Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/636/2025 du 13.08.2025 sur OCL/1648/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6621/2020 ACPR/636/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 13 août 2025 |
Entre
A______, domiciliée ______ [NE], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de classement rendue le 20 novembre 2024 par le Ministère public,
et
B______, C______ et D______, tous trois représentés par Me Eric MUSTER, avocat, MCLB Avocats, rue de la Paix 4, case postale 1279, 1001 Lausanne,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 9 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 novembre précédent, notifiée le 27 suivant, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuve et ordonné le classement de la procédure.
La recourante conclut à l'annulation de cette ordonnance et à la poursuite de l'instruction contre B______, C______, D______, une dénommée "E______" et contre inconnu.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, née le ______ 1979, était mariée avec F______, sous le régime de la séparation des biens, depuis le ______ 2012. De leur union sont nés deux enfants: G______ (le ______ 2009) et H______ (né le ______ 2012).
F______ (père), décédé le ______ 2018, avait trois autres enfants, issus de deux précédents mariages: B______ (née le ______ 1991), C______ (née le ______ 1999) et D______ (né le ______ 2001). Viticulteur, il était notamment cohéritier et cogérant du Domaine I______.
b. Atteint d'un cancer, F______ a été autorisé à rentrer chez lui le 2 novembre 2018, après une hospitalisation aux soins palliatifs du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après: CHUV), pour y terminer ses jours auprès de sa famille. Selon la description du Dr J______, la dégradation de sa santé était telle que si le 9 suivant, l'échange était encore possible avec lui, ce n'était plus le cas le 15 [Attestation du Dr J______ du 28 décembre 2018].
c.a. Plusieurs documents relatifs à la succession de feu F______ ont été établis avant son décès:
- un acte authentique du 27 octobre 2018, signé au CHUV, à teneur duquel la part successorale de son épouse était réduite à sa réserve légale et ses cinq enfants étaient institués en qualité d'héritiers, à parts égales, de la quotité disponible;
- un pacte successoral du 4 novembre 2018, à teneur duquel A______, dont la signature figure sur le document, renonçait irrévocablement, moyennant le versement de CHF 10 millions, à se prévaloir de ses droits héréditaires, notamment à sa réserve
légale "conformément à l'art. 495 du Code Civil Suisse". Il était précisé que F______ exprimait "le vœu que son épouse […] prête assistance, si besoin, [à ses] descendants [à lui]".
- un testament authentique du 4 novembre 2018, à teneur duquel ses cinq enfants étaient institués comme seuls héritiers et A______ se voyait léguer des propriétés et un usufruit sur des parts sociales de la société civile du Domaine I______ ;
Ces actes notariés ont été instrumentés par Me K______. Les deux derniers ont été signés, en qualité de témoins, par l'épouse et le fils du précité.
c.b. La retranscription – authentifiée par notaire – d'une conversation enregistrée par F______ le 2 novembre 2018, tenue en sa présence et celle de L______, un proche du prénommé, ainsi que A______, comporte les passages suivants :
- "L______: Moi j'ai été ce matin, on a passé 5 heures de réflexion, l'idée est effectivement sortir le cash, de façon à ce que celui-là aille hors succession grâce à A______. L'idée est derrière et c'est là où on a besoin, A______ la confiance va dans les deux sens. L'idée est qu'on met, mais ça ne veut pas dire oui on le fait. Simplement l'idée est préparée comme ça. Tu reçois 8 à 10 millions de cash, on ne sait pas encore tout à fait, pas sûr. Ces 8 à 10 millions de cash sont destinés entre guillemets, aux enfants, à tous, aux 5, de façon à ce que eux ils puissent payer les impôts, parce qu'autrement eux ils n'ont pas d'argent pour payer les impôts. D'accord ? Donc l'idée c'est que tu reçois 10 millions de cash, on mettra en place un prêt à chacun des enfants, que tu signeras directement […]";
- " L______: […] il faut vraiment que tu nous fasses confiance. Elle va dans les deux sens A______. // A______: Bien sûr L______, bien sûr. // L______: Et ça permettra effectivement à C______ et D______, // A______: enhein et à B______ // L______: B______ habite en Suisse, donc elle elle n'a pas ce problème-là, par contre C______ et D______ ils sont en France, donc eux s'ils reçoivent, ils vont être taxés à fond. Mais par contre, ils ne doivent pas rembourser le prêt demain ou après-demain. Ils peuvent le rembourser dans 3, 4, 5 ans, le moment où ils viendront en Suisse […]".
c.c. Une note d'honoraires de l'Étude M______ comprend, pour le 2 novembre 2018, une activité avec le descriptif suivant: "Rédaction projet de testament, pacte successoral et contrat de prêt; Courriel à Me K______; Courriel à M. L______".
d. Le 7 novembre 2018, un contrat de fiducie a été conclu entre A______, d'une part, et N______ (sœur de F______) et L______, en qualités de fiduciaires, d'autre part. À teneur de ce document, la première nommée devait recevoir CHF 8 millions en vertu d'un pacte successoral conclu avec son époux et elle souhaitait en transférer CHF 7 millions à ses cocontractants, à titre de fiducie, contre une rémunération annuelle de CHF 140'000.-.
e.a Le 27 juin 2019, A______ a déposé plainte contre L______ et N______ auprès du Ministère public de Neuchâtel, pour escroquerie.
En substance, elle leur reprochait d'avoir orchestré la signature des actes et contrats susmentionnés, alors que ni elle, ni F______, n'était en mesure d'en comprendre la réelle portée juridique, ceci afin de s'assurer une mainmise sur le patrimoine du précité, à leur profit ainsi qu'à celui de B______, C______ et D______.
Le Ministère public neuchâtelois a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur cette plainte. La cause a été portée jusqu'au Tribunal fédéral, qui a confirmé cette décision [rapport de renseignements du 31 mai 2021].
e.b. A______ a introduit une action civile auprès des autorités civiles neuchâteloises, visant à faire constater la nullité du pacte successoral du 4 novembre 2018.
f.a. Dès le 22 novembre 2019, le conseil de A______, d'une part, et le conseil de B______, C______ et D______ d'autre part, ont correspondu à propos des contrats de prêt supposément signés entre leurs mandants, les enfants de F______ requérant le versement de la contre-valeur de EUR 500'000.- pour s'acquitter de leurs impôts, plus EUR 100'000.- pour les frais annexes à l'impôt sur la succession.
f.b. À sa demande, A______ a reçu, le 10 décembre 2019, copies des contrats en question.
À teneur de ceux-ci, conclus (et signés) par A______ avec B______, C______ et D______ individuellement, la première nommée, qui s'était "vue attribuer une somme de CHF 10'000'000.-" afin de fournir "assistance aux enfants de son époux", s'engageait à prêter à ses cocontractants un montant de CHF 1.8 million chacun, à un taux annuel de 0.5%.
Pour le document relatif à D______, l'inscription manuscrite "signature E______" figure à côté de l'espace prévu à cet effet, avec comme précision en dessous: "Pour les enfants mineurs prévoir la signature du représentant légal".
f.c. Le 2 mars 2020, A______ s'est vue notifier trois commandements de payer, adressés respectivement par B______, C______ et D______, portant sur un montant de CHF 642'360.- chacun, avec comme titre "Contre-valeur de EUR 500'000.- + EUR 100'000.- pour les frais annexes à l'impôt sur la succession […] selon contrats de prêts et courrier du 22 novembre 2019".
g. Le 5 juin 2020, A______ a déposé plainte contre B______, C______ et D______, ainsi que la dénommée "E______", pour faux dans les titres et tentative de contrainte.
Selon ses explications, bien que sa signature figurait sur les contrats de prêt, elle n'avait jamais eu connaissance de ces documents avant d'en recevoir copie le 10 décembre 2019. Il s'agissait ainsi de titres falsifiés et les commandements de payer notifiés à son encontre, fondés sur lesdits contrats de prêt, constituaient une tentative de contrainte.
h. Le 8 juin 2020, A______ a complété sa plainte. Dans le cadre de la procédure de mainlevée de son opposition aux commandements de payer, B______, C______ et D______ avaient produit auprès du Tribunal civil de Neuchâtel des versions des contrats de prêt présentant des différences par rapport à ceux transmis le 10 décembre 2019.
Ces variations étaient les suivantes [rapport de renseignements de la police du 31 mai 2021]:
- dans le contrat avec B______, les pages 2, 3 et 4 présentaient un tampon humide, partiel, comportant les lettres "O______";
- dans celui avec C______, en sus du même tampon, la signature de la précitée n'était pas identique d'un contrat à l'autre et la mention relative aux enfants mineurs ne figurait pas sur la version produite au Tribunal civil;
- dans celui avec D______, en sus du tampon, l'inscription manuscrite ne se trouvait plus dans la version produite au Tribunal civil.
i. Me K______ s'est souvenu d'échanges avec l'Étude M______ à propos de contrats de prêt. A______ devait recevoir CHF 10 millions et s'engager à prêter les montants nécessaires aux enfants de son défunt époux pour payer les charges fiscales afférentes à la succession. Compte tenu de l'urgence, il n'avait pas eu le temps d'étudier, sur le plan juridique, la portée de ces engagements, en relevant "qu'ils n'étaient ni illégaux, ni impossibles, ni contraires aux mœurs". Il avait demandé à ladite Étude de modifier les projets en question, en ce sens que A______ n'avait pas une obligation de prêter, mais qu'il s'agissait d'un souhait de F______. Il avait bien instrumenté les actes authentiques du 4 novembre 2018, à la demande du précité, car les questions fiscales de la succession le tourmentaient et il voulait une solution "dans l'intérêt de ses héritiers". En revanche, les contrats de prêt n'avaient pas été signés en sa présence et il ne savait pas si tel avait été le cas.
j. B______ a déclaré avoir reçu le contrat de prêt la concernant de N______, sachant qu'elle en avait déjà parlé avec son père auparavant, ainsi qu'avec A______, qui n'avait jamais montré la moindre réticence sur le sujet.
Son conseil a précisé que le tampon avec les lettres "O______" correspond au sceau d'une notaire basée à P______ [VD], intervenue pour faire des copies certifiées conformes destinées à être envoyées au Tribunal civil de Neuchâtel.
À l'issue de son audition, B______ a produit une expertise graphologique du 12 mai 2021, à teneur de laquelle il y avait une probabilité de 99% que les signatures au nom de A______ figurant sur les contrats de prêt soient de la main de cette dernière.
k. C______ et D______ ont expliqué que leur cousine, Q______, leur avait remis les contrats de prêt les concernant à R______ [France], ce que l'intéressée a confirmé, précisant les avoir elle-même reçus de sa mère, N______. D______ a précisé que E______, sa mère, avait signé à sa place, puisqu'il était encore mineur, les deux exemplaires, lesquels comportaient déjà la signature de A______.
l. L______ a affirmé que A______ avait signé tous les exemplaires des contrats de prêt le 3 novembre 2018, en présence de son époux et de N______, après des explications au sujet de leur teneur. Me K______ n'était pas présent à ce moment, occupé à la rédaction du pacte successoral et du testament, signés le lendemain. N______ avait ensuite emporté les contrats de prêt pour les faire signer aux enfants. A______ n'avait peut-être pas reçu copie des contrats de prêt une fois ceux-ci contresignés par les enfants de F______.
N______ a corroboré cette version.
m. Par suite d'avis de prochaine clôture de l'instruction, A______ a sollicité du Ministère public la répétition, en sa présence, de toutes les auditions tenues par la police, sur lesquelles elle s'est, en outre, déterminée par courrier du 8 décembre 2023. Elle demandait également à être entendue derechef.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public écarte les réquisitions de preuve de A______, au motif qu'elles n'étaient ni utiles, ni pertinentes.
Sur le fond de la cause, les contrats de prêt étaient des titres au sens de l'art. 110 al. 4 CP. Cela étant, il ressortait de l'instruction que ceux-ci avaient été signés par A______ le 3 novembre 2018 et que leur existence avait plusieurs fois été mentionnée en présence de cette dernière. Enfin, l'expertise du 12 mai 2021 concluait, avec une probabilité de 99.9%, que les signatures figurant au nom de A______ sur les exemplaires de ces contrats de prêt provenaient de la main de l'intéressée. Aucun élément objectif ne permettait de conclure à la falsification de ces documents. Par voie de conséquence, les commandements de payer notifiés à A______ reposaient sur une base contractuelle fondée et concernaient, en outre, des sommes inférieures à celles stipulées dans les contrats de prêt, à savoir un montant total de CHF 1.8 million. Les éléments constitutifs de la contrainte n'étaient dès lors pas réunis.
D. a. Dans son recours, A______ reprend ses accusations tant à l'encontre de L______ et N______ que celles contre B______, C______ et D______. Elle se plaint d'une constatation erronée des faits, d'arbitraire et de violation du droit d'être entendu, pour elle et pour ses enfants mineurs, qui n'avaient "jamais eu le droit à la parole". Il ressortait des auditions que B______, C______ et D______, de concert avec N______, L______, E______ ainsi que leurs conseils et l'Étude M______, avaient "agi de concert, [s'étaient] organisés, à [son] insu et de son époux". En particulier, l'audition de Me K______ démentait catégoriquement les déclarations de N______ et L______, concernant la véracité des prétendus contrats de prêt.
A______ allègue en outre des "faits nouveaux", à savoir l'introduction, par ses soins, d'une procédure de libération de dettes par-devant le Tribunal civil de S______ [NE], dans le cadre de laquelle le conseil de B______, C______ et D______ avait avoué que ses mandants n'étaient en possession d'aucun document en lien avec les négociations et discussions portant sur les contrats de prêt. Ce même conseil exerçait, de plus, des "pressions sur toutes les juridictions" pour obtenir un classement. Elle invoque encore, sans le motiver, un déni de justice et un retard injustifié. Elle soutient, pour le surplus, n'avoir jamais vu ni, a fortiori, signé les contrats de prêt, lesquels constituaient donc des faux dans les titres et reproche à B______, C______ et D______, ainsi qu'à leur conseil, une tentative de contrainte à son égard, par l'envoi des trois commandements de payer.
b. Le 30 mai 2025, A______ a déposé encore un "complément au recours", de vingt-deux pages, pour démontrer que l'ordonnance querellée était "entachée de graves omissions probatoires, d'un défaut d'analyse des faits déterminants et d'une violation du droit fondamental d'être entendu".
c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant a priori un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Ce qui précède ne vaut cependant que pour les développements du recours circonscrits aux faits reprochés à B______, C______ et D______ (voire E______), susceptibles d'être constitutifs de faux dans les titres et tentative de contrainte.
Les accusations – nouvelles ou anciennes – de la recourante à l'égard de tiers excèdent le cadre du recours contre l'ordonnance querellée et sont, partant, irrecevables. Par ailleurs, la précitée ne saurait se plaindre d'une violation du droit d'être entendu de ses enfants mineurs, lesquels ne sont, par ailleurs, même pas parties à la procédure.
1.3. Enfin, si les faits nouveaux sont recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2), tel n'est pas le cas de l'écriture subséquente du 30 mai 2025, en tant qu'elle ne vise qu'à compléter le recours en mettant en exergue certains éléments du dossier, la motivation d'un recours devant intégralement être contenue dans l'acte lui-même et ne saurait être complétée ultérieurement (ATF 137 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; ACPR/378/2025 du 19 mai 2025 consid. 2.4).
2. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes, voire arbitraires, du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
Partant, ce grief sera rejeté.
3. Sans autre motivation, le grief d'un déni de justice doit également être écarté, le Ministère public ayant, de toute manière, rendu une décision contre laquelle la recourante agit.
4. La recourante s'oppose au classement de la procédure.
4.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b).
Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime signifie que, en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute quant à la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).
4.2. D'après l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, crée un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
4.3. L'art. 181 CP punit quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).
Faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (ATF 115 III 18 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_271/2014 du 17 septembre 2024 consid. 2.1.1).
4.4. En l'espèce, la recourante conteste avoir signé les contrats de prêt litigieux, expliquant en avoir eu connaissance pour la première fois, le 10 décembre 2019, avec les copies envoyées par le conseil des prévenus.
L'idée de ces contrats, ainsi que leur finalité, ont été discuté en présence de la recourante le 2 novembre 2018 et leur existence est corroborée par la note d'honoraires du même jour de l'Étude d'avocats ayant participé à leur rédaction.
L______ a expliqué, tant selon la retranscription de la conversation susmentionnée que lors de son audition à la police, que ces contrats de prêt avaient pour objectif, selon la volonté du défunt, d'octroyer des liquidités aux enfants de celui-ci, notamment pour leur permettre de s'acquitter de leurs obligations fiscales. Ce motif a également été évoqué par Me K______ et il fait écho à la teneur du pacte successoral du 4 novembre 2018, signé par la recourante, que le notaire a confirmé avoir instrumenté. De surcroît, tant L______ que N______ ont déclaré que la recourante avait signé ces contrats de prêt devant eux, le 3 novembre 2018, et l'expertise graphologique du 12 mai 2021 conclut dans ce sens, avec une probabilité de 99.9%.
Compte tenu de ce qui précède, rien au dossier ne permet de considérer que la recourante n'aurait pas signé les contrats litigieux, hormis ses propres dénégations.
S'il est vrai que certains aspects entourant ces documents restent inexpliqués, en particulier les différences relevées entre les copies remises à la recourante et celles produites devant le Tribunal civil, ces problématiques, tout comme la question de leur validité ou de leur portée juridique, ne sont pas pertinentes pour la cause et relèvent avant tout des autorités civiles.
Il n'existe ainsi aucun soupçon de la commission d'une infraction de faux dans les titres.
Les commandements de payer notifiés à la recourante reposent sur ces contrats de prêt, dont rien ne laisse donc à penser – en l'état – qu'ils seraient falsifiés, et portent, en outre, sur des montants inférieurs à ceux stipulés dans lesdits contrats. Les démarches en recouvrement des prévenus n'apparaissent donc pas illicites, ni disproportionnées.
Partant, les éléments constitutifs de la tentative de contrainte ne sont pas réunis.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, à B______, C______ et D______, soit pour eux, leur conseil commun, ainsi qu'au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/6621/2020 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | 00.00 |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | 00.00 |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'105.00 |
Total | CHF | 1'200.00 |