Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1317/2024 du 12.11.2024 ( PROF ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1552/2024-PROF ATA/1317/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 novembre 2024 |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Andres PEREZ, avocat
contre
COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimée
A. a. A______ exerce à Genève la profession de médecin spécialisé en psychiatrie et psychothérapie.
B. a. Le 23 novembre 2021, B______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) des faits suivants concernant A______.
Il était opposé à son épouse dans le cadre d’une séparation très conflictuelle et exerçait avec elle une garde alternée sur leurs deux enfants, C______, né le ______ 2008 et D______, né le ______ 2011. Son épouse et lui avaient tenté de trouver une solution amiable et suivi 27 séances de médiation. Dès juillet 2021, son épouse n’avait plus donné suite. Elle et lui étaient d’accord que leurs enfants avaient besoin de soutien. Ils avaient envisagé de les amener chez E______, mais son épouse n’avait pas donné suite. En lieu et place, elle avait rencontré seule A______ à différentes reprises, puis lui avait présenté les enfants sans son consentement. Celui‑ci les avait reçus sans lui demander son accord, alors qu’il exerçait l’autorité parentale conjointe. Il s’était entretenu avec lui le 12 octobre 2021. A______ lui avait présenté sa proposition d’intervention pour qu’il y réfléchisse. Il n’avait pas été convaincu et son avocate avait écrit à l’avocate de son épouse, insistant pour que les enfants consultent chez E______. L’école des enfants avait fourni une liste de thérapeutes. Il avait informé son épouse et A______ qu’il ne voulait pas que celui-ci voie les enfants. À aucun moment A______ ne lui avait demandé son accord pour recevoir les enfants après leur entretien.
Il avait été très surpris de recevoir le 18 novembre 2021 un « certificat médical » établi par A______ et dénonçant des actes de violence de sa part sur son fils, dont il contestait par ailleurs le contenu. Le comportement de A______ lui paraissait contraire à toutes les règles déontologiques et il demandait qu’il soit sanctionné.
b. Selon un « certificat médical » portant la date du 18 novembre 2021, le timbre et la signature manuscrite de A______, ce dernier « certifie la consultation du 18.11.2021 (18-19h00) de l’enfant mineur D______, né le ______.2011, à la demande de sa mère, qui a dénoncé des actes de violence de la part du père sur le fils. La mère m’a présenté un constat médical (ci-joint), établi par Dr F______ de l’Hôpital G______, suite à une consultation préalable de l’enfant. J’ai procédé à une vérification par le témoignage direct de l’enfant seule [sic], qui a confirmé les faits : – que " … dimanche soir, chez son père, … D______ demande d’appeler sa mère, mais le père refuse, D______ se met à pleurer et le père le menace d’une douche froide s’il ne se calme pas, ce qu’il met à exécution. Pour calmer D______, le père le déshabille et le met dans la douche avec de l’eau froide. D______ continue à pleurer, demande à son père d’arrêter, ou tout du moins d’éviter de lui mouiller la tête, mais le père continue la douche et lui mouille la tête aussi. Comme D______ continue de se plaindre de la température froide, le père change pour du chaud qui brûle D______, en tenant le pommeau de la douche à une trentaine de centimètres de sa peau, au niveau de son dos ou de son ventre, en alternant les différents points toutes les 40 secondes. D______ arrive : se calmer [sic] et sort de la douche, mais comme il se remet à pleurer le père le remet dans la douche. Après environ 30 minutes son grand frère vient, inquiet des pleurs, et son père le laisse rentrer dans la salle de bains et le grand frère arrive à calmer le père et aide le frère à répéter les phrases que son père lui demande de dire pour que la douche cesse : "J’aime mon père", était la phrase difficile à dire. Il va au lit vers 23h se réveille 1 x, avec des douleurs au bas du dos et bas ventre droit et rougeur du bas ventre type coup de soleil. Le lendemain matin son père lui demande de l’excuser et lui explique que le comportement de D______ a beaucoup attristé son père, le père ne s’excuse pas. D______ raconte les faits à sa mère à midi, qui décide de confronter le père le soir, ce dernier nie les faits. Le soir quand il est seul avec ses 2 garçons, il leur demande de ne pas parler de l’épisode de la douche à quiconque. D______ raconte avoir vécu d’autres douches froides ces dernières années, toujours dans le but de le calmer, mais courtes (quelques minutes). Son frère aussi en aurait subi une dispute, son père a frappé le bras dans le plâtre de D______ et lui a mis la tête dans la neige 2 x dont 1 plus longue avec sensation d’étouffement. Il n’en avait pas parlé à l’époque. Il dit avoir honte de ces différents épisodes". Lors de cet entretien, je constaté [sic] que l’enfant présentait une humeur triste, une grande déception à l’égard du père, un sentiment de peur et d’embarras. Pour la situation. Il se sentait protégé par la mère, en contraste de sa peur de retourner chez son père. J’ai vu la mère par la suite, qui m’a informé que le père m’a envoyé un e-mail. Dans son message (du 18.11.2021, 15h48), le père affirmait en qualité d’autorité parentale conjointe pour me demandait [sic] de "mettre fin à tout consultation avec effet immédiat". Il ajoutait : "ma femme vous a consulté pour les enfants sans mon accord". Je précise que le 11 octobre 2021 à 21h05-21h45, je me suis entretenu par téléphone avec le père, qui n’a pas affirmé son opposition contre le suivi des enfants, ni l’arrêt du suivi ».
