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Décisions | Sommaires

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C/10552/2022

ACJC/1385/2022 du 13.10.2022 sur SQ/437/2022 ( SQP ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10552/2022 ACJC/1385/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 13 OCTOBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 juin 2022, comparant en personne,

 

et

B______, ______ Genève, intimés, comparant par Me F______, avocat, ______, Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 22 janvier 2021, le Tribunal de première instance a ordonné, à la requête des B______, le séquestre de différents biens de A______, parmi lesquels ses avoirs déposés auprès de la C______[caisse de prévoyance] et de la FONDATION D______, pour une créance de 20'460'487 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, le titre de créance étant deux arrêts de respectivement la Chambre pénale d'appel et de révision du 26 mai 2020 et du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020.

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 800 fr., mis à la charge de A______, condamné en outre à verser 45'000 fr. de dépens aux B______.

La cause a été enregistrée sous n° C/1______/2021; le séquestre porte la référence
n° 2______.

Par décision DCSO/417/21 du 21 octobre 2021, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après, la Chambre de surveillance), statuant sur plainte de A______ contre l'exécution du séquestre précité, a annulé celui-ci en tant qu'il portait sur les avoirs de prévoyance professionnelle déposés par A______ auprès de la C______[caisse de prévoyance] et invité l'Office des poursuites à rectifier le procès-verbal de séquestre en conséquence.

Le Tribunal fédéral, par arrêt 5A_907/2021 du 20 avril 2022, notifié le 2 juin 2022 aux B______, a confirmé l'arrêt de la Chambre de surveillance. Il a relevé que le moment déterminant pour décider du caractère saisissable d'un actif était celui de l'exécution du séquestre. Un bien qui avait été défini comme insaisissable pouvait, par la survenance d'événements le rendant saisissable, être séquestré à la condition toutefois que l'office soit requis de procéder à un nouvel examen du patrimoine du poursuivi (consid. 6.1).

b. Entretemps, soit le ______ décembre 2021, A______ a atteint l'âge de la retraite.

c. Le 3 juin 2022, le Tribunal a ordonné, à la requête des B______ (B______), le séquestre des avoirs déposés par A______ auprès de la C______[caisse de prévoyance], de ceux transférés par la C______ auprès de la FONDATION D______ et de ceux revendiqués par E______ en mains de l'Office des poursuites de Genève, pour une créance de 20'460'487 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2012, le titre de créance étant deux arrêts de respectivement la Chambre pénale d'appel et de révision du 26 mai 2020 et du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020.

Les B______ avaient exposé dans leur requête de séquestre, qui comporte sept pages, en plus de la page de garde et de celle contenant les conclusions, qu'ils ignoraient si A______ avait adressé une demande de paiement en espèces à la C______[caisse de prévoyance] ou à la FONDATION D______, de sorte qu'ils ne pouvaient vérifier si l'une des conditions à l'exigibilité de la créance de leur débiteur était désormais remplie, ce qui autoriserait son séquestre.

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., mis à la charge de A______, condamné en outre à verser 80'000 fr. de dépens aux B______.

La cause a été enregistrée sous n° C/10552/2022; le séquestre porte la référence
n° 3______. Aucune opposition n'a été formée contre ce dernier.

Le 20 juin 2022, l'Office des poursuites a dressé un procès-verbal de non-lieu de séquestre s'agissant des biens déposés auprès de la C______[caisse de prévoyance].

B. a. Par acte expédié le 28 juin 2022 à la Cour de justice, A______ forme recours contre l'ordonnance de séquestre du 3 juin 2022, reçue le
21 juin 2022, concluant à l’annulation de celui-ci en ce qu'elle fixe les frais judiciaires à 2'000 fr. et les dépens à 80'000 fr. et au renvoi de la cause au Tribunal, ou subsidiairement à leur fixation par la Cour à 0 fr. Il sollicite une indemnité à titre de dépens.

b. Par réponse du 25 juillet 2022, les B______ s'en rapportent à justice sur la conclusion principale du recourant, et concluent au rejet de la conclusion subsidiaire.

c. Les parties ont été informées par courrier du 12 août 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une contestation concernant les frais, seule la voie du recours est ouverte (art. 110 et 319 let. b al. 1 CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours ayant été interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, il est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir violé le droit et constaté les faits de manière manifestement inexacte pour fixer le montant des frais et dépens. L'augmentation des frais entre l'ordonnance du 22 janvier 2021 et celle du
3 juin 2022 serait insoutenable, tout comme sa condamnation à payer ces frais alors que le séquestre était injustifié, ce que les intimés savaient pour avoir eu connaissance de l'arrêt du Tribunal fédéral avant de déposer leur requête.

Les intimés soutiennent qu'ils étaient fondés à requérir un nouveau séquestre, afin que l'Office instruise la question de savoir si les avoirs de prévoyance professionnelle étaient devenus séquestrables ensuite d'une demande de versement en espèces ou d'autre circonstance déterminante; ils avaient d'ailleurs obtenu la mesure.

