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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11864/2021

ACPR/60/2025 du 17.01.2025 sur OMP/25237/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CHANCES DE SUCCÈS;PLAIGNANT
Normes : CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11864/2021 ACPR/60/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 janvier 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______ [VD], agissant en personne,

recourante,



contre l'ordonnance de refus d'assistance judiciaire rendue le 20 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 6 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 novembre 2024, notifiée le 2 décembre 2024, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder l'assistance juridique.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et à ce que l'assistance juridique lui soit accordée pour le "dépôt de [s]a plainte complémentaire".

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A la suite de la plainte déposée le 15 juin 2020 par A______ contre B______, du chef de violation du secret professionnel, ayant fait l'objet de la procédure P/1______/2020, la Chambre pénale d'appel et de révision a, par arrêt AARP/46/2022 du 10 février 2022, confirmé le jugement d'acquittement de B______ prononcé le 14 octobre 2021 par le Tribunal de police et, en conséquence, le rejet des conclusions civiles et en indemnisation de A______.

Il ressort dudit arrêt que A______ et B______ avaient entretenu une relation sentimentale de courte durée en 2012. À teneur de l'acte d'accusation, en 2012, A______ avait confié deux mandats à B______, avocat à Genève [et dans le canton de Vaud], l'un relatif à son divorce et l'autre au conflit qui l'opposait à son employeur. Par la suite, A______ et B______ avaient été administrateurs de la société C______ SA, dont le siège était dans le canton de Vaud, laquelle avait été radiée par suite de faillite en 2018. En décembre 2019, A______ avait formé, devant les juridictions civiles vaudoises, une demande en paiement à l'encontre de B______, en sa qualité d'ancien administrateur de ladite société. Elle avait alors mentionné l'existence du mandat relatif à son divorce ainsi que le fait qu'elle avait subi un licenciement abusif. Dans sa réponse et les pièces produites en annexe, rédigées à Genève le 21 février 2020 et déposées le 25 suivant auprès du Tribunal d'arrondissement de D______ [VD], B______ avait dévoilé des informations confidentielles et personnelles sur A______, dont il avait eu connaissance alors qu'il était son avocat, sans avoir préalablement obtenu la levée de son secret professionnel par celle-ci. Il avait en particulier informé cette juridiction du nom de l'ex-employeur de A______, de la date de son licenciement, de son mécontentement concernant l'activité de son ancien avocat, du fait qu'elle avait plaidé au bénéfice de l'assistance juridique et avait dû suivre un traitement médical suite à son licenciement.

La Chambre pénale d'appel et de révision a retenu que B______ était en droit de se considérer comme délié du secret professionnel, dans la mesure où A______ avait manifestement elle-même fait largement état (voire publiquement, dans des posts sur internet) des éléments qu’elle lui reprochait d’avoir dévoilés au juge civil.

Le Tribunal fédéral a confirmé cet arrêt le 20 mars 2023 (arrêt 6B_459/22).

b. A______ a, le 7 juin 2021, déposé une "extension" de plainte contre B______, enregistrée sous numéro de procédure P/11864/2021. Ce dernier avait déposé un nouveau "jeu d'écritures" lors de l'audience devant le Ministère public le 5 mars 2021 dans lesquelles il s'épanchait sur des faits manifestement couverts par le secret. Elle "me[ttait] une réserve pour une demande de dédommagement et torts moraux".

c. Le Ministère public a, le 9 juin 2021, suspendu l'instruction de cette procédure dans l'attente du sort donné à la procédure P/1______/2020. Il l'a reprise le 6 mai 2024 à la suite de l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 10 février 2022 précité.

d. Le Ministère public a émis un avis de prochaine clôture de l'instruction le 6 mai 2024, informant les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement. Si la partie plaignante souhaitait faire valoir des conclusions civiles, elle était enjointe de les chiffrer et de les justifier, dans un délai fixé au 30 mai 2024.

e. B______ a relevé le 6 juin 2024 le comportement téméraire de A______ et l'acharnement injustifié à son égard. Elle avait avant tout cherché à lui nuire. Il a produit un courrier du 8 juillet 2023 au Tribunal d'arrondissement de D______ aux termes duquel il mentionnait que A______ avait initié plus de 20 actions/procédures à son encontre, qu'il énumérait. Le prononcé d'une ordonnance de classement s'imposait.

f. A______ a, le 9 juin 2024, demandé pourquoi la justice ne la prenait pas au sérieux. Elle avait saisi la justice car il était impossible de dialoguer avec B______ qui refusait tout, se défilait aux rendez-vous fixés ou utilisait la violence verbale pour la terrifier.