Suivent des considérations en matière de droit de la filiation et une référence au « guide pour l’appréciation et l’évaluation du danger encouru par l’enfant et des compétences parentales » entré en vigueur le 1er novembre 2008 et révisé en novembre 2019.
L’analyse de la situation identifiait pour l’enfant mineur : (a) un danger physique avec maltraitance, car l’enfant avait subi des violences physiques fréquentes et dommageables de la part du père, mais sans altération physique grave, et des sévices corporels par un traitement violent/agressif durable qui renvoyait à la notion de torture (car le but était de se soumettre à l’ordre et de répéter une phrase sous la contrainte de la violence (car l’enfant refusait) ; la gravité du comportement résidait dans la durée d’application du traitement nuisible (20-30 minutes) et sa récurrence ; (b) un danger psychologique avec un climat d’insécurité affective dû aux violences physiques, mais hostiles, qui entravait son bien-être psychologique ; après cet épisode, selon les dires de l’enfant, le père avait demandé à l’enfant de mentir pour cacher cet épisode, ce qui renvoyait à la « corruption morale » par l’implication du mineur ; (c) un danger d’exposition aux violences conjugales, avec maltraitance due aux violences dans le couple, car le père avait dénigré l’autorité de la mère, avec notions de syndrome d’aliénation parentale ; l’enfant mineur présentait ainsi des symptômes des troubles anxieux ou adaptatifs, caractérisés par souffrance, détresse, tristesse, anxiété, angoisse et peur avec sentiment d’insécurité ; (d) les indicateurs de l’exposition de l’enfant à la violence conjugale et familiale pour l’âge 5-12 ans confirmaient ses observations en termes de symptômes d’anxiété de peur et de violence.
c. Le 27 janvier 2022, le bureau de la commission a ouvert une procédure administrative contre A______, dont elle a confié l’instruction à la sous-commission 2.
d. Le 16 février 2022, A______ a indiqué à la commission qu’aucune précision n’avait été donnée sur les faits retenus à son encontre et la violation de prescriptions légales, et demandé quel intérêt public justifiait l’ouverture d’une procédure plutôt qu’un classement ou une médiation. Aucun des griefs soulevés par B______ ne justifiait l’accusation de violation des règles déontologiques, ni n’expliquait quelle règle il avait violée.
e. Le 22 février 2022, la commission a indiqué à A______ qu’une dénonciation excluait le renvoi en médiation et que, les faits n’étant pas établis, un classement immédiat n’était pas possible.
B______ lui reprochait en particulier d’avoir reçu ses enfants sans son autorisation et émis un certificat à l’attention du tribunal qui lui nuirait sans l’avoir rencontré au préalable.
f. Le 14 mars 2022, A______ a indiqué à la commission qu’il demandait à nouveau quels éléments d’une violation de la loi qu’elle aurait retenus justifiaient l’ouverture d’une procédure disciplinaire et quels articles de la loi il aurait violés.
L’affaire relevait de l’exercice des droits civils des enfants mineurs selon leur capacité de discernement. Lors de la première consultation, il avait procédé à l’examen de leur capacité de discernement, de leur aptitude à comprendre et apprécier correctement la situation et de leur aptitude volitive à agir en fonction de leur volonté. Les deux enfants étaient capables de discernement pour exercer leurs droits strictement personnels concernant les entretiens médicaux. Le constat avait été confirmé tout au long des entretiens, dans la mesure où ils comprenaient toujours bien les choses discutées, avec logique et intelligence. Avant chaque entretien, il leur avait demandé s’ils voulaient participer aux séances et ils avaient à chaque fois confirmé leur accord.
Un enfant mineur capable de discernement pouvait exercer de manière autonome ses droits strictement personnels et consentir seul à un traitement médical qui lui était proposé. Il avait évalué en premier lieu la capacité de discernement des enfants.
