Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1319/2024 du 12.11.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1709/2024-TAXIS ATA/1319/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 novembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat
contre
DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée
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A. a. A______, chauffeur de taxi, est titulaire d’une carte de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) depuis le 23 novembre 2017 et de taxi depuis le 9 décembre 2020.
b. Le 10 mars 2023, A______ a fait l’objet d’une décision de retrait de permis de conduire pour une durée de trois mois par l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV), pour une infraction grave aux règles de la circulation, au sens de l’art. 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).
Selon la décision, A______ a dépassé la vitesse maximale autorisée en localité de 29 km/h, marge de sécurité déduite, le 4 mars 2022. Il ne pouvait prétendre à une bonne réputation en raison d’un avertissement prononcé le 5 janvier 2022.
B. a. Le 5 octobre 2023, A______ a déposé une nouvelle requête en délivrance d’une autorisation d'usage accru du domaine public (ci-après : AUADP).
b. Par courrier du 20 décembre 2023, la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : la PCTN) a indiqué à A______ avoir l’intention de rejeter sa nouvelle requête et de révoquer sa carte professionnelle de chauffeur de taxi, dès lors qu’il avait fait l’objet d’une mesure administrative de retrait de permis de conduire d’une durée de trois mois.
c. Le 18 janvier 2024, sous la plume de son conseil, A______ a indiqué considérer remplir toutes les conditions du régime transitoire. Il indiquait également qu’il convenait d’appliquer la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) dans son état au moment de la commission de l’infraction lui ayant valu son retrait de permis. En effet, sous l’égide de l’ancienne loi du 13 octobre 2016 (aLTVTC), le retrait de permis ne donnait pas lieu automatiquement au retrait des cartes professionnelles.
A______ a également précisé les circonstances ayant donné lieu au retrait de permis. Son épouse était enceinte et s'était sentie mal au moment de l’infraction. Elle avait eu une grossesse difficile et avait déjà fait une fausse couche. Il l'avait conduite alors chez le médecin. En outre, il avait été chauffeur de bus et camions durant de longues années et n’avait jamais fait l’objet de retrait de permis jusqu’alors.
d. Par décision du 18 avril 2024, la PCTN a révoqué les cartes professionnelles de VTC et de taxi délivrée à A______ et rejeté sa requête en délivrance d'une AUADP du 30 octobre 2023.
Il ressortait du dossier qu’il avait commis un excès de vitesse de 29 km/h, ce qui était une infraction grave. La décision de l’OCV avait été prononcée en tenant compte de toutes les circonstances de l’infraction, à savoir l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents ainsi que la nécessité professionnelle à conduire un véhicule automobile. Un chauffeur de taxi ne pouvait s’affranchir des règles de la circulation routière et la sécurité publique, en particulier la sécurité des clients et l'ordre public étaient prépondérants par rapport à l’intérêt d’A______ au maintien de ses cartes professionnelles de VTC et de taxi.
Concernant la délivrance d’une AUADP, malgré le contrat qu’il avait produit et l’attestation sur l’honneur de son bailleur, il paraissait peu probable qu’A______ ait été utilisateur effectif d’une AUADP au moment de l’adoption de la LTVTC. En tout état de cause, il avait été renoncé à instruire d’avantage au motif que faute d’être titulaire d’une carte professionnelle de taxi, les conditions d’octroi d’une AUADP n’étaient pas remplies.
C. a. Par acte posté le 18 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision de la PCTN, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit qu'il pouvait conserver ses cartes professionnelles de VTC et taxi et à la délivrance d'une AUADP.
Son activité de chauffeur de taxi était sa seule profession et source de revenu.
La PCTN violait le principe de non-rétroactivité, la LTVTC et le RTVTC étant entrés en vigueur le 1er novembre 2022, alors que les faits reprochés dataient du 4 mars 2022. Il convenait d’appliquer l’ancienne teneur de la loi et du règlement (aRTVTC). De plus, le retrait des cartes professionnelles présentait « un caractère pénal » et il convenait d’appliquer par analogie le principe de la lex mitior.