2.1.1 Les frais, qui comprennent les frais judiciaires (notamment l'émolument forfaitaire de décision, art. 95 al. 2 let b CPC) et les dépens (art. 95 al. 1 CPC), sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC), soit la partie qui perd le procès au sens courant, à savoir le demandeur dont les prétentions sont rejetées ou écartées, ou le défendeur qui est condamné dans le sens demandé par son adversaire (Tappy, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 12 ad art. 106 CPC);

2.1.2 En l'espèce, le recourant a succombé, dans la mesure où le séquestre a été ordonné conformément aux conclusions prises par les intimés, de sorte que le Tribunal n'a pas violé la loi en mettant la totalité des frais à la charge du recourant. C'est au moment de l'exécution du séquestre que s'est posée la question de la saisissabilité des biens visés par l'ordonnance. Les conditions du séquestre étaient réalisées.

Dès lors, il est erroné de prétendre, comme le fait le recourant, que le séquestre était injustifié. Les intimés ne pouvaient d'emblée anticiper que la mesure aboutirait à un non-lieu, alors que le Tribunal fédéral venait de juger que les avoirs de la prévoyance professionnelle étaient insaisissables. En effet, les circonstances avaient changé compte tenu de l'accès à l’âge de la retraite du recourant à la fin 2021, ce qui pouvait conduire à un autre résultat.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a mis les frais et dépens à la charge du recourant.

Reste à examiner la quotité de ces frais et dépens.

2.2.1 L'émolument pour les décisions judiciaires rendues dans une procédure sommaire en matière de séquestre est fixé selon l'art. 48 de l'ordonnance fédérale du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP), en fonction de la valeur litigieuse.

L’émolument pour les décisions judiciaires rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC) est fonction de la valeur litigieuse. Pour une valeur litigieuse supérieure à 1'000'000 fr., l'émolument est de 120 fr. à
2'000 fr. (art. 48 OELP).

Lorsque le présent règlement fixe un barème-cadre, les émoluments et les dépens sont arrêtés compte tenu, notamment, des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure ou de l'importance du travail qu'elle a impliqué (art. 5 RTFMC).

Les dépens, comprenant les débours et le défraiement d'un représentant professionnel (art. 95 al. 3 let. a et b CPC, loi qui règle la procédure applicable aux décisions judiciaires en matière de séquestre selon l'art. 1er let. c CPC), sont fixés selon le tarif cantonal (art. 96 CPC).

Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse et fixé, dans les limites figurant dans le règlement genevois du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière civile, (RTFMC), d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 LaCC; art. 84 RTFMC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 10 millions de fr., le défraiement est de 106'400 fr. plus 0,5% de la valeur litigieuse dépassant 10 millions de fr.
(art. 85 RTFMC).

Pour les procédures sommaires, le défraiement est, dans la règle, réduit à deux tiers et au plus à un cinquième du tarif de l'article 85 (art. 88 RTFMC).

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC).

2.2.2 En l'espèce, le séquestre a été requis pour une valeur litigieuse de
20'460'467 fr.

Le montant des frais judiciaires a été arrêté à 2'000 fr., alors qu'il l'avait été à
800 fr. pour une même valeur litigieuse, dans une procédure opposant les mêmes parties et reposant sur les mêmes faits, ce qui ne se justifie pas. Ce montant sera en conséquence ramené à 800 fr.

Il en va de même du montant des dépens qui paraît exorbitant, s'agissant d'une deuxième requête de séquestre, pour une créance et des faits identiques, au vu de l’activité déployée par l’avocat. Le Tribunal aurait dû faire application de
l'art. 23 LaCC et réduire substantiellement le montant prévu par l'art. 85 RTFMC.

Les dépens alloués aux intimés seront ainsi fixé à 3'500 fr., pour tenir compte du travail effectif de l'avocat, montant qui correspond à 7 heures de travail (soit une heure par page utile) au tarif de 500 fr./l'heure.

L'ordonnance entreprise sera annulée en ce qui concerne les frais et dépens et il sera statué dans le sens qui précède (art. 327 al. 3 let. b CPC).

3. Les frais judiciaires du recours, arrêtés à 300 fr., seront mis pour moitié à la charge du recourant, qui succombe partiellement, le solde étant laissé à la charge du canton (art. 107 al. 2 CPC).

Pour le même motif, chaque partie supportera ses propres dépens.

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2022 par A______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 3 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10552/2022-4 SQP.

Au fond :

Annule cette ordonnance en ce qu'elle fixe les frais judiciaires à 2'000 fr. et les dépens à 80'000 fr.

Cela fait, statuant à nouveau sur ces points :

Arrête les frais judiciaires à 800 fr. et les dépens à 3'500 fr.

Condamne A______ à verser aux B______ la somme de 800 fr. à titre de frais judiciaires.

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à restituer aux B______ la somme de 1'200 fr.

Condamne A______ à verser aux B______ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais du recours à 300 fr., les met à la charge de A______ pour une moitié et à celle du canton pour l'autre moitié et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de 150 fr.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

 

 

 

c
Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.