, aucune suite n’ayant été donnée à cet échange, l’OAC a ordonné à B______, d’ici au 29 septembre 2023, de :

- fournir des plans conformes à la réalité des bâtiments nos 2______ et 1______ ;

- requérir une autorisation de construire complète, en bonne et due forme, concernant l’intégralité des aménagements extérieurs sis sur la parcelle no 1'810. Cette requête devait clairement indiquer « demande de régularisation I-5______ ».

La véranda-bureau n’étant pas au bénéfice d’une autorisation de construire en force, il était fait interdiction de l’utiliser, avec effet immédiat.

La décision mentionnait un délai de recours de dix jours.

l. Le 11 septembre 2023, B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, notamment en ce qui concernait l’interdiction d’utiliser la véranda-bureau.

Par jugement du 16 mai 2024, le TAPI a admis le recours de B______ (JTAPI/465/2024) dans la cause A/2877/2023 à l’encontre de l’interdiction immédiate d’utiliser la véranda-bureau. La décision du 30 août 2023 étant confirmée pour le surplus.

m. B______ a sollicité divers délais afin de donner suite aux injonctions du département.

n. Le 18 octobre 2023, l’OU a émis un second avis défavorable.

o. Par décision du 21 novembre 2023, l’OAC a refusé de délivrer l’autorisation de construire visant la régularisation de la construction de la véranda-bureau (« I-6______ et I-4______ »).

Il ressortait du préavis défavorable du 18 octobre 2023 de l’OU que le projet consistait en une véranda destinée à accueillir un espace dévolu à l’organisation de réceptions ainsi que des bureaux. Celle-ci n’était pas conforme à la zone d’affectation résidentielle (zone 5). La destination du bâtiment, prévue pour un public jusqu’à 300 personnes, générait un flux important de déplacements impactant le voisinage résidentiel : circulation accrue, saturation des voiries villageoises, nuisances sonores.

Par ailleurs, dans son préavis du 24 septembre 2019, la DAC estimait que
l’art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) n’était pas respecté. Des documents manquaient (coupes, plans, calcul des rapports des surfaces, etc.), rendant l’analyse complète impossible. Différentes instances avaient aussi demandé des pièces complémentaires. Malgré le délai fixé par courrier du 4 décembre 2019, prolongé jusqu’au 15 avril 2023, aucun complément n’avait été fourni. Le département, faisant siens les préavis, refusait donc l’autorisation de construire.

C. a. Le 9 janvier 2024, A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au département.

La véranda-bureau occupait uniquement la zone au sud-ouest des bâtiments de la parcelle, sans couvrir entièrement celle-ci. Aucune nuisance n’était constatée. Sa longue existence démontrait l’absence de problèmes ou d’incommodités pour le voisinage. Les arguments du département selon lesquels l’accueil jusqu’à
300 personnes impliquerait un flux de déplacements conséquents ayant un impact sur le voisinage tombaient à faux. Les conditions de l’art. 19 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) étaient remplies.

b. Le département a conclu, dans la mesure où il serait recevable, au rejet du recours.

Les motifs du refus étaient clairement exposés dans la décision. Les conditions de l’art. 19 al. 3 LaLAT n’étaient pas remplies, et A______ n’en apportait aucune démonstration contraire. L’absence de nuisances qu’il invoquait n’était pas pertinente.

Par ailleurs, le dossier incomplet ne permettait pas d’analyser la demande, notamment quant au rapport des surfaces, et plusieurs instances de préavis avaient demandé des compléments. Malgré les nombreux délais accordés depuis décembre 2019, aucune pièce requise n’avait été transmise au département par le MPQ. L’autorisation ne pouvait donc, pour ces raisons également, pas être délivrée.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que la véranda-bureau abritait une cafétéria utilisée par 400 employés pour le repas de midi, ainsi que le département comptabilité, le service des commandes de pièces horlogères, une salle de réception et d’autres bureaux essentiels au groupe joaillier et horloger.

Le département appliquait un raisonnement en « deux poids, deux mesures », comme en attestait un article sur « F______ ». Le Conseil d’État avait confirmé l’existence de nombreux cas où des activités professionnelles avaient été autorisées en zone 5, en application de l’art. 19 al. 3 LaLAT. Pourtant, cette dérogation, bien que remplie en l’espèce, n’avait jamais été examinée. Les préavis révélaient que cet aspect avait été ignoré.