C’était à tort qu’B______ lui reprochait de ne disposer d’aucune connaissance en pédopsychiatrie. Il produisait un titre académique dans ce domaine.
B______ ne pouvait limiter l’exercice des droits civils de ses enfants, qui avaient leur capacité de discernement et avaient affirmé leur intention de le voir en consultation.
Son certificat était conforme à la réalité et ressortait du témoignage de l’enfant du 18 novembre 2021, confirmé par le certificat de la Dre F______ du 18 novembre 2021. Ce qui nuisait à B______ était probablement les conséquences de ses actes et non le certificat. Concernant la possibilité d’entendre B______, « la gravité de la violence constatée ne justifiait aucune discussion possible ! ».
Rien ne permettait d’affirmer que les développements juridiques du certificat étaient destinés au tribunal. Le certificat se limitait aux observations objectives et objectivables « avec notamment les références employées (juridiques ou celles du SPMi), cela pour conférer à [s]es constats médicaux une valeur d’objectivité et de précision et éviter toute interprétation subjective ou partisane. [S]on certificat a[vait] établi les faits sans interprétation ou jugement et sans prise de position partisane ». Il avait été envoyé simultanément aux deux parties. Il l’avait donc rédigé au plus près de sa conscience professionnelle avec toute la diligence requise, sans vouloir sacrifier la vérité objective des faits, pour protéger B______ de la responsabilité de ses actes.
Il avait eu plusieurs entretiens avec les enfants et la mère et un entretien téléphonique avec le père, ce qui lui avait permis de connaître très bien le contexte de la situation. Il avait invité B______ à le rencontrer mais celui-ci n’avait pas voulu.
B______ ne pouvait limiter la liberté de son épouse de consulter le médecin de son choix, ni son indépendance professionnelle d’émettre des certificats médicaux.
Le projet d’« école essentielle de la vie » sur lequel il travaillait et qu’B______ avait mentionné constituait un projet humanitaire en dehors du cadre thérapeutique.
g. Le 24 juin 2022, la sous-commission 2 a réclamé à A______ le dossier médical du suivi de C______ et D______ et lui a demandé de se faire délier du secret médical par les deux parents, cas échéant par la commission du secret professionnel.
h. Le 6 septembre 2022, A______ a produit deux documents le déliant du secret médical signés des deux enfants, ainsi qu’une copie du dossier médical.
i. Le dossier médical produit est constitué de huit pages imprimées, page de garde comprise, résumant : un entretien avec la mère le 29 septembre 2021, des entretiens avec la mère et les enfants les 4 et 7 octobre 2021, un entretien téléphonique avec le père le 11 octobre 2021, un entretien avec D______ le 3 novembre 2021, un entretien avec C______ et D______ le 10 novembre 2021, trois entretiens avec la mère et D______ les 16, 18 et 22 novembre 2021 et un entretien avec D______ et C______ le 24 novembre 2021.
j. Le 3 octobre 2022, la sous-commission 2 a clos l’instruction.
k. Par décision du 24 mars 2024, la commission a prononcé un blâme à l’encontre de A______.
Au bénéfice d’un titre de psychiatrie et de psychothérapie délivré en France, celui‑ci était en mesure de proposer un suivi thérapeutique à des enfants, même s’il ne bénéficiait pas du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents.
Au début de la prise en charge, les enfants étaient âgés respectivement de 12 et 10 ans. Le plus jeune n’avait pas atteint l’âge à partir duquel on admettait progressivement une capacité de discernement, le plus âgé avait tout juste cet âge, où la capacité pouvait être admise au cas par cas. Le suivi avait débuté dans un contexte familial hautement conflictuel, bien connu de A______, lequel avait indiqué dans le certificat qu’il existait un risque d’exposition aux violences conjugales et évoqué la présence d’un syndrome d’aliénation parentale. Vu l’âge des enfants, il devait faire preuve d’une grande prudence et ne pouvait partir du principe que les enfants étaient capables de discernement sur la question du choix de leur thérapeute. Avant d’entamer un suivi thérapeutique, il aurait dû demander l’accord des deux détenteurs de l’autorité parentale. S’il pouvait exister un doute sur l’accord d’B______ au terme de l’entretien du 11 octobre 2021, ce doute avait été dissipé par le courriel de ce dernier du 18 novembre 2021, par lequel il demandait qu’il soit mis fin à toute consultation. Les consultations s’étaient poursuivies. A______ avait violé son devoir de diligence à tout le moins en continuant la prise en charge des enfants après le 18 novembre 2021.
La commission avait pour pratique constante de ne pas se prononcer sur le contenu des certificats de professionnels de la santé produits dans des procédures, comme vraisemblablement en l’espèce. Elle s’estimait en revanche compétente pour examiner si l’établissement du certificat, indépendamment de l’adéquation de son contenu, violait le secret professionnel auquel A______ était astreint à l’égard des enfants. Or, ceux-ci devaient être considérés comme incapables de discernement compte tenu de leur âge et du contexte familial conflictuel, de sorte que l’accord des deux parents était nécessaire pour le délier du secret professionnel. En ne le recueillant pas, il avait violé ce secret. Par ailleurs, la diligence commandait de signaler la situation de D______, éventuellement constitutive d’une infraction pénale, au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) plutôt que de rédiger le certificat en cause et de le remettre à la mère. Ici encore, A______ avait violé son obligation de diligence.
Le dossier médical produit ne contenait que des comptes rendus de consultations, mais ni hypothèse diagnostique ni plan thérapeutique. Il ne contenait pas de date d’édition, et il ne pouvait être exclu que le dossier avait été constitué après coup, pour les besoins de l’instruction. Dans tous les cas, il apparaissait que A______ n’avait procédé à aucune analyse médicale de la situation des enfants, ou alors que celle-ci n’avait pas été proprement documentée. Dans les deux hypothèses, il n’avait pas agi avec le soin et la diligence requis et un manquement professionnel devait être retenu.
Les manquements relevés étaient d’une certaine gravité. Un blâme constituait une sanction adéquate.
C. a. Par acte remis à la poste le 7 mai 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Subsidiairement, la cause devait être retournée à la commission pour nouvelle décision.
Les faits avaient été constatés de manière inexacte et incomplète et la décision violait le droit, y compris l’interdiction de l’excès et de l’abus du pouvoir d’appréciation.
Il était pleinement compétent pour évaluer la capacité de discernement des deux mineurs. Son constat, fondé sur son expertise et renouvelé au fil des entretiens, devait être considéré comme ayant valeur probante significative. Les messages de la mère au père venaient plaider en faveur du consentement au suivi thérapeutique par les enfants : « The boys loved the session on Monday afternoon – and agreed to have another on Wednesday afternoon with a psychologist who works with him ». Aucun élément au dossier ne démontrait que le mineur se serait opposé à se rendre aux consultations du médecin psychiatre, au contraire. Le fait qu’il ait confié les faits du 14 novembre 2021 laissait apparaître l’existence d’un lien de confiance non négligeable entre l’enfant et le médecin psychiatre. Il pouvait se prévaloir de bonne foi du consentement des enfants, y compris pour continuer le suivi après le refus du père le 18 novembre 2021. La loi prévoyait en outre que le parent ayant la charge de l’enfant pouvait prendre seul les décisions urgentes. Vu la gravité des faits relatés par D______, sa mère était en droit de demander l’établissement d’un certificat médical et le suivi de la relation thérapeutique.
La commission lui reprochait d’avoir établi le certificat sans demander à être délié de son secret et de l’avoir remis à la mère au lieu d’aviser le TPAE. Elle ne tenait pas compte du fait que la situation dans laquelle le certificat avait été rédigé relevait d’une gravité importante. A______ était en outre en possession du certificat médical de la Dre F______ du même jour relatant les mêmes faits recueillis lors de la consultation du mineur. Dans de telles circonstances, la loi permettait à la mère de lever le médecin de son secret professionnel. Il avait transmis le certificat aux deux parents. Il avait agi conformément aux règles déontologiques.
Dans son analyse du dossier médical, la commission ne tenait pas compte du fait que chaque compte rendu d’entretien était daté et que le certificat du 18 novembre 2021 contenait le détail de l’analyse médicale et un référentiel d’analyse, ainsi que le diagnostic du patient. Le dossier médical était conforme aux exigences légales.
La sanction était infondée et par ailleurs contraire au principe de proportionnalité, dans la mesure où elle n’était pas la moins sévère. La commission devait tenir compte du caractère urgent de la situation, de l’importance du constat de la capacité de discernement des enfants et de l’absence de refus du père avant le 18 novembre 2021. La commission aurait dû classer la procédure ou se limiter au prononcé d’un avertissement.
b. Le 6 juin 2024, la commission s’est référée à sa décision et a conclu au rejet du recours.
c. Le 9 juillet 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
La commission n’apportait aucun élément permettant d’écarter sa capacité d’évaluer la capacité de discernement des enfants. Il avait évalué la capacité de discernement des mineurs conformément aux exigences légales et agi en tenant compte de l’urgence et de la gravité de la situation, notamment en ce qui concernait le risque de mise en danger du développement de D______.
d. Le 12 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces produits par les parties.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision par laquelle la commission a infligé au recourant un blâme.
2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), hypothèse non réalisée en l’espèce.
Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).
