Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/12601/2025

ACPR/481/2025 du 25.06.2025 sur OMP/13332/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12601/2025 ACPR/481/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 25 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 2 juin 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 12 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport d'arrestation du 2 juin 2025, A______, ressortissant guinéen, né le ______ 1981, a été interpellé le jour même à la rue de la Servette (Genève), alors qu'il était démuni de documents d'identité et se trouvait en situation irrégulière sur le territoire helvétique.

b. Entendu le jour même par la police et le Ministère public, A______ a admis se trouver en Suisse "depuis longtemps" alors qu'il ne possédait aucune autorisation de séjour. Il n'était pas en mesure de présenter un passeport ou un document officiel attestant de son identité, dès lors qu'il les avait perdus. Il n'avait pas quitté le territoire suisse depuis sa dernière interpellation par la police. Il n'était pas en mesure de payer les frais de son rapatriement. Il vivait en revendant des objets qu'il trouvait dans la rue, activité qui lui procurait entre CHF 100.- et CHF 200.- par mois. Sa copine l'aidait également en l'hébergeant de temps en temps.

c. Par ordonnance pénale du 2 juin 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende. A______ y a formé opposition.

d. Par ordonnance du 12 juin 2025, le Ministère public a maintenu cette ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police.

e. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à six reprises depuis 2015, à savoir:

-        le 12 août 2015, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 26 mai 2016, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup), entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 10 avril 2017, pour délit contre la loi sur les stupéfiants, commission répétée (art. 19 al. 1 LStup), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEtr) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 16 septembre 2020, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 8 mars 2022, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 20 février 2025, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée par le fait que A______ avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (art. 255 al. 1bis CPP), soit une infraction à l'art. 19 LStup.

D. a. Dans son recours, A______ dénonce avoir fait l'objet d'un contrôle d'identité fondé sur son faciès et invoque une violation manifeste de plusieurs droits fondamentaux – liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.), protection contre l'usage abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst.), respect de la sphère privée (art. 13 Cst., art. 8 CEDH) –, ainsi que du principe de proportionnalité (art. 36 Cst.). Bien qu'indiquant "ignorer" si son ADN avait déjà été établi par le passé, il soutient que l'établissement de son profil d'ADN n'apparaissait nullement justifié "en raison du fait qu'il a[vait] été récemment établi". Le recours systématique à des mesures de contrainte intrusives, pourtant prohibé par le Tribunal fédéral, sans examen individualisé au cas par cas, constituait une dérive préoccupante, ce d'autant plus lorsqu'une telle pratique visait de manière récurrente des personnes étrangères, ce qui soulevait de sérieux doutes quant au respect de l'interdiction des discriminations. Il était par ailleurs choquant qu'une telle mesure fût justifiée par la seule invocation d'une Directive du Procureur général, laquelle était traitée comme une norme législative en violation de la séparation des pouvoirs. Il y avait dès lors lieu d'annuler l'ordonnance querellée, de procéder à l'effacement de son profil d'ADN, ainsi qu'à la destruction des échantillons prélevés.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).


 

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 précité consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

Il a en effet déjà été condamné à trois reprises, le 12 août 2015, le 26 mai 2016 et le 10 avril 2017, pour des délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants, ainsi que pour des infractions à la législation fédérale sur les étrangers. Il a par ailleurs été condamné à trois autres reprises, entre 2020 et 2025, pour séjour illégal et/ou entrée illégale.

Ces nombreux antécédents, auxquels s'ajoute la situation personnelle du recourant, laissent craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants et permettent de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée n'apparaît pas inutile ni disproportionnée.

À titre superfétatoire, le recourant ne saurait tirer argument du fait que son profil d'ADN aurait d'ores et déjà été établi. Dès lors que les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai (cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), il existerait un intérêt, quand bien même l'établissement de son profil d'ADN aurait déjà été ordonné – ce qu'il n'établit au demeurant nullement, affirmant "ignorer" si tel aurait déjà été le cas – et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années, à le soumettre derechef à cette mesure, pour autant bien évidemment que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Cet intérêt public primerait celui – privé – du recourant à ce que son profil d'ADN ne soit pas établi une nouvelle fois. Ainsi, quand bien même le Ministère public aurait, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant, un tel acte n'apparaitrait nullement disproportionné.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12601/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00