Il existait également une violation des art. 5 al. 4 aLTVTC et 6 al. 1 aRTVTC, au sens desquels la PCTN bénéficiait d’un large pouvoir d’appréciation et au sens desquels le retrait des cartes professionnelles prononcé sur la base de l’art. 16c LCR n’était alors pas automatique.
Il soulignait également que les faits avaient eu lieu dans un cadre privé, alors qu’il emmenait sa femme chez le médecin. Cette dernière était enceinte et avait déjà eu une fausse couche auparavant.
Concernant l’usage d’une AUADP au 28 janvier 2022, jour d’entrée en vigueur de la loi, les pièces versées au dossier établissaient sans doute possible un tel usage et la PCTN ne pouvait mettre en doute l’attestation sur l’honneur qui figurait au dossier.
b. Le 23 juillet 2024, la PCTN a conclu au rejet du recours.
A______ ne pouvait se prévaloir d’aucun motif justificatif pour expliquer l’infraction commise ayant conduit au retrait de son permis de conduire.
Au vu des travaux préparatoires relatifs à la LTVTC et du texte même de l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, la nouvelle législation avait prévu un net durcissement des conditions de délivrance des cartes professionnelles, disposant notamment que les retraits de permis de conduire prononcés en application des art. 15, 16b, 16c, 16cbis ou 16d LCR entraient dans la catégorie des décisions administratives incompatibles avec l’exercice de la profession (art. 6 al. 2 let. b RTVTC). Ce durcissement poursuivait un but d’intérêt public, à savoir la sécurité publique, la protection des usagers et le maintien de la réputation de la profession.
Enfin, la nouvelle loi était plus favorable à la situation du recourant.
c. Le 2 septembre 2024, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.
La profession de chauffeur de VTC et de taxis était la seule profession qu’il puisse exercer. Il n’avait pas d’autres diplômes et une réorientation serait extrêmement difficile. Il était le seul à pourvoir aux besoins de sa famille. La situation était d’autant plus difficile qu’il avait un enfant en bas âge et que son épouse n’était pas autorisée à travailler en Suisse.
Les circonstances de l’infraction que la PCTN semblait « relativiser » étaient confirmées par des rapports médicaux relatifs à son épouse et ses problèmes de santé, particulièrement ceux relatifs au risque élevé de fausse couche. Il avait été pris de panique lorsque son épouse, au vu de son état, avait ressenti de vives douleurs. Il s’était alors rendu en urgence à l’hôpital et c’était dans ces circonstances que l’excès de vitesse qui avait donné lieu au retrait de son permis de conduire avait été commis.
Il fallait tenir compte qu’aucune mise en danger concrète du trafic n'avait eu lieu et que l’infraction avait eu lieu en début de localité.
La décision attaquée violait sa liberté économique en lien avec le principe de la proportionnalité et elle devait en l’occurrence également être qualifiée de disproportionnée. En outre, la restriction grave à la liberté économique devait figurer dans une loi.
Le principe ne bis in idem était également violé, puisque le retrait de permis prononcé par l’OCV avait déjà pour effet de l’empêcher d’exercer son activité. Les sanctions étaient donc de même nature, portaient sur les mêmes faits, et ne pouvaient donc se cumuler conformément au principe précité.
La transmission de la décision de l’OCV à la PCTN violait la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) en lien avec l’égalité de traitement. Cette transmission ne reposait pas sur une base légale ni un intérêt suffisant, cela d’autant plus qu’elle était automatique.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Préalablement, le recourant sollicite son audition ainsi que celle d’un témoin, ce dernier pouvant attester qu'il avait un usage effectif d'une AUADP pour la période de septembre 2021 à août 2023.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).
2.2 . En l’espèce, le recourant a eu la possibilité, tant devant la PCTN que devant la chambre de céans, de faire valoir tous ses arguments, et a pu produire les pièces qu’il estimait utiles. Les faits sur lesquels son témoin pourrait être entendu ne sont quant à eux pas pertinents au vu de l'issue donnée au litige.