La véranda-bureau existait depuis plus de quinze ans sans urgence ni risque pour la sécurité, comme confirmé dans le jugement de la cause A/2877/2023. Aucune nuisance n’avait été constatée durant cette période. Concernant la circulation accrue selon l’OU, c’était le refus d’autorisation qui provoquerait un tel trafic, les
400 employés devant se déplacer pour déjeuner.

Le département, informé de l’existence de la véranda-bureau bien avant 2019, faisait preuve d’une attitude répressive plutôt que corrective. La décision attaquée ne contenait aucune analyse de la dérogation applicable en zone 5. Malgré les circonstances exceptionnelles dues au décès de l’ancien maître d’ouvrage, le département accablait A______ de dossiers, ce qui était une discrimination manifeste. La non-production de documents complémentaires en raison d’une surcharge de travail ne pouvait justifier un refus d’autorisation de construire sans violer le principe de la bonne foi.

d. Dans sa duplique, le département a relevé que dans la cause A/2877/2023, le TAPI avait annulé l’ordre de cessation immédiate d’utiliser la véranda-bureau, sans juger cette construction conforme à la zone ou éligible à une dérogation. Contrairement aux affirmations de A______, une analyse des conditions d’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 19 al. 3 LaLAT avait été réalisée, le préavis de l’OU concluant que celles-ci n’étaient pas remplies.

Concernant la bonne foi, la construction de la véranda-bureau sans autorisation, violait les règles applicables. Aucune des conditions jurisprudentielles pour invoquer ce principe n’était satisfaite. A______ n’avait pas prouvé avoir agi sur la base d’assurances données par le département ou que ce dernier connaissait l’existence de la véranda depuis sa construction.

L’argument de mauvaise foi lié au refus pour absence de pièces complémentaires devait être écarté. Les compléments avaient été demandés dès le 4 décembre 2019, avec relance le 19 octobre 2022, et plusieurs délais prolongés jusqu’au
15 avril 2023. À cette date, les pièces requises n’avaient toujours pas été transmises. Si une surcharge interne empêchait leur transmission après plus de trois ans, il appartenait à A______ d’y remédier. Le département ne pouvait indéfiniment supporter ces retards.

Le cas de « F______ » n’était pas comparable, cette construction étant une villa conforme à la zone 5, contrairement à la véranda-bureau. L’inégalité de traitement alléguée était infondée.

Le refus d’autorisation résultait d’un examen objectif du dossier. En l’absence de conditions pour une dérogation et face aux manquements persistants quant aux pièces requises, le refus était justifié et conforme à la législation applicable.

e. Le 29 août 2024, le TAPI a rejeté le recours de A______ et B______.

Le département avait refusé l’autorisation en raison de l’absence de transmission des compléments requis par diverses instances de préavis, notamment la DAC, le SMS ; les offices cantonaux de l’eau, de l’énergie, de l’agriculture et de la nature et de l’environnement.

A______ avait reproché au département de ne pas avoir examiné les conditions de la dérogation prévue à l’art. 19 al. 3 LaLAT et avait invoqué une violation du principe de la bonne foi.

L’autorisation de construire nécessitait une dérogation au sens de l’art. 26 al. 1 LaLAT, car la construction se situait en zone villa (art. 19 al. 3 LaLAT) et relevait également de l’art. 59 LCI. Son instruction imposait donc une analyse approfondie, conforme aux exigences du droit public des constructions.

Le 4 décembre 2019, le département avait transmis à A______ les préavis recueillis, dont celui défavorable de la DAC, invoquant l’impossibilité d’instruire le dossier. Le TAPI reprenait l’historique de l’instruction du dossier la décision et constatait que A______ n’avait jamais donné suite aux demandes de compléments des services de préavis. Le département avait dès lors et comme annoncé statué en l’état du dossier, sans verser dans l’arbitraire. La construction ayant été érigée sans autorisation, l’autorité devait prendre une décision afin de ne pas encourager des comportements abusifs.

