La commission de gestion du Pouvoir judiciaire a tenu ce 29 avril 2014 sa traditionnelle conférence de presse annuelle, pour rendre compte de l'activité du Pouvoir judiciaire durant l'année écoulée. Elle a relevé l'augmentation du nombre de nouvelles procédures dans deux filières, soit en matière pénale (+7.3%) et en matière administrative (+11.3%). Elle a également évoqué les différentes réformes, récentes ou à venir, qui modifient l'organisation judiciaire cantonale et créent de nouvelles juridictions, à l'instar du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, né en janvier 2013 ou de la future cour constitutionnelle, dont le Grand Conseil vient de dessiner les contours. Il en découle une augmentation des charges de fonctionnement du pouvoir judiciaire, tendance qui se poursuivra inévitablement ces prochaines années. A relever toutefois que la justice n'a représenté que 1.7% des charges de fonctionnement du canton en 2013 (1.9% prévu en 2014). Quant à la problématique des locaux mis à disposition de la justice, la commission de gestion a souligné qu'elle restait entière.
D'une réforme à l'autre
Comme les années précédentes, 2013 a été marqué par d'importants changements dans l’organisation judiciaire genevoise. Du nouveau droit de la protection de l’adulte et de l’enfant, constituant le dernier volet des récentes réformes décidées par le législateur fédéral, est en effet né le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (TPAE). Dès sa mise en place, au 1er janvier 2013, cette autorité collégiale a rapidement pris ses marques et trouvé sa vitesse de croisière. Ces débuts réussis ont pu l’être grâce au travail important réalisé pour procéder au recrutement, à l'intégration et à la formation du personnel et des nouveaux magistrats, ainsi qu’à l’adaptation des systèmes d’information. Le déménagement de la jeune juridiction en juin 2013 aux Glacis-de-Rive, important mouvement compte tenu de la centaine de magistrats et collaborateurs impliqués, n’a pas davantage ébranlé son fonctionnement.
L'adaptation de la filière pénale à l'augmentation du nombre de procédures et aux effets du nouveau droit de procédure s'est poursuivie lors de l'exercice écoulé. Si huit charges supplémentaires de procureur ont pu être créées, l'effectif des autres maillons de la chaîne pénale, à savoir le Tribunal pénal et la cour pénale de la Cour de justice, ne permet pas d'absorber la hausse du nombre de procédures pénales (+7,3% entre 2012 et 2013) et l'accroissement de l'activité du Ministère public. Sur proposition de la commission de gestion, le Conseil d'Etat a déposé en novembre 2013 un projet de loi tendant à renforcer ces deux juridictions. Il a été suivi par le Grand Conseil, qui a décidé, le 26 février dernier, de créer trois charges de juge supplémentaire au Tribunal pénal et une charge supplémentaire à la Cour de justice. L'adaptation de la filière pénale se poursuivra jusqu'en 2017, comme planifié.
Le Pouvoir judiciaire a également travaillé, courant 2013, à la mise en œuvre de la nouvelle constitution, entrée en vigueur en juin 2013, qui prévoit notamment la création d'une cour constitutionnelle. Il a ainsi collaboré aux travaux législatifs ayant abouti au dépôt, en novembre 2013, d'un projet de loi créant la nouvelle autorité judiciaire. La solution retenue, la plus efficiente et la moins coûteuse, consiste à créer une nouvelle chambre au sein de la Cour de justice, la chambre constitutionnelle. Adoptée par le Grand Conseil le 11 avril 2014, la loi 11311 entrera en vigueur dans les quelques mois à venir, sous réserve d'un éventuel référendum. Deux magistrats supplémentaires viendront renforcer la Cour de justice pour lui permettre de traiter les procédures supplémentaires.
Autre nouveauté prévue par la constitution du 14 octobre 2012, la procédure exigeant du conseil supérieur de la magistrature qu'il préavise les candidatures à une charge de magistrat au pouvoir judiciaire (article 127 Cst). Le Pouvoir judiciaire a participé au processus législatif ayant abouti, le 30 novembre 2013, à l'entrée en vigueur des dispositions légales d'application. Le Conseil supérieur de la magistrature a ainsi pu délivrer un préavis à l'attention de tous les candidats à un poste de magistrat de carrière dans le cadre des récentes élections générales d'avril 2014. Dès juin prochain, cette procédure sera étendue aux candidats à une charge de juge suppléant ou de juge assesseur.
Augmentation des procédures pénales et administratives
Pour l'ensemble du Pouvoir judiciaire, le nombre d'affaires nouvelles et de sorties est resté stable*. La situation n'est toutefois pas homogène: les filières pénale et administrative ont connu une hausse sensible des nouvelles procédures (+7.3% en matière pénale et +11.3% en matière administrative). Il faut notamment constater que l'augmentation des procédures en matière de contrôle judiciaire de la détention administrative est imposante (+44%). La tendance va s'accroître et le rythme s'accélérer au fur et à mesure que le canton augmente le nombre de places de détention administrative.
Planification financière 2015-2018
Les réformes, récentes ou en cours, qui modifient notre organisation judiciaire ou créent de nouvelles juridictions, induisent inévitablement des besoins additionnels en magistrats ou en personnel. La création du TPAE et celle, à venir, de la cour constitutionnelle, l'adaptation de la filière pénale ou encore l'augmentation du contentieux en matière de police des étrangers nécessitent que le renforcement des juridictions se poursuive durant les prochains exercices, comme cela a été planifié depuis 2012. La commission de gestion relève à cet égard que la part de la justice dans les dépenses de l'Etat reste modeste: elle a ainsi représenté 1.7% des charges de fonctionnement en 2013.
Locaux mis à disposition de la justice
La gestion des locaux du Pouvoir judiciaire continue d'occuper et de préoccuper le pouvoir judiciaire. Les différents sites mis à disposition de la justice sont éclatés géographiquement. Le Palais de justice historique, dont l'assainissement est jugé urgent depuis la fin des années 1990, n'offre pas les surfaces suffisantes pour accueillir l'ensemble des juridictions. La situation actuelle complique et renchérit le fonctionnement du pouvoir judiciaire et celui de ses partenaires étatiques, notamment en matière de convoyage de personnes détenues ou de location et d'entretien de locaux. A noter que le nombre de déménagements est impressionnant depuis plusieurs années. 2013 n'a pas été différent et 326 personnes ont été déplacées durant l'exercice, avec un impact évident sur le fonctionnement des juridictions.
Le Pouvoir judiciaire est d'autant plus préoccupé que la planification du projet de Nouveau Palais de Justice (NPJ), dont le lancement a été annoncé conjointement avec le Conseil d'Etat en février 2012, a été reprise ab initio courant 2013. Même s'ils devaient redevenir une priorité en matière d'investissement, les nouveaux locaux de la justice ne seront pas livrés avant le milieu de la prochaine décennie. Il faudra de ce fait que des mesures soient prises dans l'intervalle, pour regrouper un certain nombre de juridictions, rationnaliser l'utilisation des locaux actuels et garantir aux magistrats et collaborateurs du pouvoir judiciaire des conditions de travail, et au public des conditions d'accueil, adéquates.
*Principaux chiffres 2013
Au sein des juridictions civiles, pénales et administratives, 93'564 affaires ont été traitées. Globalement, les entrées sont stables (59'925 nouvelles affaires, en hausse de 2% par rapport à 2012). Symétriquement, le nombre d'affaires sorties est en baisse de 2% (59'033), de sorte que le taux de sortie est resté proche de 1, à 0.99 (1.02 en 2012).
Au 31 décembre 2013, le pouvoir judiciaire comptait 660 postes permanents (ETP), soit 133 charges de magistrats de carrière (+5.5%) et 528 postes de collaborateurs (+6.5%). La tendance de l'absentéisme est en hausse constante depuis le début des récentes réformes (6.9%). Malgré les mesures prises et à prendre, une baisse notable de ce taux n'est pas attendue avant plusieurs exercices.
Les charges de fonctionnement se sont élevées à Fr. 160,7 millions (+13%). Si l'on fait abstraction des créances irrécouvrables et provisions pour débiteurs douteux du service des contraventions (SDC), les charges ont atteint Fr. 138 millions (+8%). En outre, la justice représente 1.7% des charges portées aux comptes 2013 de l'Etat.
Les revenus nets se chiffrent à Fr. 40,2 millions (-5%) ou, abstraction faite des recettes provenant du service des contraventions, de Fr. 23,3 millions (- Fr. 5,8 millions par rapport à 2012, résultant principalement d'une baisse des confiscations pénales, revenus par définition aléatoires).