Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/263/2025 du 03.04.2025 sur ONMMP/5681/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/17581/2024 ACPR/263/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 3 avril 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Josef ALKATOUT, avocat, BOREL & BARBEY, rue de Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 décembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 30 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 décembre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte, déposée le 25 juillet 2024, contre B______.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.
b. Le recourant a versé les sûretés de CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et son ex-concubine, B______, ont vécu dans une maison sise chemin 1______ no. ______ à C______ [GE].
b. Ils étaient cotitulaires d'un compte bancaire utilisé pour l'acquisition d'une partie du mobilier de la maison, dont ils étaient copropriétaires.
c. À la suite de leur séparation, B______ s'est installée dans un appartement sis chemin 2______ no. ______ à D______ [GE].
d. Le 21 février 2024, B______ a transmis à A______ l'inventaire des biens mobiliers et de leurs valeurs qu'ils avaient acquis grâce à leur compte bancaire commun, en mettant en évidence ceux qu'elle était intéressée à reprendre. Elle suggérait de partager équitablement lesdits meubles, quitte à verser à l'autre un montant à titre de compensation en cas de déséquilibre.
Le 25 avril 2024, A______ s'est limité à signifier son désapprobation.
Le 7 mai 2024, elle lui a indiqué vouloir venir récupérer dans leur maison une table et des chaises notamment, tout en réitérant son souhait de se répartir ultérieurement le reste du mobilier. Il s'y est opposé.
e. Le 8 mai 2024, B______ a déménagé la table et les chaises précitées dans l'appartement.
f. Le 25 juillet 2024, A______ a déposé plainte pénale pour ces faits.
g. Auditionnée par la police le 25 septembre 2024, B______ a reconnu avoir installé dans son nouveau logement lesdits meubles acquis en commun avec A______, en précisant qu'ils avaient acheté ensemble du mobilier d'une valeur totale de CHF 60'000.- pour leur maison. Il n'était ainsi pas excessif d'en avoir emporté avec elle une partie, pour un montant représentant CHF 12'000.-.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que A______ et B______ étaient en désaccord concernant la liquidation de leurs rapports de copropriété, ce qui relevait exclusivement du droit civil. Dès lors qu'ils détenaient en copropriété les biens mobiliers se trouvant dans leur maison, il n'était nullement établi que B______ n'en aurait pas eu la copossession. L'infraction de vol n'était donc pas réalisée, faute de soustraction.
B______ avait déménagé certains biens mobiliers d'une valeur alléguée de CHF 12'000.- dans son nouveau logement, laissant le surplus à A______, d'un montant, d'après elle, de CHF 48'000.-. Elle pouvait ainsi se prévaloir d'une prétention sur lesdits actifs étant donné qu'ils avaient été acquis en copropriété et il n'était pas établi qu'elle en aurait fait un usage incompatible avec les droits civils de A______ (par exemple une vente). L'infraction d'appropriation illégitime faisait également défaut, faute d'appropriation, respectivement de dessein d'enrichissement illégitime.
À titre superfétatoire, l'application de l'art. 52 CP s'imposait (art. 310 al. 1 let. c CPP), en raison du rapport de copropriété existant entre les parties, qui étaient en séparation.
D. a. Dans son acte de recours, A______ invoque une violation des art. 310 al. 1 let. a et let. c CPP. Il reproche au Ministère public de ne pas avoir mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour élucider les faits. Il était copropriétaire des biens mobiliers déménagés par B______, respectivement copossesseur, mais ne pouvait plus en faire usage car elle les lui avait soustraits. Sa copossession était donc rompue. Il s'était opposé à ce qu'elle se comporte de la sorte mais elle avait agi intentionnellement, dans le but d'incorporer les meubles dans son patrimoine et de s'enrichir grâce à une non-diminution de son passif. Qu'elle eût laissé dans l'ancien logement d'autres meubles d'une valeur de CHF 48'000.- – ce qui n'était au demeurant pas établi – n'y changeait rien. Un tel comportement remplissait les éléments constitutifs de l'infraction de vol (art. 139 CP), subsidiairement d'appropriation illégitime (art. 137 CP). S'agissant de l'art. 52 CP, il était établi que B______ avait commis un vol ou une appropriation illégitime sur des biens mobiliers d'une valeur de CHF 12'000.-. La culpabilité et les conséquences de ses actes ne pouvaient donc pas être considérés comme de peu d'importance. Le présent litige ne pouvait se résumer à un simple désaccord dans le cadre de la liquidation de leurs rapports de copropriété. Aucune liquidation n'avait été entamée par les parties et les agissements de B______ revêtaient un caractère pénal.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte pénale, estimant que les faits dénoncés pourraient être constitutifs de vol, subsidiairement d'appropriation illégitime.