A______ ne contestait pas que le projet n’était pas conforme à la zone 5, mais reprochait au département de ne pas avoir examiné les conditions de l’octroi d’une dérogation ce que, contrairement à ce que soutenait A______, l’OU avait traité, relevant que les conditions n’étaient pas remplies.

La question d’une dérogation à l’art. 19 al. 3 LaLAT avait non seulement été examinée, mais l’OU l’avait expressément refusée, considérant que le projet n’était pas conforme à la zone et qu’il serait source d’inconvénients graves pour le voisinage. A______, se contentait d’affirmations générales sur l’absence de nuisances et entendait substituer son appréciation à celle de l’autorité. Le TAPI, tenu de respecter la latitude d’appréciation de cette dernière, ne pouvait intervenir qu’en cas d’arbitraire manifeste, ce qui n’avait pas été démontré.

Aucune promesse concrète d’autorisation n’avait été faite à A______ ou à son architecte. Le grief de violation du principe de la bonne foi devait être écarté.

Enfin, A______ n’avait pas prouvé une inégalité de traitement. L’article de presse invoqué concernait une situation différente, portant sur une villa existante, alors que son projet portait sur une construction nouvelle réalisée sans droit. Ce grief devait également être écarté.

D. a. Par acte du 3 octobre 2024, A______ a recouru contre le jugement précité devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à ce qu’elle constate que le recours avait effet suspensif et, principalement, à ce qu’elle annule le jugement du 29 août 2024.

L’OU avait rendu deux préavis défavorables (28 octobre 2019 et 18 octobre 2023), limités au constat de la non-conformité du projet à la zone 5 sans examiner les conditions de dérogation de l’art. 19 al. 3 LaLAT. La décision litigieuse du département invoquait à tort l’art. 19 al. 4 LaLAT ou analysait incorrectement
l’art. 19 al. 3 LaLAT.

Pourtant, le projet remplissait les conditions de l’art. 19 al. 3 LaLAT :

-          B______ avait son siège route C______, à l’adresse de la parcelle litigieuse dont elle était propriétaire et qui constituait sa résidence principale ;

-          la véranda-bureau occupait seulement une partie de la parcelle à des fins professionnelles ;

-          aucune nuisance grave pour le voisinage n’avait été constatée en plus de 20 ans d’existence, comme l’absence de plaintes le démontrait. Les nuisances avancées (flux automobile, saturation des voiries, nuisances sonores) n’étaient ni graves ni étayées. Le refus d’autorisation créerait au contraire un flux accru de déplacements, forçant 400 employés à sortir du site pour déjeuner.

Le département agissait de manière contradictoire et de mauvaise foi : entre 1995 et 2007, il avait accordé cinq autorisations sur cette parcelle, notamment la
DD 7______/2, reconnaissant l’activité professionnelle en zone 5 pour des bâtiments artisanaux, une cafétéria et un parking. Refuser aujourd’hui l’autorisation pour la véranda-bureau rompait injustement avec cette pratique.

La comparaison avec l’affaire « F______ » révélait une inégalité de traitement, une dérogation ayant été accordée pour une activité économique similaire en zone 5. Refuser une dérogation à A______ violait le principe d’égalité de traitement.

En outre, exiger une documentation complémentaire près de quatre ans après le dépôt du dossier était disproportionné et inutile, les conditions de dérogation étant remplies. Cette attitude et les refus successifs reflétaient un acharnement administratif contre A______, fleuron de l’industrie cantonale.

Enfin, le département avait adopté un comportement abusif et contradictoire, violant les principes de bonne foi et de l’interdiction de comportement contradictoire (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

b. Dans sa réponse, le département a relevé que les conditions de
l’art. 19 al. 3 LaLAT avaient été analysées et leur non-respect était manifeste. La véranda-bureau ne pouvait être assimilée à une villa, aucune partie n’étant affectée au logement, et le siège social ne pouvait être qualifié de résidence principale.

Une dérogation selon l’art. 26 al. 1 LaLAT avait été examinée, mais refusée en raison des nuisances attendues, notamment un flux important de trafic et des émissions sonores. L’OU avait souligné l’implantation de la construction en
zone 5, dans un tissu résidentiel dense, destinée à accueillir jusqu’à 300 personnes, situation incompatible avec le cadre légal.