Il ne sera dès lors pas donné suite à sa requête.
3. Le recourant invoque une violation du principe de non-rétroactivité, les faits ayant fondé la décision étant antérieurs à l’entrée en vigueur de la LTVTC.
3.1 La rétroactivité est réalisée lorsque la loi attache des conséquences juridiques nouvelles à des faits qui se sont produits et achevés entièrement avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 417).
3.2 En l’espèce, l’argument du recourant tombe à faux.
En effet, lors de son entrée en vigueur la nouvelle LTVTC n’a pas prévu d’examiner à nouveau les conditions de la délivrance d’une carte professionnelle (art. 46 al. 2 LTVTC), celles délivrées sous l’ancienne LTVTC demeurant valable. Dans les deux lois, l’ancienne et la nouvelle, la carte professionnelle peut être révoquée lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (art. 7 al. 5 LTVTC et art. 5 al. 4 aLTVTC). L’une des exigences est que le chauffeur n’ait pas fait l’objet de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC et art. 5 al. 2 let. e aLTVTC). La seule différence substantielle réside dans la longueur de la période prise en compte, soit une période de cinq ans pour l’aLTVTC, réduite à trois ans dans la LTVTC (ATA/267/2024 du 27 février 2024 consid. 3.2 ; ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10 portant également sur la commission d’une violation à la LCR avant le 30 novembre 2022, date de l’entrée en vigueur de la LTVTC).
Il n’est dès lors pas possible de retenir un effet rétroactif, au sens défini ci-dessus, à la loi. L’application de l’aLTVTC serait d’ailleurs moins favorable, dans la mesure où d’éventuelles décisions ou condamnations plus anciennes pourraient le cas échéant être prises en compte par l’autorité intimée.
Le grief sera donc écarté.
4. Le recourant invoque le principe ne bis in idem.
4.1 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b ; 120 IV 10 consid. 2b ; 118 IV 269 consid. 2).
Concernant l'application de ce principe en droit administratif, le Tribunal fédéral s'est penché sur d'éventuelles violations de celui-ci notamment dans le cadre des procédures administratives en matière de retrait de permis, en concluant que la double procédure pénale et administrative prévue par la LCR ne violait pas le principe ne bis in idem (ATF 137 I 363 consid. 2.4). De même, il a jugé que la décision de révoquer un permis de séjour à la suite d'une infraction pénale qui avait valu à l'intéressé une condamnation pénale ne constituait pas une double peine et ne violait pas ledit principe (arrêts du Tribunal fédéral 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 4 et 2C_432/2011 du 13 octobre 2011 consid. 3.3). De même, pour un avocat, une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat peut entraîner, au plan administratif, une radiation du registre des avocats (arrêt du Tribunal fédéral 2C_187/2011 du 28 juillet 2011 consid. 7.2).
4.2 En l’espèce, la révocation de la carte professionnelle est une mesure administrative prévue par la LTVTC (art. 7 al. 5 LTVTC) qui vise à promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). En cela, cette mesure se distingue de la mesure administrative prise par l’OCV, laquelle est prononcée en application de la LCR qui vise à assurer la sécurité publique en gérant la circulation sur la voie publique notamment (art. 1 al. 1 LCR).
Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le principe ne bis in idem, au même titre que dans les autres domaines du droit administratif précités, comme l’a déjà retenu la chambre de céans pour les mesures prévues par la LTVTC dans le cas de condamnations pénales (ATA/937/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4b).
Le grief sera donc écarté.
5. Le recourant invoque une violation de la LIPAD par la transmission de la décision de l’OCV à la PCTN.
La transmission d’une copie la décision de l’OCV à la PCTN figure expressément dans la décision rendue le 14 février 2023 par l’OCV, que le recourant n’a pas contestée et qui est donc revêtue de l'autorité matérielle de la chose décidée. En conséquence, son grief est exorbitant au présent litige. En outre, il sera relevé à toutes fins utiles que la transmission en vue de l’entraide administrative est prévue aux art. 4 al. 1 LTVTC et 3 RTVTC.
6. Le recourant invoque une violation de la loi, de la liberté économique et du principe de proportionnalité.
6.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.
6.2 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).
6.3 Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2021 du 30 août 2022 consid. 2.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1276/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.6 ; ATA/926/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b).
L’excès du pouvoir d’appréciation revient à une violation pure et simple de la loi alors que son abus constitue une violation des principes constitutionnels (Thierry TANQUEREL, op. cit., 2018, n. 514).
6.4 La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).
6.5 L’activité de chauffeur de VTC est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).
La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).
La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).
Les plaques d’immatriculation sont délivrées sur requête à un chauffeur, lorsque ce dernier est titulaire d’une carte professionnelle ou à une entreprise de transport, lorsque cette dernière est titulaire de l’autorisation d’exploiter visée à l’art. 10 de la présente loi et en réalise toujours les conditions (art. 14 al. 2 LTVTC). Le département ordonne le dépôt des plaques d’immatriculation, si l’une des conditions posées à l’al. 2 n’est plus remplie (al. 3).
6.6 Le RTVTC, entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2 que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.
Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).
S’agissant plus précisément du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans ce cadre, la chambre de céans a déjà relevé qu’avec l’entrée en vigueur des modifications de la LTVTC et du RTVTC le 1er novembre 2022, la jurisprudence rendue sous l’ancienne teneur restait applicable. Si le législateur avait entendu renforcer certaines mesures dans le domaine du service de transport professionnel, il n’en demeurait pas moins qu’il avait réduit le délai de prise en considération des antécédents de cinq à trois ans. Il s’agissait d’ailleurs là de la seule modification substantielle apportée aux dispositions légales concernant l’octroi et la révocation de la carte professionnelle. Les dispositions relatives au pouvoir d’appréciation de la PCTN, dans le cas de décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur, n’avaient pas été modifiées (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10).
6.7 La chambre administrative a déjà examiné à plusieurs reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions de la PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VTC sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée. Elle a ainsi retenu qu'en relation avec des infractions qui n’avaient pas été commises dans l’exercice de la profession de chauffeur, la PCTN avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation, ne prenant notamment pas en compte l’intérêt public premier visé par la loi (ATA/669/2018 du 26 juin 2018 ; ATA/3327/2018 du 10 avril 2018). Dans une autre espèce, elle a considéré que la décision de la PCTN révoquant une autorisation en raison d’une infraction pour violation grave des règles de la circulation routière, ne consacrait aucun excès ni abus du pouvoir d’appréciation de la part de la PCTN (ATA/994/2023 précité).
Elle a relevé qu'il ne saurait être retenu du texte de l’art. 6 al. 2 RTVTC, passé de « peuvent être considérées comme » à « sont considérées comme incompatibles », que l’autorité perdrait au termes de la nouvelle loi tout pouvoir d’appréciation. Ce changement n’affectait en rien la délégation du pouvoir réglementaire. Par ailleurs, s’il devait subsister un doute quant à la portée potestative de l’art. 6 al. 2 RTVTC, ce doute était dissipé par l’art. 6 al. 3 RTVTC, lequel imposait au service de tenir compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis la sanction et du risque de récidive. Dès lors, en confirmation de la jurisprudence, l’art. 6 al. 3 RTVTC conférait à la PCTN un pouvoir d’appréciation pour déterminer l’incompatibilité des décisions ou condamnations énumérées aux let. a à d de l’al. 2. Ce pouvoir imposait de considérer divers éléments et de procéder à une pesée des intérêts exhaustive (ATA/330/2024 du 05.03.2024 consid. 4.4 ; ATA/371/2024 du 12 mars 2024 consid. 4.4).
6.8 Dans un arrêt récent du 17 avril 2024, le Tribunal fédéral a relevé, en ce qui concernait la proportionnalité au sens étroit, la nécessité de procéder à une réelle pesée des intérêts, retenant qu'on ne pouvait se contenter de qualifier les objectifs de sécurité et d’ordre publics d’intérêts publics prépondérants par rapport à l’intérêt du recourant au maintien de ses cartes professionnelles, sans prendre en considération la durée pendant laquelle le recourant serait empêché de travailler en tant que chauffeur Or, la proportionnalité d’une telle mesure ne pouvait être évaluée sans cet élément. Il en allait de même de la date qui devait être prise en compte en lien avec le délai de trois ans de l'art. 7 al. 3 let. e LTVTC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_580/2023 du 17 avril 2024 consid 4.5.3).
Il a ajouté qu'il était nécessaire de tenir compte des circonstances personnelles et économiques du recourant. En s’abstenant de cette analyse, de la prise en compte de ces éléments et en omettant d’appliquer l’art. 6 al. 3 RTVTC, qui exigeait une appréciation tenant compte notamment de la réitération des faits et du risque de récidive, la subsomption ne pouvait relever d’une démarche quasi-automatique, fondée uniquement sur la gravité de l’infraction. Cela se ferait alors en violation de l’art. 36 al. 3 Cst. et de l’art. 6 al. 3 RTVTC (ibidem).
7. En l’espèce, dans sa décision, la PCTN mentionne uniquement que le recourant a subi un retrait de son permis de conduire en raison d’une infraction grave aux règles de la circulation routière en application de l’art. 16c LCR, ainsi qu’un avertissement prononcé par l’OCV en janvier 2022. Si l’intimée évoque l’infraction, soit un excès de vitesse de 29km/h en localité, les circonstances dans lesquelles elle a été commise ne sont pas mentionnées. L’autorité intimée se réfère à la décision de l’OCV, ne procédant pas elle-même à une analyse des circonstances de l’infraction.
S'il est vrai que le recourant n’a produit aucune preuve du motif justificatif qu'il invoque, à savoir que son épouse se serait effectivement sentie mal au moment des faits et qu'il l'aurait menée en urgence chez le médecin, que ce soit devant l’autorité intimée ou devant la chambre de céans, ni d'ailleurs s'agissant de sa situation financière et familiale telle qu'alléguée, il appartenait à la PCTN de prendre en considérations les circonstances de l’infraction, ainsi que les circonstances personnelles et économiques du recourant et d'instruire ces questions. L’état de fait ne mentionne pas non plus les antécédents de l’intéressé ou d’autres circonstances pourtant nécessaires à l’examen auquel l’autorité intimée aurait dû procéder. La décision retient uniquement que l’infraction grave rendue en application de l’art. 16c LCR entre dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté en l’espèce.
Si la PCTN allègue dans ses écritures, avoir prononcé la révocation en tenant compte de la gravité des faits, de leur réitération du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive, elle n’a pas procédé à une réelle pesée des intérêts en présence, notamment à l’aune de l’intérêt du recourant au maintien de ses cartes professionnelles.
Comme vu ci-dessus, cette pratique est contraire à la loi (art. 7 al. 3 let. e et al. 5 LTVTC cum art. 6 al. 2 let. b et al. 3 RTVTC) puisqu’elle relève d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. La PCTN ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce.
Par conséquent, la décision querellée doit être annulée et le dossier renvoyé à la PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
8. Le recourant conteste également le refus de renouveler son AUADP.
8.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.
Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.
8.2 Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c. Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée trois mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b). Aux termes dudit al. 5, l’AUADP est délivrée, notamment, la requérante est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi (let. a).
8.3 En l’espèce, la décision querellée, se fondant sur la révocation de la carte professionnelle de chauffeur de taxi du recourant, a refusé de renouveler son AUADP. Dès lors que, comme cela vient d’être exposé, la révocation précitée doit être annulée, le refus de renouveler l’AUADP n’est pas fondé non plus.
Partant, la décision doit également être annulée sur ce point. Il appartiendra à la PCTN de compléter son instruction et de rendre une nouvelle décision.
9. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2024 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 18 avril 2024 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
annule la décision de la direction de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 18 avril 2024 ;
renvoie la cause à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;
communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat du recourant ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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