3.1. L'art. 310 al. 1 let. a CPP prévoit que le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police, que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
3.2. L'art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP prévoit que le ministère public renonce à toute poursuite pénale et rend une ordonnance de non-entrée en matière, notamment lorsque les conditions visées à l'art. 52 CP sont remplies. Aux termes de cette disposition, l'autorité compétente renonce à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, si tant sa culpabilité que les conséquences de son acte sont de peu d'importance.
Pour décider si les infractions pour lesquelles la culpabilité et les conséquences de l'acte sont de peu d'importance, les autorités compétentes doivent apprécier chaque cas particulier en fonction du cas normal de l'infraction définie par le législateur ; on ne saurait en effet annuler par une disposition générale toutes les peines mineures prévues par la loi. Il faut qu'une appréciation globale du comportement, en soi illicite eu égard aux éléments constitutifs de l'infraction considérée, fasse apparaître que l'acte en cause et la culpabilité de son auteur, mesurés au cas normal, sont nettement moins graves. Cette différence doit être tellement nette que l'infliction d'une sanction pénale paraîtrait injustifiée, tant du point de vue de la prévention générale que de celui de la prévention spéciale (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op.cit, n. 3 ad art. 52).
3.3.1. L'art. 139 al. 1 CP réprime le comportement de quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.
3.3.2. L'art. 137 ch. 1 CP punit celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 ne seront pas réalisées.
3.3.3. La notion d'appartenance à autrui renvoie au droit de propriété défini par le droit privé. Il y a par conséquent appartenance à autrui lorsqu'une personne autre que l'auteur exerce un droit de propriété sur une chose donnée. En cas de propriété commune ou de copropriété, la chose est également la chose d'autrui au sens des
art. 137 ss CP pour les propriétaires communs ou pour les copropriétaires (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 14 et 15 ad Rem. prél. aux
art. 137 et ss).
3.3.4. Du point de vue subjectif, pour que lesdites infractions soient réalisées, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, dans le dessein notamment de se procurer un enrichissement illégitime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.4).
3.4. En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause d'avoir volé ou de s'être appropriée illégitimement une table et des chaises, d'une valeur estimée à
CHF 12'000.-, dont ils étaient copropriétaires.
Le recourant estime que le montant de CHF 60'000.-, articulé par la mise en cause comme correspondant à la valeur totale du mobilier en copropriété, ne serait pas établi. Il ne prétend pas toutefois que cette valeur serait inférieure à CHF 24'000.-, soit au double de la valeur estimée des meubles qui lui auraient été soustraits. Il ne soutient pas davantage qu'il pourrait avoir des prétentions supérieures à celles de son ex-compagne sur le mobilier acquis durant la vie commune, de sorte que leurs quotes-parts sont présumées égales (cf. art. 646 al. 2 CC). Il n'existe ainsi pas d'indice que le recourant serait appauvri, ni que la mise en cause aurait eu l'intention, fût-ce par dol éventuel, d'emporter des meubles pour une valeur excédant la part à laquelle elle pourrait prétendre dans le cadre de la liquidation de leurs rapports patrimoniaux. Dans ces conditions, faute de soupçon suffisant d'un dessein d'enrichissement illégitime de la part de cette dernière, respectivement d'un préjudice pour le recourant, la non-entrée en matière prononcée par le Ministère public, que ce soit sous l'angle de l'art. 139 CP ou celui de l'art. 137 CP, était justifiée.
Quoi qu'il en soit, même à considérer que le comportement de la mise en cause serait pénalement répréhensible, la non-entrée en matière serait justifiée en vertu des art. 310 al. 1 let. c et 8 al. 1 CPP, ainsi que de l'art. 52 CP, sa culpabilité et les conséquences de son acte étant peu importantes. En effet, on se trouve dans le cadre d'un litige entre ex-concubins, relatif à la liquidation de leurs rapports de copropriété. Les faits reprochés sont intervenus en lien avec le déménagement de chaises et d'une table et n'ont causé aucun préjudice sensible au recourant, le reste du mobilier ayant été laissé à sa disposition au sein de la maison. La mise en cause a de plus annoncé son intention de prendre ces meubles et il s'est borné à s'y opposer sans motiver. En conséquence, le désagrément provoqué par les faits dont il se plaint, à savoir la reprise par la mise en cause de quelques biens mobiliers, paraît être un événement de peu d'importance. En effet, le litige revêt un caractère civil prépondérant et le recourant est suffisamment protégé par les voies de droit civiles pour faire valoir ses prétentions. Ce seul acte éventuellement pénalement relevant n'apparaît, partant, important ni du point de vue de la culpabilité ni au regard de ses conséquences. L'art. 52 CP serait ainsi applicable.
La Chambre de céans ne distingue enfin pas d'actes d'instruction susceptibles d'aboutir à une solution différente et le recourant n'en fait d'ailleurs pas la démonstration, se contentant d'indiquer que l'autorité intimée n'aurait pas mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour élucider les faits de la présente procédure. Le Ministère public pouvait ainsi décider de ne pas entrer en matière sur la plainte du recourant.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), prélevés sur les sûretés.
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/17581/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |