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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/29709/2024

ACPR/619/2025 du 07.08.2025 sur ONMMP/1980/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉLAI;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);LÉSION CORPORELLE;VOIES DE FAIT
Normes : CPP.310.al1; CP.181; CP.31; CP.123.al1; CP.126.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/29709/2024 ACPR/619/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 août 2025

 

Entre

A______, p.a.[Etude] B______, avocats,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 avril 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 6 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 avril 2025, notifiée le 29 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 24 décembre 2024 contre C______.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Le 24 décembre 2024 – selon le suivi track and trace de la Poste –, A______ a expédié une plainte contre C______, reçue au Ministère public le 30 suivant, pour contrainte (art. 181 CP), voies de fait (art. 126 CP) et tentative de lésions corporelles simples (art. 123 CP), en exposant ce qui suit :

Le 22 septembre 2024, il s'était rendu à la gare de Cornavin, à Genève avec sa mère, sa sœur et son fils, D______, né le ______ 2021, afin que ce dernier soit remis à sa maman. Celle-ci était accompagnée de son compagnon, C______. Lui-même était en train de se diriger vers le hall dudit bâtiment, en tenant D______ par la main, lorsque C______ s'était mis sur son chemin, l'obligeant à s'arrêter, l'avait délibérément bousculé, ce qui avait entraîné la chute de son fils, qui s'était mis à pleurer. Tout cela s'était déroulé à environ cinquante mètres de la mère de l'enfant. C______ s'était de nouveau placé devant lui et lui avait collé son front contre son visage. Sa mère et sa sœur avaient dû "crier" sur C______ en lui montrant D______, allongé au sol en larmes, afin qu'il recule.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les faits dénoncés semblaient s'inscrire dans un contexte familial conflictuel. Ils étaient présentés de manière succincte, sans être étayés par le moindre élément de preuve. Le comportement du mis en cause apparaissait de toute évidence peu grave. L'art. 52 CP était donc applicable, de sorte qu'il s'imposait de ne pas procéder (art. 310 al. 1 let. c CPP).

D. a. Dans son recours, rédigé en allemand, A______ invoque une violation des art. 52 CP, 29 Cst et 6 CEDH. La culpabilité du mis en cause et les conséquences de ses actes ne pouvaient être considérées comme de peu d’importance. Le comportement de ce dernier, qui était notamment dirigé contre un enfant, avait eu de lourdes conséquences. Les infractions qui lui étaient reprochées étaient graves. La décision attaquée était prématurée en raison de l'absence du moindre acte d'instruction.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé dans le délai utile (art. 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. L'acte n'a pas été rédigé en français, langue officielle de la procédure à Genève (art. 67 al. 1 CPP cum 13 LaCP). Toutefois, il n'y a exceptionnellement pas lieu d'impartir à son auteur un délai pour régulariser ce vice (art. 385 al. 2 CPP), la présente juridiction l'ayant traduit d'office (ATF 143 IV 117 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 10). Il sera néanmoins rappelé au recourant que les actes des parties doivent être rédigés dans la langue officielle du canton car la liberté de la langue garantie par l'art. 18 Cst n'est pas absolue (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 67).

1.3. Le recourant ne prétend également pas agir au nom de son fils mineur. Au contraire, sa plainte et son recours ont été déposés en son nom personnel uniquement, sans qu'il soit possible d'en déduire qu'il entendait représenter son enfant. À supposer que ce soit en raison de sa qualité de proche de la victime au sens de l’art. 116 al. 2 CPP, encore faudrait-il qu’il ait déposé des conclusions civiles dans le cadre de la procédure pénale, ce qu'il n'a pas fait (art. 117 al. 3 cum 122 al. 2 CPP;
ATF 139 IV 89 consid. 2.2). Il ne rend pas non plus vraisemblable qu'il détiendrait l'autorité parentale à l'égard de son fils (art. 106 al. 2 CPP cum 304 al. 1 CC). Partant, le recourant n'a pas la qualité pour agir s'agissant de l'éventuelle infraction commise par le mis en cause à l'encontre de l'enfant. Il s'ensuit que son recours est irrecevable sur ce point.

Il est recevable pour le surplus.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.

3.1.1. Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière en cas d'empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

3.1.2. Selon cette disposition, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Il court dès le jour où l'ayant droit a connaissance de l'acte délictueux – soit les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction (ATF 126 IV 131
consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_385/2023 du 24 mai 2024 consid. 3.1) – et de l'auteur de celui-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2). La connaissance par l'ayant droit doit être sûre et certaine, de sorte qu'il puisse considérer qu'une procédure dirigée contre l'auteur aura de bonnes chances de succès (ATF 142 IV 129 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_42/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4.2.1).

3.1.3. Selon l'art. 110 al. 6 CP, le mois est compté de quantième en quantième donc lorsqu'un délai est exprimé en mois, il expire le jour qui correspond par son quantième à celui de l'évènement qui le déclenche. Le délai est observé lorsque la plainte est remise à un office postal suisse avant l'expiration du dernier jour du délai (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, Commentaire romand : Code pénal I (art. 1 – 110 CP), 2ème éd., Bâle 2021, n. 2 ad art. 31 CP).

3.2.       L'art. 123 ch. 1 CP réprime, sur plainte, quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte – que grave – à l'intégrité corporelle ou à la santé. L'art. 22 al. 1 CP prévoit que le juge peut atténuer la peine si le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas

L'art. 126 al. 1 CP sanctionne, sur plainte, quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé.

3.3.       En l'espèce, les faits dénoncés se sont produits le 22 septembre 2024 et le recourant n'a expédié sa plainte que le 24 décembre 2024, reçue par le Ministère public six jours plus tard, soit après le délai de trois mois de l'art. 31 CP, de sorte que cette dernière s'avère manifestement tardive s'agissant d'une éventuelle tentative de lésions corporelles simples, respectivement des voies de fait.

Il existait donc un empêchement de procéder permettant de prononcer une non-entrée en matière en lien avec ces chefs d'infractions.

4.             Le recourant soutient que les éléments constitutifs de la contrainte sont réalisés.

4.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

4.2.       L'art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP prévoit quant à lui que le Ministère public renonce à toute poursuite pénale et rend une ordonnance de non-entrée en matière lorsque les conditions visées notamment à l'art. 52 CP sont remplies. Aux termes de cette disposition, l'autorité compétente renonce à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, si tant sa culpabilité que les conséquences de son acte sont de peu d'importance.

Pour décider si les infractions pour lesquelles la culpabilité et les conséquences de l'acte sont de peu d'importance, les autorités compétentes doivent apprécier chaque cas particulier en fonction du cas normal de l'infraction définie par le législateur ; on ne saurait en effet annuler par une disposition générale toutes les peines mineures prévues par la loi. Il faut qu'une appréciation globale du comportement, en soi illicite eu égard aux éléments constitutifs de l'infraction considérée, fasse apparaître que l'acte en cause et la culpabilité de son auteur, mesurés au cas normal, sont nettement moins graves. Cette différence doit être tellement nette que l'infliction d'une sanction pénale paraîtrait injustifiée, tant du point de vue de la prévention générale que de celui de la prévention spéciale (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 52).

4.3.       L'art. 181 CP punit, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Outre l'usage de la violence (hypothèse 1) ou de menaces laissant craindre la survenance d'un dommage sérieux (hypothèse 2), il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action (hypothèse 3). Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.2).

4.4.       En l'espèce, le recourant affirme que le mis en cause se serait placé, face à lui, le forçant ainsi à s'arrêter et l'aurait ensuite bousculé, alors qu'il cheminait avec son fils qu'il devait remettre à sa maman dans l'enceinte de la gare de Cornavin. Ledit acte ne correspond pas à l'intensité de la pression requise par l'art. 181 CP. Quoiqu'il en soit, la question de savoir si le mis en cause a effectivement violé ladite disposition peut demeurer indécise.

En effet, même à admettre que tel serait le cas, la culpabilité du mis en cause devrait être sensiblement relativisée, le recourant ne soutenant pas, ni ne rendant vraisemblable, que le prévenu aurait adopté un autre comportement que celui de lui faire face. Les faits semblent également s'inscrire dans un contexte familial conflictuel et se sont déroulés dans un espace public suffisamment vaste pour ne pas entraver d'une manière substantielle la liberté d'action du plaignant, qui plus est apparemment pour quelques secondes seulement.

De plus, le recourant ne démontre pas avoir subi le moindre préjudice, que ce soit physique ou psychologique, aussi minime fût-il, pouvant être le résultat du comportement du mis en cause à son encontre.

Il en découle que tant l'éventuelle culpabilité de l'auteur que les conséquences de l'infraction sont de peu d'importance. Les conditions de l'art. 52 CP étant remplies, une non-entrée en matière au sens de l'art. 8 al. 1 et 310 al. 1 let. c CPP était donc justifiée en lien avec ce comportement.

Aucun acte d'instruction n'est susceptible de modifier le raisonnement qui précède.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), prélevés sur les sûretés.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/29709/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00