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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1625/2014

ATA/18/2016 du 12.01.2016 sur JTAPI/1140/2014 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; ARBRE ; ZONE AGRICOLE ; SURFACE D'ASSOLEMENT ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(ART. 24 LAT) ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LAT.24 ; LaLAT.27
Parties : SAID Dina / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE, COMMUNE DE CELIGNY
Résumé : Rejet du recours dirigé contre le refus du département de délivrer une autorisation de construire portant sur la plantation, déjà effectuée, de vingt-sept cyprès, en deux rangées et à intervalles réguliers de 10 m, formant une allée sur des parcelles sises en zone agricole.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1625/2014-LCI ATA/18/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 janvier 2016

1ère section

 

dans la cause

Madame Dina SAID
représentée par Me Bruno Mégevand, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

COMMUNE DE CÉLIGNY
représentée par Me Marie-Flore Dessimoz, avocate

________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 octobre 2014 (JTAPI/1140/2014)


EN FAIT

1. Madame Dina SAID est propriétaire de la parcelle n° 574, feuille 12 de la commune de Céligny (ci-après : la commune), d'une surface de 6'229 m2.

Elle est également locataire de la parcelle contiguë n° 575, d'une surface de 13'084 m2, dont les propriétaires sont les héritiers de feu Monsieur Pierre GERTIS.

2. Les deux parcelles précitées sont situées en zone agricole et incluses en grande partie dans les surfaces d'assolement du canton de Genève, en particulier la parcelle n° 575, qui l'est presque entièrement.

3. Le 25 mars 2011, Mme SAID a sollicité l'avis du département des constructions et des technologies de l'information, devenu entre-temps le département de l'urbanisme et, depuis lors, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département ou le DALE), quant aux démarches légales à entreprendre en vue du traçage d'un chemin en gravier, non destiné à la circulation automobile, reliant la route de Suisse en contrebas de la parcelle n° 575 à sa villa individuelle sise sur la parcelle n° 574. Elle doutait qu'un tel projet soit soumis à autorisation, mais en demandait la confirmation au département.

4. Le 3 mai 2011, sur invite du département du 8 avril 2011, Mme SAID a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée portant sur la création d'un chemin d'accès en gravier d'environ 300 m sur les deux parcelles concernées, comprenant des fouilles pour alimentation en eau et électricité. Cette demande a été enregistrée sous le n° APA/35'325.

5. Le 19 septembre 2011, la commune a préavisé défavorablement ce projet, au motif notamment qu'il s'agissait d'un terrain en zone agricole, dont l'usage devait rester agricole et que la surface du terrain convenait parfaitement pour faire paître du bétail.

6. Le 29 mars 2012, la commune a informé le département, dans le cadre de la procédure APA/35'325, avoir constaté que des travaux sur la parcelle n° 575 avaient débuté sans qu'une autorisation ait été délivrée.

7. Par courrier du 16 avril 2012 au département, Mme SAID s'est étonnée du contenu de la lettre susmentionnée et a contesté avoir entrepris des travaux sans autorisation de construire. Elle avait renoncé à son projet de chemin en gravier, compte tenu notamment du préavis négatif de la commune. Elle avait en revanche pris la décision, avec l'autorisation du propriétaire de la parcelle n° 575, d'y « planter quelques arbres ». Il s'agissait de l'unique objet des travaux récemment entrepris sur cette parcelle.

8. Le 30 avril 2012, la commune s'est adressée à la direction générale de l'agriculture (ci-après : DGA), pour lui faire part de la situation sur la parcelle n° 575. Des travaux avaient débuté le 29 mars 2012, exactement sur le tracé du chemin faisant l'objet de la demande d'autorisation de construire refusée. La mairie s'étant renseignée, elle avait appris le 19 avril 2012 du département que lesdits travaux ne concernaient « que » la plantation d'arbres et que ce dernier ne pouvait pas agir. L'agriculteur voisin, qui entretenait la parcelle depuis plus de vingt-cinq ans, avait fait constater les travaux par la police de Versoix. D'une manière générale, la mairie s'inquiétait du fait qu'il apparaissait relativement facile pour des privés d'acquérir des terrains de ce type sur la commune et de les rendre impropres à l'exploitation agricole, viticole ou horticole.

9. Le 18 décembre 2012, le service d'inspection des chantiers du département a procédé à un contrôle sur les parcelles n° 574 et 575. À teneur du rapport y relatif, établi le 20 décembre 2012 (INF 5'122), des arbres étaient plantés en nombre régulier sur le terrain ; des photos avaient été prises depuis la route de Suisse.