Les allégations relatives au flux d’employés quittant le site pour déjeuner en l’absence de la véranda-bureau apparaissaient douteuses. La cafétéria en question, d’une surface de 22.5 m², ne comportait que 16 places assises. Le chiffre avancé de 400 employés y déjeunant quotidiennement semblait donc démesuré, voire fantaisiste.

A______ n’avait nullement démontré l’absence de nuisances, l’absence de plainte ne constituant pas, en soi, une preuve. Ce dernier substituait ainsi son appréciation à celle du département.

L’autorisation DD 7______/2 concernait une villa intégrant une partie bureau, conforme à l’art. 19 al. 3 LaLAT mais ne couvrait pas d’autres constructions sur la parcelle n° 1'810. Le département n’avait donné aucune assurance quant à l’acceptation de la véranda-bureau, et les autorisations antérieures liées aux activités de A______ ne garantissaient pas un droit automatique pour les demandes ultérieures.

L’examen des conditions légales montrait que la véranda-bureau ne pouvait être autorisée en raison de son utilisation et des nuisances prévues. A______ bénéficiait déjà de plusieurs infrastructures – bureaux, salle polyvalente, salle de
conférence – pouvant accueillir les activités envisagées.

Il n’était pas prouvé que le département avait connaissance de la véranda-bureau ou l’avait tolérée. Aucune violation des principes de bonne foi ou d’égalité de traitement n’était établie.

Enfin, l’affaire « F______ » n’était pas comparable : elle concernait une villa autorisée en zone 5, affectée à la résidence, contrairement à la véranda-bureau, jamais autorisée ni conforme. Le TAPI avait donc correctement conclu à l’absence de violation des principes invoqués.

c. Par réplique du 27 novembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

Il n’était pas contesté que la véranda-bureau n’était pas conforme à la zone 5, permettant ainsi l’examen d’une dérogation. Les conditions de l’art. 19 al. 3 LaLAT étaient remplies, et une dérogation devait être octroyée conformément à
l’art. 26 al. 1 LaLAT.

La véranda-bureau, rattachée à la villa adjacente, ne causait pas de graves inconvénients pour le voisinage, ce qui justifiait une dérogation. L’absence de plaintes depuis plus de dix ans renforçait cette conclusion. Il était illogique d’exiger une preuve de l’inexistence de nuisances, une telle exigence contrevenant au principe de l’arbitraire.

Le département n’avait pas correctement analysé les conditions de dérogation en négligeant l’évolution du quartier et la nature de la construction. La véranda-bureau répondait à un intérêt privé prépondérant et à un intérêt public, en permettant à A______ de maintenir son activité essentielle pour le canton et la commune de D______. Ces intérêts surpassaient ceux liés au strict respect de l’affectation de zone.

En outre, aucune preuve d’un impact préjudiciable sur l’environnement n’était avancée. Le département avait déjà autorisé diverses activités commerciales et constructions sur la parcelle litigieuse, dont des agrandissements de villas, des bâtiments d’ateliers artisanaux, une salle polyvalente et un parking extérieur de
34 places, générant des nuisances bien plus importantes que celles de la
véranda-bureau.

Le caractère contradictoire de la décision litigieuse était manifeste, puisque les autorisations antérieures avaient été octroyées sur dérogation. Ces éléments démontraient que l’activité exercée dans la véranda-bureau ne créait pas de nuisances graves, comme l’absence de plaintes du voisinage l’attestait.

Le département aurait dû analyser et valider les conditions de l’art. 26 al. 1 LaLAT, en cohérence avec les autorisations précédemment délivrées.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2.             L’objet du litige porte sur le refus de délivrance de l’autorisation de construire
(DD 3______ et les infractions y relatives I-6______ et I-4______) visant à la régularisation de la construction d’une véranda-bureau.

2.1 En vertu de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 3).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P_269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

2.2 Selon l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée si : a) la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone ; b) le terrain est équipé (al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (al. 3).

Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l’intérieur de la zone à bâtir
(art. 23 LAT).

2.3 Selon l’art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l’autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

2.4 La 5e zone est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 LaLAT).

En 5e zone, le propriétaire, l’ayant droit ou le locataire d’une villa peut, à condition que celle-ci constitue sa résidence principale, utiliser une partie de cette villa aux fins d’y exercer des activités professionnelles, pour autant qu’elles n’entraînent pas de nuisances graves pour le voisinage (art. 19 al. 3 in fine LaLAT).

Il ressort des délibérations du Grand Conseil que cet article, tel qu’il a été adopté le 22 janvier 1988, vise à permettre une activité sans nuisances dans les zones villas. Seule une partie de la maison peut être utilisée à des fins professionnelles pour être certain que le caractère d’habitation reste prépondérant. Il n’est pas souhaitable que cette disposition permette par exemple à une personne, sous le couvert d’une boîte aux lettres, de transformer une villa en bureaux, bien qu’y étant domiciliée (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1988, pp. 596 ss).

2.5 L’art. 26 al. 1 LaLAT, applicable par renvoi de l’art. 23 LAT, autorise le département à déroger aux dispositions des art. 18 et 19 LaLAT quant à la nature des constructions lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage.

La notion de circonstances particulières au sens de l’art. 26 al. 1 LaLAT est un concept juridique indéterminé laissant une certaine latitude à l’autorité administrative, laquelle jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Les autorités de recours doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d). Le principe de la proportionnalité prend une place majeure et impose une pesée des intérêts militant pour et contre la mesure en cause (ATA/95/2022 précité consid. 7d ; ATA/639/2020 précité consid. 4d ; ATA/1460/2017 du 31 octobre 2017 consid. 2b et les références citées).

Selon la jurisprudence, il convient d’adopter une interprétation restrictive de
l’art. 26 al. 1 LaLAT, en tout cas lorsque l’on entend l’appliquer à la 5e zone. En effet, la condition de l’absence d’inconvénients graves pour le voisinage est identique à celle qui est posée pour la tolérance d’activités professionnelles dans une partie d’une habitation (art. 19 al. 3 2ème phr. LaLAT). Seule la condition de
« circonstances qui le justifient » distingue donc la tolérance conforme à l’affectation de la zone et la réelle dérogation. Cette condition doit, par conséquent, avoir une consistance certaine, sauf à vider de son sens, par le biais des dérogations, la réglementation expressément voulue par le législateur (ATA/653/2021 du
22 juin 2021 consid. 6e et les références citées).

Les circonstances visées à l’art. 26 al. 1 LaLAT doivent être à la fois particulières, en ce sens que la situation considérée doit être réellement exceptionnelle dans le cadre de la zone, et suffisamment importante pour justifier que l’intérêt public au respect de l’affectation de la zone, consacré par le législateur, cède le pas face à un intérêt public ou privé prépondérant (ATA/653/2021 précité, consid. 6d).

2.6 À teneur de l’art. 2 LCI, les demandes d’autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40 ; art. 2 al. 3 LCI).

2.7 La demande définitive doit être adressée au département sur formule officielle, en dix exemplaires (art. 9 al. 1 1ère phrase RCI). Il y a lieu de joindre notamment les plans et documents suivants : b) extrait du plan cadastral conforme aux al. 2 et 4 de l’art. 7 de l’ordonnance fédérale sur la mensuration officielle du 18 novembre 1992 (OMO - RS 211.432.2), obtenu soit sur le guichet cartographique de la mensuration officielle, soit auprès d’un ingénieur-géomètre officiel. Sur ce plan, la nouvelle construction doit être figurée et cotée par rapport aux limites de propriété, avec des niveaux aux angles des constructions, des coupes de principe sur la construction projetée, et l’indication des gabarits théoriques, de telle sorte qu’il soit facile de déterminer ses relations avec les voies les plus proches (publiques ou chemins privés) et les propriétés limitrophes sur une profondeur de 15 m au moins, en indiquant les constructions existantes et, le cas échéant, les distances aux lisières forestières, au lac et aux cours d’eau. Sont également précisés : les emplacements de stationnement, l’aménagement des accès, les raccordements à la voie publique, les sens de circulation prévus, ainsi que les raccords aux canalisations d’évacuation existantes, les bâtiments encore non cadastrés ou qui ne nécessitent pas de cadastration, éventuellement à conserver ou à démolir, et les arbres à abattre. La signature du plan cadastral par un ingénieur-géomètre officiel est obligatoire, sauf lorsque l’objet de la demande porte uniquement sur la transformation, la rénovation ou le changement d’affectation d’une construction (art. 9 al. 2 RCI).

