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ACJC/40/2025 du 13.01.2025 sur JTPI/12473/2024 ( SCC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/6049/2024 ACJC/40/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 13 JANVIER 2025 |
Entre
1. Madame A______, domiciliée ______ (SZ),
2. Monsieur B______, domicilié ______ (SZ),
appelants d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 octobre 2024,
et
1. Madame C______, domiciliée ______ [GE],
2. Monsieur D______, domicilié ______ [GE],
intimés, tous deux représentés par Me Jean-François MARTI, avocat, BM Avocats, quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6.
A. Par jugement JTPI/12473/2024 du 16 octobre 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance a déclaré recevable la requête en protection de cas clair formée par C______ et D______ (ch. 1), condamné conjointement et solidairement A______ et B______ à verser à C______ et D______ 278'835 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 février 2023 (ch. 2), ainsi que 28'172 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 11 avril 2023 (ch. 3), a prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer, poursuite n° 1______ de l'Office des poursuites de E______ (SZ) pour le poste 1 (ch. 4), poursuite n° 2______ de l'Office cantonal des poursuites de Genève pour le poste 1 (chiffre 5), poursuite n° 3______ de l'Office des poursuites de E______ (SZ) pour le poste 1 (ch. 6), poursuite n° 4______ de l'Office cantonal des poursuites de Genève pour le poste 1 (ch. 7), poursuite n° 5______ de l'Office des poursuites de E______ (SZ) pour le poste 1 (ch. 8), poursuite n° 6______ de l'Office des poursuites de E______ (SZ) pour le poste 1 (ch. 9), arrêté les frais judiciaires à 2'400 fr., compensés avec l'avance opérée, mise à la charge de A______ et B______, condamnés à en rembourser C______ et D______ (ch. 10), a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 11) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 12).
B. Par acte du 22 octobre 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé appel contre le jugement précité. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci, subsidiairement à l'annulation des chiffres 4 à 9 du dispositif de celui-ci.
Ils ont requis un délai supplémentaire de 30 jours pour déposer "une motivation détaillée".
C______ et D______ ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à la confirmation du jugement, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Par avis du 10 décembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants:
a. Le 24 juin 2022, la parcelle 7______ de la commune de F______ [GE], sise no. ______ route 8______, propriété des époux A______ et B______, a fait l'objet d'une vente aux enchères publiques.
Les époux C______ et D______ s'en sont portés acquéreurs, pour le prix de 5'960'000 fr.
b. Les époux A______/B______ ont contesté la validité de la vente intervenue, motif pris du refus de report de celle-ci, formant une plainte au sens de l'art. 17 LP auprès de la Chambre de surveillance de la Cour (procédure A/9______/2022).
Par arrêt définitif du 6 octobre 2022, la Chambre de surveillance a rejeté cette plainte.
c. Le 21 novembre 2022, à la requête de l'Office des poursuites, le Registre foncier a procédé à l'inscription du transfert de propriété en faveur des époux C______/D______, avec effet rétroactif au 7 novembre 2022, radiant notamment deux restrictions du droit d'aliéner (ID.2006/10_____ et ID.2006/11_____) au sens de l'art. 30e LPP.
d. A______ et B______ ont continué à occuper l'immeuble précité.
e. Par jugement JTPI/4926/2023 du 25 avril 2023, le Tribunal a notamment condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personnes et de leurs biens, ainsi que de toute autre personne ou tous tiers dont ils seraient responsables la parcelle 7______ de la commune de F______, soit notamment les bâtiments n° 12_____ (garage privé de 41 m2), n° 13_____ (garage privé de 41 m2) et n° 14_____ (habitation à un seul logement de 235 m2), immédiatement après l'entrée en force de la décision, prononcé l'injonction visée sous chiffre 2 du jugement sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP dont la teneur a été rappelée, et ordonné l'exécution immédiate du jugement d'évacuation par l'intermédiaire d'un huissier judiciaire ou si nécessaire par l'intervention de la force publique.
Par arrêt ACJC/1231/2023 du 21 septembre 2023 définitif, la Cour a confirmé ce jugement.
f. En définitive, A______ et B______ ont quitté la propriété susmentionnée le 15 novembre 2023.
g. C______ et D______ ont formé plusieurs poursuites à l'encontre de A______ et B______ au titre d'indemnités pour occupations illicites mensuelles (à raison de 16'666 fr. 70 par mois), pour la période allant du 24 juin 2022 au 15 novembre 2023).
Pour la période du 24 juin 2022 au 28 février 2023, l'Office cantonal des poursuites de Genève et l'Office des poursuites de E______ (SZ) ont fait notifier à A______ respectivement le commandement de payer, poursuite 2______, et à B______ le commandement de payer, poursuite 1______, portant l'un et l'autre notamment sur 137'168 fr. 90 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er octobre 2022 (postes 1 respectifs); pour la période du 1er mars au 31 mai 2023 à A______ le commandement de payer, poursuite 4______ et à B______ le commandement de payer, poursuite 3______ portant l'un et l'autre notamment sur 50'000 fr. 10 avec intérêts moratoires dès le 15 avril 2023 (postes 1 respectifs); pour la période du 1er juin au 15 novembre 2023 à A______ le commandement de payer, poursuite 6______ et à B______ le commandement de payer, poursuite 5______ portant l'un et l'autre notamment sur 91'666 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 août 2023 (postes 1 respectifs).
Ces commandements de payer ont été frappés d'opposition.
h. Le 12 mars 2023, C______ et D______ ont saisi le Tribunal d'une demande en paiement formée par la voie de la protection du cas clair. Ils ont conclu à ce que A______ et B______ soient condamnés conjointement et solidairement à leur verser 278'835 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 février 2023 (date moyenne) pour occupation illicite de la villa sise sur la parcelle n° 7______, no. ______ route 8______ à F______, ainsi que 28'172 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 11 avril 2023 (date moyenne) correspondant aux frais et honoraires d'avocats relatifs aux démarches en lien avec ladite occupation illicite, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer susmentionnés.
Ils ont notamment produit, outre lesdits commandements de payer, les décisions judiciaires susmentionnées, une expertise immobilière du 18 mai 2018 portant sur la parcelle considérée, deux estimations immobilières, dont l'une, datée du 23 novembre 2022, retenant une estimation de loyer annuel de 200'000 fr., et quatre notes d'honoraires de leur conseil (des 14 mars, 26 mai, 2 novembre 2023 et 19 janvier 2024 portant respectivement sur la période du 8 juillet 2022 au 12 janvier 2024, avec détail des diligences effectuées).
A______ et B______ ont chacun reçu, en leurs domiciles respectifs, un exemplaire de la demande et des pièces de la part du Tribunal, qui leur a octroyé un délai pour répondre.
Ils ont conclu à l'irrecevabilité de la demande, en raison de leurs domiciles respectifs dans le canton de Schwytz, faisant valoir que le for de la poursuite était, selon l'art. 46 al. 1 LP, au domicile du débiteur. Ils ne se sont pas déterminés sur les allégués de la demande, ni n'ont produit de pièces (à l'exception de leurs attestations d'établissement respectives).
C______ et D______ ont persisté dans leurs conclusions aux termes d'une brève réplique spontanée (limitée à la question de la compétence ratione loci, acquise selon eux puisque leur action ne relevait pas du droit des poursuites mais de dommages-intérêts fondés sur l'art. 41 CO).
Le Tribunal a transmis cet acte à A______ et B______ le 24 mai 2024.
Il a convoqué les parties à une audience fixée le 26 septembre 2024, faisant figurer dans la citation la mention qu'il s'agirait d'une comparution personnelle des parties et de plaidoiries ainsi qu'une remarque selon laquelle la comparution personnelle des parties était exigée au sens de l'art. 68 al. 4 CPC.
A l'audience du Tribunal du 26 septembre 2024, A______ et B______ n'ont pas comparu. C______ et D______ ont déposé une pièce nouvelle (soit le certificat de l'entrée en force du jugement JTPI/4926/2023 du 25 avril 2023) et persisté dans leurs conclusions.
Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce.
L'appel a été formé dans le délai utile (art. 142 al. 3, 248 let. b, 257 al. 1, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC). Celui-ci, légal, ne peut être prolongé pour compléter une motivation insuffisante (ATF 137 III 617 consid. 6.4).
Il s'ensuit qu'en l'occurrence, les appelants n'ayant pas déposé de complément à leur appel dans le délai utile, il ne saurait être question d'accéder à leur requête de prolongation.
1.2 En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe au recourant de motiver son appel. Selon la jurisprudence, il doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, son recours est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1).
1.3 En l'espèce, les appelants soulèvent quatre griefs, intitulés respectivement "sur l'inapplicabilité de la procédure en cas clair", "sur l'évaluation erronée du dommage", "sur la violation du droit d'être entendu" et "sur l'application erronée de la jurisprudence".
Dans la mesure où, en première instance ils se sont limités à contester la compétence du Tribunal en faisant valoir un for au lieu de la poursuite, les deux premiers griefs ne sont pas recevables, tandis que le dernier, à supposer qu'il soit recevable parce que suffisamment motivé, est en tout état incompréhensible.
Seul sera donc retenu pour examen ci-après le grief formel du droit d'être entendu.
Dans cette mesure, l'appel sera considéré comme recevable.
2. Les appelants font valoir une violation de leur droit d'être entendus, motif pris de ce qu'ils n'auraient pas été acheminés à se déterminer sur la réplique de l'intimé.
2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique ( ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; ATF 135 V 465 consid. 4.3.2 p. 469).
2.2 La procédure sommaire s'applique aux cas clairs (art. 248 al. 1 let. b CPC).
En procédure sommaire, les parties ne doivent pas s'attendre à un deuxième échange d'écritures, qui n'a pas été prévu par le législateur (ATF 146 III 237 consid. 3.1; 144 III 117 consid. 2.2).
2.3 En l'espèce, à supposer que les appelants aient éprouvé la nécessité de s'exprimer après avoir reçu l'acte de leurs parties adverses, il leur aurait été possible d'envoyer immédiatement et spontanément leurs observations, ce qu'ils se sont abstenus de faire.
De surcroît, ils ont renoncé à comparaître à l'audience fixée par le Tribunal, en dépit de l'obligation expresse qui leur était adressée, se privant de la sorte d'une nouvelle occasion de s'exprimer à la fois sur les allégués et arguments de fond des intimés (ce qu'ils n'avaient pas fait dans leur réponse en se limitant à conclure à l'absence de compétence), et sur la réplique spontanée.
Dans ces circonstances, leur droit d'être entendus n'a pas été violé, de sorte que l'unique grief recevable de l'appel est infondé.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
3. Les appelants, qui succombent, supporteront les frais de leur appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 2'400 fr. (art. 13, 26, 35 RTFMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Ils verseront en outre aux intimés 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel formé le 22 octobre 2024 par B______ et A______ contre le jugement JTPI/12473/2024 rendu le 16 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6049/2024–15 SCC.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais d'appel à 2'400 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de B______ et A______ solidairement entre eux.
Condamne B______ et A______ solidairement à verser à C______ et D______ 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara NEVEUX greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.