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Décisions | Chambre civile

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C/9741/2022

ACJC/920/2023 du 03.07.2023 sur JTPI/1100/2023 ( SDF ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 06.09.2023, rendu le 02.10.2023, IRRECEVABLE, 5A_667/2023
Normes : CC.276; CC.176; CC.285
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9741/2022 ACJC/920/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 3 JUILLET 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, ______, appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 janvier 2023, comparant en personne,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, comparant par
Me Virginie JAQUIERY, avocate, Renold Gabus-Thorens Associé(e)s, Boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1100/2023 du 20 janvier 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux C______ et A______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), attribué à la mère la garde de D______, E______ et F______ (ch. 2), réservé au père un droit de visite sur les enfants devant s'exercer, à défaut d'accord contraire des parties, à raison de trois heures par semaine tant qu'il ne disposerait pas d'un logement permettant d'accueillir ceux-ci, et ensuite à raison d'un week-end sur deux, de vendredi 16h00 au dimanche 18h00, ainsi que la moitié des vacances scolaires (ch. 3), condamné l'époux à verser en mains de l'épouse, par mois et d'avance, allocations familiales éventuelles non comprises, dès le 1er août 2022, les sommes mensuelles de 332 fr. 50 à l'entretien de D______, de 275 fr. à l'entretien de E______ et de 1'150 fr. à l'entretien de F______, contribution de prise en charge de 1'000 fr. par mois comprise (ch. 4), attribué à l'épouse la jouissance exclusive du domicile conjugal sis route 1______ no. ______, [code postal] G______ [GE] (ch. 5), prononcé les présentes mesures pour une durée indéterminée (ch. 6), arrêté les frais judiciaires à 600 fr., répartis par moitié entre les époux, sous réserve du bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 7) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 3 février 2023 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, qui lui a été notifié le 24 janvier 2023. Il conclut à la réforme du chiffre 4 du dispositif de la décision entreprise en ce sens que les pensions alimentaires devraient être revues à la baisse, sans toutefois en chiffrer le montant.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 6 mars 2023, C______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

Une copie de cet acte a été adressée à A______ par pli du greffe de la Cour du 8 mars 2023.

c. Par avis du 31 mars 2023, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

d. A______ s'est encore déterminé le 6 avril 2023. Il a en outre versé de nouvelles pièces au dossier.

C______ a conclu à l'irrecevabilité de cette détermination spontanée et des pièces produites.

Le 2 mai 2023, A______ s'est une nouvelle fois déterminé, en fournissant de nouveaux documents.

C. Les éléments suivants résultent du dossier:

a. C______, née en 1982, de nationalité nigériane, et A______, ressortissant suisse né en 1980, se sont mariés le ______ 2011 au Nigéria, sans conclure de contrat de mariage.

A______ vivait déjà en Suisse au moment du mariage. Son épouse l'a rejoint en 2013.

Trois enfants sont issus de cette union, soit D______, né le ______ 2014, E______, né le ______ 2016 et F______, née le ______ 2020.

b. Les époux vivent séparés depuis le 2 juillet 2022, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal.

c. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2022, l'épouse a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant notamment à ce que la garde des enfants lui soit attribuée et à ce que son époux soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, des pensions alimentaires de 500 fr. chacun pour D______ et E______ et de 600 fr. pour F______.

En dernier lieu, l'épouse a conclu à ce que les contributions d'entretien en faveur de ses enfants soient arrêtées, allocations familiales déduites, à 420 fr. de coûts directs plus 250 fr. de contribution de prise en charge pour D______, 380 fr. plus 250 fr. de contribution de prise en charge pour E______, 150 fr. plus 500 fr. de contribution de prise en charge pour F______. Subsidiairement, elle a demandé une pension alimentaire de 1'000 fr. par mois en sa faveur dans l'hypothèse où aucune contribution de prise en charge ne serait retenue dans les montants alloués en faveur des enfants.

d. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 26 juillet 2022 devant le Tribunal, l'époux a proposé de payer les frais de parascolaire des deux aînés et 30% du loyer de son épouse, soit 30% de 863 fr.

Par la suite, lors de l'audience du 21 novembre 2022, l'époux a proposé de verser un montant mensuel de 100 fr. par enfant.

e. La situation financière des parties et de leurs enfants se présente comme suit:

e.a C______, qui est arrivée en Suisse à l'âge de 30 ans, ne dispose d'aucune formation professionnelle et prend des cours de français. Elle ne travaille pas et bénéficie de l'aide financière de l'Hospice général. Elle a affirmé qu'elle cherchait du travail, sans préciser dans quel domaine.

Le Tribunal a retenu qu'elle devait faire face à des charges mensuelles totalisant 2'632 fr. (recte: 2'332 fr.), soit 1'350 fr. de montant de base OP, 833 fr. de loyer (70% de 1'190 fr.), 79 fr. de prime d'assurance-maladie (subside déduit) et 70 fr. de frais de transport.

Il résulte du dossier que la famille bénéficie d'une allocation de logement de 333 fr. par mois.

e.b A______, qui est arrivé en Suisse en 1999 à l'âge de 19 ans, a d'abord travaillé dans des hôtels comme livreur de journaux. Il a ensuite effectué une formation de chauffeur de taxi professionnel. Il exerce cette activité en tant qu'indépendant depuis 2009 en utilisant son propre véhicule. Devant le Tribunal, il a déclaré réaliser un revenu mensuel net de 2'800 fr. Il a dans un premier temps affirmé qu'il travaillait 12 heures par jour, l'après-midi, le soir et la nuit (PV du 26 juillet 2022), avant de revenir sur ces déclarations en faisant valoir qu'il ne travaillait que 8 heures par nuit et dormait la journée, car il gagnait plus d'argent ainsi (PV du 21 novembre 2022). Il a expliqué que durant la semaine, il travaillait depuis 16h00 ou 18h00 jusque vers 3h30 ou 4h30 du matin. Le samedi, ses horaires débutaient à 18h00 ou 20h00 et prenaient fin à 7h00 ou 8h00 le lendemain matin. Il a reconnu que ses clients payaient ses prestations également en espèces et a affirmé qu'il mettait ces sommes à la banque.

D'après les taxations fiscales versées au dossier, l'époux a réalisé un bénéfice net de 35'586 fr. en 2010, de 32'099 fr. (65'748 fr. de recettes moins 33'649 fr. de charges) en 2011, de 32'959 fr. en 2020 (41'777 fr. de recettes, dont 20'877 fr. d'allocation perte de gain coronavirus, moins 8'818 fr. de charges)

L'époux a par ailleurs indiqué qu'il détenait des cartes de crédit M______, H______ et N______ (cf. PV du 26 juillet 2022), mais n'a pas produit les relevés de ces cartes dans le délai imparti. Le 21 novembre 2022, il a affirmé qu'après réflexion, il n'avait plus de cartes de crédit, raison pour laquelle il n'en avait pas produit les relevés. Il payait son loyer et son assurance-maladie en espèces ou par carte. Il a ajouté qu'il ne disposait que d'un seul compte bancaire, à la banque I______, et a produit des relevés y relatifs. Dans le cadre de son appel, l'époux a fourni des relevés de ses cartes de crédit N______ (notamment N______/2______ faisant état d'une limite de crédit de 8'000 fr.), faisant valoir qu'il les avait remis à son avocat à l'époque, de sorte qu'il ne comprenait pas pourquoi ils n'avaient pas été transmis au Tribunal.

Il résulte des pièces fournies que l'époux a transféré plus de 8'000 fr. via K______ Ltd entre février et avril 2022, sans précision sur les motifs de ces transferts et leur(s) destinataire(s). Interrogé sur ce point, l'époux a affirmé que ce n'était pas de l'argent transféré, mais que c'était comme une carte de crédit. Il ne se souvenait plus de ce qu'il avait acheté avec cette somme.

Le Tribunal a arrêté les charges de l'époux à 2'107 fr. par mois, comprenant 1'200 fr. d'entretien de base OP, 800 fr. de loyer (pour la location d'une chambre), 107 fr. de prime d'assurance-maladie (subside de 300 fr. déduit). Aucun frais de transport n'a été retenu, du fait que l'intéressé utilise son propre véhicule, dont tous les frais sont déduits de son chiffre d'affaires.

La prime d'assurance-maladie de l'époux s'élève à 266 fr. par mois en 2023 (subside déduit). L'intéressé s'acquitte mensuellement d'environ 215 fr. de cotisations sociales. Il a par ailleurs allégué que ses sorties avec ses enfants lui coûtaient environ 200 fr. par mois (notamment pour des cadeaux) et que ses frais de parking lui revenaient à 147 fr. par mois.

e.c Les allocations familiales versées en faveur des enfants totalisent 1'000 fr. par mois (soit 300 fr. pour les deux aînés et 400 fr. pour la cadette).

Le Tribunal a retenu que le budget de D______, E______ et F______ comprenait les charges suivantes: 3 x 400 fr. d'entretien de base OP, 360 fr. de part au loyer de leur mère (30% de 1'190 fr.), 3 x 10 fr. 65 de primes d'assurance-maladie (subsides déduits), 2 x 45 fr. de frais de transport pour D______ et E______, 57 fr. 50 de frais médicaux pour D______. Les activités extrascolaires n'ont pas été retenues, au motif qu'elles ne faisaient pas partie du minimum vital LP. Les frais de restaurant scolaire ont été exclus du fait que la mère ne travaillait pas.

Ainsi, après déduction des allocations familiales, le Tribunal a retenu que les besoins mensuels des enfants totalisaient 332 fr. 50 pour D______, 275 fr. pour E______ et 130 fr. pour F______.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 271 let. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale - laquelle doit être considérée comme une décision provisionnelle au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1) - qui statue sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble et dont la valeur litigieuse est en tout état supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable. Le fait que l'appelant n'a pas pris de conclusions chiffrées concernant les pensions alimentaires dues en faveur de ses enfants n'entraîne pas l'irrecevabilité de son appel, dès lors que cette question doit être examinée d'office par la Cour.

La réponse de l'intimée, déposée dans le délai légal, est également recevable (art. 314 al. 1 CPC). Cette écriture a été communiquée à l'appelant par pli du 8 mars 2023. En l'absence de réaction de l'appelant durant plus de 20 jours, l'intéressé est réputé avoir renoncé au droit de répliquer, de sorte que la Cour a gardé la cause à juger le 31 mars 2023. La détermination spontanée que l'appelant a expédiée le 6 avril 2023, soit près d'un mois après avoir reçu le mémoire de réponse de sa partie adverse, est dès lors tardive et ne sera pas prise en considération. Il en va de même des écritures subséquentes des parties.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.4 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les contributions d'entretien dues à des enfants mineurs en vertu du droit de la famille (art. 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2). La Cour n'est donc pas liée par les conclusions des parties, ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

L'appel ne portant que sur le chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris, les autres chiffres dudit dispositif sont entrés en force (art. 315 al. 1 CPC), à l'exception des chiffres 7 et 8, dont le sort demeure réservé (art. 318 al. 3 CPC).

2. L'appelant a versé de nouvelles pièces à la procédure.

2.1 A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Cependant, lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), et ce jusqu'à l'entrée en délibération de l'autorité d'appel, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'autorité d'appel ait communiqué aux parties que la cause était gardée à juger (ATF
143 III 272 consid. 2.3.2; 142 III 413 consid. 2.2.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_451/2020 du 31 mars 2021 consid. 3.1.1).

2.2 En l'occurrence, les pièces nouvellement produites par l'appelant à l'appui de son acte d'appel sont susceptibles d'avoir une influence sur les pensions alimentaires des enfants mineurs des parties, de sorte qu'elles sont recevables, de même que les faits qui s'y rapportent. En revanche, les allégués de fait nouveaux résultant des déterminations spontanées de l'appelant des 6 avril et 2 mai 2023 (déclarées irrecevables ci-dessus), de même que les pièces justificatives y relatives, sont irrecevables.

3. L'appelant conteste la quotité des pensions alimentaires mises à sa charge en faveur de ses enfants.

3.1
3.1.1
Selon l'art. 276 al. 1 et 2 CC, auquel renvoie l'art. 176 al. 3 CC, les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant, en fournissant soins, éducation et prestations pécuniaires. Ils assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

La contribution d'entretien due à l'enfant doit correspondre aux besoins de celui-ci ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

Si l'enfant est sous la garde exclusive de l'un des parents, vit dans le ménage de ce dernier et ne voit l'autre parent que dans le cadre de l'exercice du droit aux relations personnelles, le parent gardien apporte sa contribution à l'entretien de l'enfant "en nature", en s'occupant de l'enfant et en l'élevant. Dans un tel cas, le versement d'une contribution d'entretien incombe en principe entièrement à l'autre parent (ATF 147 III 265 consid. 5.5 et 8.1).

La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (art. 285 al. 2 CC). Si, pour le bien de l'enfant, sa prise en charge est assurée par l'un des parents (ou les deux), l'obligeant ainsi à réduire son activité professionnelle, la contribution de prise en charge doit permettre de garantir sa présence aux côtés de l'enfant. Cela nécessite de financer les frais de subsistance du parent qui s'occupe de l'enfant (Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 concernant la révision du code civil suisse (Entretien de l'enfant), FF 2014 p. 511 ss, p. 556; Stoudmann, Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant en pratique, RMA 2016 p. 427 ss, p. 429 ss.).

L'obligation d'entretien trouve sa limite dans la capacité contributive du débirentier, en ce sens que le minimum vital de celui-ci doit être préservé (ATF 141 III 401 consid. 4.1; 140 III 337 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1040/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1.1).

3.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF
147 III 265, in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins de la famille, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites puis, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque membre (ATF 147 III 265 consid. 7.1).

3.1.3 Pour déterminer la capacité contributive d'un époux, il faut prendre en considération le revenu effectif (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_665/2020 du 8 juillet 2021 consid. 3.1.3), mais aussi le revenu de substitution, dont font partie les prestations des assurances sociales et privées destinées à couvrir la perte de gain, passagère ou durable, liée à la réalisation des risques assurés (chômage, accident, maladie ou invalidité; ATF 134 III 581 consid. 3.4, in JdT 2009 I 267).

L'aide sociale, dès lors qu'elle est subsidiaire aux contributions du droit de la famille, ne constitue pas un revenu à retenir dans le calcul du minimum vital (arrêts du Tribunal fédéral 5A_158/2010 du 25 mars 2010 consid. 3.2; 5A_170/2007 du 27 juin 2007 consid. 4 et les références citées). En revanche, les subsides de l'assurance-maladie et l'aide au logement ne sont pas considérés comme de l'aide sociale (ACJC/1193/2020 du 1er septembre 2020 consid. 3.2 et 3.4; ACJC/1475/2019 du 4 octobre 2019 consid. 2.1.2; ACJC/172/2019 du 5 février 2019 consid. 2.2).

Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières). Plus les fluctuations de revenus sont importantes et les données fournies par l'intéressé incertaines, plus la période de comparaison doit être longue (ATF 143 III 617 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_20/2020 du 28 août 2020 consid. 3.3 et les références). Il est notoire, à Genève, que le mode de rémunération des chauffeurs de taxi ne reflète que le revenu imposable et non le revenu effectif, qui est plus élevé en raison des pourboires et des taxes de bagages (ACJC/858/2021 du 25 juin 2021 consid. 4.1.3; ACJC/1188/2018 du 31 août 2018 consid. 4.1.3; ACJC/313/2018 du 13 mars 2018 consid. 6.2.1; ACJC/1720/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.2.1; ACJC/1706/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.1.3; ACJC/546/2016 du 22 avril 2016 consid. 3.1.2; ACJC/334/2016 du 11 mars 2016 consid. 5.4.1; ACJC/131/2015 du 6 février 2015 consid. 5.4.1; ACJC/298/2013 du 8 mars 2013 consid. 3.3; ACJC/604/2012 du 27 avril 2012 consid. 3.1.1; ACJC/451/2003 du 8 mai 2003 consid. 8). Il est ainsi admis, depuis 2003, qu'un chauffeur de taxi travaillant normalement et sérieusement dispose de revenus nets moyens de 4'500 fr. par mois (ACJC/578/2003 du 22 mai 2003 consid. 5). Il est en outre considéré que depuis l'arrivée de L______ à Genève, ni une perte d'abonnés ni une diminution des appels ou du chiffres d'affaires des chauffeurs de taxi n'ont été rendue vraisemblable (ACJC/751/2021 du 1er juin 2021 consid. 6.1.3; ACJC/1188/2018 du 31 août 2018 consid. 4.1.3; ACJC/313/2018 du 13 mars 2018 consid. 6.2.1; ACJC/1720/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4.2.1; ACJC/334/2016 du 11 mars 2016 consid. 5.4.1; ACJC/230/2015 du 27 février 2015 consid. 4.5.3). Enfin, si l'épidémie de Covid-19 constitue un fait notoire, son impact concret doit être allégué et prouvé par la partie qui s'en prévaut (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_467/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.3).

3.1.4 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2021, RS/GE E 3 60.04; l'entretien de base OP comprend, notamment, l'alimentation, les vêtements et le linge, ainsi que les soins corporels et de santé), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, soit les frais de logement, la prime d'assurance-maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 précité consid. 7.2).

Dans la mesure où les ressources financières le permettent, l'entretien convenable doit être élargi au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents, les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation financière (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), un montant adapté pour l'amortissement des dettes et les primes d'assurance-maladie complémentaire. En revanche, sont exclus les autres postes tels que les voyages, les loisirs, etc., lesquels doivent être financés au moyen de l'excédent. Toutes les autres particularités du cas d'espèce doivent également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 précité).

3.1.5 Les contributions pécuniaires fixées par le juge en procédure de mesures protectrices de l'union conjugale peuvent être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC, applicable dans le cadre de l'organisation de la vie séparée selon l'art. 176 CC; ATF 115 II 201 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_454/2017 du 17 mai 2018 consid. 4.1; 5A_932/2015 du 10 mai 2016 consid. 4.3.2), sous imputation des avances d'entretien éventuellement effectuées par le débirentier pendant cette période (ATF 138 III 583 consid. 6.1.2; 135 III 315 consid 2.3).

3.2 En l'occurrence, seules les charges et revenus de l'appelant sont remis en cause en seconde instance. Cela étant, il y a lieu de rectifier d'office le budget de l'intimée et des enfants, dès lors que le premier juge a omis de tenir compte des allocations de logement dont la première nommée bénéficie (qui ne sont pas considérées comme de l'aide sociale au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus), étant relevé que l'intéressée a elle-même rappelé dans ses écritures de seconde instance qu'il convenait d'en tenir compte.

3.2.1 Il n'est pas contesté qu'aucun revenu hypothétique ne peut être imputé à l'intimée à ce stade.

Les charges de l'intéressée – qui correspondent à son déficit – seront arrêtées au montant, arrondi, de 2'100 fr., ce qui comprend 1'350 fr. de montant de base OP, 600 fr. de loyer (70% de 857 fr., allocation de logement déduite), 79 fr. de prime d'assurance-maladie (subside déduit) et 70 fr. de frais de transport.

3.2.2 Le budget mensuel de D______, E______ et F______ comprend les charges suivantes: 3 x 400 fr. d'entretien de base OP, 257 fr. de part au loyer de leur mère (30% de 857fr.), 3 x 10 fr. 65 de primes d'assurance-maladie (subsides déduits), 2 x 45 fr. de frais de transport pour D______ et E______, 57 fr. 50 de frais médicaux pour D______, ce qui revient à 599 fr. pour D______, 541 fr. pour E______ et 496 fr. pour F______.

Après déduction des allocations familiales, les besoins mensuels des enfants s'élèvent aux montants, arrondis, de 300 fr. pour D______, 240 fr. pour E______ et 95 fr. pour F______.

3.2.3 L'appelant reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'il réalisait un revenu mensuel net de l'ordre de 4'500 fr. par mois. Il considère que la jurisprudence appliquée par le premier juge – selon laquelle les revenus déclarés des chauffeurs de taxis sont inférieurs à leurs revenus effectifs et qu'une personne exerçant normalement et sérieusement cette activité dispose de revenus nets moyens de 4'500 fr. par mois – n'est pas réaliste. L'appelant fait valoir que la présence de L______ et d'autres concurrents travaillant au noir sur le marché du transport genevois de même que la crise sanitaire liée au Covid-19 ont impacté négativement ses revenus. Il n'a toutefois pas apporté le moindre élément de preuve à l'appui de ces allégations, étant rappelé qu'il ne s'agit pas de faits notoires.

Au demeurant, le Tribunal ne s'est pas contenté d'appliquer cette jurisprudence au cas d'espèce, mais a procédé à un examen des divers éléments figurant au dossier, pour parvenir à la conclusion que les revenus déclarés par l'appelant n'apparaissaient pas conformes à la réalité. En effet, l'intéressé a tenu des propos contradictoires au sujet de ses horaires de travail, de ses cartes de crédit et des virements d'argent qu'il a effectués, de sorte que sa situation financière ne paraît pas très claire.

Lorsqu'il est revenu sur ses déclarations pour finalement affirmer qu'il travaillait 8 heures et non pas 12 heures par jour, il a expliqué en détail les horaires de travail qu'il effectuait. Le cumul des heures effectuées, selon ses dires (soit depuis 16h00 ou 18h00 jusque vers 3h30 ou 4h30 en semaine, puis de 18h00 ou 20h00 le samedi jusque vers 7h00 ou 8h00 le lendemain matin), est largement supérieur aux heures de travail qu'il déclare. Par ailleurs, il est notoire que les chauffeurs de taxis se font également payer en espèces et rien ne permet de vérifier que tous les montants ainsi obtenus sont reversés sur le compte bancaire de l'appelant, étant rappelé qu'il a lui-même affirmé qu'il s'acquittait de certains frais privés en espèces.

Pour le surplus, l'appelant a opéré des virements totalisant 8'000 fr. entre février et avril 2022 sans fournir d'explications plausibles à leur sujet. Il résulte par ailleurs du relevé de carte de crédit fourni en appel que sa limite de crédit a été fixée à 8'000 fr.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir arrêté les revenus de l'appelant à 4'500 fr. nets par mois, sur la base de la jurisprudence rappelée ci-dessus, puisqu'il semble a priori vraisemblable que ses revenus sont bien supérieurs à ceux qu'il déclare.

En ce qui concerne les charges de l'appelant, les cotisations AVS ne seront pas comptabilisées dans son budget, puisqu'il s'agit de charges professionnelles, d'ores et déjà prises en compte pour déterminer le revenu net de l'intéressé. Il en va de même des frais de parking, qui sont également des frais professionnels.

Les frais allégués en lien avec les sorties avec les enfants et aux cadeaux seront écartés, puisqu'ils ne font pas partie du minimum vital.

Les charges de l'appelant seront dès lors arrêtées à 2'266 fr., comprenant 1'200 fr. d'entretien de base OP, 800 fr. de loyer et 266 fr. de prime d'assurance-maladie (subside de 300 fr. déduit).

Au regard de ce qui précède, l'appelant bénéficie d'un disponible mensuel de 2'234 fr. (4'500 fr. – 2'266 fr.).

3.2.4 Reste à déterminer le montant de la contribution due en faveur des enfants.

L'intimée assume l'essentiel de l'entretien des enfants en nature, de sorte qu'il se justifie de faire supporter leurs besoins financiers à l'appelant, ce qui n'est du reste pas contesté.

Dans la mesure où l'intimée a donné naissance au premier enfant du couple peu après son arrivée en Suisse et qu'elle n'a ensuite jamais travaillé parce qu'elle s'occupait des enfants, c'est à bon droit que le Tribunal a fixé une contribution de prise en charge. Dès lors que D______ et E______ sont scolarisés, c'est à juste titre que ladite contribution a uniquement été allouée en faveur de F______.

Le premier juge a arrêté cette contribution de prise en charge à 1'000 fr. par mois, montant qui est inférieur aux frais de subsistance de sa mère. Cela étant, le montant ainsi fixé correspond aux conclusions de l'intéressée en première instance (que le montant soit alloué à titre de contribution de prise en charge ou de contribution à son propre entretien). Bien que la Cour ne soit pas liée par les conclusions des parties et puisse allouer aux enfants une contribution d'entretien plus élevée que celle à laquelle l'appelant a été condamné (cf. art. 58 al. 2 et 296 al. 3 CPC), l'intimée a conclu à la confirmation du jugement présentement attaqué. Le montant de 1'000 fr. arrêté par le premier juge sera donc confirmé. Cette solution paraît en effet équitable, afin de laisser un disponible à l'appelant (en l'occurrence de quelques 600 fr., après paiement des pensions alimentaires arrêtées ci-dessous) pour lui permettre de prendre à bail un logement plus adéquat pour accueillir ses enfants lors de l'exercice de son droit de visite.

Les pensions alimentaires dues par l'appelant en faveur des siens seront, par conséquent, arrêtées aux montants mensuels de 300 fr. pour D______, 240 fr. pour E______ et 1'095 fr. pour F______, à compter du 1er août 2022 (dies a quo non contesté), allocations familiales dues en sus.

Les montants ainsi fixés sont équitables, compte tenu de la situation financière de la famille et des besoins de chacun des enfants.

Le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué sera réformé dans ce sens.

4. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les parties ne critiquent pas la quotité des frais de première instance, lesquels sont conformes au règlement fixant le tarif des frais en matière civil (art. 5 et 31 RTFMC; E 1 05 10). La modification très partielle du jugement entrepris ne commande par ailleurs pas de revoir la répartition par moitié effectuée par le premier juge, compte tenu de la nature du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Le montant et la répartition des frais de première instance seront par conséquent confirmés.

4.2 Les frais d'appel seront arrêtés à 500 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant qui n'obtient gain de cause que dans une très faible mesure (art. 106 al. 1 CPC), étant relevé que la réforme du jugement entrepris n'est pas en relation avec les griefs qu'il a invoqués. Lesdits frais seront compensés à due concurrence avec l'avance de frais de 800 fr. fournie par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève dans cette mesure (art. 111 al. 1 CPC). Le solde de son avance lui sera restituée.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 95 al. 1 let. b et al. 3 et 107 al. 1 let c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/1100/2023 rendu le 20 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9741/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau sur ce point:

Condamne A______ à verser en mains de C______, à compter du 1er août 2022, à titre de contribution à l'entretien de ses enfants, par mois et d’avance, allocations familiales en sus, les sommes de 300 fr. pour D______, de 240 fr. pour E______ et de 1'095 fr. pour F______.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les met à la charge de A______ et dit qu’ils sont compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève dans cette mesure.

Ordonne à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer 300 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.