Le 29 octobre 2024, outre une – nouvelle – prolongation de délai pour formuler ses observations et éventuelles réquisitions de preuves, A______ a requis l'envoi d'un formulaire de demande d'assistance juridique.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que le raisonnement à appliquer dans la présente procédure était le même que celui opéré dans les jugements du Tribunal de police et de la Chambre pénale d'appel et de révision précités (cf. B.a), s'agissant de déterminer si B______ pouvait produire devant lui des documents pour s'opposer aux charges pesant à son encontre. Il avait annoncé le futur classement de la procédure. Les chances de succès des conclusions civiles contre B______, à l'instar de l'action pénale, étaient nulles.

D. a. Aux termes de son recours, A______ estime prématuré et injustifié de prétendre que "[s]es chances de succès seraient jugées nulles". La décision attaquée violait les art. 29 Cst. et 6 CEDH. Sa demande d'assistance judiciaire était liée à des litiges civils et pénaux l'opposant à B______, lesquels avaient été marqués par de graves négligences de ses anciens avocats qui avaient causé des préjudices importants à ses droits et à sa santé. Elle ne pourrait exposer ses éléments, sérieux et justifiés, qu'à réception de la motivation écrite du jugement de première instance. Elle avait besoin d'une assistance judiciaire, dans cette procédure complexe, pour garantir son accès à la justice, étant relevé qu'aucun avocat n'avait pu l'assister pour la rédaction de son recours. À la retraite, elle était dans l'incapacité de financer cette procédure.

Elle produit plusieurs pièces afférentes à sa situation financière.

b. Le 8 décembre 2024, elle a produit copie de la décision de taxation 2023, qui lui avait été notifiée le 3 décembre 2024.

c. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15, 19ème tiret, ad art. 393), et émaner de la partie plaignante (art. 104 al. 1 let b CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à se prévaloir d'une violation de l'art. 136 CPP (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite: à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) ; à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

Selon l'art. 136 al. 2 CPP, l'assistance judiciaire comprend: l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (let. c).

Lors de la procédure de recours, l'assistance judiciaire gratuite doit faire l'objet d'une nouvelle demande (al. 3).

3.2.1. Dans la mesure du possible, la partie plaignante doit chiffrer ses conclusions civiles lors de sa déclaration de partie plaignante au sens de l'art. 119 CPP, les motiver par écrit et citer les moyens de preuve à l’appui (art. 123 al. 1 CPP). Bien que le dépôt de la plainte intervienne souvent à un stade où le lésé n'est pas nécessairement en mesure d'établir l'ampleur de son préjudice – raison pour laquelle le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP) – la partie plaignante doit toutefois, dans sa demande d'assistance judiciaire gratuite, à chaque stade de la procédure, exposer notamment en quoi son action civile ne paraît pas dépourvue de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1324/2021 du 20 septembre 2022 consid. 2.2).

3.2.2. La démarche n'est pas dépourvue de toute chance de succès si, compte tenu d'une appréciation anticipée des preuves disponibles et offertes, les chances de gagner et les risques de perdre sont à peu près équivalents ou si les premières ne sont que de peu inférieures aux seconds (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4).

3.2.3. En particulier, selon la jurisprudence, l'assistance judiciaire doit être refusée à la partie plaignante ou à la victime lorsque son argumentation juridique est insoutenable ou que la condamnation du prévenu est manifestement hors de question, de sorte qu'un refus d'entrée en matière ou un classement peut être prononcé sans autre (arrêt du Tribunal fédéral 1B_81/2022 du 20 juin 2022 consid. 3.1 et les références citées).

3.3. En l'espèce, la recourante ne démontre pas au stade du recours que son "extension" de plainte pénale du 7 juin 2021 aurait plus de chances de succès que le sort donné à sa plainte pénale du 15 juin 2020, dans la procédure P/1______/2020, à savoir un acquittement de la personne qu'elle met en cause pour violation du secret professionnel, acquittement confirmé en dernier lieu par arrêt du Tribunal fédéral du 20 mars 2023. Il apparait au contraire que cette seconde démarche en justice de la recourante est injustifiée. Le Ministère public a informé les parties le 6 mai 2024 qu'il entendait rendre une ordonnance de classement dans la présente procédure. À ce jour, et bien qu'invitée expressément à le faire il y a désormais plus de huit mois, la partie plaignante, recourante, n'a présenté aucune réquisition de preuves ni déposé des conclusions civiles chiffrées. La seule mention dans son "extension" de plainte de sa "réserve pour une demande de dédommagement et torts moraux" est de nature à démontrer le peu de consistance de ses prétentions. Elle ne fait pas davantage valoir de quelconque argumentation juridique permettant de remettre en cause l'intention du Ministère public de classer la procédure.

C'est donc à juste titre que le Ministère public lui a refusé l'assistance judiciaire.

4.             En conclusion, le recours se révèle infondé et doit être rejeté.

5.             Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).