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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/28583/2024

ACPR/83/2025 du 27.01.2025 sur ONMMP/5583/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ESCROQUERIE;ASTUCE;NATUROPATHE
Normes : CPP.310; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/28583/2024 ACPR/83/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 27 janvier 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 12 décembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 janvier 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 décembre 2024, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 11 décembre 2024.

Le recourant, qui ne prend pas de conclusions formelles, sollicite l'assistance judiciaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 11 décembre 2024, A______ a déposé plainte pénale pour escroquerie.

En substance, il avait, le 8 décembre précédent, consulté un site internet de voyance et pris contact avec le voyant/marabout B______ afin qu'il lui vienne en aide ainsi qu'à sa copine, atteinte d'un cancer. L'intéressé lui avait demandé un versement de EUR 390.-, qu'il avait exécuté, étant précisé que le nom du bénéficiaire était "D______ [prénom différent]". Il avait ensuite suivi les consignes du marabout consistant à allumer des bougies blanches non parfumées tous les soirs pendant 11 jours "pour que le rituel fonctionne". Le 10 décembre 2024, son interlocuteur lui avait réclamé le montant de CHF 13'000.-, puis encore de USD 3'500.-, et plusieurs rendez-vous avaient été fixés, mais les rencontres n'avaient pas eu lieu. Finalement, son interlocuteur lui avait fourni la soi-disant adresse de son cabinet privé mais comme il ne la trouvait pas, il avait appelé la police pour lui demander de vérifier, laquelle lui avait dit de ne pas se rendre au rendez-vous et qu'il s'agissait probablement d'une escroquerie. Voulant toutefois s'en assurer, il s'y était rendu, laissant l'enveloppe contenant les CHF 13'000.- dans sa voiture, garée plus loin. Un homme de type africain était venu à son contact au lieu du rendez-vous. Il était au téléphone avec le prétendu B______. Quand l'inconnu lui avait demandé de lui remettre l'argent, il avait appelé la police, qui avait interpellé l'individu, identifié comme étant C______.

Il joignait diverses vidéos du "coursier" en question et les enregistrements vidéos de ses discussions avec lui. Il avait aussi en sa possession les conversations WhatsApp échangées avec le marabout.

Il a ajouté que depuis que le "coursier" avait été interpellé, le marabout l'avait appelé à de nombreuses reprises sur son téléphone.

b. Selon le rapport d'arrestation du 11 décembre 2024, le site internet www.axel-murier.ch n'était plus accessible et aucun individu soi-disant nommé B______ – nom probablement usurpé – ne ressortait des bases de données. Le destinataire du paiement de EUR 390.- pouvait correspondre à un dénommé D______, domicilié en France, qui était sans antécédents de police à Genève mais figurait "sur des évènements" comme représentant légal de C______. Le raccordement utilisé par le marabout était prépayé et enregistré au nom d'un dénommé E______, mais personne à ce nom ne résidait à l'adresse indiquée à Genève.

c. Entendu par la police comme prévenu, C______ a contesté les faits reprochés ainsi que l'implication de D______, qui était son oncle et avec lequel il n'était plus en contact. Il avait rencontré le plaignant sur les instructions d'un ami, F______, dont il ignorait le vrai nom et qui travaillait dans un restaurant à K______[France]. C'était avec lui qu'il parlait au téléphone lors du rendez-vous avec le plaignant. Ce dernier devait juste lui remettre de l'argent. Il ignorait de quel montant et de quoi il s'agissait. Il était le détenteur du site internet de voyance www.G______.ch, mais personne ne l'avait contacté et il n'avait jamais gagné d'argent pour ses prestations. Il ne connaissait aucun E______.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que le plaignant ne pouvait pas ignorer que les promesses de lui venir en aide ainsi qu'à son amie ne souffraient aucune garantie, s'agissant d'un fait futur incertain. Le prévenu (recte : plaignant) avait manifesté peu de méfiance à l'égard de ses interlocuteurs, de sorte que le caractère astucieux de la tromperie, qui faisait partie des éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie (art. 146 CP), faisait manifestement défaut (art. 310 al. 1 let. a CPP). Bien que moralement condamnable, le comportement n'était pénalement pas pertinent.

Les objets portés à l'inventaire n° 1______ du 11 décembre 2024 (dont un téléphone portable [de marque] H______, un [téléphone portable de marque] I______ et une clé de voiture J______) étaient restitués à C______.

D. a. À l'appui de son recours, A______ indique avoir fourni une clé USB à la police judiciaire, qui avait eu un contact avec lui "ces derniers jours" pour la "suite de tentative d'escroquerie" dont il avait été victime.

Il sollicitait l'assistance judiciaire pour le recours, car il était malade et insolvable.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sans autres observations.

c. La cause a ensuite été gardée à juger.

E. Par pli reçu le 10 janvier 2025 par le Ministère public, qui l'a transmis à la Chambre de céans pour raison de compétence, C______ a sollicité de pouvoir récupérer sa clé de voiture et son téléphone.

F. Le 16 janvier 2025, le Ministère public a transmis à la Chambre de céans une fiche d'accompagnement de documents à lui communiquée par la police judiciaire le 8 janvier 2025, à laquelle étaient annexés un courrier du 2 janvier 2025 de A______ justifiant son recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 12 décembre 2024 ainsi qu'une clé USB comportant "160 documents photos et vidéos" démontrant "la manipulation de ce B______".

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Le Ministère public s'étant limité, dans ses observations, à conclure au rejet du recours, sans autres remarques, le recourant n'a pas été invité à répliquer, étant rappelé que la motivation d'un acte de recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même et ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 7.3.1).

3. 3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Une non-entrée en matière peut ainsi se justifier pour des motifs de faits. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charge soit manifeste (arrêt du Tribunal fédéral 6B_544/2016 du 17 novembre 2016 consid. 3.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

3.2. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3;
142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).

Le juge pénal n'a pas à accorder sa protection à celui qui est tombé dans un piège qu'un peu d'attention et de réflexion lui aurait permis d'éviter. L'astuce n'est ainsi pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il faut prendre en considération les circonstances et la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience, le grand âge ou la maladie, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce. L'hypothèse dans laquelle aucune vérification ne peut être attendue de la dupe vise également les opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles un contrôle entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales. Pour songer à opérer une vérification aussi aisée soit-elle (par exemple : un appel téléphonique), la dupe doit également déjà avoir une raison particulière de se méfier (ATF 143 IV 302 consid. 1.4; ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1180/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2).

3.3. En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant a versé EUR 390.- à un marabout en échange de ses services de guérisseur et aurait été déterminé par cette même personne à lui remettre, quelques jours plus tard, une somme d'argent supplémentaire de CHF 13'000.- à tout le moins pour ces mêmes services. Cette seconde transaction n'a toutefois pas abouti, le plaignant s'étant méfié et ayant appelé la police, qui a interpellé C______, soit la personne apparemment envoyée par le marabout pour récupérer l'argent.

C______ a nié être impliqué dans une quelconque escroquerie ou tentative d'escroquerie. Il avait seulement été chargé par le prétendu F______ de récupérer une somme d'argent auprès du plaignant.

Ni ces explications ni l'enquête de police n'ont permis d'identifier le marabout se faisant passer pour B______. Le raccordement utilisé par lui pour contacter le plaignant est enregistré au nom de E______, qui était un nom d'emprunt. Rien ne permet non plus d'identifier le soi-disant F______. Quant au lien entre le prévenu et D______, il demeure inconnu.

Le recourant n'explicite pas quels autres éléments contenus dans la clé USB qu'il a remise à la police postérieurement au prononcé de l'ordonnance querellée seraient de nature à permettre l'identification de l'auteur.

Quand bien même celui-ci pourrait être identifié, force est de constater que la condition nécessaire de l'astuce ferait défaut.

Le recourant semblait certes vivre une situation personnelle difficile en raison de la maladie dont était atteinte son amie, laquelle était propre à le conduire à baisser la garde pour faire en sorte qu'elle puisse guérir. Toutefois, rien n'indique qu'il aurait été privé de ses facultés intellectuelles à un point tel qu'il ne pouvait plus être exigé de lui qu'il fasse preuve de la prudence la plus élémentaire.

Or, un minimum d'attention de sa part aurait dû l'inciter à ne pas verser d'argent à un inconnu en échange d'une promesse de guérison incertaine ni à prendre des mesures pour lui verser, par la suite, une somme d'argent encore plus importante. Preuve en est qu'il a fini par éprouver des doutes sur les dons de guérisseur de son interlocuteur et a contacté la police après que celui-ci lui eut demandé de lui remettre plus de CHF 13'000.-.

4. Le recours sera ainsi rejeté.

5. L'ordonnance entreprise étant confirmée, il appartient désormais au Ministère public, et non à la Chambre de céans, de procéder à la restitution à C______ des objets saisis lors de son interpellation et portés à l'inventaire.

6. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

6.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite: à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) ; à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Selon l'art. 136 al. 2 CPP, l'assistance judiciaire comprend: l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (let. c, entrée en vigueur le 1er janvier 2024).

Le législateur a ainsi sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1160 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_522/2020 du 11 janvier 2021 consid. 5.1 et références citées).

6.2. En l'occurrence, tant les prétentions civiles du recourant que l'action pénale étaient d'emblée vouées à l'échec, pour les raisons exposées ci-dessus, de sorte que le recourant, même s'il était indigent, ne remplit pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de son recours.

La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.-, pour tenir compte de sa situation et des circonstances du cas d'espèce (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ)

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Communique les observations du Ministère public au recourant, pour information.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/28583/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00