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Décisions | Sommaires

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C/3217/2024

ACJC/152/2025 du 31.01.2025 sur JTPI/12680/2024 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3217/2024 ACJC/152/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 31 JANVIER 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 octobre 2024, représentée par Me Nicolas PIERARD, avocat, rue Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6,

et

B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Mes Lucile BONAZ et Pierre GABUS, avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12680/2024 rendu le 15 octobre 2024, notifié aux parties le
17 octobre suivant, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous déduction au poste 1 de la somme de 15'750 fr. (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés avec l'avance effectuée par B______ (ou ci-après : la banque) et mis à la charge de A______, celle-ci étant condamnée à verser lesdits frais à la banque qui en a fait l'avance (ch. 2 et 3), ainsi que 5'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que la banque avait produit des pièces valant reconnaissance de dette, à savoir le contrat de base pour prêt hypothécaire du 1er mai 2013, signé par A______, le courrier de résiliation de ce contrat et la cédule hypothécaire garantissant le prêt, qu'au vu de ces pièces, en particulier, de la résiliation du contrat de prêt, la créance apparaissait exigible et que A______ n'avait fait valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée.

B. a. Par acte expédié le 28 octobre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour déclare que la poursuite n° 1______ en réalisation de gage immobilier n'irait pas sa voie.

Elle a, préalablement, requis la suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris, requête qui a été rejetée par arrêt ACJC/1374/2024 du 5 novembre 2024.

b. Par réponse du 11 novembre 2024, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 25 novembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Par avis du 12 décembre 2024, le greffe de la Cour a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. B______, ayant son siège à Genève, exploite une banque.

b. En date du 1er mai 2013, la banque a accordé un prêt hypothécaire à hauteur de 2'200'000 fr. à A______ en relation avec la parcelle n° 2______ de la commune de Genève, section C______.

Le contrat de prêt hypothécaire prévoit, notamment, que :

- les intérêts et les amortissements sont payables par semestre, soit au 30 juin et au 31 décembre (art. 2 et 3),

- le contrat est résiliable à tout moment de part et d'autre, moyennant un préavis de 6 mois (art. 6 al. 1), et

- la banque peut résilier, avec effet immédiat, intégralement ou partiellement, le contrat et en exiger le remboursement, notamment, dans l'un des cas suivants :

·           retard supérieur à trente jours pour un paiement d'intérêts ou d'amortissement,

·            dégradation notable de la solvabilité du débiteur,

·            diminution, selon l'avis de la banque, de la valeur individuelle ou globale des immeubles servant de garantie ou insuffisance de couverture (art. 8).

c. En garantie de ce prêt, les parties ont, en date du 16 septembre 2013, conclu un contrat de transfert de propriété aux fins de garantie, selon lequel la banque a reçu et détient la propriété d'une cédule hypothécaire de 2'200'000 fr. grevant la parcelle 2______ précitée.

Ce contrat prévoit que la banque peut le résilier de manière anticipée, dans l'un des cas suivants :

·         changement dans les rapports de propriété des immeubles,

·         amoindrissement, selon son avis, de la valeur individuelle ou globale des immeubles ou insuffisance de couverture, et

·         inscription provisoire ou définitive d'une hypothèque légale en faveur d'artisans (art. 8).

d. Toujours le 1er mai 2013, les parties ont conclu un acte de cession de créances, dans lequel A______ a déclaré céder à la banque le produit locatif présent et futur résultant de la location de trois appartements situés dans la maison sise au chemin 3______ no. ______ à Genève, soit sur ladite parcelle 2______ et, à cet effet, s'est engagée à lui remettre l'état locatif y relatif détaillé au 31 décembre de chaque année.

A______ ne lui a jamais remis ces documents, dans la mesure où les appartements n'ont pas été loués.

e. Par courrier du 11 juillet 2023, la banque, se référant à divers échanges intervenus précédemment, a "rappelé" à A______ que le prêt présentait des intérêts impayés au 31 mars 2023 et au 30 juin 2023, à concurrence de
25'392 fr. 75, l'a mise en demeure de rembourser 2'151'901 fr. 20 à l'échéance du 31 octobre 2023 (soit 2'105'000 fr. de capital dû au 31 octobre 2023, 25'392 fr. 75 d'intérêts impayés au 31 mars 2023 et au 30 juin 2023, 20'172 fr. 95 d'intérêts courus du 30 juin 2023 au 31 octobre 2023, 835 fr. d'intérêts moratoires au
31 octobre 2023 et de 500 fr. de frais de clôture et de rappel) et a dénoncé, pour cette même échéance, les créances résultant de la cédule hypothécaire remise en garantie.

A______ n'a pas réagi à ce courrier.

f. Il ressort des décomptes produits par la banque que la débitrice s'est acquittée en sa faveur de 25'392 fr. 75 le 29 septembre 2023, de 20'129 fr. 70 le 15 novembre 2023, de 730 fr. le 28 décembre 2023 et de 15'114 fr. 20 le 31 décembre 2023.

g. Il en ressort également qu'au 27 novembre 2023, le solde du prêt hypothécaire s'élevait à 2'100'730 fr. et les intérêts à 9'577 fr. 85 (pour la période allant du
30 septembre 2023 au 27 novembre 2023 avec indication de la prochaine échéance au 31 décembre 2023) et que le solde du prêt hypothécaire se montait à 2'100'000 fr. au 28 décembre 2023.

h. Par courrier du 28 novembre 2023, la banque a confirmé à A______ la résiliation du prêt hypothécaire, du contrat de transfert de propriété aux fins de garantie et la dénonciation de la cédule hypothécaire, et l'a mise une dernière fois en demeure de s'acquitter des montants dus, à savoir 2'100'730 fr. en capital et de 9'577 fr. 85 d'intérêts dus pour la période allant du 30 septembre 2023 au
27 novembre 2023, faute de quoi elle agirait par toutes voies de droit utiles en vue du recouvrement de ses créances, en particulier par la voie de la poursuite en réalisation de gage.

i. Par courrier du 22 décembre 2023, A______, sous la plume de son conseil, a répondu à la banque qu'elle contestait tant les termes de son dernier courrier que la résiliation du prêt, la dénonciation de la cédule et toutes ses prétentions, et qu'elle reviendrait vers elle au début du mois de janvier 2024.

j. Après que la banque avait requis la poursuite en réalisation de gage auprès de l'Office des poursuites le 10 janvier 2024, A______ s'est vu notifier, en date du 26 janvier 2024, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur les sommes de 2'100'730 fr. avec intérêts moratoires à 5% dès le 27 novembre 2023 et de 9'577 fr. 85.

Dans la rubrique "titre et date de la créance ou cause de l'obligation" sont mentionnés la cédule hypothécaire, le contrat de transfert de propriété aux fins de garantie, le contrat de prêt hypothécaire et les courriers des 11 juillet et
28 novembre 2023.

A______ a formé opposition totale au commandement de payer précité.

k. Par requête déposée le 9 février 2024 au Tribunal, la banque a sollicité le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition audit commandent de payer, à concurrence de 2'100'730 fr. avec intérêts à 5% dès le 27 novembre 2023, sous déduction de 730 fr. acquittés le 28 décembre 2023, et de 9'577 fr. 85 à titre d'arriérés d'intérêts dus au 27 novembre 2023 avec intérêts à 5% dès le
27 novembre 2023, ainsi que la condamnation de A______ en tous les frais de l'instance et des frais de la poursuite s'élevant à 427 fr. 80.

Elle a fondé sa requête sur le fait qu'au moment de la résiliation du prêt, la débitrice aurait accusé un retard important dans le paiement des intérêts, que cela aurait laissé de plus apparaître une dégradation notable de la solvabilité de celle-ci et que la valeur de l'immeuble servant de garantie se serait trouvée diminuée compte tenu du fait que les appartements sis dans le bien n'étaient pas loués, si bien que la résiliation reposerait sur trois motifs.

l. Lors de l'audience tenue le 21 juin 2024 par le Tribunal, la banque a persisté dans ses conclusions.

A______ a invoqué l'absence de motif de résiliation anticipée du contrat de prêt, dès lors qu'il ne ressortirait pas de la lettre de la banque du 11 juillet 2023 la voie choisie par cette dernière, que cette dernière n'aurait rendu vraisemblable aucun motif de résiliation, que, l'amortissement et les intérêts étant payables par semestre, elle n'aurait été en retard que de onze jours dans le paiement des intérêts au moment de la résiliation et que la production de l'état locatif n'aurait pas été possible car l'immeuble aurait été destiné à la vente. A l'appui de ses allégations, elle a, notamment, produit une autorisation de construire délivrée le 16 septembre 2021 portant sur la rénovation de la villa individuelle sise sur la parcelle précitée et sa transformation en quatre logements, une prolongation de cette autorisation accordée le 25 août 2023 et une plaquette de vente non datée de quatre logements pour un montant total de 9'554'000 fr.

Selon elle, la résiliation étant infondée, la dette ne serait pas exigible et il convenait, de plus, de tenir compte d'un paiement qu'elle avait effectué à hauteur de 15'114 fr. A______ a donc conclu au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que ce montant soit déduit de la créance.

La banque a admis que la débitrice s'était acquittée de 15'750 fr. le 16 mai 2024 et qu'il convenait d'en tenir compte.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130, 131 et 321 al. 1 CPC), adressé à la Cour de justice.

Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est, en l'espèce, recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 a contrario CPC).

1.3 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 145 III 160 consid. 5.1; 142 III 720 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res judicata) quant à l'existence de la créance (ATF 140 III 48 consid. 3; 136 III 583 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 3.1).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 82 LP.

Elle fait valoir que le premier juge aurait considéré à tort que le contrat de prêt avait été valablement résilié, que la reconnaissance de dette était inconditionnelle et que la créance était exigible. Selon elle, la mainlevée ne pouvait être prononcée sur la base des conventions et de la cédule hypothécaire, dès lors que l'intimée n'aurait pas prouvé par titres que la créance serait exigible. En effet, le prêt serait remboursable à la condition qu'il ait été valablement résilié selon les termes, modalités et délais contractuels convenus entre les parties, de sorte que, faute de résiliation valable, la reconnaissance de dette ne saurait être inconditionnelle. Le courrier du 11 juillet ne préciserait pas le motif et le mode de la résiliation. L'échéance contractuelle pour le paiement des intérêts et amortissement semestriels intervenant au 30 juin 2023, elle ne se serait trouvée en retard que de onze jours dans leur paiement au 11 juillet 2023. La banque n'aurait donc pas été fondée à résilier le prêt de manière anticipée sur la base d'un prétendu retard supérieur à 30 jours. De plus, aucun élément n'indiquerait une dégradation de sa solvabilité et encore moins une dégradation "notable", que ce soit à la date du
11 juillet 2023 ou à ce jour, le seul fait que des paiements précédents seraient parfois intervenus avec retard n'étant pas suffisant. De même, la banque aurait échoué à rendre vraisemblable la dégradation de la valeur de la parcelle remise en gage. Au contraire, la valeur de cette parcelle constructible sise à D______, soit dans une zone d'habitation très proche du centre-ville, aurait fortement augmenté depuis 2013, et elle aurait elle-même démontré par titre qu'elle était parvenue à la valoriser par l'obtention d'une autorisation de construire permettant le développement d'une promotion immobilière de quatre appartements pour une valeur vénale de près de 10'000'000 fr. L'intimée n'aurait dès lors disposé d'aucun motif pour résilier le prêt de manière anticipée.

La recourante relève, par ailleurs, que la banque n'aurait pas emprunté la voie de la résiliation ordinaire au vu du terme fixé au 31 octobre 2023 (qui ne correspondrait pas au préavis de six mois), ce que l'intimée n'a pas allégué.

La banque considère qu'il appartenait à la recourante de démontrer, par titres, qu'aucun des motifs de résiliation du contrat de prêt n'était réalisé, ce que cette dernière n'aurait pas fait. En tout état, elle aurait été fondée à résilier le prêt sur la base des trois motifs de résiliation invoqués. En effet, la recourante ne contesterait pas l'existence d'un retard de paiement "persistant" et n'aurait produit aucun titre attestant du fait qu'à la date du 11 juillet 2023, elle n'aurait été en retard que de onze jours. La recourante se serait engagée à louer les appartements de l'immeuble mis en gage et à lui remettre l'état locatif y relatif, ce qu'elle n'avait jamais fait. Le fait que l'immeuble gagé soit resté vide depuis de nombreuses années aurait nécessairement eu un impact important sur sa valeur, laissant apparaître une insuffisance de couverture et une dégradation notable de la solvabilité de la débitrice. Les documents produits par cette dernière relatifs à un projet immobilier ne démontreraient pas la réalité de la concrétisation de ce projet.

2.1 2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 al. 1 LP). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

La cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier (art. 842 al. 1 CC). Elle prend la forme d'une cédule sur papier ou de registre (art. 843 CC). La cédule sur papier est un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier qui en est l'accessoire. La créance incorporée dans la cédule, garantie par gage immobilier (créance abstraite ou cédulaire), se juxtapose à la créance garantie résultant de la relation de base (créance causale) (art. 842 al. 2 CC). Seule la créance abstraite peut et doit faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage (immobilier); la créance causale doit faire l'objet d'une poursuite ordinaire (ATF 140 III 180 consid. 5.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2022 du 6 mars 2023 consid. 3.2.1 et les réf. cit.).

La cédule hypothécaire au porteur constitue un acte authentique au sens de
l'art. 9 CC ou une reconnaissance de dette, et donc un titre à la mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP dans la poursuite en réalisation de gage immobilier, mais uniquement pour la créance abstraite. Le créancier qui requiert la mainlevée sur la base d'une cédule hypothécaire n'a donc pas à produire une reconnaissance de dette pour la créance causale. Pour que le poursuivant puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, il est nécessaire que cette créance soit exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, à savoir lors de la notification du commandement de payer; il appartient dès lors au créancier d'établir par titre que la créance abstraite a été valablement dénoncée. La créance causale doit également être exigible, selon les conditions de dénonciation fixées dans le contrat de prêt ou dans les conditions générales auxquelles il se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2022 précité consid. 3.2.2 et les réf. cit.). 

2.1.2 Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC), d'autres moyens de preuves immédiatement disponibles n'étant, le cas échéant, pas exclus (ATF 145 III 160 consid. 5.1 et les références). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence; arrêt 5A_977/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1).

La procédure de mainlevée n'a un caractère sommaire au sens propre qu'en ce qui concerne les moyens libératoires du débiteur. Par conséquent, s'agissant de l'existence du titre de mainlevée, l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) n'implique pas en soi un abaissement du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Le degré de preuve requis est donc, à cet égard, celui de la preuve stricte (ATF 144 III 552 consid. 4.1.4).

2.2 En l'occurrence, pour obtenir la mainlevée provisoire, il appartenait à l'intimée d'établir que ses créances à l'encontre de la recourante étaient exigibles et donc qu'elle avait valablement dénoncé la cédule et résilié le prêt.

Or la lettre de résiliation du 11 juillet 2023 fait état d'intérêts impayés aux 31 mars 2023 et 30 juin 2023. Les parties étant convenues que les intérêts et les amortissements étaient payables par semestre, la première échéance contractuelle de 2023 était 30 juin 2023, de sorte qu'à la date du 11 juillet 2023, la recourante n'accusait un retard que de onze jours dans le paiement des intérêts et amortissement. La banque n'était ainsi pas fondée à résilier le prêt de manière anticipée sur la base d'un retard supérieur à trente jours à cette date.

Si se pose la question d'une éventuelle résiliation au moyen de son courrier de confirmation du 28 novembre 2023, il en va néanmoins de même à cette date, puisque la recourante s'était alors acquittée des intérêts et amortissement du premier semestre et que seuls demeuraient les intérêts encourus depuis le
30 septembre 2023 et l'amortissement dû pour la prochaine échéance au
31 décembre 2023.

S'agissant de l'existence d'une dégradation notable de la solvabilité de la débitrice, l'on ne saurait, contrairement à ce que fait valoir l'intimée, la retenir du fait que des paiements antérieurs seraient intervenus avec retard et que les appartements sis dans l'immeuble reposant sur la parcelle gagée n'ont pas été loués.

En ce qui concerne une éventuelle situation de diminution de la valeur de ladite parcelle ou d'une insuffisance de couverture, rien ne permet de retenir non plus que, depuis 2013 et au vu de l'augmentation notoire des prix de l'immobilier à Genève depuis cette date, ce bien immobilier - proche du centre-ville et au bénéfice d'une autorisation de construire portant sur la rénovation de la maison existante et sa transformation en quatre logements - aurait, même non loué, subi une dévalorisation et n'aurait plus représenté une couverture suffisante.

Il apparaît ainsi que l'intimée n'a pas démontré avoir disposé d'un motif pour dénoncer la cédule et résilier le prêt de manière anticipée lors des courriers des
11 juillet 2023 et 28 novembre 2023.

Faute d'avoir établi qu'elle aurait valablement dénoncé la cédule fondant la créance abstraite et le prêt hypothécaire fondant la créance causale, et partant l'exigibilité de celles-ci, l'intimée ne disposait pas d'un titre de mainlevée valable.

Le recours est ainsi fondé. Le jugement sera partant annulé. Il sera à nouveau statué dans le sens que l'intimée sera déboutée de ses conclusions en mainlevée provisoire (art. 327 al. 1 let. c CPC).

3. 3.1. Si l’instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie: Jeandin, CR-CPC, 2019, n. 9 ad art. 327 CPC).

Les frais de la procédure de première instance ont été arrêtés par le Tribunal à 1'500 fr. pour les frais judiciaires - compensés avec l'avance de même montant fournie par l'intimée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) - et à 5'000 fr. pour les dépens (art. 48 al. 1 OELP; art. 84, 85, 89, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC), montants qui ne sont pas contestés dans le recours.

Au vu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

3.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 2'250 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Cette dernière sera, par conséquent, condamnée à verser à la recourante la somme de 2'250 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de recours (art. 111 al. 2 CPC).

Pour les mêmes motifs, l'intimée sera condamnée, en outre, à verser à la recourante un montant de 2'000 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 106 al. 1 CPC; art. 84, 85, 89, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/12680/2024 rendu le 15 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3217/2024–17 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Rejette la requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, formée par B______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'500 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 5'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires de recours à 2'250 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 2'250 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de recours.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.