Les exigences formelles imposées par l’art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d’instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l’exercice du droit de chacun de consulter – et de comprendre – les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d’un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause
(art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/997/2023 du 12 septembre 2023 consid. 3.2).

Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

2.8 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux
(ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

2.9 Selon la teneur de l’art. 59 al. 1 LCI, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27.5% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l’un de ces standards.

L’art. 59 al. 2 LCI prévoit que, par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la SBP de la totalité de la construction hors sol.

2.10 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/206/2024 du 13 février 2024 consid. 4.4 ; ATA/486/2023
du 9 mai 2023 consid. 6.1.1 et les références citées).

Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l’autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/206/2024 précité consid. 4.4 ; ATA/1296/2022 du 20 décembre 2022 consid. 6c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 508 p. 176 et la jurisprudence citée).

Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/206/2024 précité consid. 4.4 ; ATA/423/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.2).

2.11 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés

Les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (art. 22 LPA).

L’art. 24 LPA prévoit que l’autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al. 1). L’autorité apprécie librement l’attitude d’une partie qui refuse de produire une pièce ou d’indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevable les conclusions des parties qui refusent de produire des pièces et autres renseignements indispensables pour que l’autorité puisse prendre sa décision (al. 2).

La maxime inquisitoire oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du
29 septembre 2020 consid. 3c).

En cas d’absence de production des documents nécessaires, le risque de se voir reprocher son défaut de collaboration dans une procédure régie par la maxime inquisitoire existe (ATF 130 II 425 consid. 6.6).

2.12 En l’espèce, la recourante reproche à l’intimé de ne pas avoir procédé à une analyse concrète des conditions de dérogation prévues aux art. 26 al. 1 et 19 al. 3LaLAT, estimant également que la documentation complémentaire sollicitée par l’intimé n’était pas pertinente, dans la mesure où les conditions d’une dérogation seraient remplies.

Comme cela ressort du dossier ainsi que du jugement de première instance, ce n’est pas tant la réalisation des conditions de dérogation qui fait défaut, mais bien le manque de collaboration de la recourante et ce, pas uniquement sur la question de la dérogation. En effet, la lecture du dossier permet de constater que, dès le début de l’instruction, la recourante n’a pas fourni tous les documents requis. Ainsi, dès l’examen des préavis, plusieurs autorités ont indiqué avoir besoin de documents complémentaires, qui n’ont jamais été transmis par la recourante.

L’intimé lui a en effet adressé, le 4 décembre 2019, les préavis relatifs à la demande, y compris ceux où il était expressément indiqué que des documents complémentaires étaient nécessaires pour se déterminer, tels que ceux du SMS, des offices cantonaux de l’eau, de l’énergie ; de l’agriculture et de la nature, de l’environnement ou encore de l’office des autorisations de construire. Au terme du premier délai de 30 jours octroyé par l’intimé, la recourante n’a pas donné suite.

Si le changement d’architecte annoncé par la recourante en février 2021 peut expliquer certains retards pris dans la procédure, il ne peut, à lui seul, justifier le manque de collaboration de la recourante. En effet, comme le souligne à juste titre le TAPI, de nombreux délais ont été octroyés à la recourante depuis cette date pour se mettre en conformité avec les demandes de l’intimé (10 novembre 2022 ;
28 février 2023 ; 15 avril 2023 ; 25 août 2023 ; 29 septembre 2023). La recourante n’a, malgré ceux-ci, jamais envoyé les documents demandés, sans jamais remettre en cause, jusqu’à son recours devant la chambre de céans, la pertinence de ces demandes.

En outre, le 30 août 2023, sans nouvelles de la part de la recourante, l’intimé a ordonné la production de plusieurs documents (plans, autorisation de construire complète). La recourante a, à nouveau, sollicité plusieurs délais, sans toutefois se conformer à son obligation de collaborer. C’est donc en l’état du dossier que l’intimé a été obligé de statuer et de refuser la demande, conséquence dont la recourante avait été avertie. L’analyse du TAPI, selon laquelle l’intimé n’a pas versé dans l’arbitraire en rendant sa décision, ne peut, au vu de ce qui précède, prêter le flanc à la critique.

