Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/88/2025 du 21.01.2025 sur JTAPI/337/2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/752/2024-LCI ATA/88/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 21 janvier 2025 3ème section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 avril 2024 (JTAPI/337/2024)
A. a. Selon les données du registre de commerce du canton de Vaud, A______ (ci‑après : A______) a son siège social à la route de B______, à C______. D______ en est l'unique associé gérant avec signature individuelle.
b. Par décision du 27 février 2024, le département du territoire (ci-après : le département) a infligé une amende administrative de CHF 2'000.- à l'intéressée, suite au contrôle effectué par ses soins, le 16 octobre 2023, sur un chantier sis à E______ (GE), chemin F______ où il a été constaté qu'un ouvrier travaillait sur un échafaudage non réglementaire et que les garde-corps et l'escalier d'accès audit chantier n'étaient pas conformes.
La décision a été notifiée à A______ à l'adresse susmentionnée.
B. a. Par acte du 1er mars 2024, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.
L'enveloppe contenant l'acte de recours portait une adresse identique à celle sus‑indiquée, ainsi que la raison sociale de l'entreprise.
b. Par lettre du 5 mars 2024 envoyée sous pli recommandé à l'entreprise, le TAPI a imparti à A______ un délai au 4 avril 2024 pour procéder au versement d’une avance de frais d’un montant de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours.
c. Le 19 mars 2024, le pli non réclamé a été retourné au TAPI, A______ ne l'ayant pas retiré dans le délai de garde échéant au 13 mars 2024.
d. Par jugement du 14 avril 2024, le TAPI, constatant que A______ ne s'était pas acquittée de l'avance de frais, a déclaré le recours irrecevable.
C. a. Par acte du 16 mai 2024, A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, demandant à ce que soit réexaminée la « détermination » selon laquelle elle n'avait pas retiré le pli recommandé précité dans le délai imparti.
Selon D______, suite à l'arrêt du chantier de E______ et en l'absence de toute information relative à sa date de reprise ou à son arrêt total, il avait commencé, le 4 mars 2024, une activité lucrative à 100% en qualité d'employé dans une autre entreprise. Pour cette raison, il n'avait pas pu retirer le pli recommandé.
Était annexé un exemplaire de son contrat de travail.
b. Le TAPI n'a pas formulé d'observations.
c. Le 12 juin 2024, le département s'en est rapporté à justice sur l'issue de la procédure de recours.
d. A______ a répliqué le 22 juin 2024, persistant dans son argumentation.
e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le recours ne contient pas de conclusions formelles.
2.1 Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/533/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b).
2.2 En l'occurrence, même si la recourante ne prend pas expressément de conclusions formelles, se contentant de solliciter le réexamen de la « détermination » selon laquelle elle n'a pas retiré la lettre recommandée relative à l'avance des frais dans le délai imparti, il faut comprendre par là qu'à la suite de la décision d'irrecevabilité rendue par le TAPI, elle souhaite voir les effets de cette décision annihilés et le bien-fondé de son recours examiné.
3. Est litigieux le jugement du TAPI rendu le 14 avril 2024 déclarant irrecevable le recours, intenté par-devant lui par la recourante, pour défaut de paiement d'avance de frais.
3.1 L’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d’organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).
En vertu de l’art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).
À rigueur de texte, l’art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).
3.2 Selon la jurisprudence constante, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).
3.3 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).
Il n’y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d’une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d’un retard dans le paiement de l’avance sur la situation du recourant n’est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2).
3.4 Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 1 phr. 1 LPA).
Lorsque l’autorité de recours notifie une décision à l’adresse indiquée par un recourant, qui connaissait l’existence de la procédure pour l’avoir initiée par son recours, le délai de paiement de l’avance de frais est imparti conformément aux règles légales et principes jurisprudentiels (ATA/475/2016 du 7 juin 2016 consid. 4).
En cas de changement d’adresse durant la procédure, il appartient à l’administré d’informer l’administration ou l’autorité de recours (ATA/605/2024 du 16 mai 2024 consid. 4 ; ATA/367/2014 du 20 mai 2014 consid. 2).
Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde (fiction de la notification). Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 141 II 429 consid. 3.1 ; ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).
3.5 En l'espèce, il n'est pas contesté que le pli recommandé du TAPI enjoignant à la recourante de s'acquitter de l'avance de frais, bien qu'envoyé à son adresse exacte, n'a pas été retiré dans le délai de garde échéant au 13 mars 2024, comme l'atteste son renvoi à l'expéditeur avec la mention « non réclamé ». La demande de paiement de l'avance de frais a ainsi été régulièrement notifiée, conformément à la fiction de notification admise par la jurisprudence précitée, et le délai de paiement fixé était raisonnable. En l'absence de paiement de cette avance de frais à l'échéance du délai fixé au 4 avril 2024, le TAPI était a priori fondé à déclarer le recours irrecevable. Il reste à examiner si la recourante pouvait se prévaloir d'un empêchement non fautif susceptible de justifier la restitution du délai de paiement de l'avance de frais.
La recourante ayant elle-même introduit la procédure de recours par-devant le TAPI, elle devait s'attendre à recevoir, pendant toute la durée de cette procédure, des actes et communications du tribunal. Il lui appartenait en conséquence de prendre les dispositions d'organisation nécessaires pour que ces actes et communications lui parviennent, malgré d'éventuelles absences ou indisponibilités de ses organes ou employés. À cet égard, la recourante, qui ne conteste pas avoir reçu l'avis de retrait du recommandé, ne soutient pas avoir pris de telles mesures, se bornant à expliquer sa défaillance par les nouvelles occupations professionnelles de son unique associé D______. Or, quand bien même la situation professionnelle de ce dernier ne lui aurait pas laissé la disponibilité nécessaire pour retirer le pli recommandé adressé à la recourante, rien ne permet, à l'aune des éléments du dossier, de retenir que celle-ci aurait été incapable, par exemple, de mandater une tierce personne pour procéder au retrait dudit pli, dont l'éventualité qu'il provienne de l'autorité judiciaire qu'elle avait saisie quelques jours auparavant ne pouvait guère lui échapper.
La possibilité pour la recourante de s'organiser de manière à recevoir les actes et communications relatifs à la procédure de recours est du reste démontrée par le fait qu'elle a retiré en temps utile le jugement contesté.
Pour le surplus, il sera relevé que la recourante est dotée d'une personnalité juridique propre distincte de celle de son associé, fût-il unique ; des circonstances personnelles propres à ce dernier ne sauraient donc être considérées, sans autre examen, comme susceptibles de justifier un manquement par la recourante à ses obligations procédurales.
Il résulte ainsi de l'ensemble des circonstances que l'absence de prise de connaissance par la recourante de l'invitation à s'acquitter d'une avance de frais que lui avait adressée le TAPI n'est pas due à un cas de force majeure. C'est donc à juste titre que le TAPI, constatant que l'avance requise n'avait pas été acquittée dans le délai imparti à cette fin, a déclaré le recours irrecevable en application de l'art. 86 al. 2 LPA.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 avril 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______, au département du territoire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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