2.2 Toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement (art. 16 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210).
2.2.1 Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte. Le CC ne fixe pas un âge déterminé à partir duquel un mineur est censé être raisonnable. Il faut apprécier dans chaque cas si l'enfant avait un âge suffisant pour que l'on puisse admettre que sa faculté d'agir raisonnablement n'était pas altérée par rapport à l'acte considéré (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 et les références citées).
2.2.2 La capacité de discernement doit en principe être présumée, sur la base de l'expérience générale de la vie (ATF 124 III 5 consid. 1b). Toutefois, plus un mineur est jeune et plus la présomption s'affaiblit en fait, jusqu'à disparaître (ATF 90 II 9 consid. 3). On peut présumer qu'un petit enfant n'a pas la capacité de discernement nécessaire pour choisir un traitement médical, alors que la capacité de discernement pourra être présumée pour un jeune proche de l'âge adulte. Dans la tranche d'âge intermédiaire, l'expérience générale de la vie ne permet cependant pas d'admettre cette présomption, car la capacité de discernement de l'enfant dépend de son degré de développement. ll appartient alors à celui qui entend se prévaloir de la capacité ou de l'incapacité de discernement de la prouver, conformément à l'art. 8 CC (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3 et les références citées).
2.2.3 Les personnes capables de discernement, mais privées de l'exercice des droits civils – soit notamment les mineurs capables de discernement (art. 13 et 14 CC) – exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome ; les cas dans lesquels la loi exige le consentement du représentant légal sont réservés (art. 19c al. 1 CC). Les personnes incapables de discernement sont représentées par leur représentant légal, sauf pour les droits qui ne souffrent aucune représentation en raison de leur lien étroit avec la personnalité (art. 19c al. 2 CC).
2.2.4 Les père et mère déterminent les soins à donner à l'enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC). Le parent qui a la charge de l'enfant peut prendre seul les décisions courantes ou urgentes (ch. 1) et d'autres décisions, si l'autre parent ne peut être atteint moyennant un effort raisonnable (ch. 2 ; art. 301 al. 1bis CC, entré en vigueur le 1er juillet 2014).
2.2.5 Les père et mère sont, dans les limites de leur autorité parentale, les représentants légaux de leurs enfants à l'égard des tiers (art. 304 al. 1 CC). Lorsque les père et mère sont tous deux détenteurs de l'autorité parentale, les tiers de bonne foi peuvent présumer que chaque parent agit avec le consentement de l'autre (art. 304 al. 2 CC). L'enfant capable de discernement soumis à l'autorité parentale peut s'engager par ses propres actes dans les limites prévues par le droit des personnes et exercer ses droits strictement personnels (art. 305 al. 1 CC).
2.2.6 L’exercice de l’autorité parentale conjointe signifie que les parents prennent en principe ensemble toutes les décisions concernant l’enfant. Il n’y a pas d’intervention du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant en cas de désaccord entre les parents, sauf si le conflit menace le développement de l’enfant (art. 307 ss CC). L’art. 301 al. 1bis CC a été adopté afin d’éviter que l’autorité parentale conjointe, généralisée avec la modification du CC entrée en vigueur en 2014, ne soit utilisée à des fins d’obstruction. Il permet au parent qui s’occupe de l’enfant de prendre les décisions courantes ou urgentes seul (Message du Conseil fédéral concernant une modification du CC [Autorité parentale], du 16 novembre 2011, FF 2011 8315 p. 8444).
2.2.7 Parmi les questions relevant des décisions courantes figurent les questions liées à l’alimentation, à l’habillement et aux loisirs. Par contre, en sont exclues les décisions concernant un changement de domicile, d’école ou de religion, l’exercice d’un sport à risques ou de haute compétition, les décisions en matière médicale excédant les soins domestiques courants, ainsi que les décisions concernant des tatouages et piercings, ou encore des opérations de chirurgie esthétique, qui doivent être prises par les deux parents (Message du Conseil fédéral concernant une modification du CC [Autorité parentale], du 16 novembre 2011, FF 2011 8315 p. 8445 ; Kurt AFFOLTER/Urs VOGEL, Berner Kommentar, Art. 296-327c ZGB, 2016, n. 30 ad art. 301 ; Ingeborg SCHWENZER/Michelle COTTIER, Basler Kommentar, ZGB I, 2014, n. 3c ad art. 301 ; Micaela VAERINI, La représentation dans le domaine médical à la lumière des nouvelles dispositions de protection de l’adulte et de l’enfant, in Jusletter du 8 septembre 2014, n 3.3 p. 11).
2.2.8 La faculté de consentir à un traitement médical fait partie des droits strictement personnels, de sorte qu’un patient mineur peut consentir seul à un traitement médical qui lui est proposé lorsqu'il est capable de discernement (ATF 114 Ia 350 consid. 7a).
2.3 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet d’une modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le 1er février 2020, ainsi que le 1er janvier 2022. Toutefois, ces modifications n’ont pas d’effet sur l’objet du présent litige, si bien que c’est la LPMéd dans sa teneur la plus récente qui sera exposée ci-dessous.
2.3.1 La LPMéd, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage notamment la qualité de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine (art. 1 al. 1 LPMéd). Elle établit les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (al. 3 let. e), à l’instar des médecins (art. 2 al. 1 let. a LPMed).
2.3.2 Dans une jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a retenu que les droits et devoirs d'une personne exerçant une profession médicale, en tant qu'indépendant, soit sous sa propre responsabilité, sont régis par la LPMéd, conformément à l'art. 1 al. 3 let. e LPMéd, ce qui exclut l'application de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3 ; ATF 148 I 1 consid. 5 ; Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, 2021, n° 4957).
2.3.3 Les devoirs ou obligations professionnels sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5b ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 7d et les références citées).
2.3.4 L'art. 40 LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle doivent notamment observer les devoirs professionnels suivants : exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu'elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue (let. a) ; garantir les droits du patient (let. c) ; observer le secret professionnel conformément aux dispositions applicables (let. f). L’art. 40 let. a LPMéd constitue une clause générale (FF 2005 p. 211).
2.3.5 Tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient (art. 52 al. 1 LS). Ledit dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS).
Le dossier médical doit être constitué dès la première consultation (ATA/1147/2022 du 15 novembre 2022 consid. 8), il doit être complet (ATA/752/2022 du 26 juillet 2022 consid. 5d), comporter la totalité des documents relatifs au suivi du patient (ATA/1084/2022 du 1er novembre 2022 consid. 8), les notes de suite ne devant pas être trop succinctes, de manière à assurer un suivi adéquat (ATA/830/2022 du 23 août 2022 consid. 13e).
2.4 Au titre des mesures disciplinaires, l’art. 43 al. 1 LPMéd dispose qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer un avertissement (let. a) ; un blâme (let. b) ; une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c) ; une interdiction de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (interdiction temporaire ; let. d) ; une interdiction définitive de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e).
2.4.1 Selon l’art. 46 LPMéd, la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3).
2.4.2 Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance que leur témoignent les citoyens, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.1).
2.4.3 La responsabilité disciplinaire est une responsabilité fondée sur la faute (ATF 148 I 1 consid. 12.2 et l’arrêt cité). Celle-ci joue un rôle décisif pour la fixation de la peine et donc dans l’analyse de la proportionnalité de la mesure. Il ne suffit donc pas qu’un comportement soit objectivement fautif (illicéité), c’est-à-dire contraire à une injonction, il faut aussi que l’auteur de l’acte puisse subjectivement se voir imputer un manquement fautif. Cette faute peut être commise sans intention, par négligence, par inconscience et donc également par simple méconnaissance d’une règle. S’agissant de son intensité minimale, la jurisprudence énonce de manière constante que seuls des manquements significatifs aux devoirs de la profession justifient la mise en œuvre du droit disciplinaire (ATF 144 II 473 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_832/2017 du 17 septembre 2018 consid. 2.2 ; 2C_280/2017 du 4 décembre 2017 consid. 4.1.1). Cette règle ne saurait toutefois être comprise en ce sens que l’acte concerné doit revêtir une gravité qualifiée pour relever du droit disciplinaire. Certes, la mise en œuvre de ce droit ne saurait se justifier pour des manquements très légers et non réitérés aux obligations professionnelles. Cependant, le fait que la grille des sanctions possibles débute par un simple avertissement autorise déjà l’autorité de surveillance à y recourir pour des manquements de moindre importance, puisqu’il s’agit de rendre le professionnel attentif aux conséquences potentielles d’un comportement. Le droit disciplinaire vise ainsi à éviter la réalisation future de tels actes, avec les conséquences que ceux‑ci peuvent entraîner (ATF 148 I 1 consid. 12.2).
2.4.4 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés, et de proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).
Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 précité consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2 ; ATA/388/2022 précité consid. 7a).
2.4.5 À l'instar de ce qui prévaut dans la LPMéd, les autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation d'une sanction disciplinaire prévue par la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03 - arrêt du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 5.1).
2.4.6 Compte tenu du fait que la commission de surveillance est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/8/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4c ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 ; ATA/322/2014 du 6 mai 2014).
2.5 Saisie de la rédaction par un médecin de deux certificats médicaux remis à une tierce personne et pour l’un d’entre eux produit en justice, avec pour effet la mise sous tutelle d’une personne dans le cadre d’une succession dans laquelle il avait un intérêt, la chambre de céans a jugé que l’établissement d’un certificat médical par un médecin constitue une activité médicale qu’il doit exercer conformément à ses devoirs professionnels découlant de l’art. 40 LPMéd. Un tel document, qui atteste de l’état de santé d’un patient, est par définition un document rédigé par un médecin traitant afin d’être remis par celui-là à une tierce personne. Il doit être établi à la demande du patient ou, pour un mineur ou une personne incapable de discernement par son représentant légal. Il doit être fidèle et complet et le médecin doit le rédiger en toute liberté, sans subir de pression de son patient ni d’une autre source concernant son contenu complet. Si des doutes existent à propos des circonstances dans lesquelles un certificat médical a été établi au regard des critères de bien facture professionnelle, la commission a la compétence d’ouvrir une instruction afin de déterminer si le médecin qui l’a établi a commis une violation des devoirs professionnels et de prendre les mesures disciplinaires qui s’imposent (ATA/172/2013 du 19 mars 2013 consid. 13 et les références citées).
2.6 La chambre de céans a déjà examiné un cas similaire à la présente espèce, soit la remise, par un médecin psychiatre, à la mère d’une enfant, alors âgée de 8 ans, d’un certificat médical qui constatait un tableau anxio-dépressif avec conflit de loyauté et angoisses de perte générant une « dépressivité » légère avec peu de répercussion sur le fonctionnement social et cognitif, mais avec risque de péjoration au vu de l’intensité du conflit parental, préconisait une psychothérapie hebdomadaire et certifiait que tous les instants relationnels mère-fille observés au cours du traitement avaient paru adéquats, l’enfant pouvant se reposer sur sa mère auprès de qui elle trouvait « réassurance et amour » – alors que le père, que le médecin savait être titulaire de l’autorité parentale conjointe, n’était pas au courant de sa démarche, ceci dans un contexte de séparation difficile avec désaccord sur la garde de l’enfant, certificat ayant ensuite été produit dans la procédure opposant les deux parents.
Elle a jugé que le médecin ne pouvait pas ignorer, lors de la demande d’établissement du certificat, l’intention de la mère de l’utiliser dans le litige pendant avec le père. Le médecin avait par ailleurs pleinement conscience du caractère délicat de l’établissement de ce certificat, puisqu’il l’avait immédiatement transmis au père par souci de transparence.
Le médecin n’avait eu que peu de contacts avec le père. Aucun danger pour l’enfant sur le plan psychique n’avait été établi. Le signalement était susceptible d’attiser le conflit entre les parents et de péjorer la relation de l’enfant avec son père. La constatation d’un « fonctionnement psychopathologique inquiétant » du père était inappropriée et le signalement inopportun. Le médecin avait violé son devoir de diligence due à l’enfant et à ses parents, détenteurs de l’autorité parentale, au sens des art. 40 let. a et c LPMéd et 398 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) en procédant au signalement.
En établissant puis en remettant le certificat à la mère de l’enfant avec l’intitulé « à qui de droit », le médecin, qui ne pouvait de bonne foi retenir que la demande de la mère emportait consentement du père, également détenteur de l’autorité parentale conjointe, à l’établissement du certificat du 14 septembre 2013, destiné à être produit dans le litige opposant les deux parents, avait violé son secret professionnel. Il était très douteux que l’enfant – alors âgée de presque 10 ans – avait été capable de discernement pour délier son médecin du secret professionnel mais même à l’admettre, un éventuel consentement portait sur une simple demande d’audition, et non sur une dénonciation pour maltraitance psychologique.
Le prononcé d’un blâme n’était pas disproportionné (ATA/839/2018 du 21 août 2018 consid. 9 à 12)
3. En l’espèce, la commission a retenu trois griefs à l’encontre du recourant et prononcé un blâme à son encontre.
3.1 La commission reproche au recourant d’avoir poursuivi le suivi thérapeutique des enfants après que leur père s’y fût opposé le 18 novembre 2021.
Le recourant objecte que les enfants avaient la capacité de discernement, qu’il avait lui-même constatée, ce qui le dispensait de tenir compte de l’avis de leur père. Il ne peut être suivi. La commission a relevé à juste titre que les enfants lui avaient été amenés par leur mère dans un contexte familial hautement conflictuel, et alors que les parents n’avaient pas trouvé d’accord pour leur prise en charge thérapeutique, et qu’il avait lui-même observé qu’il existait un risque de syndrome d’aliénation parentale, de sorte qu’il devait faire preuve d’une grande prudence compte tenu de l’âge des enfants et ne pouvait partir du principe que ceux-ci étaient capables de discernement quant au choix de leur thérapeute.
Le recourant se prévaut de son expertise et affirme que D______ présentait « un discernement éclairé, favorable à son audition pour recueillir son témoignage et affirmer son souhait en rapport avec son intérêt ». Outre son caractère général, cette formulation n’expose pas en quoi, compte tenu des circonstances particulières et de la jurisprudence susévoquées, D______ aurait été capable à son âge de comprendre et de vouloir que les entretiens déboucheraient sur l’établissement d’un certificat qui serait utilisé contre son père dans une procédure opposant ses parents.
Le fait que la mère aurait écrit au père que les enfants avaient aimé (loved) une séance n’est d’aucun secours au recourant pour établir leur capacité de discernement. De même, le fait que D______ se serait confié au recourant et lui aurait fait confiance, la confiance étant constitutive du lien thérapeutique et non consécutive à la capacité de discernement. Si le climat familial ne suffit certes pas à exclure la capacité de discernement, ainsi que le relève le recourant, il entre en ligne de compte dans son évaluation dans le cas d’espèce, et le recourant a d’ailleurs lui-même évoqué dans son certificat un risque de syndrome d’aliénation parentale, sans toutefois élaborer dans son recours pourquoi, dans le cas d’espèce, D______ aurait été capable de comprendre les enjeux du suivi et de l’établissement du certificat.
Contrairement à ce que le recourant affirme, le refus net exprimé par le père le 18 novembre 2021 ne lui permettait pas de considérer de bonne foi qu’il pouvait dans ces circonstances poursuivre malgré tout le traitement.
3.2 La commission reproche au recourant d’avoir établi le certificat médical du 18 novembre 2021 sans avoir été préalablement délié du secret médical par les deux parents, et d’avoir ainsi violé son secret professionnel.
Ce constat n’appelle aucune critique. Il a été vu que le recourant devait considérer que les enfants, et D______ en particulier, ne disposaient pas de la capacité de discernement en l’espèce.
Le recourant ne peut être suivi lorsqu’il invoque la gravité des faits révélés par D______, ou encore l’urgence. Ainsi que l’a relevé la commission, il lui appartenait le cas échéant d’avertir le TPAE, compétent pour prendre des mesures urgentes restreignant par exemple les relations personnelles entre les enfants et leur père. Il pouvait également demander à la commission d’être délié de son secret pour avertir la police. La mère des enfants avait fait établir plus tôt le même jour un certificat médical à l’Hôpital G______, dont le recourant a repris pour ainsi dire mot pour mot le dévoilement recueilli. Il est douteux que l’établissement du certificat du recourant ait pu répondre dans ces circonstances à une quelconque urgence.
Le recourant fait encore valoir que la gravité des faits donnait droit à la mère des enfants de demander l’établissement du certificat médical ainsi que la continuation du suivi thérapeutique. Il a été vu que la mère des enfants avait fait établir un premier certificat le jour même. Il sera vu plus loin que le dossier remis par le recourant ne permet de comprendre ni un éventuel diagnostic ou hypothèse médicale ni un plan thérapeutique et qu’à teneur du dossier deux consultations seulement ont eu lieu après le 18 novembre 2021, sans que le dossier ne permette de comprendre si la prise en charge a produit des effets ou si elle doit être poursuivie.
3.3 La commission reproche enfin au recourant une tenue incorrecte du dossier médical, lequel ne comporte aucune analyse médicale de la situation ni aucune documentation de celle-ci.
Le dossier ne contient effectivement que des comptes rendus d’entretiens. La présentation de ceux-ci, sans date d’édition, peut en outre faire naître le soupçon que le document aurait pu être établi en vue de la présente procédure. Il est dépourvu de toute analyse médicale, de diagnostic et de plan de traitement, ce qui constitue effectivement un manquement contraire aux art. 52 et 53 LS.
Le recourant objecte que son certificat contient le détail de l’analyse médicale. Il perd de vue que l’analyse doit se trouver dans le dossier, sur lequel les documents produits par le médecin à l’attention des tiers doivent pouvoir trouver appui.
Le grief sera écarté.
3.4 Le recourant critique enfin le caractère disproportionné de la sanction.
Il a été vu que le caractère urgent de la situation ne pouvait être invoqué, et que le recourant ne pouvait tenir la capacité de discernement de D______ pour acquise.
Dans ces circonstances, c’est sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que la commission a considéré que la faute commise appelait un blâme.
Cette sanction apparaît proportionnée aux manquements dont s’est rendu coupable le recourant.
Le grief sera écarté.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 25 mars 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Andres PEREZ, avocat du recourant, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu'au département fédéral de l’intérieur.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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