Les arguments avancés par la recourante pour tenter de justifier son manque de collaboration ne sont pas convaincants. Comme le souligne le TAPI, la demande de régularisation ayant été déposée le 18 septembre 2019 et de nombreux délais ayant été accordés à la recourante, ni une prétendue surcharge de travail due aux multiples demandes de l’intimé, ni une surcharge de travail du mandataire de la recourante ne sont de nature à justifier l’absence de collaboration de cette dernière pendant quatre années.

Pour prendre sa décision, le département se fonde sur le contenu de la demande et des documents qui lui sont adressés. Or, à teneur de ceux-ci, le projet ne remplissait pas les exigences des art. 22 al. 2 let. 1 LAT, 19 al. 3 LaLAT et de l’art. 59 LCI. Il est dès lors difficile d’envisager comment l’intimé aurait pu rendre une décision favorable sans être au fait de tous les éléments pertinents, notamment au sens de l’art. 1 al. 6 LCI. La question de savoir si le projet répond aux critères de dérogation prévus par les dispositions précédemment citées peut rester indécise, la recourante n’ayant pas fourni la documentation permettant à l’intimé de se prononcer en toute connaissance de cause sur les autres conditions.

Les critiques formulées par la recourante quant à la pertinence des demandes de complément de l’intimé seront écartées. En effet, si elle considérait cette requête comme dénuée de pertinence, elle aurait dû faire part de ses remarques à l’intimé en temps utile et non pas attendre la présente procédure. De plus, la juridiction de recours ne saurait se substituer aux services spécialisés pour déterminer les pièces et informations dont ces derniers ont besoin pour émettre un préavis ou prendre une décision.

Par conséquent, la décision querellée sera confirmée. La recourante ayant manqué de manière manifeste à son devoir de collaboration, c’est sans verser dans l’arbitraire que l’intimé a statué en l’état du dossier et refusé d’octroyer l’autorisation de construire litigieuse.

Comme l’a déjà souligné l’instance précédente, il sera rappelé que l’intimé a été mis devant le fait accompli, les constructions ayant été érigées sans autorisation. L’absence de collaboration des parties ne saurait empêcher, dans ce cas, le département de statuer, au risque d’encourager les comportements abusifs. Les administrés pourraient, en effet, profiter des constructions non autorisées le temps souhaité, en ne donnant simplement pas suite aux requêtes du département.

Enfin, il ne peut être accordé de dérogation sur la base d’un dossier incomplet, et qui ne permet pas aux instances de préavis d’analyser la situation.

3.             La recourante reproche encore au département d’avoir violé les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

3.1 Ancré à l’art. 9 Cst., et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du
8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.1).

3.2 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à
l’art. 8 al. 1 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ;
144 I 113 consid. 5.1.1).

3.3 En l’espèce, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l’autorité intimée aurait pris un engagement concret vis-à-vis de la recourante quant à l’octroi d’une autorisation de construire portant sur la régularisation de la véranda-bureau. Le fait que l’autorité intimée ait, par le passé, délivré des autorisations de construire sur dérogation pour des projets de la recourante en zone 5 ne constitue pas un blanc‑seing pour tous les projets soumis par la suite. Dès lors, c’est à juste titre que le TAPI a retenu qu’aucune violation du principe de bonne foi par l’intimé n’était à constater.

La recourante allègue qu’elle aurait fait l’objet d’une inégalité de traitement. Or, d’une part, elle ne peut tirer aucun droit d’un dossier décrit pas plusieurs instances comme largement incomplet et ne leur permettant pas de procéder à l’analyse de la situation, et d’autre part, il ne ressort pas de l’article de presse versé au dossier par la recourante que le cas de l’établissement évoqué soit identique, ni même similaire au sien. Comme le souligne le TAPI, l’autorisation de construire de l’établissement en question portait sur une villa déjà existante et non sur une nouvelle construction, telle que le projet litigieux. Partant, c’est à bon droit que le TAPI a écarté ce grief.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *



 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2024 par le A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal PÉTROZ, avocat de la recourante, au département du territoire-OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :