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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2068/2021

ATA/1282/2022 du 20.12.2022 sur JTAPI/680/2022 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Rectification d'erreur matérielle : rectification d'erreur matérielle le 19 janvier 2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2068/2021-PE ATA/1282/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michael Anders, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2022 (JTAPI/680/2022)


EN FAIT

1.1) Monsieur A______, né le ______1985, est ressortissant marocain.

2.2) Il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public (ci-après : MP) du 2 février 2007, sous son alias B______, de nationalité palestinienne, né le ______1988, pour recel, à une peine pécuniaire de vingt jours-amende assortie du sursis.

3.3) À teneur d'un rapport du 13 janvier 2007 du chef de clinique des soins intensifs des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), M. A______ y avait été hospitalisé du 10 au 23 janvier 2007, après avoir été agressé par deux inconnus sur la voie publique le 9 janvier 2007. Il avait subi plusieurs interventions, notamment deux craniotomies et une trachéotomie, et bénéficiait d’un traitement médicamenteux.

4.4) Le 20 novembre 2007, l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a rendu à son encontre une décision d’interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) valable jusqu’au 19 novembre 2010, en raison d’un séjour et d’un franchissement de la frontière illégaux.

5.5) Par requête du 25 janvier 2008, M. A______ a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d’un titre de séjour temporaire afin de pouvoir participer, en qualité de partie civile, au procès pénal de l’auteur de son agression le 13 mars 2008, procéder devant les instances d’indemnisation LAVI en vue d’obtenir un dédommagement et être pris en charge par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) pour recevoir les soins nécessaires à son état de santé.

6.6) Le 9 mars 2009, il a indiqué à l’OCPM que sa présence était nécessaire dans le cadre de la procédure d’indemnisation LAVI à la suite de l’arrêt rendu le 12 mars 2008 par la Cour correctionnelle. Il allait prochainement faire l’objet d’un nouveau suivi neurologique auprès des HUG, lequel n’était pas disponible dans son pays d’origine.

7.7) Par ordonnance pénale du 30 septembre 2013, le MP l’a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.- l’unité assortie du sursis, pour entrée et séjour illégaux en Suisse du 1er janvier 2006 au 10 avril 2013.

Il avait déclaré à la police être arrivé en Suisse en 2006 afin de se marier avec une Suissesse. Il avait été scolarisé au Maroc jusqu’à l’âge de 18 ans, sans toutefois obtenir de diplôme. Ses parents, ses deux frères et ses deux sœurs vivaient et travaillaient au Maroc.

16.8) Par courrier du 22 novembre 2013, M. A______ a informé l’OCPM d’une convocation le 12 décembre 2013 devant l’instance d’indemnisation LAVI « en lien avec une demande d’indemnisation pour l’évènement dommageable (2ème sévère atteinte à son intégrité physique) » survenu le 27 juillet 2011.

9.9) Le 9 février 2015, l’OCPM a sollicité auprès du conseil de M. A______ des renseignements complémentaires s’agissant de l’état de la procédure d’indemnisation LAVI, de son adresse et de ses ressources financières actuelles ainsi que la transmission d’un rapport médical par le SEM.

10.10) Par jugement du 16 février 2016, le Tribunal de police a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de quarante-cinq jours-amende, assortie du sursis, pour recel et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

Devant la police le 4 janvier 2014, il avait affirmé être arrivé en Suisse en 2006.

11.11) Par courrier du 18 février 2016, M. A______ a indiqué à l’OCPM qu’il souhaitait pouvoir rester en Suisse, cas échéant sur une base humanitaire. Il a transmis divers documents en lien avec sa situation médicale, notamment :

- un rapport médical portant l’en-tête du SEM rédigé le 20 mars 2015 par le Docteur C______, spécialiste FMH, qui déclarait le suivre depuis le 25 mars 2009, faisant état d’une diminution de la capacité de discernement, de troubles mnésiques, d’une dextérité réduite de la main gauche, d’une persistance d’un pied gauche tombant gênant à la marche et d’un état d’angoisse post-traumatique. Une stabilisation des séquelles physiques grâce à la poursuite de l’ergothérapie et de la physiothérapie ainsi qu’une péjoration sur le plan psychique suite au choc subi lors de l’incendie du foyer D______ les 16-17 novembre 2014 étaient relevés. Le diagnostic consistait en un traumatisme cranio-cérébral au 27.07.11, TCC sévère 09.01.2007, choc post-traumatique 16-17.11.14. Le traitement, administré depuis juillet 2009 et pour une durée à déterminer selon évolution, consistait en la prise de Lioresal, Mirtazepine et Tianal ainsi que des séances hebdomadaires d’ergothérapie et de physiothérapie, depuis janvier 2013 à ce jour. La poursuite du traitement actuel, des contrôles par un neurologue ainsi que des séances de rééducation étaient nécessaires. Le pronostic actuel et futur sans traitement consistait en une rapide péjoration avec perte d’autonomie alors que sa poursuite conduirait à une stabilisation de son état actuel avec une certaine autonomie. L’auteur du rapport ne connaissait aucun médecin ni structure médicale pouvant assumer le traitement nécessaire au Maroc. Un milieu social défavorable ainsi qu’une neuro rééducation probablement très difficile à assumer iraient à l’encontre d’un traitement médical dans ce pays, la famille du patient étant sans moyens ;

- un rapport médical rédigé le 20 mars 2015 par le Dr C______, à teneur duquel le patient était le troisième enfant d’une fratrie de cinq, son père étant décédé et ses trois frères étant ouvriers en métallurgie au Maroc. Scolarisé jusqu’à l’âge de
18-19 ans au Maroc, il y avait travaillé comme aide-électricien avant de venir en Suisse, où il avait d’abord œuvré comme nettoyeur dans un restaurant. À la suite de la grave agression dont il avait été victime le 9 janvier 2007, il avait pu reprendre son indépendance, avec toutefois de grosses séquelles. Le 27 juillet 2011, il avait été frappé à la tête avec un poing américain. S’en était suivi une nette péjoration de la mobilité, en particulier de la main gauche, et des douleurs neuropathiques. En outre, il séjournait au foyer D______ lors de l’incendie dans la nuit du 16 au 17 novembre 2014. Il avait pu échapper aux flammes in extremis et souffrait depuis lors d’un stress post-traumatique.

12.12) Par pli du 23 mars 2016, M. A______ a transmis à l’OCPM un rapport médical provisoire établi le 8 février 2016 par le Dr C______ ainsi que son dossier médical mis à jour par les HUG le 22 décembre 2015, selon lesquels, suite à une crise d’épilepsie survenue le 21 décembre 2015, une intervention chirurgicale en neurochirurgie était prévue le 4 avril 2016. Le patient était angoissé par sa situation administrative.

13.13) Par ordonnance du 30 novembre 2018, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a prononcé la mainlevée de la curatelle de représentation et de gestion instituée au profit de M. A______.

14.14) Par ordonnance pénale du 7 septembre 2019, le MP a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de nonante jours-amende, assortie du sursis, pour séjour illégal et consommation intentionnelle de stupéfiants.

Il avait déclaré la veille à la police être arrivé en Suisse en 2006. Originaire de E______, il avait « appris le métier d’électricien au Maroc », pays qu’il avait quitté pour séjourner en France en 2005 et 2006. Ses parents étaient décédés et sa sœur, âgée de 14 ans, vivait au Maroc. Handicapé, il avait déposé une demande de prestation invalidité (ci-après : demande AI) auprès de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS).

15.15) Par courrier du 25 novembre 2019, l’OCPM a requis la transmission de plusieurs documents, dont un questionnaire médical à jour, une copie de la demande AI déposée et des informations s’agissant de sa possibilité d’exercer une activité lucrative, même partielle.

16) Dans le délai prolongé à sa demande, soit le 15 septembre 2020, M. A______ a produit un rapport médical portant l’en-tête du SEM complété le 4 septembre 2020 par le Dr C______. Il en ressort qu’il avait connu un « TTC sévère en 2007 avec hémiparésie gauche + crise d’épilepsie toujours séquelles du traumatisme
cranio-cérébral sévère ». Il marchait à l’aide d’une canne et avait besoin d’aide pour effectuer sa toilette et pour la préparation de ses repas. Il souffrait de difficultés à la marche, d’une hémiparésie gauche, d’épilepsie et d’une diminution de la mémoire. Il consommait du cannabis. Il était bien encadré dans le foyer qu’il fréquentait et le traitement administré contre l’épilepsie était efficace. Le diagnostic consistait en « épilepsie, traumatisme cranio-cérébral sévère, malformation
artério-veineuse, dépression et insuffisance mentale ». Le traitement depuis 2007, et probablement pour une durée indéterminée, était composé de Lioresal, Valproate, Apydan et Mirtazipine, outre la surveillance de la prise de son traitement médical, une aide pour sa toilette et pour ses repas et de la physiothérapie afin de conserver la mobilité déjà réduite. Le pronostic sans traitement était très mauvais alors que le suivi de ce traitement conduirait à une stabilisation de son état. Aucun médecin ni structure médicale pouvant assurer le traitement nécessaire au Maroc, où les infrastructures étaient inadaptées à son cas, n’étaient connus. D’origine très pauvre, le patient n’avait plus de contact avec sa famille et un changement de cadre de vie et de traitement péjorerait son état de santé déjà médiocre.

Selon un résumé de séjour aux HUG, le 28 janvier 2018, en raison d’une crise d’épilepsie, le traitement médicamenteux consistait en la prise d’Oxcarbazépine Apydan et de Valproate sodique Orfiril.

17.17) Il ressort d’une attestation de l’office des poursuites du 15 octobre 2020 que M. A______ faisait l’objet de poursuites pour un montant total de CHF 843.- et d’actes de défaut de biens à hauteur de CHF 993.06.

18.18) Selon attestation de l’hospice du 20 octobre 2020, M. A______ percevait des prestations financières depuis le 1er mars 2009, notamment à raison de CHF 14'388.25 en 2016, CHF 13'332.90 en 2017, CHF 13'322.40 en 2018 et CHF 17'397.75 en 2019. Il n’avait réalisé aucun revenu durant ces années et était logé en « bail HG ».

19.19) À teneur du consulting médical établi en allemand par le SEM le 28 octobre 2020 à la demande de l’OCPM, des contrôles neurologiques ambulatoires étaient possibles à l’hôpital F______, à G______, tout comme de la physiothérapie. Un suivi psychologique et psychiatrique de la dépression était possible dans les hôpitaux publics des grandes villes telles que E______. Les médicaments Baclofen, Valproin et Mirtazapin étaient disponibles dans les pharmacies privées, dans un délai d’environ une semaine. L’Oxcarbazepin n’apparaissait pas dans la base de données de MedCOI mais l’anti-épileptique Carbamazepine était disponible. Le patient devait participer aux coûts du traitement à hauteur de 10 à 30 %. Les traitements dans les hôpitaux publics étaient partiellement pris en charge, voire entièrement et les médicaments délivrés gratuitement dans l’hypothèse où le patient était titulaire d’une carte de régime d’assistance médicale (ci-après : RAMED), octroyée aux personnes en difficulté financière. Les médicaments délivrés par les pharmacies devaient être réglés par le patient.

20.20) Par courrier du 10 décembre 2020, l’OCPM a imparti à M. A______ un délai au 10 janvier 2021 pour lui signaler toute éventuelle modification de sa situation.

21.21) Le 23 décembre 2020, M. A______ a informé l’OCPM qu’il n’était pas en mesure de renouveler son passeport marocain, dès lors qu’un titre de séjour valable lui était demandé pour ce faire.

22.22) Le 26 février 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de soumettre son cas au SEM avec un préavis favorable en vue de la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur et de prononcer son renvoi.

23.23) Faisant usage de son droit d’être entendu le 16 avril 2021, M. A______ a conclu à la délivrance d’un titre de séjour.

Les conditions du cas de rigueur étaient remplies, notamment eu égard à sa situation médicale, rappelant les deux agressions dont il avait été victime, leurs séquelles, et les soins en cours. Le Dr C______ avait précisé qu’un changement de cadre de vie et de traitement péjorerait son état de santé médiocre et que les infrastructures disponibles au Maroc étaient inadaptées à son cas. Eu égard à ses problèmes de santé, il lui était absolument impossible d’exercer une activité lucrative lui permettant de subvenir à ses besoins, tant au Maroc qu’en Suisse. Ainsi, un retour au Maroc, où il n’avait plus aucune attache, aurait de graves conséquences sur sa santé. Le fait que son invalidité était due à une agression dont il n’était pas responsable devait être pris en compte, de sorte que son manque d’intégration ne pouvait lui être reproché.

24.24) Il ressort d’une attestation de l’hospice du 11 mai 2021 que M. A______ avait encore perçu CHF 14'053.20 en 2020 et CHF 4'994.- en 2021. Il était toujours logé par l’hospice.

25.25) Par décision du 12 mai 2021, l’OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour en faveur de M. A______ et a prononcé son renvoi, un délai au 12 juillet 2021 lui étant imparti pour quitter la Suisse.

Les conditions du cas de rigueur n’étaient pas remplies et son renvoi était raisonnablement exigible, sa prise en charge médicale étant possible au Maroc.

26.26) Par acte du 14 juin 2021, M. A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à l’octroi du titre requis. Il a sollicité sa comparution personnelle ainsi que l’audition de témoins. Il a annoncé la production d’une attestation du Dr C______, actualisée et circonstanciée.

Reprenant en substance les éléments de fait figurant dans son écriture du 16 avril 2021 à l’OCPM, il a précisé qu’une violation du droit était à déplorer. L’importance de la mise en place d’une assistance personnelle, pour son hygiène et ses repas, nécessaire au maintien de son état de santé selon le Dr C______, n’avait pas été prise en compte. De plus, il avait été privé de la possibilité de répondre aux strictes exigences légales sur les plans social, professionnel et familial, les violentes agressions subies et leurs graves répercussions sur sa santé ayant rendu illusoires toute perspective d’insertion. Ainsi, en plus d’avoir été victime d’actes graves, il était désormais injustement pénalisé sur le plan administratif. Son renvoi impliquerait une dégradation de son état de santé, déjà médiocre. Par conséquent, son cas devait être mis en perspective avec celui d’un étranger qui serait devenu invalide dans le cadre de l’exercice d’une activité lucrative, de manière à conduire au prononcé d’une autorisation de séjour.

Il n’avait conservé aucune attache avec son pays d’origine, dans lequel il n’était jamais retourné depuis son arrivée en Suisse et où il avait passé à ce jour un temps équivalent à celui passé en Suisse. Selon le Dr C______, les infrastructures marocaines étaient inadaptées à son cas particulier. Lui ôter l’assistance dont il avait besoin au quotidien reviendrait à le placer dans des conditions d’extrême gravité, avec pour conséquence une mise en danger concrète de sa santé. Il serait contraint de parcourir, par un moyen qui demeurait à ce jour inconnu, plus de 86 km pour se rendre de E______ à G______ afin de bénéficier des soins réguliers nécessaires.

27.27) Le 2 juillet 2021, M. A______ a sollicité l’audition du Dr C______, étant précisé que son état de santé cérébral/moteur évoluait de manière défavorable.

28.28) Dans ses observations du 11 août 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Aucun élément au dossier ne démontrait que M. A______ s’était intégré de manière particulière en Suisse, étant précisé qu’il aurait pu requérir la délivrance d’une autorisation temporaire de travail.

Selon le consulting au dossier, les traitements et soins médicamenteux nécessaires étaient disponibles au Maroc, en particulier à G______, soit à 1h30 de route de sa ville natale. Il pouvait requérir l’aide étatique, en particulier une carte RAMED. L’une de ses sœurs, qui vivait au Maroc, pourrait l’assister.

29.29) M. A______ n’a pas fait usage de la possibilité de répliquer.

30.30) Suite à deux demandes de prolongations de délai, M. A______ a transmis au TAPI le 14 mars 2022, une attestation d’aide financière de l’hospice du 7 mars 2022 ainsi que des décomptes de prestations pour les mois de janvier à mars 2022, en réponse à une demande de lui indiquer l’identité de l’institution, cas échéant des personnes, qui lui apportaient à Genève l'assistance quotidienne à laquelle il avait fait allusion, s’agissant notamment de son hygiène et de la préparation de ses repas.

31.31) Par courrier du 16 mars 2022, le TAPI, constatant qu’aucune indication n’avait été donnée sur ce dernier point, a informé M. A______ que la cause était gardée à juger.

32.32) Par écriture spontanée du 29 mars 2022, M. A______ a précisé que l’assistance nécessaire lui était fournie par l’INSTITUTION GENEVOIS DE MAINTIEN À DOMICILE (ci-après : IMAD), auprès de laquelle une attestation serait requise et versée au dossier dès réception. Il persistait à requérir sa comparution personnelle et/ou l’audition du Dr C______.

33.33) Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 29 juin 2022.

Il a motivé les raisons pour lesquelles les demandes d’actes d’enquête étaient rejetées.

M. A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Il vivait en Suisse depuis 2006, soit depuis 16 ans, un séjour pouvant être qualifié de long, mais qui s’était déroulé sans titre puis au bénéfice d’une simple tolérance depuis le dépôt de sa demande, de sorte qu’il ne pouvait déduire de droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi.

Les deux agressions dont il avait été victime et l’incendie dans la nuit du 16 au 17 novembre 2014 étaient regrettables et ne relevaient pas de sa responsabilité mais ne sauraient pour autant conduire à la délivrance d’un permis humanitaire.

En effet, son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée de remarquable ni d’exceptionnelle. Il avait fait l’objet de quatre condamnations pénales depuis son arrivée en Suisse. Il émargeait intégralement à l’aide sociale depuis plus de 13 ans, pour une somme totale qui se montait à plus de CHF 77'000.- il y avait environ un an et n’avait pu qu’augmenter depuis lors. Il faisait l’objet de poursuites à hauteur de CHF 843.- et d’actes de défaut de biens pour un montant de CHF 993.06, alors même qu’il était intégralement pris en charge par l’hospice. Aucun élément au dossier ne permettait de conclure qu’il aurait tissé des liens particuliers avec la Suisse. Hormis le rapport médical du Dr C______ du 20 mars 2015, selon lequel il avait œuvré comme nettoyeur dans un restaurant du canton après son arrivée en Suisse, aucun élément ne laissait à penser qu’il aurait exercé une activité lucrative sur le sol helvétique depuis son arrivée, ce qu’il ne prétendait d’ailleurs pas. Aucun document n’avait été produit afin de démontrer l’existence d’une demande AI. Aucune incapacité de travail, même partielle, n’avait à ce jour été reconnue par l’OCAS, puisqu’il continuait à percevoir des prestations de l’hospice et non une rente AI. Il n’avait donc pas été en mesure de démontrer sa volonté de participer à la vie économique du pays.

Il était encore jeune, célibataire et sans enfants. Il avait 21 ans à son arrivée en Suisse et avait ainsi passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, où il avait appris et exercé le métier
d’aide-électricien. La culture dont il y avait été imprégné et les liens sociaux qu’il avait vraisemblablement dû y conserver ou qu'il serait du moins en mesure de se recréer sans grande difficulté ainsi que la présence de sa sœur et de deux de ses frères, qui y travaillaient comme ouvriers en métallurgie, devraient l'aider à s’y réinsérer.

Les motifs médicaux constituaient avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi.

Dès lors qu’il ne pouvait se prévaloir d'un quelconque séjour légal et que son intégration en Suisse n'apparaissait pas exceptionnelle, aucune atteinte du droit à sa vie privée ne pouvait être retenue sous l'angle de l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

L’OCPM ayant refusé de soumettre son cas au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour, c’était à juste titre que son renvoi avait été prononcé.

Quant à l'exécution de cette mesure, il ressortait du consulting médical du SEM d’octobre 2020 que des contrôles neurologiques – tant ambulatoires que dans le cadre d’une hospitalisation - étaient possibles à G______, soit à un peu plus de 60 km de la ville natale de M. A______, pour autant qu’il s’y réinstalle. Dans ce cas, rien n’indiquait qu’il ne serait pas en mesure de rejoindre la capitale de son pays en cas de nécessité médicale, étant rappelé qu’il n’avait connu en onze ans que trois crises d’épilepsie et que le plus récent rapport médical de son médecin traitant ne faisait pas état d’une nécessité de contrôles neurologiques réguliers. Rien n'indiquait non plus qu'en cas de crise d'épilepsie, aucune prise en charge ne serait possible à E______. Une prise en charge de physiothérapie était disponible à G______. Il pourrait effectuer une demande en vue de bénéficier d’une carte RAMED, lui permettant la prise en charge partielle, voire totale, des coûts de traitement dans les hôpitaux publics et de la gratuité des médicaments délivrés dans les établissements publics. Si la question se posait de savoir si M. A______ serait en mesure de participer au financement des médicaments disponibles dans les pharmacies privées, à hauteur de 10 à 30 % au maximum, il ne pouvait être exclu qu’il soit en mesure d’exercer une activité lucrative lui permettant de subvenir à ses besoins dans son pays, dans la mesure où son incapacité de travail n’avait pas été démontrée.

M. A______ n’avait pas démontré la nécessité d’une assistance au quotidien. Partant, il devait être retenu qu'un départ de Suisse ne serait pas susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé, voire son décès. L’exécution de son renvoi devait être considérée comme étant exigible.

34.34) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 1er septembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu principalement à l’annulation dudit jugement et, cela fait, à la condamnation de l’OCPM à émettre un titre de séjour en sa faveur.

Il versait à la procédure le rapport de consultation d’épileptologie des HUG du 1er août 2022 et le courriel y relatif de la Docteure H______ dont il ressortait que le patient était « dépendant pour presque tout [ ] actuellement inapte pour toute activité professionnelle sauf dans un milieu protégé avec de nombreuses limitations ». Il n’était donc pas soutenable de considérer que faute de reconnaissance d’invalidité par l’AI, à laquelle il n’avait de surcroît pas droit, il n’aurait pas démontré sa capacité totale ou partielle à exercer une activité lucrative. Vu les séquelles tant cognitives que motrices consécutives à ses deux agressions, il n’était pas justifiable de lui opposer qu’il n’aurait pas noué de contacts étroits avec des personnes domiciliées en Suisse ni ne s’était investi dans le tissu associatif. Il était en si mauvaise santé que les « difficultés particulières à se réintégrer dans son pays d’origine » étaient légion. À lui seul, le changement de cadre de vie et de traitement aurait un grave impact sur sa santé. De plus, il tomberait assurément dans les 60 % de la population, selon le conseil économique et social du Maroc, dépourvue de protection sociale. Selon cette même source, les infrastructures en rééducation étaient encore très limitées et concentrées dans les grands centres urbains, la couverture médicale et la solidarité mutualiste n’étant accessibles qu’à une minorité de personnes en situation de handicap (12 % en 2004), l’accès à ces régimes tendant toutefois à s’améliorer notamment grâce à la généralisation du RAMED.

Selon les HUG, un arrêt brutal de son traitement antiépileptique engendrerait un risque de récidive supérieur à 60 % en raison d’une lésion intracérébrale très épileptogène, ce qui aurait un impact sévère sur sa qualité de vie avec un risque de complications sévères. Or, il était certain que faute de moyens financiers, il n’aurait pas accès aux médicaments indispensables, ni l’assistance nécessaire pour éventuellement se rendre à G______.

35.35) L’OCPM a conclu le 5 octobre 2022 au rejet du recours en tant qu’il visait l’octroi d’une autorisation pour cas de rigueur.

En revanche, au vu des pièces médicales versées à l’appui du recours, il apparaissait que l’exécution du renvoi de M. A______ n’était pas raisonnablement exigible. L’OCPM était donc disposé à soumettre son cas au SEM pour qu’il se prononce sur la délivrance d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 al. 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), la décision de cette autorité demeurant expressément réservée.

36.36) Sur ce, M. A______ a requis le 7 novembre 2022 la suspension de la procédure jusqu’au prononcé du SEM.

37) L’OCPM s’y est toutefois opposé le 7 novembre 2022, relevant que le dossier de M. A______ ne pourrait être envoyé au SEM que lorsqu’il aurait retiré son recours ou que la chambre de céans aurait tranché la cause en confirmant la décision de l’OCPM. L’admission provisoire ne pouvait en effet être prononcée que [rectification erreur matérielle, art. 85 LPA] lorsqu’une décision de renvoi était suspendue, annulée ou inexistante.

38.38) M. A______ a requis le 6 décembre 2022 que la cause soit gardée en suspend et que la chambre de céans invite les HUG à lui fournir leur prochain rapport de consultation, celui du 1er août 2022 indiquant qu’il serait revu dans une année.

Il persistait pour le surplus dans ses conclusions.

39.39) Les parties ont été informées le 8 décembre 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) Le recourant a requis la suspension de la procédure dans l’attente de la décision du SEM puis dans l’attente d’un rapport des HUG à venir dans une année à compter de celui du 1er août 2022.

a. L'art. 14 al. 1 LPA prévoit que lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature, notamment, pénale, relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendant devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité) ;

b. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

c. En l’espèce, sans être contredit, l’OCPM explique que le SEM ne pourra être saisi du cas du recourant pour se prononcer sur une admission provisoire que pour autant que le recours soit retiré, ce que le recourant n’a pas fait, ou que la chambre de céans ait tranché le recours. En tout état, il n’existe actuellement aucune procédure pendante devant le SEM, de sorte que l’une des conditions de l’art. 14 LPA fait défaut pour suspendre la procédure. Cette disposition ne permet par ailleurs pas une telle suspension dans l’attente d’un rapport hypothétique censé être établi dans au plus tôt plus de huit mois. Enfin, elle est de nature potestative et aucun élément ne la justifierait dans le cas présent.

Il existe au dossier tous les éléments nécessaires pour trancher le litige, en particulier de nature médicale, de sorte qu’il n’est de même nullement justifié d’attendre plusieurs mois un rapport des HUG.

3.3) L’objet du litige est la décision de l’OCPM de refus de délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur et de renvoi du recourant.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. En l’espèce, la première demande de régularisation temporaire des conditions de séjour du recourant a été déposée le 25 janvier 2008, afin de lui permettre de se défendre dans le cadre d’une procédure d’indemnisation LAVI consécutive à une première agression en janvier 2007. Le 22 novembre 2013, le recourant a informé cette autorité d’une convocation devant l’instance LAVI en lien avec une autre demande en indemnisation à la suite d’une seconde agression dont il avait été victime en juillet 2011. Le 18 février 2016, M. A______ a indiqué à l’OCPM qu’il souhaitait pouvoir rester en Suisse, cas échéant sur une base humanitaire. Le 25 novembre 2019, l’OCPM a requis de sa part, dans le cadre de la réactualisation de son dossier, la transmission de plusieurs documents. Le 16 avril 2021, le recourant, en réponse à un courrier d’intention de l’OCPM de refuser de soumettre son cas au SEM avec un préavis favorable en vue de la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur et de prononcer son renvoi, a requis la délivrance d’un tel titre de séjour, eu égard en particulier à sa situation médicale.

Il apparaît ainsi que la demande la plus récente, formellement fondée sur le cas de rigueur, du 18 février 2016, est antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau droit. L’ancien droit sera donc appliqué pour trancher le litige, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

5.5) a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

c. Selon l’ancienne teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, qui précise cette disposition, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/138/2022 du 8 février 2022 consid. 5b).

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-3136/2021 du 20 septembre 2022 consid. 5.2 ; F-3243/2020 du 12 janvier 2022 consid. 4.6).

6.6) En l'espèce, le TAPI n'a nullement méconnu le droit ou la pratique administrative en retenant que même si un séjour continu du recourant en Suisse était prouvé depuis 2006, cet élément n'était pas déterminant. Il résulte en effet de la jurisprudence que la durée du séjour d'un étranger doit être relativisée lorsque que, comme c'est le cas du recourant, l'entier de son séjour s'est déroulé dans l'illégalité, ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration. À lui seul, cet élément ne permet donc pas de retenir un cas d'extrême gravité.

Il n'apparaît en outre pas que le recourant se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. En effet, il n'est arrivé en Suisse, dans l'hypothèse qui lui est la plus favorable, qu'à l'âge de 21 ans et a donc vécu toute son enfance et son adolescence au Maroc, de sorte que la chambre de céans ne saurait admettre que les années passées en Suisse aient été déterminantes pour la formation de sa personnalité et, partant, pour son intégration socioculturelle.

Par ailleurs, il ne s'est pas investi personnellement, que ce soit dans la vie associative ou dans la culture genevoise, quand bien même les agressions dont il a été victime ont dû avoir un impact sur sa qualité de vie. Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle.

Le recourant ne démontre pas avoir travaillé à un quelconque moment depuis son arrivée en Suisse ni à tout le moins cherché à le faire. Il était entièrement dépendant de l’aide sociale depuis le 1er mars 2009. Nonobstant la prise en charge de tous ses besoins élémentaires, il fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de biens. Il a été condamné pénalement à quatre reprises, pour recel, par deux fois, de même que délit à la LStup et consommation de stupéfiants, outre pour des infractions à la LEI.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant est né au Maroc, où il a vécu son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, et où vivent sa sœur et deux de ses frères. Il ne démontre pas que ces derniers ne pourraient pas lui apporter au quotidien l’aide dont il dit avoir besoin en raison de ses problèmes de santé, ni un toit et de quoi subvenir à ses besoins élémentaires.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour au Maroc seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants marocains retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

7.7) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; arrêt du TAF E-689/2019 du 30 novembre 2020 ; ATA/1160/2020 du 17 novembre 2020).

b. En l’occurrence, l’OCPM indique être disposé à soumettre le dossier du recourant au SEM afin qu’il se prononce sur la délivrance d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 al. 4 LEI, considérant qu’au vu des deniers éléments médicaux, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible.

Il lui en est donné acte.

Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission partielle du recours.

8.8) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant qui succombe partiellement (art. 87 al. 1 LPA). Il lui sera alloué une indemnité de procédure de CHF 800.- (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que l’exécution du renvoi de Monsieur A______ n’est pas raisonnablement exigible ;

donne acte à l’office cantonal de la population et des migrations de son accord de transmettre le dossier au secrétariat d'État aux migrations au sens des considérants ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance pour le surplus ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à Monsieur A______ ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael ANDERS, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.