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Décisions | Sommaires

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C/21963/2020

ACJC/1254/2022 du 23.09.2022 sur JTPI/6991/2022 ( SML ) , JUGE

Recours TF déposé le 28.10.2022, rendu le 15.12.2022, IRRECEVABLE, 5D_157/2022
Normes : LP.82; CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21963/2020 ACJC/1254/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 juin 2022, représentée par B______, agent d'affaires brevetée, ______ [VD],

et

C______ SA, sise ______ [VS], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 9 juin 2022, le Tribunal de première instance, a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______, qui lui a été notifié par l’Office des poursuites de Genève, pour le poste n° 4 uniquement (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., et mis ceux-ci à la charge de A______ SA à hauteur de 320 fr. et à la charge de C______ SA à hauteur de 80 fr (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 23 juin 2022, A______ SA a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de frais, au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______ à concurrence de 15'896 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 15 septembre 2016, 1'296 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 décembre 2016, 1'753 fr. 15 et 2'250 fr.

b. C______ SA a conclu à la confirmation du jugement attaqué et à la "validation" du jugement attaqué, subsidiairement, à la condamnation de A______ SA au paiement d'une somme de 54'804 fr. à titre d'indemnité de préjudice et de 4'000 fr. à titre de frais de gestion de dossier.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été informées par la Cour le 10 août 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du jugement attaqué.

a. Le 16 février 2018, le Tribunal des baux du canton de Vaud a rendu un jugement 2______ dans une cause opposant A______ SA à C______ SA, dans lequel il a prononcé que:

-     C______ SA devait payer à A______ SA les sommes de 30'896 fr. 60 avec intérêt à 5% l'an dès le 15 décembre 2016, 1'296 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 15 décembre 2016 et 1'753 fr. 15 sans intérêt;

-     les frais judiciaires, arrêtés à 1'330 fr., étaient mis à la charge de C______ SA, qui devait payer cette somme à A______ SA;

-     C______ SA devait verser à A______ SA la somme de 2'250 fr. à titre de dépens.

b. Le 21 octobre 2020, sur réquisition de A______ SA du 11 août 2020, l'Office des poursuites de Genève a notifié à C______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur les montants de 15'896 fr. 60 avec intérêt à 5% dès le 15 septembre 2016 (poste n° 1), 1'296 fr., avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 2016 (poste n° 2) et 1'753 fr. 15 (poste n° 3), réclamés à titre de "montants alloués selon jugement rendu par le Tribunal des baux le 16 février 2018, définitif et exécutoire sous déduction de Fr. 15000.00 (garantie de loyer)" ainsi que 2'250 fr. (poste n° 4), à titre de "frais et dépens alloués dans même décision".

C______ SA y a formé opposition totale.

c. Par acte déposé le 2 novembre 2020 devant le Tribunal, A______ SA a requis la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.

Elle a produit une copie de la réquisition de poursuite du 11 août 2020, du commandement de payer du 21 octobre 2020 et du jugement du 16 février 2018, lequel porte la mention "définitif et exécutoire dès le 12 juin 2018", avec une signature.

d. Dans sa réponse à la requête du 13 janvier 2022 – déposée dans le délai prolongé par ordonnance du Tribunal du 20 décembre 2021 –, C______ SA a déclaré qu'elle "maintenait" son opposition et demandé le versement d'une indemnité de 3'500 fr. par A______ SA, avec suite de frais et dépens.

Elle a exposé que les montants réclamés par A______ SA n'étaient plus dus. Le litige entre les parties ayant conduit au jugement du 16 février 2018 concernait un rapport de bail. A______ SA disposait d'une garantie de loyer de 26'000 fr. sous la forme d'un cautionnement de [la compagnie d'assurances] D______. D______ et A______ SA avaient conclu une convention d'indemnisation, portant sur le versement, par la première à la seconde, d'une somme de 15'000 fr. pour solde de tous comptes, laquelle avait été versée le 15 janvier 2019.

C______ SA a produit la "Convention d'indemnisation pour A______ SA/Mme B______" signée par D______ et A______ SA, les 9 et 14 janvier 2019 respectivement. Celle-ci indique qu'elle concerne un sinistre du 30 avril 2016 dont les circonstances sont décrites de la manière suivante: "Pertes locatives/frais de remise en état selon jugement du Tribunal des baux du 16.02.2016". La convention prévoit le versement par D______ à A______ SA d'une indemnité de 15'000 fr., qui est calculée de la manière suivante: 13'000 fr. à titre d'"indemnité transactionnelle sans reconnaissance de responsabilité" et 1'753 fr. à titre de "frais de remise en état acceptés selon jugement", soit un total de 14'753 fr., arrondi à 15'000 fr. La convention précise que "l'indemnité pour ce sinistre est versée sans reconnaissance de responsabilité et pour solde de toutes prétentions".

e. Dans son jugement du 9 juin 2022, le Tribunal a considéré qu'au vu de la convention conclue en janvier 2019 entre la compagnie d'assurance de C______ SA et A______ SA, les dettes faisant l'objet des postes 1 à 3 du commandement de payer étaient éteintes, contrairement à celle faisant l'objet du poste 4, que C______ SA ne démontrait pas avoir payée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le recours a été déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art 321 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.2 Le recours joint (art. 323 CPC) ainsi que les conclusions nouvelles (art. 326 al. 1 CPC) étant irrecevables, il ne sera pas entré en matière sur la conclusion de l'intimée tendant à ce qu’une "indemnité de préjudice" lui soit allouée.

L'intimée a également produit des pièces nouvelles, qui sont également irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante soutient que conformément à l'art. 147 al. 2 CO et à la jurisprudence, le paiement effectué par D______ n'a pas libéré l'intimée du paiement du solde de la dette.

2.1
2.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). Pour constituer un titre de mainlevée définitive, ce document doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée.

La procédure de mainlevée est une pure procédure d'exécution forcée (ATF
94 I 365 consid. 6; 72 II 52 p. 54), un incident de la poursuite. Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge se limite à examiner le jugement exécutoire ou les titres y assimilés, ainsi que les trois identités – l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté – et à statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire à décider si l'opposition doit ou ne doit pas être maintenue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1 p. 447 ss). Il n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF
140 III 180 consid. 5.2.1 p. 190; 124 III 501 consid. 3a p. 503).

2.1.2 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire d'un canton, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.

Par "extinction de la dette", l'art. 81 al. 1 LP ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, comme la remise de dette, la compensation ou l'accomplissement d'une condition résolutoire (ATF 124 III 501 consid. 3b et les références).

La loi elle-même (art. 81 al. 1 LP) imposant au débiteur le fardeau de la preuve et fixant le mode de preuve, le juge ne peut admettre que les moyens de défense du débiteur que celui-ci prouve par titre. A la différence de ce qui se passe pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), il ne suffit donc pas d'invoquer la vraisemblance du paiement: le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (ATF 104 Ia 14 consid. 2 p. 15). Par ailleurs, il n'appartient pas au juge saisi d'une requête de mainlevée définitive de trancher des questions de droit matériel délicates ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond; il en va de même de la question de savoir si le comportement du créancier constitue un abus de droit et viole les règles de la bonne foi (ATF 115 III 97 consid. 4b in fine, p. 101; ATF 113 III 82 consid. 2c p. 86).

2.1.3 Selon l'art. 496 al. 1 CO, si la caution s’oblige avec le débiteur en prenant la qualification de caution solidaire ou toute autre équivalente, le créancier peut la poursuivre avant de rechercher le débiteur et de réaliser ses gages immobiliers, à condition que le débiteur soit en retard dans le paiement de sa dette et qu’il ait été sommé en vain de s’acquitter ou que son insolvabilité soit notoire.

Aux termes de l'art. 147 CO, celui des débiteurs solidaires dont le paiement ou la compensation éteint la dette en totalité ou en partie libère les autres jusqu'à concurrence de la portion éteinte (al. 1). Si l'un des débiteurs solidaires est libéré sans que la dette ait été payée, sa libération ne profite aux autres que dans la mesure indiquée par les circonstances ou la nature de l'obligation (al. 2).

Partant, si un débiteur solidaire est libéré, sans paiement, par le biais d'une transaction, il faut en général déterminer en interprétant celle-ci si (et dans quelle mesure) une remise de dette convenue dans cette transaction doit également avoir un effet libératoire pour les autres débiteurs solidaires, conformément à l'art. 147 al. 2 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2013 du 19 mars 2014 consid. 6.1 et les références, non publié aux ATF 140 III 344; 4C.27/2003 du 26 mai 2003 consid. 3.5.2, publié in SJ 2003 I p. 597). Le sens de l'accord passé par les cocontractants est toujours déterminant, compte tenu de leur volonté, qui doit être déterminée en interprétant l'accord selon les principes généraux. Il n'existe pas de place pour une règle constante, selon laquelle les codébiteurs solidaires qui ne sont pas parties à la transaction devraient être libérés (ATF 133 III 116 consid. 4.3).

Il n'appartient pas au juge de la mainlevée d'interpréter, au sens de l'art. 18 al. 1 CO, une transaction judiciaire (ATF 143 III 564, consid. 4).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a refusé de prononcer la mainlevée de l'opposition aux postes 1 à 3 du commandement de payer au motif que la dette de la recourante aurait été éteinte à la suite de la conclusion de la convention entre cette dernière et D______, le montant ayant été versé "pour solde de toutes prétentions".

Ladite convention a alloué à la recourante un montant de 15'000 fr., alors que le titre de mainlevée invoqué par cette dernière lui alloue des montants de 30'896 fr. 60 avec intérêt à 5% l'an dès le 15 décembre 2016 , 1'296 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 15 décembre 2016 et 1'753 fr. 15 sans intérêt. Le versement de D______ de 15'000 fr. ne couvre donc pas le total des montants accordés.

Le paiement exécuté par D______ a été effectué sur la base d'une convention conclue entre celle-ci et la recourante, à laquelle l'intimée n'est pas partie. Ladite convention ne précise pas si la mention "sans reconnaissance de responsabilité et pour solde de toutes prétentions" vaut en faveur de D______ seule ou si la recourante a également renoncé à réclamer le solde de ses prétentions à l'intimée directement. Il n'appartient cependant pas au juge de la mainlevée définitive d'interpréter la convention, en l'absence de précision à cet égard. Le paiement effectué par D______ peut ainsi tout au plus venir en déduction du montant dû en vertu du jugement du 16 février 2018, mais la mention précitée ne démontre pas par titre que le solde de la dette résultant de la condamnation de l'intimée au paiement du montant fixé dans ce jugement, non couvert par la convention conclue, est éteint.

Au vu de ce qui précède, le recours est fondé. Le ch. 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et, statuant à nouveau sur ce point, la Cour prononcera la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 15'896 fr. 60 avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 2016 (poste n° 1), 1'296 fr., avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 2016 (poste n° 2), 1'753 fr. 15 (poste n° 3) ainsi que 2'250 fr. (poste 4).

3. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais de première et seconde instance (art. 106 al. 1 CPC). Les ch. 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué seront donc annulés.

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 400 fr. et ceux de seconde instance à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec les avances versées par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC). L'intimée sera dès lors condamnée à verser 1'000 fr. à la recourante à ce titre.

L'intimée sera également condamnée à verser à la recourante les montants de 600 fr. et 400 fr. à titre de dépens de, respectivement, première instance et seconde instance, débours et TVA inclus, au vu de l'ampleur du travail et de la difficulté de l'affaire (art. 68 al. 2 let. c et 95 al. 3 let. b CPC; art. 20 et 23 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 23 juin 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/6991/2022 rendu le 9 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21963/2020-17 SML.

Au fond :

Annule les ch. 1 à 3 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 15'896 fr. 60 avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 2016, 1'296 fr., avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 2016, 1'753 fr. 15 ainsi que 2'250 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 1'000 fr. les frais judiciaires de première et de seconde instance, les met à la charge de C______ SA et les compense avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne C______ SA à verser à A______ SA 1'000 fr. à titre de frais judiciaires de première et de seconde instance.

Condamne C______ SA à verser à A______ SA 1'000 fr. à titre de dépens de première et de seconde instance.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.