10. Le 15 mai 2013, le département, a invité Mme SAID à lui faire part de ses observations et explications quant aux faits constatés, relevant que la situation était susceptible de constituer une infraction à l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

11. Le 7 juin 2013, Mme SAID a transmis ses observations. Le contrat de bail portant sur la parcelle n° 575 lui permettait de l'aménager librement et à ses frais. Elle y avait récemment planté une trentaine de cyprès, en ligne, à espaces réguliers d'environ 10 m, ainsi que cela ressortait des photos jointes au rapport d'inspection. Cette plantation n'impliquait aucune modification importante du paysage, ni atteinte à l'esthétisme de celui-ci. Le caractère agricole du terrain était maintenu, de sorte qu'il n'y avait pas eu de changement d'affectation. Seule une petite partie de la parcelle avait été utilisée, étant précisé que les cyprès étaient des arbres de densité relativement faible, qui n'allaient pas prendre de proportions importantes au fil des années. Ils avaient été plantés à proximité d'une surface forestière, composée d'arbres existants dont la taille et la densité étaient nettement supérieures à celles des cyprès. Elle avait toujours souhaité respecter les prescriptions légales en matière de construction ; elle n'avait jamais imaginé que la plantation d'arbres pouvait, dans certaines circonstances, devoir faire l'objet d'une autorisation de construire. Cette idée avait été confortée par le silence du département suite à son courrier du 16 avril 2012. Elle faisait depuis plusieurs années l'objet d'un acharnement injustifié et incessant de la part de la mairie de sa commune et de voisins.

12. Le 21 juin 2013, le département a ordonné à l'intéressée de requérir une autorisation de construire relative aux travaux effectués. Il ne partageait pas son analyse de la situation, dès lors que la plantation des arbres avait indéniablement un impact sur le paysage, l'esthétisme et potentiellement sur l'affectation de la zone.

13. Le 25 juillet 2013, Mme SAID a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation. La plantation d'arbres litigieuse n'était soumise à aucune autorisation de construire. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/2432/2013.

14. Le 30 septembre 2013, le TAPI a effectué dans le cadre de la procédure précitée un transport sur place, lors duquel il a été constaté que les vingt-sept cyprès plantés formaient une allée, au bout de laquelle se trouvait un portail. De part et d'autre de la propriété et sur toute sa longueur, des petits conifères, vraisemblablement des ifs, étaient plantés à une distance de 50 cm chacun. Plusieurs autres arbres étaient plantés, dont quatre grands buis et plusieurs oliviers. De nombreux rosiers ornaient en outre la parcelle de Mme SAID.

Le représentant du département a indiqué que si l'intéressée avait planté des arbres fruitiers, ils auraient pu être acceptés dès lors qu'ils correspondaient à la vocation de la zone agricole. Les cyprès étaient en revanche des arbres purement d'ornement, raison pour laquelle une autorisation de construire était nécessaire.

15. Le même jour, le TAPI a rejeté le recours et confirmé que la plantation de vingt-sept cyprès sur la parcelle n° 575 devait être considérée comme une installation soumise à autorisation (JTAPI/1080/2013).

Les deux parcelles concernées formaient un tout et constituaient le parc d'agrément de la villa de Mme SAID. Avec la présence d'une allée de cyprès, d'oliviers, de buis, d'une haie de conifères, de nombreux rosiers et de différents arbres récemment plantés, elles avaient sans conteste perdu toutes les caractéristiques de parcelles sises en zone agricole. La création d'un tel parc paysager entraînait un impact important sur le paysage, de même qu'un changement d'affectation des parcelles. Il ne faisait aucun doute que le caractère d'agrément était devenu prépondérant et supprimait toute idée d'exploitation agricole.

Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un recours.

16. Le 21 janvier 2014, Mme SAID a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, portant sur la plantation de deux rangées de cyprès en ligne (vingt-sept au total) à espaces réguliers d'environ 10 m sur les parcelles nos 574 et 575. Cette demande a été enregistrée sous le n° APA/39'255.

17. Au cours de l'instruction dans le cadre de la procédure APA/39'255, le département a recueilli notamment les préavis suivants :

a. Le 12 février 2014, la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : PDCR) a préavisé défavorablement le projet, au motif que cette plantation d'arbres ornementaux remettait en question l'aptitude à la culture de la parcelle, recensée dans l'inventaire des surfaces d'assolement.

b. Le 21 février 2014, la commune a rendu un préavis défavorable, dès lors que la parcelle était agricole, utilisée notamment pour faire paître du bétail, et qu'elle tenait à ce que l'affectation de sa zone agricole ne soit pas modifiée et reste exploitable par un agriculteur, un horticulteur, un maraîcher, voire un pépiniériste.

De fait, l'implantation des cyprès correspondait à la grande allée projetée en 2011 sur les deux mêmes parcelles, reliant la maison de l'intéressée à la route de Suisse, à laquelle la mairie s'était opposée à l'époque.

c. Le 25 février 2014, la DGA s'est déclarée défavorable au projet. Les parcelles nos 574 et 575 étaient identifiées par l'inventaire de la zone agricole en tant que « prés et pâturages », ainsi que comme surfaces d'assolement. Un chemin non autorisé avait été constaté entre les deux rangées de cyprès. Ces aménagements ornementaux prétéritaient le potentiel d'une production agricole et ne s'avéraient pas conformes à l'affectation de la zone.

d. Le 6 mars 2014, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) a émis un préavis favorable avec souhaits, regrettant que l'implantation des vingt-sept cyprès ne s'intègre pas de manière optimale dans l'image paysagère environnante. Elle préconisait qu'à l'avenir toute volonté d'initier des plantations d'arbres soit effectuée avec sa collaboration.

18. Par décision du 6 mai 2014, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

Se fondant sur les préavis récoltés et faisant siens ceux de la PDCR et de la DGA, il a considéré que les aménagements ornementaux concernés n'avaient aucune vocation agricole, mais visaient à créer un véritable parc paysager, sur une surface auparavant libre de toute plantation. Ils avaient par ailleurs un impact important sur le paysage et engendraient, de par l'exclusion ou du moins la péjoration de toute exploitation agricole, un changement d'affectation non autorisable en l'état. Les conditions d'une dérogation n'étaient pas réalisées, dès lors qu'au regard de l'implantation imposée par sa destination, seules des raisons objectives pouvaient justifier la réalisation d'une construction hors de la zone à bâtir, et qu'aucun intérêt prépondérant ne devait s'y opposer. Or en l'occurrence, rien ne nécessitait que des aménagements ornementaux soient réalisés sur les parcelles concernées, ce d'autant que la création d'un chemin en gravier – qui aurait peut-être pu indirectement les justifier – avait été refusée pour des motifs analogues. Enfin, la préservation des surfaces d'assolement constituait un intérêt prépondérant s'opposant à de tels aménagements.

19. Par une seconde décision du même jour, le département a ordonné à Mme SAID de remettre à l'état d'origine le site concerné, dans un délai de soixante jours. Les aménagements considérés avaient été commencés sans autorisation. Tel ne pouvant pas être le cas, compte tenu du refus d'autorisation de construire, les éléments de construction réalisés sans droit ne pouvaient pas être maintenus en l'état.

20. Le 4 juin 2014, Mme SAID a recouru auprès du TAPI contre la décision de refus du département, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de construire sollicitée. La procédure a été enregistrée sous la cause A/1625/2014.

21. Le même jour, l'intéressée a également recouru par-devant le TAPI contre l'ordre de remise en état du département, concluant à son annulation. La procédure a été enregistrée sous la cause A/1626/2014.

22. Après avoir manifesté son souhait d'intervenir dans la procédure A/1625/2014 le 1er juillet 2014, la commune a transmis ses observations le 30 juillet 2014, concluant au rejet du recours.

23. Le 6 août 2014, le département a également conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision de refus de délivrer l'autorisation de construire.

24. Le 18 septembre 2014, Mme SAID a répliqué et persisté dans ses conclusions, sollicitant au préalable son audition par le TAPI.

25. Le département et la commune ont dupliqué, respectivement les 3 et 6 octobre 2014, persistant dans leurs conclusions.

26. Par jugement du 15 octobre 2014 dans la cause A/1625/2014, (JTAPI/1140/2014), le TAPI a rejeté le recours dirigé contre le refus du département de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

L'audition de Mme SAID ne s'avérait pas nécessaire dans le cadre de l'instruction de la procédure, dès lors que le TAPI était en possession de toutes les informations pertinentes pour statuer.

L'intéressée ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi, dès lors qu'elle ne démontrait pas avoir reçu une confirmation de la part du département que la plantation litigieuse était conforme à la zone agricole ; elle n'était ainsi en possession d'aucune promesse concrète de l'autorité avant d'y procéder. Il ne pouvait pas être reproché au département de n'avoir pas réagi au courrier du 16 avril 2012, dont la teneur – soit que Mme SAID avait décidé de « planter quelques arbres » – ne lui permettait pas d'imaginer qu'elle avait l'intention de planter vingt-sept cyprès sur deux lignes et à espaces réguliers de 10 m. Celle-ci n'avait de plus pas demandé au département de se prononcer sur la nécessité ou non de déposer une demande d'autorisation de construire et la rédaction même dudit courrier ne laissait pas entendre qu'une réponse était attendue. La passivité de l'autorité n'était en règle générale pas constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions légales. Il n'appartenait pas au département de vérifier que les arbres correspondaient à la zone, mais à l'intéressée de prendre toutes les dispositions utiles pour éviter que les plantations ne soient pas autorisables. Elle ne pouvait ainsi pas croire, au vu de l'absence de réaction du département, qu'elle était fondée à planter ces arbres d'ornement sans autorisation. Elle aurait au contraire dû s'attendre, compte tenu de son précédent projet de chemin de gravier – qui avait fait l'objet d'une décision de refus malgré l'annonce de son abandon – et de l'ampleur de la plantation, à ce que cette dernière nécessite une autorisation et à ce que les arbres n'étaient peut-être pas conformes à la zone agricole. Elle ne s'était d'ailleurs nullement fondée sur l'attitude du département pour commencer les démarches relatives à la plantation querellée, dès lors qu'elle avait indiqué dans son courrier du 16 avril 2012 avoir déjà entrepris de tels travaux.

Il n'était pas contesté que l'allée de vingt-sept cyprès n'était pas destinée à l'agriculture, de sorte que cet aménagement ne pouvait pas être considéré comme conforme à la zone. Le régime dérogatoire n'était toutefois pas applicable, dans la mesure où aucune raison objective ne permettait de justifier la plantation litigieuse, celle-ci ayant été réalisée par pure convenance personnelle. Elle ne pouvait ainsi pas être considérée comme imposée par sa destination. Par ailleurs, dès lors que les arbres avaient été plantés sur des surfaces d'assolement représentant les meilleures terres du pays, l'intérêt à leur préservation devait l'emporter sur celui de Mme SAID à posséder un jardin d'ornement planté de cyprès.

27. Par jugement du même jour dans la cause A/1626/2014 (JTAPI/1139/2014), le TAPI a rejeté le recours dirigé contre l'ordre de remise en état, considérant que celui-ci remplissait les conditions de validité et en particulier ne violait pas le principe de la proportionnalité.

28. Le 17 novembre 2014, Mme SAID a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le JTAPI/1140/2014, concluant à son annulation. Elle sollicitait préalablement un transport sur place. Elle demandait également l'annulation de la décision de refus du 6 mai 2014, ainsi que le renvoi du dossier au DALE afin qu'il délivre l'autorisation de construire relative à la plantation de vingt-sept cyprès sur la parcelle n° 575.

Au vu de l'assurance donnée par le département et du comportement contradictoire adopté par celui-ci, elle avait eu de sérieuses raisons de croire qu'elle agissait en conformité avec la loi en plantant les arbres litigieux. Elle devait ainsi être rétablie dans sa bonne foi, dont les conditions étaient réalisées, et l'autorisation de construire pour la plantation des cyprès devait lui être délivrée. Elle avait informé l'autorité compétente, par son courrier du 16 avril 2012, de son intention de planter des arbres sur la parcelle n° 575, précisant qu'elle se tenait à disposition pour tout renseignement complémentaire. Or, elle n'avait jamais eu de réponse à ce courrier et l'écoulement du temps l'avait confortée dans l'assurance qu'elle agissait en toute légalité. Si le département l'avait informée du fait qu'une autorisation de construire était nécessaire, elle aurait immédiatement interrompu les travaux de plantation afin de respecter la procédure. Ce n'était que huit mois plus tard que le DALE lui avait fait part de l'établissement d'un constat d'infraction. Selon une facture datée du 16 avril 2012 qu'elle produisait, elle avait pris des dispositions et le coût de la plantation des vingt-sept cyprès s'était élevé à EUR 14'025.-, de sorte que l'enlèvement de ces arbres lui causerait un dommage financier non négligeable. La législation n'avait pas été modifiée depuis le moment où l'assurance lui avait été donnée par l'autorité. La parcelle n° 574, n'ayant plus d'affectation agricole, avait été désassujettie au droit foncier rural. Si la parcelle n° 575 y était en revanche toujours assujettie, elle n'était plus utilisée pour l'agriculture depuis longtemps. Ce n'avait été en effet que de 1998 à 2010 que le propriétaire de la parcelle, qui n'était pas agriculteur, en avait laissé l'usage à son voisin Monsieur Herbert SCHUTZ afin qu'il y laisse paître son bétail à raison de deux semaines, deux fois par an. Aucune activité ayant trait à l'agriculture n'était exercée le reste de l'année sur cette parcelle, qui avait à ce jour perdu toute vocation agricole. Il était ainsi absurde qu'elle ne soit pas encore déclarée impropre à l'agriculture, alors même que le TAPI avait reconnu que les deux parcelles formaient un tout et avaient perdu les caractéristiques de la zone agricole.

Par ailleurs, le département n'avait volontairement pas réagi à son courrier du 16 avril 2012, et il était erroné de penser que ce dernier n'appelait pas de réponse. Le DALE était en effet l'autorité compétente en matière de constructions, à laquelle il appartenait d'attirer son attention sur le fait que certaines plantations d'arbres étaient soumises à autorisation, alors que d'autres non. En cas de doute au sujet des arbres qu'elle avait plantés, il était du devoir du département de l'interroger. Il ne pouvait pas lui être reproché de ne pas avoir fait preuve de diligence, puisque même la consultation des lois pertinentes n'aurait pas permis de confirmer la distinction qu'entendait opérer le DALE, à savoir qu'une autorisation n'était pas nécessaire pour planter des arbres fruitiers, mais l'était pour des cyprès. Le département avait été dans un premier temps favorable à la plantation querellée, indiquant à la commune qu'il ne s'agissait « que d'une plantation d'arbres » et qu'il ne pouvait pas intervenir. Il apparaissait ainsi de son attitude que cet aménagement était conforme à la zone agricole. Le département avait laissé perdurer cette situation durant près d'une année et ce n'avait été que six mois après le constat d'infraction (décembre 2012) qu'elle en avait été informée (mai 2013). Jusqu'à ce moment-là, le département n'avait jamais précisé qu'une autorisation de construire était nécessaire. Le comportement du département avait ainsi été confus pendant près d'un an et demi et il était impossible pour un administré d'être au courant de toutes les subtilités, au demeurant absurdes, alors qu'aucune législation pertinente ne faisait état d'une distinction entre arbres fruitiers et d'ornement. Vu la complexité de la question, le principe de la confiance commandait que le département respecte son devoir de l'informer suite à son courrier du 16 avril 2012.

Enfin, à supposer qu'elle ne puisse pas se prévaloir de sa bonne foi, les conditions pour l'obtention d'une autorisation dérogatoire de planter vingt-sept cyprès étaient remplies. La plantation litigieuse formait une allée imposée par sa destination, car elle donnait une perspective, ce que le DALE avait implicitement admis en indiquant que la création du chemin en gravier aurait pu la justifier indirectement. Cette plantation n'avait pas d'impact important sur le paysage ; pour preuve la DGNP l'avait préavisée favorablement. L'intérêt public à préserver les terres agricoles était inexistant en l'occurrence, dès lors que la parcelle n° 575 n'était plus affectée à l'agriculture ; si les surfaces d'assolement devaient être protégées, dans la mesure où elles étaient propices à l'agriculture, tel n'était plus le cas en l'occurrence. Par conséquent, son intérêt privé à pouvoir conserver les cyprès l'emportait.

29. À la même date, Mme SAID a également recouru par-devant la chambre de céans contre le JTAPI/1139/2014, concluant à son annulation, ainsi qu'à celle de la décision d'ordre de remise en état du 6 mai 2014 (procédure A/1626/2014).

30. Le 19 novembre 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

31. Le 18 décembre 2014, le DALE a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision de refus du 6 mai 2014.

La gendarmerie de Versoix avait adressé un courriel à la commune le 13 avril 2012, pour l'informer qu'une patrouille s'était rendue sur la parcelle n° 575, où des travaux avaient été signalés par M. SCHUTZ. Les gendarmes avaient demandé des informations aux ouvriers présents et leur avaient conseillé de cesser les travaux, au vu des informations lacunaires sur la procédure en cours. Après avoir pu joindre Mme SAID, un gendarme lui avait recommandé de ne pas redémarrer les travaux avant que la situation ne soit définitivement clarifiée avec la commune et le département.

La recourante ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi sur la base de l'absence de réponse à son courrier du 16 avril 2012. Elle ne s'était nullement fondée sur l'attitude du DALE pour commencer les démarches visant à la plantation litigieuse. Ainsi, même s'il avait réagi immédiatement à la réception dudit courrier, le département n'aurait pu que constater, comme il l'avait fait le
18 décembre 2012, la présence des arbres, sans pouvoir empêcher la plantation, dès lors que les travaux avaient débuté à tout le moins le 29 mars 2012, soit plus de deux semaines plus tôt. La facture produite par la recourante était datée du
16 avril 2012, ce qui confirmait qu'une réaction rapide n'aurait pas permis d'atténuer les frais engagés. Mme SAID avait d'ailleurs poursuivi les travaux, malgré l'intervention de la commune et de la gendarmerie. Le contenu du courrier du 16 avril 2012 ne mentionnait que la plantation de « quelques arbres » ; il n'appelait pas de réponse du département, ni ne l'invitait à se prononcer sur la nécessité ou non d'une autorisation de construire. Il n'indiquait pas non plus que la recourante n'allait pas déposer de requête en autorisation de construire, ni que la plantation allait engendrer, de par son ampleur et sa nature uniquement décorative, un changement d'affectation de la parcelle. Elle ne pouvait ainsi pas déduire du silence du DALE son acceptation tacite. Malgré l'annonce de la renonciation au chemin de gravier, une décision de refus avait quand même été prise le 23 avril 2012. En constatant qu'elle n'obtenait pas de réponse au sujet de la plantation des cyprès, la recourante se devait de se renseigner, le cas échéant de relancer le département, ce d'autant que son courrier précité émanait d'un avocat, lequel ne pouvait ignorer la jurisprudence selon laquelle la passivité de l'autorité n'était généralement pas constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les règles transgressées.

De plus, il n'était pas possible de se limiter à considérer que toute « mise en perspective » d'un ouvrage était imposée par sa destination à l'emplacement prévu ; des raisons objectives devaient en outre le justifier. Il n'y avait ainsi pas lieu de tenir compte des représentations subjectives ou des considérations personnelles du constructeur. Or, les raisons avancées par Mme SAID, soit d'avoir l'impression visuelle de l'existence d'un chemin sur la parcelle, relevait clairement de motifs de convenance personnelle. Enfin, l'intérêt à la préservation des surfaces d'assolement du canton devait l'emporter sur l'intérêt de la recourante à posséder un jardin d'ornement planté de cyprès. Malgré la prétendue absence d'utilisation de la parcelle à des fins agricoles, un retour à un tel usage s'avérait aisément réalisable.

32. Le 19 décembre 2014, la commune a également conclu au rejet du recours, sollicitant préalablement la production du contrat de bail conclu entre Mme SAID et les hoirs de feu M. GERTIS concernant la parcelle n° 575, ainsi que l'audition de M. SCHUTZ.

Ce n'était qu'après avoir eu connaissance du courrier de la mairie du 29 mars 2012 que la recourante avait informé le département avoir renoncé à son projet de chemin en gravier et se contenter de planter quelques arbres. La parcelle n° 575 était un pré de plus de 13'000 m2, dont les propriétaires avaient toujours respecté le caractère agricole, avant que l'intéressée, qui ne l'ignorait pas, ne décide de l'aménager à son goût.

Mme SAID ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi. Elle avait pris ses dispositions pour planter les cyprès litigieux en avril 2012 et ni l'intervention de la mairie, ni celle de la police ne l'avaient découragée dans l'entreprise des travaux, qu'elle avait terminés sans attendre une réponse du département. Lorsque la recourante alléguait que l'enlèvement des arbres lui causerait un dommage, elle omettait de préciser que ceux-ci avaient déjà été en partie endommagés par le bétail de M. SCHUTZ, malgré la barrière électrifiée que celui-ci avait installée en limite de propriété pour empêcher ses vaches d'accéder à la parcelle n° 575.

Cette parcelle, comprise dans les surfaces d'assolement, non bâtie et entourée d'autres terres agricoles présentait toutes les caractéristiques objectives d'un immeuble destiné à un usage agricole, qui n'avait jamais été remis en question avant l'achat par Mme SAID de la parcelle n° 574. Prétendre à ce jour que ce terrain devait être déclaré impropre à l'agriculture au motif que la recourante l'avait transformé en jardin d'agrément, sans se soucier de la législation applicable, équivalait à soustraire volontairement des terres à l'agriculture par la politique du fait accompli.

Les aménagements ornementaux effectués ne se justifiaient pas en zone agricole et prétéritaient le potentiel de production agricole de la parcelle. L'intérêt privé de Mme SAID ne pouvait en aucun cas l'emporter sur l'intérêt public à la conservation des surfaces d'assolement.

33. Le 16 février 2015, Mme SAID a répliqué, persistant dans son argumentation et ses conclusions.

Revenant sur les allégués du département, elle a contesté avoir entrepris des « travaux », précisant n'avoir entrepris que des plantations d'arbres ; puisqu'elle n'était pas en train de construire un chemin de gravier, elle avait considéré en toute bonne foi être dans son droit.

S'agissant des allégués de la commune, elle a contesté avoir parlé avec la maire de la commune le jour de l'intervention de la police. La parcelle
n° 575 n'était plus affectée à l'agriculture depuis des décennies et les propriétaires n'étaient pas agriculteurs.

Vu le comportement du département, elle n'avait eu aucun doute quant au fait qu'elle était en droit de planter les cyprès litigieux sans autorisation de construire, raison pour laquelle elle n'avait pas relancé le département. N'importe quel administré se trouvant dans sa situation aurait agi de même, ce d'autant qu'il n'apparaissait pas clairement à la lecture de la loi qu'une autorisation de construire était nécessaire pour planter des arbres. En application du principe de la confiance, il appartenait au DALE de l'avertir du comportement erroné qu'elle suivait à la suite de son courrier du 16 avril 2012.

Elle ne comprenait pas à quelle décision de refus du 23 avril 2012 se référait le département dans ses écritures.

Dans le cadre de l'examen des conditions du régime dérogatoire de l'autorisation de construire, l'intérêt public devait céder le pas à son intérêt privé à maintenir la plantation, lequel était prépondérant dès lors qu'une fois déterrés, les cyprès allaient mourir. L'intérêt public à la préservation des terres agricoles était en l'occurrence quasiment inexistant, dès lors que la parcelle avait perdu toute vocation agricole.

34. Le 23 février 2015, le DALE a dupliqué, persistant également dans son argumentation et ses conclusions.

La volonté de la recourante avait été de modifier l'aspect paysager de la parcelle, en y plantant deux alignements d'arbres, ce qui avait nécessité une intervention humaine. La question de la soumission des cyprès à autorisation de construire et leur impact sur la parcelle, soit la création d'un véritable parc paysager, avait par ailleurs déjà été tranchée par un jugement à ce jour en force. Ainsi, si Mme SAID entendait contester que les plantations réalisées créaient un parc paysager soumis à autorisation, elle aurait dû recourir contre le jugement précité et non déposer une demande.

La parcelle n° 575 n'était pas désassujettie au droit foncier rural et le fait qu'elle soit comptabilisée dans les surfaces d'assolement indiquait qu'elle conservait toutes les aptitudes à l'exploitation agricole.

Deux arrêts de chantier avaient été prononcés à l'égard de Mme SAID les 12 avril et 9 mai 2012, dans le cadre des travaux portant sur la création du chemin en gravier. Dans la mesure où le second ordre d'arrêt de chantier lui était parvenu après qu'elle eût indiqué avoir renoncé à la création dudit chemin, elle aurait d'autant plus dû relancer le DALE pour connaître sa position sur les possibilités ou non de créer un parc d'agrément.

La décision de refus d'autorisation de construire le chemin en gravier initialement projeté du 23 avril 2012 était jointe à cette écriture.

35. Le 18 mars 2015, Mme SAID, persistant dans ses conclusions, a estimé que la décision de refus du 23 avril 2012, tout comme les deux ordres d'arrêt de chantier, étaient sans pertinence pour l'issue du litige, ce d'autant que la décision précitée était intervenue après qu'elle eut informé le département de son renoncement au chemin en gravier.

36. Le 19 mars 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

37. Par arrêt du 12 janvier 2016, la chambre de céans a rejeté le recours dans la cause A/1626/2014.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans la mesure où la recourante n'a pas recouru contre le jugement du TAPI du 30 septembre 2013 (JTAPI/1080/2013), ce dernier est entré en force et la question de savoir si la plantation de vingt-sept cyprès sur la parcelle n° 575 de la commune doit être considérée comme une installation soumise à autorisation de construire n'est plus litigieuse. La présente procédure porte dès lors uniquement sur la question du refus du département de délivrer à la recourante l'autorisation de construire requise.

3. a. La recourante et la commune sollicitent préalablement des actes d'instruction, soit un transport sur place, respectivement la production du contrat de bail portant sur la parcelle concernée et l'audition de l'agriculteur propriétaire de la parcelle voisine.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C.514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

c. En l'espèce, compte tenu du cadre du litige restreint à la question de la validité du refus de délivrer l'autorisation liée à la plantation de vingt-sept cyprès, il appert que la chambre de céans dispose de tous les éléments et pièces lui permettant de statuer en connaissance de cause, de sorte que les actes d'instruction requis, qui ne sont pas de nature à influer sur l'issue du litige, ne s'avèrent pas utiles.

4. a. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. Conformément à une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 et les références citées).

5. a. La recourante fait grief au département d'avoir violé le principe de la bonne foi en ne donnant pas suite à son courrier du 16 avril 2012 et en ayant laissé plus d'une année s'écouler avant de décréter qu'une autorisation de construire était nécessaire pour ériger des cyprès, avant de refuser le 6 mai 2014 de lui délivrer ladite autorisation.

b. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ;
131 II 627 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 ; 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATA/317/2015 du 31 mars 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 2012, p. 922 ss n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 196 s. n. 578 s. ; Ulrich HÄFELIN/Georg MULLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, 6ème éd., p. 140 ss et p. 157 n. 696).

La passivité de l'autorité qui n'intervient pas immédiatement à l'encontre d'une construction non autorisée n'est en règle générale pas constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. La tolérance des autorités n’est retenue que dans des circonstances exceptionnelles. Seul le fait que l'autorité aurait sciemment laissé le propriétaire construire de bonne foi l'ouvrage non réglementaire pourrait obliger cette autorité à tolérer ensuite l'ouvrage en question (ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 et les références citées).

c. En l'espèce, il n'est pas contesté que le département a agi dans le cadre et les limites de sa compétence, ni que les dispositions applicables au litige n'ont pas subi de modifications.

Toutefois, s'il apparaît regrettable que le département n'ait pas réagi plus rapidement au courrier du 16 avril 2012 de la recourante et ait attendu le 21 juin 2013 pour décider que la plantation litigieuse était soumise à autorisation, il ne ressort pas du dossier que Mme SAID aurait reçu du DALE une promesse concrète lui permettant de procéder en toute bonne foi et sans autorisation à la plantation litigieuse sur une parcelle sise en zone agricole. En effet, à la fin du mois de mars 2012, soit deux semaines avant que la recourante n'informe le département qu’elle avait pris la décision de planter quelques arbres, la police est intervenue sur la parcelle, a constaté la présence de travaux de plantation et a invité Mme SAID à les faire cesser, dans l'attente d'un éclaircissement de la situation. Cette dernière n'en a néanmoins pas tenu compte, faisant poursuivre et achever l'ouvrage. Par ailleurs, force est de constater que le contenu du courrier du 16 avril 2012, contrairement à celui du courrier qu'elle avait adressé le 25 mars 2011, par le biais de l'avocat duquel elle était assistée dans les deux cas, ne sollicitait pas l'avis du département quant à la nécessité ou non d'une autorisation, se limitant à l'informer de sa décision de renoncer au chemin en gravier et de planter « quelques arbres ». Sur cette base, il ne peut pas être reproché au département de n'avoir pas compris immédiatement qu'une réaction de sa part était attendue, ni de n'avoir pas envisagé que le projet de la recourante – qui savait que la parcelle se trouvait en zone agricole et dont le conseil ne pouvait pas ignorer l'existence de la jurisprudence selon laquelle une autorisation de construire est nécessaire pour planter des arbres dans certains cas – consistait en réalité à la plantation de vingt-sept cyprès, en deux rangées et à intervalles réguliers de 10 m, formant une allée sur le tracé du chemin initialement prévu. Dans ces conditions, l'absence de réaction immédiate du département ne pouvait pas être interprétée comme une autorisation tacite et ne constituait pas une promesse concrète à l'égard de la recourante. La première des cinq conditions cumulatives permettant de retenir la bonne foi de l'administrée n'est ainsi pas réalisée.

À titre superfétatoire, il sera relevé que la recourante, qui allègue avoir pris des dispositions en produisant une facture de EUR 14'025.- relative à l'achat et la livraison des vingt-sept cyprès, ne s'est aucunement fondée sur les renseignements fournis par le département pour ce faire. D'une part, ce dernier ne lui a précisément donné aucun renseignement, sa passivité ne pouvant pas être considérée comme une autorisation tacite. D'autre part, la facture précitée est datée du 16 avril 2012, soit le même jour que le courrier de la recourante informant le département de son intention, ce qui démontre qu'elle avait déjà pris ses dispositions, avant même d'attendre une éventuelle réponse et bien avant de constater l’absence de réaction du département.

Enfin, compte tenu de ce qui précède, la question de savoir si la recourante devait se rendre compte du fait qu'elle n'était pas en droit de planter les arbres litigieux peut souffrir de rester ouverte, les conditions de l'examen de la bonne foi étant cumulatives.

Dans ces circonstances, la recourante ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi pour se voir délivrer l'autorisation de construire sollicitée. Ce grief sera ainsi écarté.

6. a. La recourante soutient que, bien que la plantation litigieuse se trouve en zone agricole, l'autorisation de construire requise devrait lui être délivrée à titre dérogatoire.

b. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique. Elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole
(art. 16 al. 1 de la loi sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT -
RS 700). Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 LAT).

La zone agricole est destinée à l’exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal, respectent la nature et le paysage, ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT -
RS 700.1 ; art. 20 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

c. Selon l'art. 24 LAT, en dérogation à l’art. 22 al. 2 let. a LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si :

- l’implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination ;

- aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose, ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1A.26/2003 du 22 avril 2003 consid. 5 ; ATA/746/2012 du 30 octobre 2012 consid. 6).

De même, à teneur de l'art. 27 LaLAT, hors des zones à bâtir, en dérogation à l’art. 20, une autorisation ne peut être délivrée pour une nouvelle construction ou installation ou pour tout changement d’affectation que si :

- l’emplacement de la construction prévue est imposé par sa destination, et,

- si elle ne lèse aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue de la protection de la nature et des sites et du maintien de la surface agricole utile pour l’entreprise agricole.

d. Selon la jurisprudence, l’implantation d’une construction est imposée par sa destination si elle est justifiée par des motifs objectifs, comme des raisons d’ordre technique, liées à l’économie d’une entreprise ou découlant de la configuration du sol ; les seuls motifs personnels ou financiers ne suffisent pas. Les établissements sans rapport suffisant avec la culture du sol et pouvant trouver leur place dans certaines zones à bâtir, ne sauraient en général bénéficier d’une telle dérogation en zone agricole (ATA/146/2014 du 11 mars 2014 consid. 5h et les arrêts cités).

e. Le paysage doit être préservé et il convient notamment dans ce but de réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables, en particulier, les surfaces d'assolement (art. 3 al. 2 let. a LAT), qui doivent être maintenues
(art. 15 al. 3 LAT). Ces dernières font partie du territoire qui se prête à l'agriculture et se composent des terres cultivables comprenant avant tout les terres ouvertes, les prairies artificielles intercalaires et les prairies naturelles arables. Elles sont garanties par des mesures d'aménagement du territoire (art. 20 al. 1 OAT). Les surfaces d'assolement sont délimitées en fonction des conditions climatiques (période de végétation, précipitations), des caractéristiques du sol (possibilités de labourer, degrés de fertilité et d'humidité) ainsi que de la configuration du terrain (déclivité, possibilité d'exploitation mécanisée). La nécessité d'assurer une compensation écologique doit également être prise en considération (art. 20 al. 2 OAT). Une surface totale minimale d'assolement a pour but d'assurer au pays une base d'approvisionnement suffisante, comme l'exige le plan alimentaire, dans l'hypothèse où le ravitaillement serait perturbé (art. 20 al. 3 OAT). La Confédération et les cantons veillent à la détermination et au maintien de ces surfaces (art. 27 à 30 OAT).

Afin de garantir les surfaces d’assolement au sens de la législation fédérale sur l’aménagement du territoire, le département veille à ce que les terres propices à l’agriculture ne soient pas affectées à un usage autre que l’exploitation agricole ou horticole et, sur préavis de la DGA, prend les mesures de sauvegarde à cet effet (art. 20 al. 3 LaLAT).

f. En l'espèce, il n'est pas contesté que la plantation litigieuse se situe en zone agricole et n'est pas destinée à une telle exploitation, dès lors que les arbres composent un jardin d'agrément composé notamment des vingt-sept arbres litigieux formant une allée sur la parcelle dont la recourante est locataire.

Or, ni la mise en perspective de la parcelle alléguée par la recourante, ni aucune autre raison objective ne permettent en l'occurrence de justifier la plantation de vingt-sept cyprès formant une allée reliant la route de Suisse à sa propriété. Dans la mesure où les motifs de la recourante relèvent de sa pure convenance personnelle, la plantation ne saurait être considérée comme imposée par sa destination.

De plus, dès lors que ces arbres d'ornement ont été plantés sur une parcelle comprise dans les surfaces d'assolement et compte tenu des dispositions précitées, il est indéniable que l'intérêt public à leur préservation doit l'emporter sur l'intérêt privé de la recourante à posséder un jardin d'ornement. Ni le fait que ladite parcelle n'ait pas été affectée directement à l'agriculture depuis 2010 – et non depuis des décennies, comme le prétend la recourante –, ni le risque que les arbres meurent une fois déterrés, ne sont de nature à remettre en cause ce qui précède.

Aucune des deux conditions cumulatives permettant de bénéficier d'une dérogation en matière d'autorisation de construire en zone agricole n'est ainsi remplie. Ce grief sera également écarté.

7. Partant, le département n'a pas violé la loi, ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer à la recourante l'autorisation de planter vingt-sept cyprès.

8. Vu ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la recourante, sera allouée à la commune, qui y a conclu (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2014 par Madame Dina SAID contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 octobre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame Dina SAID un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à la commune de Céligny une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de Mme Dina SAID ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Marie-Flore Dessimoz, avocate de la commune, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial, ARE.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Pagan, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :